Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M24A0412

Incendie
Navire de pêche Fundy Leader
100 milles marins au sud-ouest du cap de Sable (Nouvelle-Écosse)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu. Les pronoms et les titres de poste masculins peuvent être utilisés pour désigner tous les genres afin de respecter la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (L.C. 1989, ch. 3).

Table des matières

    Description du navire

    Le Fundy Leader (numéro officiel de Transports Canada 828432) est un navire de pêche d’une longueur réglementaire de 32,13 m et d’une jauge brute de 419 (figure 1). Le navire a été construit en 2005 en tant que chalutier, mais a fait l’objet d’une conversion majeure en 2015 pour la pêche aux pétoncles. Le navire appartient à Clearwater Seafoods qui possède et exploite 20 autres navires.

    Figure 1. Le Fundy Leader (Source : Clearwater Seafoods)
    Image

    Le navire est de conception à deux ponts, les quartiers de l’équipage et la timonerie étant situés à l’avant du milieu du navire. L’aire de transformation se trouve à l’arrière sur le pont principal. La zone située sous le pont principal est divisée en 4 compartiments (de l’avant vers l’arrière) : le coqueron avant, la salle des machines, la cale à poisson et le coqueron arrière. La coque est faite d’acier.

    L’espace qui contient les tuyaux d’échappement du moteur principal du navire et les 3 génératrices se trouve directement à l’arrière des emménagementsSur les navires de pêche, il est courant que l’espace contenant les tuyaux d’échappement passe à travers les quartiers de l’équipage ou se situe directement à l’arrière de ceux-ci.. Sur le Fundy Leader, on accède à cet espace par l’entrée de la salle des machines sur le pont principal. Le tuyau d’échappement du moteur principal est situé dans la partie avant de l’espace contenant les tuyaux d’échappement.

    Le tuyau d’échappement du moteur principal est équipé d’un silencieux d’échappement, qui consiste essentiellement à réduire le bruit du moteur principal. Le silencieux est de forme cylindrique et a une circonférence plus grande que celle du reste du tuyau. Il est monté dans une section du tuyau à l’aide de brides. Le tuyau d’échappement et le silencieux sont recouverts d’un isolant incombustible (calorifuge) qui réduit le transfert de chaleur vers la zone environnante et empêche les personnes ou les objets d’entrer en contact avec le tuyau chaudLe paragraphe 13(5) du Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche (C.R.C., ch. 1435) exige que les tuyaux d’échappement et les silencieux soient « efficacement refroidis à l’eau, calorifugés ou installés de façon à ne pas présenter de danger d’incendie ».. Sur le Fundy Leader, le silencieux d’échappement du moteur principal se trouve à moins de 10 cm de la cloison qui sépare l’espace contenant les tuyaux d’échappement des quartiers de l’équipage (figure 2). 

    Figure 2. Vue de l’espace contenant les tuyaux d’échappement montrant l’emplacement du silencieux d’échappement du moteur principal et d’un silencieux d’échappement de génératrice. Il est à noter que cette photo a été prise après que des réparations aient été effectuées à la suite de l’incendie. (Source : BST)
    Image

    Le Fundy Leader possède 12 extincteurs portatifs de différentes tailles et de différents types. La salle des machines est équipée d’un système fixe d’extinction d’incendie au dioxyde de carbone. À bord, se trouvent également une pompe à incendie et des boyaux d’incendie, 2 combinaisons de pompier, 2 appareils respiratoires autonomes et 3 bouteilles d’air de rechange. 

    Déroulement du voyage

    Le 4 décembre 2024, le Fundy Leader, avec le capitaine et 12 membres d’équipage à bord, a quitté Shelburne (Nouvelle-Écosse) pour pêcher le pétoncle. Le 6 décembre, le navire se trouvait à environ 100 milles marins au sud-ouest du cap de Sable (Nouvelle-Écosse) (figure 3).

    Figure 3. Carte montrant le lieu de l’événement (Source : Carte 4003 du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)
    Image

    Vers 21 h 15Les heures sont exprimées en heure normale de l’Atlantique (temps universel coordonné moins 4 heures)., le capitaine se trouvait dans la timonerie en train d’actionner les commandes pour remonter les engins de pêche lorsqu’il a remarqué de la fumée près des bouches d’aération du panneau électrique. Le capitaine a demandé au mécanicien de chercher l’origine de la fumée. Au départ, on a cru que la fumée provenait d’un incendie d’origine électrique; le mécanicien s’est donc rendu dans la salle des machines pour couper l’alimentation électrique de la timonerie et des quartiers de l’équipage. Le mécanicien est passé à côté des tuyaux d’échappement en entrant dans la salle des machines, mais n’a vu aucun signe de fumée ou d’incendie. Une fois arrivé dans la salle des machines, le mécanicien a coupé l’alimentation de la timonerie et des quartiers. Les radios à très haute fréquence (VHF) sont restées alimentées par la batterie de secours.

    Pendant ce temps, l’officier de pont, qui se reposait dans la cabine située juste en avant de l’espace contenant les tuyaux d’échappement, s’est levé parce qu’il sentait une odeur de fumée. Il a vérifié si la fumée provenait de la cuisine, adjacente à la cabine, mais n’y a rien trouvé. Il est ensuite retourné à la cabine et a vu de la fumée s’échapper d’une jointure dans les panneaux muraux de la cabine. L’officier de pont en a informé le mécanicien, qui se trouvait alors dans le couloir. Le mécanicien a saisi une hache d’incendie située à proximité et a fait un trou dans les panneaux muraux de la cabine pour tenter de déterminer si la fumée provenait de l’espace situé derrière la cloison qui séparait l’espace contenant les tuyaux d’échappement des quartiers de l’équipage. Bien que la poignée de la hache d’incendie se soit brisée pendant qu’il l’utilisait, le mécanicien a réussi à faire un trou et à déterminer qu’il y avait des flammes dans l’espace situé entre le panneau mural et la cloison. À ce moment-là, le capitaine avait déclenché l’alarme incendie et les membres de l’équipage se rassemblaient.

    Les 2 membres d’équipage affectés à la formation de l’équipe d’incendie ont enfilé les tenues de pompier et les appareils respiratoires. Ils avaient également préparé la pompe à incendie, les boyaux et les extincteurs portatifs. Vers 21 h 30, l’équipe d’incendie est entrée dans la cabine et a agrandi le trou dans le panneau mural à l’aide d’une autre hache d’incendie. Le manche de cette hache s’est également briséLes haches de pompier du navire avaient des manches en bois. Lors des efforts de lutte contre l’incendie, l’équipage a utilisé 3 haches de pompier et, à chaque fois, les manches en bois se sont brisés. On ne sait pas quand la 3e hache s’est brisée.. De la fumée et des flammes étaient visibles derrière le panneau mural. L’équipe d’incendie a commencé à combattre le feu dans la cloison à l’aide d’extincteurs portatifs et de boyaux à incendie pulvérisant de l’eau.

    À 21 h 40, le capitaine a utilisé une radio VHF pour contacter 2 autres navires de pêche de la compagnie qui se trouvaient dans le secteur, l’Atlantic Preserver et l’Atlantic Protector, afin de les informer de l’incendie à bord et leur demander de se tenir prêts. Vers 21 h 52, un membre de l’équipage de l’Atlantic Preserver a utilisé un téléphone satellite pour aviser le directeur des opérations de la compagnie qu’il y avait un incendie. Vers 23 h, l’équipe d’incendie avait maîtrisé l’incendie.

    À 23 h 04, un membre de l’équipage de l’Atlantic Preserver a signalé l’incident au Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (JRCC) d’Halifax par téléphone satellite. Le JRCC a chargé le navire Sir William Alexander de la Garde côtière canadienne d’intervenir, mais n’a pas lancé d’appel de détresse « Mayday » puisque l’incendie était sous contrôle.

    À 23 h 10, le feu a repris dans la cloison. L’équipe d’incendie a recommencé à lutter contre l’incendie et, vers 23 h 45, celui-ci a été éteint. Les dommages causés par l’incendie ont été localisés à la cloison qui séparait l’espace contenant les tuyaux d’échappement des quartiers de l’équipage. Le 7 décembre, vers 0 h 46, le Fundy Leader est parti pour Shelburne par ses propres moyens, escorté par l’Atlantic Preserver. Vers 6 h 40, le navire de la Garde côtière canadienne Sir William Alexander a pris la relève de l’escorte de l’Atlantic Preserver. Vers 20 h, le Fundy Leader est arrivé à Shelburne.

    Origine de l’incendie

    Les données recueillies après l’événement indiquent que l’incendie à bord du Fundy Leader a pris naissance à cause d’une fissure dans le silencieux d’échappement du moteur principal. La fissure mesurait environ 30 cm de long et se trouvait près du dessus du silencieux, du côté qui faisait face à la cloison séparant l’espace contenant les tuyaux d’échappement de la cabine. Des panneaux muraux à faible taux de propagation de la flammeUne faible taux de propagation de la flamme signifie que la surface limitera la propagation des flammes conformément aux exigences de Transports Canada. Pour plus de détails, voir Transports Canada, C.R.C., ch. 1435, Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche (tel que modifié le 21 février 2023), article 25(19). étaient fixés à la structure en bois du côté de la cloison faisant face à la cabine.

    Dans l’événement à l’étude, des gaz d’échappement chauds s’échappaient du silencieux fissuré et réchauffaient l’acier de la cloison, qui se trouvait à moins de 10 cm. Par conduction, l’acier chauffé a enflammé la structure en bois et a provoqué l’incendie (figure 4).

    Figure 4. Indication sur le plan du navire (à gauche) de l’emplacement où l’incendie a pris naissance et photo de la cabine (à droite) (Source de l’image de gauche : BST, d’après le plan d’ensemble du navire; source l’image de droite : Clearwater Seafoods, avec annotations du BST)
    Image

    Protection structurale contre les incendies

    L’intégration d’une protection structurale contre l’incendie à bord d’un navire est un moyen de réduire la probabilité qu’un incendie se déclare. Il s’agit de concevoir la structure du navire de manière à contenir tout incendie naissant dans une zone aussi réduite que possible. La protection structurale contre l’incendie peut comprendre des éléments tels que la restriction de l’utilisation de matériaux combustibles dans la construction du navire et la séparation des espaces d’habitation du reste du navire en construisant des cloisonnements ayant une résistance mécanique et thermique.

    Le Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche exige que certains espaces à bord des grands navires de pêche aient un faible taux de propagation de la flammeCes caractéristiques consistent en des surfaces exposées dans les coursives, les cloisons entourant les escaliers et les postes de sécurité; les locaux de service et les surfaces des espaces dissimulés ou inaccessibles dans les locaux d’hébergement ou les locaux de service. (Source : Transports Canada, C.R.C., ch. 1435, Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche [tel que modifié le 21 février 2023], articles 16 et 18.). Le règlement ne comporte pas d’exigences concernant les matériaux structuraux utilisés pour les coques, les ponts et les cloisons. La construction en bois est permise pour toutes les parties de la structure d’un grand navire de pêche, à condition que les surfaces exposées respectent les exigences de Transports Canada en matière de faible taux de propagation de la flamme. Il n’y a pas d’exigences relatives à la protection structurale contre les incendies pour les petits navires de pêche, soit les navires de pêche d’une jauge brute d’au plus 150 ou d’une longueur ne dépassant pas 24,4 m.

    Le Fundy Leader était conforme aux exigences du Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche relativement au faible taux de propagation de la flamme.

    Inspection des tuyaux d’échappement

    Le tuyau d’échappement (y compris le silencieux) du moteur principal était recouvert d’un type de revêtement calorifuge qui ne pouvait être enlevé sans endommager ce dernier. Le tuyau était situé à côté d’un tuyau d’échappement d’une génératrice. Les deux tuyaux se trouvaient dans une petite zone adjacente à la cloison, ce qui signifiait qu’il était difficile d’inspecter visuellement toute la circonférence de l’un ou l’autre. L’espace contenant les tuyaux d’échappement sur les navires de pêche offre généralement un accès limité aux tuyaux d’échappement.

    Les grands navires de pêche comme le Fundy Leader sont assujettis au Programme de délégation des inspections obligatoires de Transports Canada et font l’objet d’inspections périodiques par des organismes reconnusLes organismes reconnus sont des sociétés de classification qui ont reçu de Transports Canada le pouvoir de procéder à des inspections et de délivrer des certificats au nom de Transports Canada.. Au moment de l’événement, le Fundy Leader était certifié par l’organisme reconnu Lloyd’s Register, agissant pour le compte de Transports Canada. Les tuyaux d’échappement et les silencieux peuvent être inspectés par des organismes reconnus pour détecter des signes de dommages, de fuites et de dégradation, mais cela se limite généralement à une inspection visuelle sans retirer le revêtement calorifuge. La dernière inspection effectuée par l’organisme reconnu a eu lieu le 15 octobre 2024. Au cours de cette inspection, on a constaté que le revêtement calorifuge des tuyaux d’échappement et des silencieux était intact.

    Il n’a pas été possible de déterminer depuis combien de temps avant l’événement la fissure du silencieux sur le Fundy Leader était présente. Certains signes de fissure dans un silencieux peuvent inclure une décoloration visible du revêtement calorifuge ou une augmentation du bruit, des odeurs d’échappement ou de la chaleur. Les membres de l’équipage du Fundy Leader n’étaient pas au courant de la présence d’une fissure dans le silencieux avant l’événement. Le silencieux était d’origine, datant de la construction du navire.

    Mesures de sécurité prises

    À la suite de l’événement, Clearwater Seafoods a demandé au capitaine du Fundy Leader de vérifier la température des tuyaux d’échappement et de l’espace les contenant à l’aide d’un thermomètre infrarouge pendant chaque voyage.

    Les sections du revêtement calorifuge des tuyaux d’échappement endommagées dans l’incendie ont été remplacées par un type de revêtement calorifuge qui peut être enlevé pour les inspections par l’équipage du navire et les organismes de réglementation.

    Au cours des réparations du navire effectuées après l’événement, la compagnie qui possède et exploite le Fundy Leader a enlevé la structure en bois restante dans les cloisons séparant la cabine et la cuisine de l’espace contenant les tuyaux d’échappement. Une structure métallique a été installée à la place. Les manches des haches d’incendie en bois ont été remplacés par des manches en fibre de verre.

    Messages de sécurité

    Le BST communique régulièrement concernant le fait que le respect des exigences réglementaires ne fait que garantir un niveau minimum de sécurité. Bien que la réglementation permette de construire sur les navires de pêche des structures entourant l’espace contenant les tuyaux d’échappement dans des matériaux combustibles, les constructeurs et les propriétaires de navires doivent se demander si cela est sans danger pour leur navire. Dans la mesure du possible, les matériaux combustibles doivent être éliminés et, s’ils ne peuvent pas l’être, ils doivent être protégés contre les risques d’incendie potentiels.

    Les tuyaux d’échappement et les silencieux sur les navires peuvent constituer un risque d’incendie s’ils présentent des fissures ou d’autres défaillances. Il est important que les propriétaires et les capitaines de navires s’assurent que ces tuyaux et silencieux soient inspectés et entretenus régulièrement, et que les constructeurs de navires conçoivent les espaces contenant les tuyaux d’échappement et les revêtements calorifuges de manière à faciliter l’accès aux tuyaux et aux silencieux en vue de leur inspection et entretien.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 27 août 2025. Le rapport a été officiellement publié le 11 septembre 2025.