Faits établis de l’enquête M22A0258 du BST : Incendie dans la salle des machines du traversier à passagers Holiday Island en juillet 2022

Les enquêtes menées par le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sont complexes, car un accident résulte rarement d’un seul facteur. Dans le cas de l’incendie dans la salle des machines du traversier à passagers Holiday Island en juillet 2022 près de Wood Islands (Île-du-Prince-Édouard), plusieurs facteurs ont mené à l’accident. Les sept faits établis ci-après fournissent des détails quant aux causes et aux facteurs contributifs. De plus, au cours de l’enquête, le BST a aussi établi 14 faits quant aux risques ainsi que quatre autres faits.

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des facteurs qui ont causé l’événement ou qui y ont contribué.

  1. Pendant environ un mois après la découverte de la fuite initiale dans la rampe d’alimentation en carburant, une série de réparations temporaires utilisant des matériaux et des méthodes non standards ont été effectuées pendant que le navire restait en service.
  2. Lorsque la dernière réparation temporaire de la rampe d’alimentation en carburant qui fuyait a cédé, du carburant a été pulvérisé sur les composants chauds du moteur et s’est enflammé.
  3. L’eau d’un tuyau d’incendie a probablement eu pour résultat de répandre le carburant en combustion dans la salle des machines et a contribué à la propagation de l’incendie.
  4. Un composant non lubrifié de l’ensemble du robinet de carburant a empêché celui-ci de se fermer complètement, ce qui a permis au contenu du réservoir de jour de se vider par la rampe d’alimentation en carburant endommagée et d’alimenter l’incendie dans la salle des machines.
  5. La résistance ressentie lorsque l’on a tiré sur le câble du mécanisme de libération du dioxyde de carbone (CO2) a donné l’idée fausse que le CO2 avait été libéré, et il n’y a eu aucune rétroaction directe et sans ambiguïté par le mécanisme de libération à distance qui aurait indiqué le succès de cette action. De plus, les instructions affichées n’étaient pas explicites. Par conséquent, la libération de CO2 a été retardée, ce qui a permis à l’incendie de croître.
  6. L’espace de la salle des machines n’était pas complètement scellé, et de l’air a continué à pénétrer dans l’espace par des évents ouverts, ce qui a probablement eu pour effet de déplacer le CO2 libéré et d’ajouter de l’oxygène au feu. Par conséquent, le feu a continué à brûler.
  7. Le raccord flexible entre le système de refroidissement et la machine principale avant n’était pas protégé contre la chaleur et le feu. Lorsque le raccord flexible a été endommagé par l’incendie, l’eau de mer provenant du système de refroidissement du navire est entrée et a commencé à envahir la salle des machines fermée.

Faits établis quant aux risques

Il s’agit des facteurs dans l’événement qui présentent un risque pour le système de transport. Ces facteurs peuvent, ou non, avoir causé l’événement ou y avoir contribué, mais ils pourraient présenter un risque dans le futur.

  1. Si les risques posés par les réparations temporaires d’un navire ne sont pas évalués objectivement de manière à contrer les pressions opérationnelles, il se peut que la pratique des réparations temporaires se normalise. Par conséquent, les risques pourraient ne pas être cernés ou atténués, ce qui compromet la sécurité du navire et des personnes à bord.
  2. Une fois qu’un navire gîte au-delà de ses scénarios de stabilité de type « pire des cas » documentés, le risque de chavirement soudain devient élevé, ce qui met en danger la vie des personnes à bord.
  3. Si les représentants autorisés ne s’assurent pas que les procédures relatives à l’exploitation et à la sécurité des navires sont évaluées et mises à jour périodiquement en tenant compte de la rétroaction des personnes qui s’en servent, il existe un risque que ces procédures ne favorisent pas une intervention d’urgence efficace.
  4. Si les procédures d’urgence ne contiennent pas de renseignements explicites, propres au navire et immédiatement utilisables, les membres d’équipage risquent de ne pas disposer des renseignements essentiels nécessaires pour fixer les priorités et prendre les décisions de manière efficace pendant une situation d’urgence.
  5. Si le système de gestion de la sécurité d’un navire ne prévoit pas de processus décisionnel pour la période d’intervention d’urgence qui suit un abandon partiel, des décisions peuvent être retardées ou des tâches peuvent être manquées, ce qui accroît le risque pour les personnes à bord et pour la sécurité du navire.
  6. Si les exercices d’urgence à bord ne représentent pas des scénarios réalistes, les membres d’équipage risquent de ne pas être en mesure d’intervenir efficacement en cas d’urgence.
  7. Si le rôle d’appel d’un navire attribue aux membres d’équipage des tâches reliées à plusieurs procédures en situation d’urgence, des problèmes de commandement et de communication, des retards ou d’autres problèmes sont susceptibles de survenir lorsque des urgences se produisent simultanément, ce qui augmente les risques pour les personnes à bord, le navire et l’environnement.
  8. Si on ne tient pas le compte exact des passagers embarquant sur un navire, certains passagers peuvent être omis en cas d’urgence, ce qui accroît les risques pour les passagers, l’équipage et les premiers intervenants.
  9. Si l’équipage ne s’assure pas que le nombre de gilets de sauvetage de la taille appropriée est suffisant pour le nombre d’enfants et d’enfants en bas âge qui montent à bord du navire, il y a un risque que les enfants et les enfants en bas âge n’aient pas de gilets de sauvetage en cas d’urgence.
  10. Si les représentants autorisés ne comprennent pas clairement leur champ de responsabilités en matière de sécurité, les navires peuvent être exploités sans les moyens de défense minimaux qui sont assurés en respectant les exigences réglementaires, ce qui augmente le risque d’incidents et d’accidents.
  11. En l’absence d’une surveillance efficace par un représentant autorisé, une dérive des pratiques peut survenir dans l’exécution des procédures opérationnelles et d’urgence d’un navire, et l’objectif de sécurité de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada pourrait ne pas être atteint.
  12. Si le niveau de préparation et de coordination du Canada en matière d’urgences maritimes, au-delà du régime de recherche et sauvetage, n’est pas amélioré, ces urgences risquent de ne pas être gérées en temps opportun et de manière efficace, ce qui met en danger les navires, les personnes à bord, l’environnement et le public.
  13. Lorsque les premiers intervenants ne disposent pas d’un plan de communication pour les urgences maritimes, des renseignements peuvent manquer et des décisions peuvent être retardées, ce qui augmente les risques pour les personnes à bord, le navire et l’environnement.
  14. Si les procédures d’intervention d’urgence ne demandent pas à l’équipage de faire sans tarder un compte rendu direct à une station de radiocommunications maritime, il y a un risque que l’aide soit retardée.

Autres faits établis

Ces faits établis règlent une controverse, révèlent des circonstances atténuantes ou soulignent un élément notable de l’événement.

  1. La nécessité que les raccords flexibles entre le système de refroidissement à l’eau de mer et le moteur soient protégés contre les incendies n’a pas été cernée au stade de planification du remplacement des moteurs, ni lors de l’inspection réalisée après l’installation et des inspections ultérieures.
  2. Les volets à lames des évents d’admission d’air étaient remplacés par le même type de volet, qui est moins efficace pour sceller les évents que les volets coupe-feu d’une seule pièce.
  3. Les dispositifs d’évacuation en mer installés sur le navire ont contribué à l’évacuation sécuritaire et rapide des passagers.
  4. L’échouage du Holiday Island sur un banc de sable a permis de stabiliser le navire pendant l’évacuation des passagers.