Incendie dans la salle des machines
Traversier roulier à passagers Holiday Island
Wood Islands (Île-du-Prince-Édouard)
L'événement
Le traversier Holiday Island effectuait un trajet de 75 minutes au cours duquel il devait traverser le détroit de Northumberland entre Caribou (Nouvelle-Écosse) et Wood Islands (Île-du-Prince-Édouard [Î.-P.-É.]). Le 22 juillet 2022, le navire a quitté Caribou à destination de Wood Islands dans le cadre de son 2e voyage de la journée. Alors que le navire s’approchait de Wood Islands, l’alarme d’incendie a retenti en réponse à un incendie qui était survenu dans la salle des machines. Les moteurs ont été arrêtés immédiatement et les vannes d’alimentation en carburant ont été fermées peu après. Le capitaine a délibérément fait échouer le navire sur un banc de sable situé à l’ouest du chenal, à l’extérieur de l’entrée du terminal de Wood Islands, et les deux ancres ont été jetées. L’équipage a tenté de lutter contre l’incendie sur place, mais en vain. En partie à cause de la fumée et de la chaleur, les évents d’admission d’air sur le pont du rouf supérieur n’ont pas été fermés. Le déclenchement à distance du système d’extinction d’incendie fixe au CO2 n’a pas fonctionné. Lorsque l’équipage s’en est aperçu, le système a été activé manuellement et a fonctionné, mais qu’en partie. L’équipe de lutte contre l’incendie du navire a par la suite entamé le refroidissement du périmètre.
Les préparatifs d’évacuation des passagers et des membres d’équipage non essentiels ont commencé pendant que l’équipe de lutte contre l’incendie était à l’œuvre. Les membres d’équipage ont aidé les passagers à descendre jusqu’aux radeaux de sauvetage à l’aide des dispositifs d’évacuation en mer. Les équipages des navires à proximité ont évacué les passagers et les membres d’équipage non essentiels vers les radeaux de sauvetage et les ont amenés au point de réception situé au quai de Wood Islands. Environ 1,5 heure après le déclenchement de l’alarme d’incendie, tous les passagers et les membres d’équipage qui ne participaient pas à la lutte contre l’incendie avaient quitté le navire.
Alors que les pompiers à terre montaient à bord du navire pour apporter leur aide, le refroidissement du périmètre a été étendu au pont du rouf supérieur et au pont de cheminée, et les pompiers ont commencé à surveiller les températures. À ce moment-là, une importante quantité de fumée s’échappait des évents d’admission d’air et des prises d’air et des évents d’évacuation de la salle des machines.
À l’approche de la marée haute de 18 h 50, la poupe du Holiday Island s’est dégagée. Le Holiday Island gîtait d’environ 2° à 3° sur bâbord, et ce, depuis le début de l’après-midi. À 20 h 17, la gîte avait augmenté à environ 5°, et à 20 h 44, le navire gîtait d’environ 10° sur bâbord.
À 21 h 48, par souci pour leur sécurité, les personnes qui se trouvaient encore à bord (environ 40) ont été évacuées. Le feu a continué à brûler et la fumée provenant des évents et de la cheminée de la salle des machines est restée visible jusqu’au milieu de l’après-midi du 23 juillet. Le matin du 24 juillet, le Holiday Island a été remorqué jusqu’au terminal de Wood Islands, et les véhicules à bord ont été déchargés plus tard ce jour-là. Le navire a par la suite été déclaré perte réputée totale.
Au cours de l’événement, différents nombres de passagers et de membres d’équipage ont été enregistrés. Le capitaine a tout d’abord déclaré 182 passagers et 23 membres d’équipage (un total de 205 personnes). Au total, 236 passagers ont été dénombrés au point d’accueil.
L’enquête a permis de déterminer qu’une série de réparations temporaires avaient été effectuées sur une rampe d’alimentation en carburant qui fuyait au cours d’une période d’environ un mois avant l’événement, à l’aide de matériaux et de méthodes non standards, alors que le navire restait en service. Lorsque la dernière réparation temporaire de la rampe d’alimentation en carburant qui fuyait a échoué, du carburant a été pulvérisé sur les composants chauds du moteur et s’est enflammé.
L’enquête a également révélé ce qui suit :
- Au début de la lutte contre l’incendie, l’eau acheminée par un tuyau d’incendie a probablement eu pour résultat de répandre le carburant brûlant dans la salle des machines et a contribué à la propagation de l’incendie.
- Un composant non lubrifié de l’ensemble du robinet de carburant a empêché celui-ci de se fermer complètement, ce qui a permis au contenu du réservoir de jour de sortir par la rampe d’alimentation en carburant endommagée et d’alimenter l’incendie dans la salle des machines.
- L’équipage pensait avoir activé le système d’extinction d’incendie au CO2, car la résistance ressentie lorsque l’on a tiré sur le câble du mécanisme de libération du dioxyde de carbone (CO2) a donné une idée fausse de succès.
- L’orientation affichée n’était pas explicite. Par conséquent, la libération de CO2 a été retardée, ce qui a permis à l’incendie de se développer. Lorsque le CO2 a été libéré, la salle des machines n’était pas complètement étanche. De l’air a continué à pénétrer dans l’espace par les évents ouverts, ce qui a probablement eu pour effet de déplacer le CO2 libéré et d’ajouter de l’oxygène au feu. Par conséquent, le feu a continué à brûler.
- Le raccord flexible entre le système de refroidissement et la machine principale avant n’était pas protégé contre la chaleur et le feu. Lorsque le raccord flexible a été endommagé par l’incendie, l’eau de mer provenant du système de refroidissement du navire est entrée et a commencé à envahir la salle des machines fermée.
L’enquête a révélé des lacunes de sécurité liées aux politiques et aux procédures d’intervention et de communication en cas d’urgence de la part de l’équipage, de l’exploitant du navire et des premiers intervenants. Plus précisément, l’enquête a également révélé des lacunes de sécurité liées au dénombrement des passagers dans une situation d’urgence. En dernier lieu, l’enquête a mis au jour des lacunes de sécurité liées à la surveillance exercée par le représentant autorisé (RA) ou son délégué, ce qui a incité le Bureau à formuler une recommandation.
Connaissance de la portée du rôle et des responsabilités des représentants autorisés
En vertu de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, le RA, qui est typiquement le propriétaire du navire, est la personne chargée d’agir à l’égard de toute question relative au bâtiment dont aucune autre personne n’est responsable. Le RA doit se tenir au courant de l’évolution des connaissances, des normes et de la réglementation en matière de sécurité. Lorsque des questions sont confiées à un autre rôle, comme celui de capitaine, en vertu de la réglementation, le RA continue d’assurer sa supervision. En plus de veiller à la conformité réglementaire, le RA ou son délégué joue un rôle proactif pour assurer la sécurité. Compte tenu de la portée des responsabilités du RA, la relation entre le capitaine et le RA est cruciale, et la collaboration est essentielle au maintien de l’exploitation sécuritaire d’un navire. Par exemple, cette collaboration nécessite une évaluation continue de la part du capitaine et du RA pour veiller à ce que les procédures soient comprises et suivies, qu’elles représentent fidèlement toutes les opérations et qu’elles soient conformes à la réglementation.
Comme le démontrent la présente enquête et de nombreuses autres, le rôle du RA n’est pas toujours bien compris. Transports Canada s’attend à ce que le RA comprenne la portée de son rôle, c’est-à-dire qu’il prenne des mesures proactives pour connaître la réglementation qui s’applique à son bâtiment et la façon de la respecter. Par conséquent, le Bureau recommande que
le ministère des Transports fournisse aux représentants autorisés des lignes directrices exhaustives décrivant pleinement leur champ de responsabilités. Ces lignes directrices doivent aider les représentants autorisés à comprendre et à respecter la réglementation applicable, et ainsi réduire le risque que les navires et les équipages soient en activité sans profiter des mesures de sécurité minimales prévues par la réglementation.
Recommandation M25-01 du BST
Ressources pour les médias
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Communiqué
Avis aux médias
Informations d'enquête
M22A0258
Incendie dans la salle des machines
Traversier roulier à passagers Holiday Island
Wood Islands (Île-du-Prince-Édouard)
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Catégorie de l’enquête
Cette enquête est une enquête de catégorie 2. Ces enquêtes sont complexes et portent sur plusieurs problèmes de sécurité exigeant une analyse approfondie. Les enquêtes de catégorie 2, qui donnent souvent lieu à des recommandations, se concluent généralement en 600 jours. Pour de plus amples renseignements, consultez la Politique de classification des événements.Processus d'enquête du BST
Une enquête du BST se déroule en 3 étapes :
- L'étape du travail sur le terrain : une équipe d'enquêteurs examine le lieu de l'événement et l'épave, interviewe les témoins et recueille toute l'information pertinente.
- L'étape d'examen et d'analyse : le BST examine toute la documentation liée au dossier, effectue des tests en laboratoire sur des composantes de l'épave, établit la chronologie des événements et identifie toute lacune en matière de sécurité. Lorsque le BST soupçonne ou constate des lacunes en matière de sécurité, il en informe sans tarder les organismes concernés sans attendre la parution du rapport final.
- L'étape de production du rapport : une version confidentielle du rapport est approuvée par le Bureau et envoyée aux personnes et organismes qui sont directement touchés par le rapport. Ceux-ci ont l'occasion de contester ou de corriger l'information qu'ils jugent erronée. Le Bureau tient compte de toutes les observations fournies avant d'approuver la version définitive du rapport, qui est ensuite publiée.
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