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Rapport d'enquête ferroviaire R14W0256

Déraillement en voie principale
Chemin de fer Canadien National
Train de marchandises A40541-05
Point milliaire 74,58, subdivision Margo
Clair (Saskatchewan)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 7 octobre 2014 vers 11 h 35, heure normale du Centre, le train de marchandises A40541-05 du Chemin de fer Canadien National (CN) roulait vers l’ouest sur la subdivision Margo du CN quand 26 de ses wagons ont déraillé, dont 6 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses, au point milliaire 74,58, près de Clair (Saskatchewan). Deux des wagons, qui étaient chargés de distillats de pétrole (UN 1268), ont déversé leur produit, qui a pris feu par la suite. Par mesure de précaution, on a évacué une cinquantaine de résidents dans un rayon de 2 milles et fermé la route provinciale 5. La voie a été détruite sur quelque 650 pieds. Il n’y a eu aucun blessé.

1.0 Renseignements de base

Le 6 octobre 2014, vers 13 hNote de bas de page 1, le train de marchandises A40541-05 du Chemin de fer Canadien National (CN) (le train) a quitté Winnipeg (Manitoba) à destination d'Edmonton (Alberta). Avant son départ, le train avait fait l'objet d'une inspection autorisée des wagons et d'un essai de frein à air no 1. Les 2 interventions ont été effectuées par un inspecteur de wagons autorisé. Le train n'était pas un train cléNote de bas de page 2. En cours de route, le train a ramassé 12 wagons à Grandview (Manitoba). Puis, à Canora (Saskatchewan), il a garé 56 wagons et en a ramassé 39.

Le 7 octobre 2014, le train a quitté Canora vers 6 h 5. Il était composé de 3 locomotives, 40 wagons chargés, 53 wagons vides et 7 wagons-citernes de résidus. Il pesait 6727 tonnes et mesurait 6142 pieds de long. L'équipe de train se composait de 1 mécanicien de locomotive et 1 chef de train. Tous deux étaient qualifiés pour leur poste respectif, répondaient aux normes d'aptitude au travail et de repos, et connaissaient bien la subdivision.

En cours de route, le train a été soumis à un certain nombre d'inspections au défilé à des points de relève des équipes ainsi qu'à des contrôles effectués par l'équipe des trains rencontrés sur son parcoursNote de bas de page 3. De plus, le train a franchi un certain nombre de systèmes de détection en voie, dont un détecteur de défauts de roue au point milliaire 20,4 de la subdivision Rivers et plusieurs détecteurs de boîtes chaudes, dont 1 au point milliaire 21,5 de la subdivision Margo. Aucune anomalie importante n'a été décelée au cours de ces inspections.

1.1 L'accident

Vers 11 h 35, près de Clair (Saskatchewan) (figure 1), alors que le train faisait route vers l'ouest sur la subdivision Margo à 40 mi/h, le manipulateur au cran 6 et les freins desserrés, son équipe a ressenti une secousse provenant du train. Peu après, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale a été déclenché.

Regardant vers l'arrière de son convoi, l'équipe a vu le train dérailler et prendre feu. Au moment de l'événement, l'équipe discutait à la radio avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) à propos d'un autre sujet. L'équipe a pu immédiatement informer le CCF du déraillement. Une fois le train arrêté, l'équipe a dételé les locomotives, s'est éloignée vers l'ouest à une distance sécuritaire des wagons en feu et a lancé le message radio d'urgence nécessaire. Il n'y a eu aucun blessé.

Figure 1. Lieu du déraillement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
Lieu du déraillement

1.2 Conditions météorologiques

Au moment de l'accident, la température était de 7 °C et le ciel était partiellement nuageux; des vents légers soufflaient du nord-ouest. À 4 h, le 8 octobre 2014, le vent avait changé de direction et soufflait du nord-est (tableau 1).

Tableau 1. Données horaires sur les conditions météorologiques du 7 au 8 octobre 2014
Date Heure Température (°C) Direction du vent (degrés) Vitesse du vent (km/h) Visibilité (km) Temps
7 octobre 22 h −1,1 300 7 24,1 Dégagé
  23 h −2,6 310 7 24,1 Dégagé
8 octobre 0 h −2,2 320 10 24,1 Nuageux
  1 h −0,8 360 2 24,1 Nuageux
  2 h −0,9 290 4 24,1 Nuageux
  3 h −0,7 020 7 24,1 Nuageux
  4 h −0,5 030 9 24,1 Nuageux

Pour une intervention d'urgence en présence de marchandises dangereuses (MD) et d'un incendie, la direction du vent est cruciale pour protéger le personnel d'intervention, et l'accès au site doit se faire à partir d'un endroit principalement en amont.

1.3 Examen des lieux

Le train a déraillé sur une voie en alignement droit dans les environs du passage à niveau au point milliaire 74,59. En tout, 26 wagons (du 32e au 57e derrière les locomotives) ont déraillé et se sont immobilisés dans diverses positions. Le matériel déraillé comprenait 6 wagons chargés de MD. Deux wagons-citernes (les 40e et 41e wagons) chargés d'acide chlorhydrique (UN 1789) se sont immobilisés au passage à niveau et juste à l'ouest de celui-ci. Ont aussi déraillé immédiatement à l'est du passage à niveau 2 wagons-citernes (les 42e et 43e wagons) chargés d'une solution d'hydroxyde de sodium (UN 1824) et les wagons-citernes GATX 82043 et PROX 126 (les 51e et 52e wagons), qui contenaient des distillats de pétrole (UN 1268) (photo 1).

Le wagon-citerne GATX 82043 a subi des dommages d'impact à la coque et à la tête du bout A, ce qui a provoqué un déversement de produit. Le produit déversé s'est enflammé et a nourri le feu en nappe qui a suivi le déraillement. Le wagon-citerne PROX 126, qui est resté dans le feu en nappe, a subi 2 ruptures thermiques. La quasi-totalité du contenu de ces 2 wagons s'est consumée dans le feu.

Photo 1. Site du déraillement, vue vers le nord-est (Source : ministère de l'Environnement de la Saskatchewan)
Site du déraillement, vue vers le nord-est

Au cours de l'examen des lieux, on a inspecté les roues des wagons en tête du train qui n'avaient pas déraillé. Les roues du 31e wagon (DOWX 3282), un wagon-citerne de MD chargé d'éthanolamine (UN 2491), présentaient des marques d'impact sur leur table de roulement (photo 2).

Photo 2. Marque d'impact sur la table de roulement de la roue arrière du 31e wagon (DOWX 3282)
Marque d'impact sur la table de roulement de la roue arrière du 31e wagon (DOWX 3282)

Les 2 rails étaient rompus au point milliaire 74,58. Les morceaux du rail sud montraient des marques d'impact à leur extrémité ouest. Un défaut transversalNote de bas de page 4 était présent sur 1 des surfaces de rupture. La surface de rupture correspondante n'a pas été récupérée. De plus, des microfissures de surface du champignonNote de bas de page 5, des écaillesNote de bas de page 6 et un certain nombre d'affaissements localisés de la table de roulement du rail (LSC)Note de bas de page 7 étaient également présents sur le rail sud. L'usure verticale sur le champignon du rail était de ¼ pouce. Quatre morceaux du rail sud ont été récupérés et envoyés au laboratoire du BST à des fins d'examen plus poussé.

1.4 Marchandises dangereuses

Dans l'événement à l'étude, il y avait 6 wagons-citernes déraillés qui étaient chargés de MD :

1.4.1 Distillats de pétrole

Le guide 128 du Guide des mesures d'urgenceNote de bas de page 8 indique les risques potentiels du produit et donne des conseils sur les interventions d'urgence et la sécurité publique. Sous la rubrique Risques potentiels, le guide 128 fournit l'information ci-après sur les liquides inflammables du type qui comprend les distillats de pétrole :

Sous les rubriques Mesures d'urgence et Sécurité publique, le guide 128 indique qu'il faut utiliser de l'eau pulvérisée ou en brouillard, ou de la mousse ordinaire pour lutter contre un incendie, mais jamais de jet d'eau. Puisque le point d'éclair de ces produits est très bas, l'eau pulvérisée peut s'avérer inefficace et de la mousse antivapeur peut être nécessaire pour réduire les émanations. De plus, le guide donne les indications suivantes :

  • Envisager une première évacuation d'une distance de 300 mètres sous le vent.

[…]

  • ÉLIMINER du site toute source d'allumage (ex. : cigarette, fusée routière, étincelles et flammes).
  • Tout équipement utilisé pour manipuler ce produit doit être mis à la terre.
  • Ne pas toucher ou marcher sur le produit déversé.
  • Si sans risque, arrêter la fuite.
  • Empêcher l'infiltration dans les cours d'eau, les égouts, les sous-sols ou les endroits clos.

[…]

  • Absorber ou couvrir avec de la terre sèche, du sable ou tout autre produit non combustible et transférer dans des contenants.
  • Utiliser des outils antiétincelles propres pour récupérer le matériel absorbéNote de bas de page 13.

1.5 Norme 472 de la National Fire Protection Association

Les organismes d'intervention partout en Amérique du Nord appliquent la norme National Fire Protection Association 472 Standard for Competence of Responders to Hazardous Materials/Weapons of Mass Destruction Incidents (NFPA 472). Cette norme stipule le niveau minimal de compétences requis du personnel d'intervention d'urgence lorsqu'il y a présence de matières dangereusesNote de bas de page 14 (HAZMAT) et d'armes de destruction massive (ADM). Ce niveau minimal est nécessaire pour une intervention fondée sur le risque dans un incident de ce type. Cette norme couvre les compétences pour :

Les techniciens, Marchandises dangereuses, et responsables des opérations d'intervention ont des compétences semblables, y compris les capacités suivantes :

  1. Analyser un incident HAZMAT/ADM pour déterminer la complexité du problème et ses conséquences possibles;
  2. Planifier une intervention en fonction des compétences du personnel disponible;
  3. Mettre en œuvre l'intervention prévue conformément aux procédures opérationnelles normalisées et au plan de sécurité et de contrôle des lieux;
  4. Évaluer la progression de l'intervention prévue et modifier le plan, au besoin;
  5. Clore l'incident en participant à une réunion-bilan et à une critique d'incidentNote de bas de page 16.

En outre, les responsables des opérations d'intervention des organismes d'intervention doivent tenir une réunion-bilan d'incident et une critique multiservices, et présenter un rapport d'incident à l'autorité compétenteNote de bas de page 17. L'objet de la critique est d'apprendre ce qui s'est bien déroulé et ce qui s'est mal déroulé, et les points à améliorer pour rendre les interventions plus sûres à l'avenir.

1.6 Gestion des marchandises dangereuses au Chemin de fer Canadien National

Le CN a mis en place un système de gestion et d'intervention de MD sous la direction de son vice-président, Sécurité et développement durable (VPSDD). Relève du VPSDD un vice-président adjoint, Sécurité et intervention d'urgence (VPASIU) qui, entre autres tâches, dirige une équipe d'agents, Marchandises dangereuses (AMD). Il y a 3 agents principaux, Marchandises dangereuses (APMD) responsables de la supervision dans leur région respective – Ouest du Canada, Est du Canada et États-Unis.

Les AMD sont postés à la plupart des grands terminaux sur le territoire du CN, et différents membres du personnel, à chacun des terminaux, sont formés pour venir en aide durant une intervention. Tous les membres de l'équipe sont formés aux compétences requises de la norme NFPA 472 en fonction de leur poste, et reçoivent une formation périodique tous les 3 ans au Security and Emergency Response Training Center (SERTC) du Transportation Technology Center Incorporated de l'Association of American Railroads (AAR) à Pueblo (Colorado).

Au moment de l'accident, le VPASIU comptait 27 ans d'expérience des incendies et marchandises dangereuses, et était intervenu dans plus de 100 événements ferroviaires majeurs comportant un déversement de MD. Le VPASIU s'était joint au SERTC comme instructeur, Marchandises dangereuses en 1991 et a occupé divers postes d'autorité croissante, jusqu'à celui de directeur. En 2006, déjà reconnu comme expert dans le domaine des interventions d'urgence en présence de MD, le VPASIU a été recruté par le CN, qui lui a confié la tâche de mettre sur pied une équipe MD au CN, d'établir le plan d'intervention d'urgence de la compagnie ainsi qu'un cours d'intervention d'urgence pour tout le personnel du CN. Chacune de ces initiatives se fondait sur des pratiques d'intervention d'urgence établies, des instructions de la compagnie, et la norme NFPA 472.

L'APMD, Ouest du Canada avait une formation en chimie, et était devenu instructeur en marchandises dangereuses au SERTC en 2001. Il est entré au service du CN en 2006 comme AMD avant d'être nommé APMD, Ouest du Canada, en 2010. L'APMD était intervenu dans une vingtaine de déraillements majeurs comportant un déversement de MD et était considéré comme un expert des interventions d'urgence en présence de MD.

Le CN fournit à ses AMD

Un appareil de surveillance météorologique peut être utile aux intervenants d'urgence pour déterminer dans quelle direction ils devront s'approcher des lieux d'un accident. Dans l'événement à l'étude, les agents d'intervention du CN n'ont pas utilisé de tel appareil.

1.7 Centre de commandement en cas d'incident

Lorsque des liquides inflammables de classe 3 sont en cause dans une situation d'urgence, les meilleures pratiques du secteur exigent la mise en place d'un centre de commandement formel en cas d'incident (CCI) pour gérer les interventions.

La loi aux États-Unis a été modifiée en mars 1990 pour inclure les CCI, qui sont très souvent utilisés par les militaires, les pompiers, les services de police et les équipes d'intervention d'urgence en cas de déversement de matières dangereusesNote de bas de page 18. Un CCI est un système de gestion des interventions qui permet d'organiser les ressources (équipement, intervenants) afin de répondre à toutes les situations d'urgence, y compris les incidents qui comprennent un incendie et des MD. Au Canada, lorsque l'on établit un CCI pour des incidents mettant en cause un incendie et des MD, le chef des pompiers local ou un responsable des services d'incendie provincial peut être l'autorité compétente et agir à titre de responsable des opérations d'intervention. C'est habituellement le gestionnaire supérieur du chemin de fer sur place qui met en œuvre le CCI de la compagnie et qui gère les activités de remise en état.

Un CCI efficace comprend, notamment

1.7.1 Centre de commandement sur place

Comme plusieurs organismes et compagnies sont intervenus, on a établi une structure de commandement unifié (SCU). Cette SCU comprenait le service d'incendie de Wadena composé de pompiers volontaires, le ministère de l'Environnement de la Saskatchewan (MES), le Bureau du commissaire aux incendies (BCI) de la Saskatchewan, et le CN. Transports Canada (TC) et le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sont également intervenus, mais généralement, ils ne font pas officiellement partie de la SCU.

Le chef des pompiers (CP) de Wadena a été désigné responsable des opérations d'intervention. Bien que le CP et le chef adjoint des pompiers (CAP) aient été des pompiers chevronnés, ils n'étaient pas formés à la norme NFPA 472 et n'avaient aucune expérience de ce type d'intervention. Il s'agissait d'une première expérience d'un déraillement mettant en cause des MD pour le service d'incendie de Wadena, et celui-ci n'avait pas les outils pour répondre à un accident de cette nature. Par conséquent, le MES est de fait devenu le responsable des opérations d'intervention au sein de la SCU et a assumé le rôle d'autorité compétente et la responsabilité de documenter l'intervention.

Le CP a principalement assuré la liaison avec le poste de commandement en cas d'incident (PCI) et a reçu un exposé verbal de l'évolution de la situation. Le service d'incendie de Wadena a fourni le soutien à la lutte contre l'incendie et était sur place à proximité du lieu de l'accident, sous la direction du CAP, prêt à intervenir si nécessaire. Le personnel d'intervention du MES et du BCI est formé pour établir un CCI et intervenir dans les incidents de MD. Dans ce cas-ci, les 2 ont fourni du soutien logistique au PCI. Toutes les parties comptaient sur le savoir-faire opérationnel du CN pour prendre en charge les wagons-citernes, les MD et la remise en état du site.

Au sein de la SCU, le premier vice-président, Région de l'Ouest (PVPRO) du CN représentait le CN à titre de responsable des opérations d'intervention de la compagnie. Le PVPRO a géré toutes les activités du CN dans les environs de l'accident.

Durant toute l'intervention, le CP et le personnel du MES et du BCI sont principalement demeurés au PCI. Aucun personnel n'était affecté pour surveiller les activités opérationnelles du CN sur place ni faire rapport sur celles-ci.

1.8 Déroulement de l'intervention

La chronologie des faits qui suit a été compilée à partir de diverses sources. Certaines heures sont approximatives et basées sur des événements connus.

11 h 35 – Heure du déraillement; les premiers rapports indiquaient qu'il n'y avait aucun blessé, mais que des wagons étaient en feu. À ce moment, on ne connaissait pas le nombre de wagons qui brûlaient ni lesquels.

13 h – Le BST a dépêché des enquêteurs depuis Winnipeg (Manitoba) et Calgary (Alberta).

13 h 15 – TC a dépêché 2 inspecteurs de transport de marchandises dangereuses (TMD) depuis Saskatoon (Saskatchewan).

13 h 45 – Le service d'incendie de Wadena et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont été les premiers arrivés sur les lieux. Ils ont établi une zone d'évacuation d'un rayon de 1 mille; toutes les routes dans les environs étaient surveillées. Le corps de pompiers volontaires de Quill Lake (Saskatchewan), et les services médicaux d'urgence (SMU) de Shamrock (Saskatchewan), ont également répondu à l'appel. Le MES a établi un PCI.

14 h – TC a dépêché 2 inspecteurs TMD depuis Winnipeg.

15 h 10 – Étant donné une saute de vent et la fumée, on a étendu à 2 milles le rayon de la zone d'évacuation. On a évacué une dizaine de maisons dans les environs de l'accident, ainsi que les habitants de Clair (environ 50 personnes).

15 h 30 – Un AMD du CN a fait le point avec le CANUTECNote de bas de page 19 et a indiqué que

16 h 15 – L'incendie sur le lieu de l'accident n'était plus visible depuis le PCI. Les 2 inspecteurs TMD de TC venus de Saskatoon sont arrivés sur les lieux.

16 h 45 – Le MES a pris des photos aériennes des lieux.

Le MES a entrepris la rédaction du compte rendu des séances d'information du SCI et des plans d'action en cas d'incident (PAI). La description des activités dans le compte rendu des séances d'information et le PAI était générale et ne contenait pas de détails sur les mesures prises avant les interventions de remise en état du site.

Des techniciens, Marchandises dangereuses, de l'Association des chemins de fer du Canada et d'Envirotec (entrepreneur du CN) ainsi qu'un AMD du CN ont entrepris une évaluation des lieux.

18 h 30 – L'équipe d'évaluation des lieux a fait le constat suivant :

On a alors décidé qu'une équipe d'évaluation munie d'équipement d'intervention et d'appareils respiratoires isolants autonomes devait retourner sur les lieux pour effectuer une évaluation plus approfondie des dommages aux wagons-citernes.

20 h – L'APMD, Ouest du CN est arrivé sur les lieux et s'est joint à l'équipe d'évaluation. Le BST est arrivé sur les lieux.

21 h – L'APMD du CN a rapporté verbalement à toutes les parties la nouvelle évaluation suivante :

21 h 15 – Le compte rendu mis à jour des séances d'information indiquait que les opérations de démolition et de remise en état du site devaient commencer dès que possible. La priorité était de retirer de la voie les 2 wagons-citernes de distillats de pétrole, les 2 wagons-citernes d'acide chlorhydrique et les 2 wagons-citernes de solution d'hydroxyde de sodium. On a considéré la possibilité d'injecter de l'air dans les 2 wagons-citernes de distillats de pétrole afin d'accélérer la combustion.

21 h 45 – Les 2 inspecteurs TMD de TC venus de Winnipeg sont arrivés sur les lieux et y sont demeurés toute la nuit. Les 2 inspecteurs TMD de TC venus de Saskatoon ont quitté les lieux et sont rentrés à Saskatoon.

22 h – On a établi un PAI révisé alors que le CN commençait les opérations de démolition. D'après ce PAI, la priorité des opérations de démolition du CN consistait à repositionner les wagons-citernes de MD.

La description des activités dans le compte rendu et le PAI mis à jour était générale et ne contenait pas de détails sur les mesures d'un plan tactique à suivre avant les interventions de remise en état du site.

On a commencé par retirer les wagons non dangereux déraillés à l'extrémité ouest du site du déraillement avant de passer aux 2 wagons-citernes de distillats de pétrole (GATX 82043 et PROX 126) en cause dans l'incendie. Le CN planifiait à terme de retirer ces 2 wagons-citernes au sud du lieu de l'accident, puis de brûler en torcheNote de bas de page 20 les wagons pour consumer tout produit résiduel qu'ils pouvaient contenir.

22 h 30 – Le VPSDD et le VPASIU du CN sont arrivés sur les lieux. Le VPASIU a assuré la supervision et l'orientation du plan tactique pour gérer les aspects liés aux MD durant les opérations de démolition.

23 h – Le CN a exposé verbalement son plan au BST. Comme les lieux allaient être inaccessibles pour un examen avant le lendemain matin, les enquêteurs du BST se sont retirés pour la nuit en prévoyant revenir tôt le lendemain matin.

23 h 15 – Le PVPRO du CN a approuvé le compte rendu des séances d'information et le PAI mis à jour au nom du CN.

23 h 30 – Une réunion a ensuite eu lieu au PCI entre le VPSDD et le VPASIU du CN et le MES. Après cette réunion, le personnel du CN s'est rendu sur les lieux pour superviser les opérations de démolition et mettre en œuvre le plan tactique concernant les wagons-citernes de MD.

1.8.1 8 octobre 2016 – Événements liés au brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126

0 h 15 – Un inspecteur TMD de TC a fait le point avec le CANUTEC sur le plan du CN pour remettre en état le lieu du déraillement.

2 h – On a tracté vers le sud le wagon-citerne de MD GATX 82043 et on l'a retiré de la voie.

3 h – On a tracté vers le sud le wagon-citerne de MD PROX 126, qui contenait encore de 20 % à 30 % environ de son chargement; mais alors que le wagon traversait un fossé peu profond en se dirigeant vers le sud, il a roulé d'un quart de tour. Dans cette position, la rupture thermique longue de 65 pouces dans le compartiment du bout B, qui était orientée vers le haut en position de déraillement, s'est retrouvée orientée légèrement vers le bas, et a laisser s’échapper de 2400 à 3200 litres de distillats de pétrole. Le produit a formé une nappe au sol à proximité du wagon-citerne.

Par la suite, l'APMD du CN a fait une autre évaluation des dommages et un autre contrôle de l'air autour de la nappe et en aval de celle-ci. Comme un wagon de marchandises et un wagon porte-automobiles étaient en feu tout juste à l'est du wagon-citerne PROX 126, au sud de l'emprise, on a déterminé que les vapeurs pourraient traîner jusqu'au wagon en flammes et causer plus tard une ignition imprévisible. Étant donné le point d'éclair élevé et les résultats du contrôle de l'air, on a déterminé que la meilleure stratégie consistait à contrôler la situation en allumant la nappe de produit.

On a discuté verbalement du plan avec le CAP et les inspecteurs TMD de TC. Tout le personnel non essentiel a été dirigé en amont et amplement à l'écart du site. Le service d'incendie de Wadena se tenait sur la route, prêt à intervenir avec un boyau d'arrosage chargé, et le CAP a enregistré une vidéo de l'opération de brûlage en torche. Les 2 inspecteurs TMD de TC s'étaient retirés à une distance sûre d'environ 300 à 400 mêtres du site.

4 h – Le vent qui soufflait jusqu'à ce moment principalement du nord-ouest, quoique léger, avait changé de direction pour souffler du nord-est. L'APMD et le VPASIU du CN, qui portaient vêtements ignifuges, casques de protection et des lunettes et des bottes de sécurité, ont allumé une fusée éclairante et se sont approchés de la nappe depuis une position légèrement en aval de celle-ci (figure 2), en ligne avec la nappe et la rupture thermique du wagon-citerne PROX 126.

Figure 2. Direction du vent durant la remise en état du site et le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126
Direction du vent durant la remise en état du site et le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126

La fusée éclairante a été lancée dans la nappe située près de la base du wagon-citerne (photo 3).

Photo 3. Fusée éclairante lancée dans la nappe de produit (Source : chef adjoint des pompiers, Service d'incendie de Wadena)
Fusée éclairante lancée dans la nappe de produit

La nappe de produit a pris feu et a commencé à brûler à la base du wagon-citerne (photo 4); une déflagration imprèvue s'est produite lorsque les vapeurs à l'intérieur du wagon-citerne ébréché ont pris feu, projetant une grosse boule de feu vers l'APMD et le VPASIU du CN (photo 5).

Photo 4. Ignition de la nappe de produit (Source : chef adjoint des pompiers, Service d'incendie de Wadena)
Ignition de la nappe de produit
Photo 5. Déflagration (Source : chef adjoint des pompiers, Service d'incendie de Wadena)
 Déflagration

Ces derniers ont immédiatement battu en retraite alors que la boule de feu explosait au-dessus d'eux avant de s'éteindre rapidement. Le PVPRO et le VPSDD, qui se trouvaient sur les lieux à ce moment, ont immédiatement accouru. Il n'y a pas eu de blessés. Les activités de démolition se sont poursuivies par la suite.

Depuis leur point d'observation et dans la noirceur, les inspecteurs TMD de TC n'ont pas pu voir l'APMD et le VPASIU du CN. Bien que les inspecteurs TMD de TC aient observé la déflagration, ils ignoraient tout du quasi-accident survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126; ils n'ont pas mentionné l'activité de brûlage en torche dans le rapport d'assistance sur les lieux d'un accident de TC.

L'équipe d'enquêteurs du BST est retournée sur les lieux vers 7 h; tous les wagons avaient été écartés de la voie, et l'incendie était éteint. Par la suite, le BST a rencontré le personnel du CN pour faire le point sur les activités. Le CN a informé le BST qu'on avait brûlé en torche un wagon durant la nuit, mais personne n'a mentionné le quasi-accident survenu durant cette activité.

8 h – Un autre inspecteur TMD de TC et un spécialiste des mesures correctrices (SMC) en TMD de TC sont arrivés sur place. Les 2 inspecteurs TMD de TC de Winnipeg ont quitté les lieux pour aller se reposer.

Une réunion de site a eu lieu au PCI à laquelle ont assisté tous les organismes d'assistance. À ce moment, les lieux de l'accident ont été déclarés comme étant stabilisés. On a mis à jour le compte rendu des séances d'information et le PAI pour indiquer que la remise en état de la voie et du site et le transfert des restes de produits allaient commencer et se poursuivre jusqu'à leur achèvement. Le CN n'a jamais informé les organismes d'assistance du quasi-accident survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126. Aucune documentation ni aucun rapport interne préparé par le CN n'indiquait qu'il y avait eu un quasi-accident durant cette activité.

À 19 h 30, le 11 octobre 2014, on a achevé la remise en état du site et les transferts de produits, ce qui a mis un terme à l'incident.

Le CAP avait enregistré une vidéo, mais ce n'est que quelques semaines plus tard que le CP aurait appris qu'il y avait eu un quasi-accident durant l'intervention. Quoique le CP était le responsable des opérations d'intervention pour cet incident, aucun rapport ni compte rendu ultérieur de ce quasi-accident n'a été présenté au MES, à TC ou au BST, que ce soit verbalement ou par écrit.

La vidéo du brûlage en torche du wagon-citerne de MD PROX 126 a été publiée et diffusée au début de décembre 2015. C'est n'est qu'à ce moment que le MES, TC et le BST ont appris qu'il y avait eu un quasi-accident durant l'intervention.

1.9 Documentation de commandement en cas d'incident

Par leur nature même, les interventions après un déraillement mettant en cause des MD sont habituellement dynamiques et fluides, car la situation peut changer en tout temps. Il faut un certain temps pour coordonner l'évacuation, sécuriser les lieux, dépêcher sur place des techniciens, Marchandises dangereuses, effectuer les activités initiales de reconnaissance et mettre en place la structure de commandement en cas d'incident.

Une fois que le CCI a été établi, le MES a entrepris la rédaction du compte rendu des séances d'information et du PAI vers 16 h 45, conformément à la procédure établie d'intervention d'urgence. Ces documents ont été de nouveau mis à jour vers 21 h 15 avant d'être approuvés par toutes les parties. Toutefois, la description des activités dans le compte rendu des séances d'information et le PAI initiaux était générale et ne contenait pas de détails sur les heures d'accès au site, les mesures prises ou le contrôle effectué avant le début des opérations de démolition du CN ni pendant celles-ci à mesure que la situation évoluait. Lorsque les opérations de démolition ont commencé, autour de 22 h, elles se sont poursuivi jusqu'au moment où tous les wagons ont été retirés de la voie, vers 5 h le 8 octobre 2014. Les dossiers du CN ou du MES concernant les opérations sur le site durant cette période ne contiennent aucune trace d'information mise à jour. Le MES n'a pas affecté de personnel à la surveillance des opérations du CN sur le site et n'a demandé aucune mise à jour durant les travaux de démolition du CN. Par conséquent, le MES ignorait tout du déversement accidentel de produit et du quasi-accident qui était survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne.

Pour chaque incident, le CN tient son propre registre détaillé des opérations d'intervention. Ce registre était bien structuré et contenait de l'information et des directives utiles sur la façon de le remplir. Selon les directives, toutes les réunions avec des parties externes doivent être documentées dans ce registre. Il incombait au personnel de gestion du risque du CN de remplir ce registre. Dans ce cas-ci, la documentation était mince : des 108 pages du registre, seules 9 étaient partiellement remplies et comprenaient un schéma du site. Plus précisément, il manquait les renseignements suivants :

À la suite du quasi-accident survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne, un compte rendu d'incident a eu lieu durant une téléconférence de l'équipe MD du CN, environ 3 semaines après le déraillement. Au terme d'une discussion, on a décidé de rédiger une procédure de brûlage dirigé qui mentionne l'importance des brèches dans les wagons-citernes, où une réaction sous pression semblable pourrait survenir, et de veiller, dans la mesure du possible, à introduire la source d'ignition à un angle de 90 degrés par rapport à la brèche. L'équipe MD a produit une première ébauche de la procédure opérationnelle normalisée (PON) 200.16, intitulée Controlled Burn, en septembre 2015. Cette PON a été émise le 7 janvier 2016, soit 15 mois après le quasi-accident.

1.10 Le rythme circadien et les effets de la fatigue

Pratiquement chaque fonction de l'organisme (par ex., la température, la digestion, les niveaux hormonaux) suit un cycle quotidien appelé rythme circadien. Ce cycle suit un horaire d'environ 24 heures, dont le point de plus faible activité survient normalement tôt le matin; un second creux, moins prononcé, survient en début d'après-midi. Les perturbations du rythme circadien peuvent nuire au rendement et au fonctionnement cognitifNote de bas de page 21. Les niveaux de rendement inférieur sont en corrélation avec ces creux. En outre, la fatigue sera également plus prononcée durant le premier quart de nuit, après une transition depuis un quart de jour, puisque la propension au sommeil augmente considérablement la nuitNote de bas de page 22.

La documentation sur les travaux de recherche fait état depuis longtemps des baisses de rendement associées à des périodes de veille prolongées. Une étude visant à quantifier la baisse de rendement causée par la fatigueNote de bas de page 23 a déterminé que le niveau de rendement à diverses tâches diminue graduellement après 17 heures sans sommeil. Une autre étude sur la fatigueNote de bas de page 24 menée en laboratoire a montré qu'une période de 17 heures de veille continue entraîne une baisse des fonctions psychomotrices (coordination oculomanuelle) équivalente à une alcoolémie (TA) de 0,05 %, tandis qu'une période de 24 heures de veille continue entraîne une baisse équivalente à une TA de 0,10 %. On sait que la fatigue causée par des périodes de veille prolongées et par des perturbations du rythme circadien entraîne des baisses semblables au niveau du rendement et des fonctions psychomotrices. Une baisse de la vigilance est un type de déficience de l'attention que l'on associe également avec la fatigue.

1.11 Heures de service des dirigeants du Chemin de fer Canadien National

L'accident s'est produit vers 11 h 35, heure normale du Centre (HNC), le mardi 7 octobre 2014. Le VPASIU et l'APMD avaient tous deux eu congé le weekend avant l'accident, et le lundi en question était un jour de travail normal.

Le VPASIU, qui est en poste à Chicago (Illinois), travaille en moyenne 50 heures par semaine et se lève habituellement vers 6 h 30, heure avancée du Centre (HAC) et se couche vers 22 h 30 HAC. Le jour de l'accident, le VPASIU s'est levé à l'heure habituelle. Après l'accident, le VPASIU a travaillé sans relâche toute la nuit, jusqu'à tard le lendemain matin, après le brûlage en torche du wagon-citerne, vers 4 h HNC, le mercredi 8 octobre 2014.

L'APMD, qui était en poste à Vancouver (Colombie-Britannique), se lève habituellement vers 5 h, heure avancée du Pacifique (HAP) et se couche vers 22 h HAP. Le jour de l'accident, l'APMD s'est levé à l'heure habituelle. Après l'accident, l'APMD a travaillé sans relâche toute la nuit, jusqu'après le brûlage en torche du wagon-citerne.

1.12 Surveillance réglementaire

TC promeut des systèmes de transport sûrs et sécuritaires dans les modes de transport aéronautique, maritime, ferroviaire et routier, ainsi que le transport sûr de MD. À cette fin, TC élabore des règlements et normes de sécurité et, dans le cas des chemins de fer, il facilite l'élaboration de règles par le secteur ferroviaire. Une fois qu'il a approuvé ces règles, le ministère doit ensuite les faire respecter.

La Loi sur la sécurité ferroviaire régit la sécurité ferroviaire. La Loi vise la réalisation des objectifs suivants :

  1. pourvoir à la sécurité et à la sûreté du public et du personnel dans le cadre de l'exploitation ferroviaire et à la protection des biens et de l'environnement, et en faire la promotion;
  2. encourager la collaboration et la participation des parties intéressées à l'amélioration de la sécurité et de la sûreté ferroviaires;
  3. reconnaître la responsabilité qui incombe aux compagnies d'établir, par leurs systèmes de gestion de la sécurité et autres moyens à leur disposition, qu'elles gèrent continuellement les risques en matière de sécurité; et
  4. favoriser la mise en place d'outils de réglementation modernes, flexibles et efficaces dans le but d'assurer l'amélioration continue de la sécurité et de la sûreté ferroviaires.

TC met à l'essai les technologies de sécurité et en fait la promotion; il a élaboré un règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, qui exige des chemins de fer qu'ils gèrent leurs risques de sécurité.

1.13 Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire

Les anciennes méthodes de gestion de la sécurité se fondaient principalement sur la conformité à la réglementation, sur de la prise mesures après les accidents et incidents, et sur une philosophie de « blâmer et châtier ou recycler » le coupable.

Un système de gestion de la sécurité (SGS) est « un processus systématique, explicite et global de gestion des risques pour la sécuritéNote de bas de page 25 ». C'est un moyen de veiller à ce qu'un chemin de fer ait en place les processus nécessaires pour cerner les dangers dans ses activités et en atténuer les risques. La conception d'un SGS se fonde sur des concepts de sécurité évolutifs qui comportent, estime-t-on, un grand potentiel pour gérer plus efficacement le risque. On a progressivement mis en œuvre les SGS dans l'industrie canadienne des transports parce que cette approche à la surveillance réglementaire, qui veut que les organisations aient en place les processus pour gérer systématiquement les risques, de pair avec les inspections et les mesures d'application, réduit plus efficacement les taux d'accidents.

Selon l'article 2 du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (2001) (Règlement sur le SGS) de TCNote de bas de page 26, qui était en vigueur au moment de l'accidentNote de bas de page 27 :

2. Toute compagnie de chemin de fer doit mettre en œuvre et conserver un système de gestion de la sécurité qui comporte au moins les composantes suivantes :

  1. la politique de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité ainsi que ses objectifs annuels de rendement en matière de sécurité et les initiatives connexes liées à la sécurité pour les atteindre, approuvés par un dirigeant supérieur de la compagnie et communiqués aux employés;
  2. les responsabilités, pouvoirs et obligations de rendre compte en matière de sécurité, exprimés clairement, à tous les paliers de la compagnie de chemin de fer;
  3. un système visant la participation des employés et de leurs représentants dans l'élaboration et la mise en œuvre du système de gestion de la sécurité de la compagnie de chemin de fer;
  4. des mécanismes visant à déterminer :
    1. d'une part, les règlements, règles, normes et ordres applicables en matière de sécurité ferroviaire et les procédures pour en démontrer le respect,
    2. d'autre part, les exemptions qui sont applicables et les procédures pour démontrer le respect, le cas échéant, des conditions fixées dans l'avis d'exemption;
  5. un processus qui a pour objet :
    1. d'une part, de déterminer les problèmes et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d'importance apportées aux opérations ferroviaires,
    2. d'autre part, d'évaluer et de classer les risques au moyen d'une évaluation du risque;
  6. des stratégies de contrôle du risque;
  7. des mécanismes visant la déclaration des accidents et incidents, les analyses et les enquêtes s'y rapportant, et les mesures correctives;
  8. des méthodes pour faire en sorte que les employés et toute autre personne à qui la compagnie de chemin de fer donne accès aux biens de celle-ci disposent des compétences et de la formation appropriées et d'une supervision suffisante afin qu'ils puissent respecter toutes les exigences de sécurité;
  9. des procédures visant la collecte et l'analyse de données aux fins d'évaluation du rendement de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité;
  10. des procédures visant les vérifications internes périodiques de la sécurité, les examens effectués par la gestion, la surveillance et les évaluations du système de gestion de la sécurité;
  11. des mécanismes de surveillance des mesures correctives approuvées par la gestion découlant des systèmes et processus exigés en application des alinéas d) à j); et
  12. de la documentation de synthèse qui décrit les systèmes pour chacune des composantes du système de gestion de la sécurité.

En outre, le Règlement sur le SGS exige de toute compagnie de chemin de fer qu'elle

1.14 Système de gestion de la sécurité du Chemin de fer Canadien National

Le CN a élaboré et mis en œuvre un SGS détaillé, conformément au Règlement sur le SGS. Chaque année depuis 2008, le CN a amélioré son SGS et l'a intégré dans la plupart des facettes de ses activités. Il décrit les initiatives de la compagnie qui ont trait à l'article 2 du Règlement sur le SGS, et il a évolué au point où TC l'a inclus dans son guide sur les pratiques exemplaires en matière de SGS.

Relativement à l'alinéa 2g) du Règlement sur le SGS, le CN a mis en œuvre des systèmes pour signaler les accidents et incidents, enquêter sur ceux-ci, les analyser et mettre en place des mesures correctives. Plus précisément, selon les exigences du CN :

Dans les cas où des facteurs humains pourraient avoir été en cause dans un accident, le CN exige une enquête plus approfondie avant de formuler des mesures correctives; en outre, on considère les questions suivantes :

1.15 Culture de sécurité

Tous les membres d'une organisation, ainsi que les décisions prises à tous les niveaux, ont une incidence sur la sécurité. Voici une définition reconnue de la « culture de sécurité » d'une organisation [traduction] :

des valeurs (ce qui est important) et des convictions (la façon dont les choses fonctionnent) partagées qui interagissent avec les structures et systèmes de contrôle d'une organisation pour donner lieu à des normes comportementales (notre façon de faire)Note de bas de page 30.

D'après le Guide de mise en place et de l'amélioration des systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire de TC :

Dans une compagnie ferroviaire, une telle culture peut réduire le nombre de morts et de blessés parmi les employés et le public, les dommages causés aux biens matériels par les accidents ferroviaires, ainsi que l'impact d'accidents sur l'environnement.

[…] En termes simples, la culture de sécurité d'une organisation se manifeste par la façon dont les gens font leur travail – leurs décisions, leurs actions et leurs comportements définissent cette culture.

La culture de sécurité d'une organisation est le produit des valeurs, des attitudes, des perceptions, des compétences et des modes de comportement individuels et collectifs qui déterminent l'engagement envers le système de gestion de la santé et de la sécurité de l'organisation, ainsi que le style et la compétence de l'organisation en cette matière.

Les organisations qui ont adopté une culture de sécurité positive se caractérisent par des communications des divers intervenants fondées sur une confiance mutuelle, des perceptions partagées de l'importance de la sécurité et une confiance dans l'efficacité des mesures de préventionNote de bas de page 31.

Les convictions, attitudes et comportements des dirigeants d'une compagnie reflètent en partie la relation entre la culture de sécurité et la gestion de la sécurité.

Une culture de sécurité efficace comprend des mesures préventives pour cerner et gérer les risques d'exploitation. Elle se caractérise par une culture informée, c'est-à-dire que les personnes comprennent les dangers et les risques dans leurs activités et s'efforcent continuellement d'identifier et de neutraliser les menaces à la sécurité. C'est une culture juste, selon laquelle le personnel connaît ce qui est acceptable et inacceptable et s'accorde sur ces notions. C'est une culture de signalisation, conformément à laquelle on signale et analyse les préoccupations liées à la sécurité et où l'on prend des mesures appropriées. Enfin, c'est une culture d'apprentissage, de laquelle les leçons apprises renforcent la sécuritéNote de bas de page 32.

Les politiques d'une compagnie déterminent comment celle-ci atteindra ses objectifs de sécurité comme suit : en définissant clairement les responsabilités; en développant des processus, des structures et des objectifs pour incorporer la sécurité dans toutes les facettes de ses activités; et en perfectionnant les compétences et les connaissances de son personnel. Les procédures sont des directives pour les employés et elles communiquent les instructions de la direction. Les pratiques sont ce qui se passe en réalité au travail; elles peuvent être différentes des procédures et, dans certains cas, peuvent accroître les menaces à la sécurité.

1.16 Culture de sécurité au Chemin de fer Canadien National

Parallèlement à la mise en œuvre de son SGS, le CN a reconnu l'importance de bâtir une culture de sécurité efficace, élément que la compagnie considère comme étant essentiel au SGS. Pour renforcer sa culture de sécurité, le CN a investi dans la formation, l'encadrement, la reconnaissance des employés et l'engagement.

En 2014, le CN a inauguré 2 nouveaux centres de formation, l'un à Winnipeg (Manitoba) et l'autre à Homewood (Illinois), aux États-Unis. Chacun de ces centres offre des cours pour cheminots néophytes et chevronnés, allant des chefs de train aux mécaniciens de wagons, des inspecteurs de voie aux agents d'entretien des signaux. Les employés reçoivent une formation pratique dans des laboratoires intérieurs modernes qui comprennent de l'équipement de pointe. Le CN estime que près de 3000 employés par année suivront une formation à ses nouveaux centres.

En octobre 2014, le CN a coanimé un colloque sur la culture de sécurité à Halifax (Nouvelle-Écosse) au cours duquel les participants ont parlé de la nouvelle discipline qu'est la culture de sécurité. Le CN anime également des sommets sur la sécurité partout sur ses territoires pour promouvoir la communication bidirectionnelle et les meilleures pratiques de sécurité.

Entre autres initiatives, en 2014, le CN a préparé et mis en œuvre son programme Veiller les uns sur les autres, qui fait désormais partie intégrante de sa culture de sécurité. Cette stratégie d'engagement entre pairs a été conçue pour

Le CN a mis en place un service d'appel direct indépendant géré par l'Université St. Mary's, appelé PREVENT, pour signaler les quasi-accidents. La compagnie encourage les employés à signaler les quasi-accidents. L'université présente les données de manière à assurer la confidentialité des signalements. La direction a ensuite accès aux données pour qu'elle prenne des mesures correctives, s'il y a lieu. Ce programme en est aux étapes liminaires, et tous les employés, de la direction à la main-d'œuvre, peuvent l'utiliser.

Le CN s'est également doté de politiques et de procédures qui décrivent comment la compagnie entend atteindre ses objectifs de sécurité. Ces procédures comprennent les procédures opérationnelles normalisées (PON) pour les intervenants d'urgence, les AMD et les APMD du CN. Bon nombre de ces PON sont fondées sur l'expérience et décrivent les risques à considérer durant les interventions lors d'accidents ou d'incidents mettant en cause des MD. Cependant, en pratique et selon les circonstances individuelles, les actions des employés au travail peuvent différer des procédures.

1.17 Renseignements sur la subdivision et la voie

La subdivision Margo est une ligne principale à voie simple qui s'étend vers l'ouest à partir de Canora (point milliaire 0,0) jusqu'à Humboldt (Saskatchewan) (point milliaire 122,4). Cette subdivision fait partie de la ligne du nord des Prairies (LNP) du CN, qui est une ligne principale secondaire entre Portage la Prairie (Manitoba) et Edmonton (Alberta). Les mouvements de train dans cette subdivision sont régis par le système de régulation de l'occupation de la voie autorisé par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et supervisés par un CCF en poste à Edmonton. La vitesse autorisée pour les trains de marchandises dans les environs du déraillement était de 40 mi/h. La voie appartient à la catégorie 3, selon le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) approuvé par TC.

Dans toute la subdivision, la voie était formée d'un mélange de rails éclissés et de longs rails soudés (LRS) de 100 et 115 livres. Dans les environs du déraillement, la voie est en alignement droit et en palier. À cet endroit, elle était constituée de LRS de 100 livres, avec un certain nombre de coupons de rail éclissés posés au fil des ans pour réparer des défauts de rail. Le rail avait été fabriqué en 1959 par Dominion Steel. Il était posé sur des selles à double épaulement de 14 pouces fixées à des traverses en bois no 1 dans un état passable, à raison de 2 crampons par selle, et encadré d'anticheminants toutes les 2 traverses. Les cases étaient garnies de ballast de pierre concassée de 2 pouces et les banquettes mesuraient environ 12 pouces. Le drainage était bon et il n'y avait ni flaches, ni points boueux, ni ballast perturbé dans les environs du déraillement.

Au cours des 5 années précédentes, le trafic ferroviaire, en millions de tonnes-milles brutes par mille (MTMB/M), avait considérablement augmenté (d'environ 480 %) : il était passé de 2,26 MTMB/M en 2010 à 10,85 MTMB/M en 2014, avec une progression importante en 2013 et 2014 (figure 3). Le CN exploitait en moyenne 1 train par jour en 2010, ce qui a augmenté à 3 trains par jour en 2013 et 2014. L'augmentation des volumes de trafic était liée directement à celle des transports de vrac (céréales) et de liquides inflammables sur la LNP. Plusieurs nouveaux terminaux de chargement de pétrole brut dans des wagons avaient été construits entre Saskatoon (Saskatchewan) et Edmonton (Alberta) de 2010 à 2014.

Figure 3. Trafic ferroviaire sur la subdivision Margo en millions de tonnes-milles brutes par mille, 2010–2014
Trafic ferroviaire sur la subdivision Margo en millions de tonnes-milles brutes par mille, 2010–2014

Le CN avait en place des processus détaillés pour l'entretien de l'infrastructure de la voie, et tenait compte des volumes de trafic ferroviaire et d'analyses détaillées des défauts de voie pour déterminer la nécessité de procéder à des améliorations par l'entremise d'un programme d'immobilisations. La méthode d'évaluation des risques liés aux itinéraires du CN prenait en compte les volumes de trafic, la catégorie de voie et la fréquence des contrôles de l'état géométrique de la voie et des auscultations de défauts de rail. Quand des tendances se faisaient jour, le CN pouvait adapter la fréquence des inspections aux besoins.

1.18 Volumes de trafic et évaluations des risques par corridor du Chemin de fer Canadien National

Le CN revoit tous les ans les volumes de trafic ferroviaire pour déterminer les changements à apporter au statut des itinéraires clésNote de bas de page 34. En octobre 2013, le CN a désigné pour la première fois la subdivision Margo comme un itinéraire clé sur une partie de la LNP. La subdivision Margo était incluse dans l'évaluation des risques par corridor effectuée cette année-là pour la LNP. L'évaluation des risques a permis de faire les constatations suivantes, entre autres :

Comme la subdivision Margo faisait partie d'un itinéraire clé, le CN avait mis en œuvre les stratégies suivantes d'atténuation des risques :

Le 28 novembre 2014, après l'accident, on a procédé à une évaluation de suivi des risques par corridor. Sur la base de cette évaluation, il a été jugé que les stratégies d'atténuation existantes étaient adéquates. Cependant, on a aussi constaté que l'inspection de la voie et des ouvrages devait être améliorée pour tenir compte de toute augmentation subséquente du trafic et du tonnage sur le corridor de la LNP.

1.19 Inspection et entretien de la voie

Le 6 octobre 2014, la veille de l'accident, un inspecteur de la voie autorisé avait inspecté la voie en véhicule rail-route. Aucun défaut de voie n'a été relevé dans les environs du déraillement. Aucun travail d'entretien de la voie n'avait eu lieu récemment dans ce secteur.

En 2014, avant le déraillement, le CN avait effectué 4 contrôles de l'état géométrique de la voie sur la subdivision Margo à l'aide d'une voiture d'évaluation de la voie. Le plus récent de ces contrôles avait été effectué le 16 septembre 2014. Aucune anomalie n'avait été constatée entre les points milliaires 32,03 et 93,39.

1.20 Inspection de détection des défauts de rail

Le RSV exige que tous les rails des voies de catégorie 3 soient auscultés aux ultrasons au moins 1 fois par année pour détecter les défauts internesNote de bas de page 35. Dans le secteur du déraillement de la subdivision Margo, il y avait eu 7 auscultations des rails par ultrasons entre le 6 décembre 2013 et le 12 septembre 2014. Le tableau 2 présente une liste des défauts de rail les plus récents détectés dans les environs du déraillement.

Tableau 2. Défauts de rail les plus récents détectés dans les environs du déraillement
Date de l'auscultation Défaut Point milliaire
18 juillet 2014 LSC – rail sud 74,58
18 juillet 2014 Fissuration verticale du champignon – rail sud 74,71
18 juillet 2014 LSC – rail sud 75,69
12 septembre 2014 Fissure de trou d'éclissage – rail nord 75,68

L'auscultation par ultrasons est le principal moyen utilisé pour détecter les défauts internes de rail et pour gérer de façon proactive les risques de rupture de rail. Des améliorations ont été apportées récemment à la technologie d'auscultation des rails, y compris l'ajout de sondes à différents angles et de meilleurs logiciels de reconnaissance des défauts. L'auscultation par ultrasons peut constituer une méthode fiable et économique pour la détection des défauts de rail. Cependant, la détectabilité des défauts dépend de la taille et de l'orientation de la partie transversale du défaut, et les résultats de l'auscultation peuvent être influencés par la contamination à la surface des rails et par d'autres facteurs comme les microfissures de surface du champignon et l'écaillage. De telles conditions peuvent empêcher la transmission des signaux ultrasoniques dans le champignon du rail, entravant ainsi la détection des défauts internes.

Le CN fait appel à Sperry Rail Service (SRS) pour l'auscultation des défauts de rail sur ses voiesNote de bas de page 36. Les véhicules que SRS utilise à cette fin sont équipés d'une plateforme d'auscultation sur châssis qui contient, pour chaque rail, un dispositif électromagnétique (à induction) et 3 roues remplies de liquide montées sur des unités de recherche à rouleaux. Chaque unité de recherche à rouleaux loge un certain nombre de transducteurs servant à détecter les défauts verticaux et transversaux à l'intérieur du rail. Un liquide de couplage facilite la transmission de l'énergie ultrasonique entre les transducteurs et le rail.

Le manuel de l'American Railway Engineering and Maintenance-of-Way Association (AREMA) indique, au chapitre 4, paragraphe 4.3, la ligne directrice sur la performance minimale recommandée pour l'auscultation des rails par ultrasons. Pour les voies de catégorie 1Note de bas de page 37, la ligne directrice de l'AREMA prescrit pour toutes les auscultations de défauts de rail un taux de fiabilitéNote de bas de page 38 de 98 % en ce qui concerne les fissures de fatigue provenant de l'écaillage ou de microfissures de surface du champignon et s'étendant sur 81 à 100 % de la section transversale du champignon du rail. Cette ligne directrice est généralement utilisée comme la norme de performance minimale acceptable dans l'entente conclue entre l'opérateur de la voiture d'auscultation des rails et la compagnie ferroviaire. Cependant, les spécifications du CN sur ce type d'inspection étaient plus rigoureuses que la ligne directrice de l'AREMA : elles exigeaient une détection plus fréquente de certains défauts.

Entre 2011 et 2014, les défauts de rail reconnus dans la subdivision Margo consistaient principalement en abouts de rail écrasés, fissures de trou d'éclissage, champignons écrasés et LSC. On a relevé des défauts liés à la fatigue des rails, principalement des soudures défectueuses, des fissures de fatigue, des fissures au raccord âme-champignon et des fissures verticales de l'âme (annexe A). La majorité de ces défauts ont été détectés dans des rails de 100 livres.

1.21 Affaissement localisé de la table de roulement du rail

Les LSC (aussi appelés dénivellations locales de la table de roulement) se caractérisent par un fluage du métal, un aplatissement et une déformation du champignon du rail au-dessus du plan du congé âme-champignon. Les LSC sont généralement causés par une interaction mécanique provenant de charges de roue répétitives. Les chocs produits par les roues augmentent avec l'aggravation d'un LSC et l'accroissement de l'usure verticale du champignon. Cette situation peut entraîner d'importantes contraintes de contact et mener à l'apparition d'autres défauts de rail.

Le RSV ne contient aucune indication ni aucun critère sur les limites critiques pour les LSC. Au Canada, les LSC sont classés dans la catégorie des conditions de la surface du rail plutôt que comme des défauts de rail. Bien que les LSC ne soient pas considérés comme des défaillances, ils peuvent être considérés comme un indicateur d'éventuels défauts émergents dans le rail.

Le sous-alinéa 1.7 10a des Normes de la voie – Ingénierie du CN, Inspection / Mesures correctives, exige que les LSC d'une profondeur inférieure à 5 mm sur un rail usé à moins de 75 % de l'usure verticale limite, soient surveillés, puis réparés une fois la limite critique atteinte (figure 4). La profondeur d'une LSC se mesure au moyen d'une règle et d'une jauge d'épaisseur de 10 mm de largeur, comme l'indiquent les Normes de la voie à l'alinéa 1.7 11 (figure 5).

Figure 4. Normes de la voie – Ingénierie du Chemin de fer Canadien National, sous-alinéa 1.7 10a
>Normes de la voie – Ingénierie
Figure 5. Normes de la voie – Ingénierie du Chemin de fer Canadien National, alinéa 1.7 11
Normes de la voie – Ingénierie

Dans l'événement à l'étude, il faut noter qu'un LSC a été constaté sur le rail sud au point milliaire 74,58 le 18 juillet 2014. Le LSC a été marqué comme « Defect 415 » par l'opérateur de la voiture SRS 933. Ce LSC mesurait 3,5 mm de profondeur, et le rail de 100 livres était usé à moins de 75 % de l'usure verticale limite. Aucun défaut interne n'a été constaté sur la bande d'auscultation ni au cours de l'auscultation par ultrasons effectuée à la main par l'opérateur lors du marquage du LSC. Quand SRS marque un LSC comme défaut, il n'est en général pas nécessaire d'exécuter une auscultation manuelle à ces endroits au cours d'une auscultation subséquente par SRS. Cependant, une fois qu'un LSC a été constaté, les inspecteurs du CN doivent le surveiller.

L'opérateur de la voiture SRS 454 a constaté le même LSC (Defect 415) lors de l'auscultation effectuée le 12 septembre 2014. Comme il s'agissait d'un défaut déjà signalé, il n'exigeait pas de nouvelle vérification manuelle. Les 2 voitures d'auscultation des rails (c.-à-d., SRS 933 et SRS 454) étaient équipées de systèmes de caméra vidéo qui montraient les irrégularités à la surface de roulement du rail. Au cours des auscultations récentes, les images provenant des 2 voitures ont fourni de multiples indications d'anomalies à la surface intérieure du rail, mais, en raison de l'état de la surface, aucune mesure n'a été prise.

1.22 Défauts de fissuration transversale du rail

Un défaut de fissuration transversale (DFT), qui peut être causé par la fatigue, est une fissure perpendiculaire à la surface de roulement du rail. Un DFT est une rupture progressive du rail qui s'amorce généralement au congé de roulement intérieur et se propage transversalement dans tout le champignon. De tels défauts sont communément appelés « fissures de fatigue ». Comme la rupture n'est pas souvent à découvert, il est parfois difficile de la reconnaître. Bien qu'une auscultation par ultrasons puisse repérer un DFT avant la rupture du rail, la technologie a ses limites. Par conséquent, un DFT peut évoluer jusqu'à la rupture du rail avant que le défaut devienne visible.

Les ruptures par DFT présentent en général des anneaux ou des stries de croissance qui indiquent l'évolution progressive de la fissure de fatigue avec chaque cycle de fatigue. L'augmentation de la taille de la fissure de fatigue réduit la surface du champignon disponible pour supporter la charge des roues. Une fois que le défaut a atteint une limite critique, le reste de la surface du champignon n'est plus capable de supporter la charge; il se produit alors une rupture soudaine et complète du rail. La taille d'une fissure de fatigue est habituellement exprimée en pourcentage de la surface transversale du champignon du rail.

Les DFT se forment généralement dans les rails qui ont atteint ou presque leur limite de fatigue. La durée de vie en fatigue des railsNote de bas de page 39 dépend de divers facteurs, dont le tonnage accumulé, l'emplacement (courbe ou voie en alignement droit), la propreté de l'acier, l'état des supports, la nuance de l'acier et les contraintes résiduellesNote de bas de page 40 dans le rail. La durée de vie d'un rail en fatigue est difficile à prévoir. Cependant, grâce au nombre accru d'auscultations, d'inspections et de programmes de remplacement de rails, les rails fatigués sont normalement reconnus et enlevés avant la fin de leur durée de vie en fatigue.

Le CN gère le problème de la fatigue des rails en misant sur la fréquence des auscultations de rails et en surveillant le nombre et le type de défauts détectés. Ensuite, il met en œuvre des programmes de remplacement visant les rails qui sont près de la fin de leur durée de vie en usure et en fatigue, selon le type et la fréquence des défauts.

1.23 Meulage des rails

Le meulage du champignon des rails est une méthode d'entretien qui permet de contrôler les dommages à la surface du rail, comme l'usure ondulatoire, l'écaillage, les microfissures de surface du champignon et l'exfoliationNote de bas de page 41. Le meulage des rails sert également à régler la géométrie de contact roue-rail en assurant au champignon le profil approprié. Ce faisant, la position de contact roue-rail peut être déplacée sur le champignon à un endroit qui réduit au minimum les contraintes de contact. En réglant la géométrie de contact, on peut prévenir l'apparition d'écailles profondes comme les fissures de fatigueNote de bas de page 42 au congé de roulement supérieur. Le meulage des rails peut ralentir l'apparition et la croissance de petites écailles profondes.

Le CN considère le meulage des rails comme le principal moyen de défense contre l'apparition et la propagation de défauts internes et le juge essentiel au maintien de la surface des rails en bon état pour optimiser la détection des défauts. Au CN, la Circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) nº 3709 précise que les profils de meulage et la fréquence des meulages doivent être établis par l'ingénieur en chef.

Les programmes de meulage des rails peuvent être d'ordre correctif ou préventif. Les programmes correctifs visent la remise à neuf de la surface endommagée des rails. Les programmes préventifs sont de nature proactive et sont exécutés à une fréquence telle que la surface des rails ne se dégrade pas au point d'exiger la mise en œuvre d'un programme correctif. En général, le CN réalise des programmes de meulage sur ses lignes principales à des intervalles d'environ 20 millions de tonnes-milles brutes par mille (MTMB/M). La subdivision Margo a fait l'objet d'un meulage des rails en 2010 et à nouveau en 2012, après le passage d'environ 7 MTMB/M. Ce dernier meulage avait été prévu pour 2015, mais le tonnage a augmenté considérablement à partir de 2013 (figure 3).

1.24 Analyse en laboratoire du rail brisé

Le laboratoire du BST a examiné 4 morceaux récupérés du rail sud brisé. Voici ses constatations :

  1. Les morceaux provenaient d'un rail ordinaire en acier au carbone de 100 livres fabriqué en 1959 par Dominion; l'usure du champignon était de ¼ pouce et l'usure latérale, de 1⁄16 pouce. L'usure était inférieure à la limite d'usure verticale (c.-à-d., 5⁄8 pouce) prescrite par le CN pour les LRS de 100 livres.
Photo 6. Écaillage sur la face intérieure du rail
Écaillage sur la face intérieure du rail
Photo 7. Microfissure de surface du champignon sur la face intérieure du rail
Microfissure de surface du champignon sur la face intérieure du rail
  1. Les mesures de la dureté et les résultats de l'analyse métallurgique étaient caractéristiques des rails de cette époque.
  2. De l'écaillage a été observé sur le côté intérieur de la surface de roulement du champignon. Cet écaillage avait provoqué le détachement de petits morceaux du champignon. Le fluage du métal avait formé un rebord sur le côté extérieur du champignon (photo 6 et photo 7).
  3. Le morceau de rail no 1 présentait une fissure de fatigue qui s'était amorcée à partir de microfissures de surface du champignon sur le congé de roulement intérieur et supérieur du champignon. Avec le temps, la fissure avait progressé normalement, jusqu'à occuper environ 20 % de la section transversale du champignon; la fissure avait récemment progressé, jusqu'à porter ce pourcentage à environ 85 %. Le reste du profil du rail a alors lâché par suite d'une contrainte excessive (photo 8).
Photo 8. Face de rupture ouest du morceau de rail no 1 – (Nota : les flèches rouges montrent les limites de la fissure de fatigue. Le côté intérieur est à gauche, le côté extérieur à droite. Les cercles rouges indiquent les zones où des stries de fatigue ont été observées.)
Face de rupture ouest du morceau de rail o 1
  1. Les résultats de l'examen révèlent que la fissure de fatigue s'est produite à l'endroit où un affaissement localisé de la table de roulement du rail (LSC) d'une profondeur de 3,5 mm avait été détecté le 18 juillet 2014, quelque 12 semaines avant l'événement.
  2. Les morceaux de rail nos 2, 3 et 4 résultaient tous d'une rupture due à une contrainte excessive. Ces ruptures se sont sans doute produites au cours du déraillement, occasionnant des dommages d'impact après la séparation.
  3. Les mesures de l'usure du champignon sur les côtés intérieur et extérieur ont montré que les charges compressives exercées par le passage des wagons avaient déformé légèrement le champignon.

1.25 Examen des wagons-citernes

L'examen des 6 wagons-citernes déraillés chargés de MD a mené aux constatations suivantes :

Photo 9. Tête du bout A et coque de citerne bosselées et perforées du wagon GATX 82043
Tête du bout A et coque de citerne bosselées et perforées du wagon GATX 82043
Photo 10. Wagon PROX 126 avec dommages causés par le feu et ruptures thermiques (flèches rouges)
Wagon PROX 126 avec dommages causés par le feu et ruptures thermiques

1.26 Accident à Lac-Mégantic

Le 5 juillet 2013, vers 22 h 50, heure avancée de l'Est, le train de marchandises MMA-002 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), en route de Montréal (Québec) à Saint John (Nouveau-Brunswick), s'est arrêté à Nantes (Québec) au point milliaire 7,40 de la subdivision Sherbrooke, point de relève désigné des équipes de la MMA. Le train, formé de 5 locomotives en tête, 1 wagon VB (fourgon spécialisé), 1 wagon couvert et 72 wagons-citernes de la catégorie 111 transportant des liquides inflammables (pétrole brut, UN 1267, classe 3), a été immobilisé sur la voie principale et laissé sans surveillance dans une pente.

Peu avant 1 h le 6 juillet 2013, le train sans surveillance a commencé à se déplacer et a gagné de la vitesse en dévalant la pente jusque dans la ville de Lac-Mégantic (Québec). Soixante-trois wagons-citernes de la catégorie 111 et le wagon couvert ont déraillé près du centre de la ville. Les wagons déraillés ont déversé quelque 5,98 millions de litres de produit en raison des dommages subis par les citernes. Le produit déversé s'est enflammé presque tout de suite, provoquant un grand feu en nappe qui a brûlé durant plus d'une journée. Quarante-sept personnes ont été mortellement blessées. Un grand nombre de bâtiments et de véhicules et la voie ferrée ont été détruits. Quelque 2000 personnes ont été évacuées de la zone environnanteNote de bas de page 43.

1.27 Réaction de l'industrie et de l'organisme de réglementation aux déversements mettant en cause des wagons-citernes de catégorie 111

En plus de l'accident à Lac-Mégantic, un certain nombre d'événements sont survenus au Canada et aux États-Unis au cours desquels du produit s'est échappé de wagons-citernes de catégorie 111 à la suite d'une collision, d'un choc ou d'un incendie. Ces événements mettent en lumière la vulnérabilité des wagons-citernes de cette catégorie aux dommages d'accident et au rejet de produit. En date de juin 2015, avec quelque 270 000 wagons-citernes de catégorie 111 en service en Amérique du Nord, dont environ 141 000 sont utilisés pour le transport de marchandises dangereuses, de tels rejets continuent de se produire lors de déraillements.

En 2011, l'Association of American Railroads (AAR) a modifié ses normes sur les wagons-citernes (Casualty Prevention Circular no CPC-1232)Note de bas de page 44 pour exiger un certain nombre d'améliorations à tous les wagons-citernes de catégorie 111 construits après le 1er octobre 2011 en vue du transport de pétrole brut et d'éthanol du GE I ou GE II. Ces améliorations comprenaient l'application, à ces wagons-citernes, des normes des wagons de 286 000 livres, la protection du matériel de service au sommet de la coque, l'utilisation de DDP à fermeture automatique, l'utilisation d'acier normalisé pour la coque et la tête des citernes, une épaisseur minimale accrue de l'acier pour tous les wagons-citernes dépourvus d'une enveloppe extérieure et non isolés et des demi-boucliers protecteurs d'une épaisseur d'au moins ½ pouce.

En 2012, après l'enquête sur l'accident de Cherry Valley (Illinois)Note de bas de page 45, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a fait les recommandations ci-après à la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA) :

[Traduction]
Exiger que tous les robinets de déchargement par le bas utilisés sur les wagons-citernes non pressurisés, nouvellement construits ou existants, soient conçus pour rester fermés lors d'accidents où le robinet et sa poignée de manœuvre subissent des forces d'impact.
Recommandation R12-6 du NTSBNote de bas de page 46

Dans le cadre de son enquête sur l'accident à Lac-Mégantic, le BST a souligné les vulnérabilités des wagons-citernes de catégorie 111 et recommandé que

Le ministère des Transports et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration exigent que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont mis en cause dans des accidents.
Recommandation R14-01 du BST

1.28 Réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 du Bureau de la sécurité des transports

Le 23 avril 2014, TC a annoncé un retrait graduel sur 3 ans des wagons-citernes de catégorie 111 plus anciens et moins résistants aux collisions. Le 2 juillet 2014, la norme TP 14877 a été adoptée par renvoi dans le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, harmonisant ainsi la réglementation canadienne avec la norme CPC-1232 de 2011 de l'AAR.

En mai 2015, TC a publié le Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC-117) dans la Gazette du Canada, Partie II. Ce règlement établit des exigences relatives à une nouvelle norme pour les wagons-citernes (TC-117) utilisés pour le transport de liquides inflammables, des exigences en matière de rattrapage pour les anciens wagons-citernes DOT-111 et CPC-1232 utilisés pour le transport de liquides inflammables, et un calendrier de mise en œuvre relativement à la modernisation du parc nord-américain de wagons-citernes. Les normes et les échéances s'harmonisaient généralement avec celles des organismes de réglementation des États-Unis, la PHMSA, la Federal Railroad Administration (FRA), et le DOT. Avec l'entrée en vigueur aux États-Unis de la nouvelle législation intitulée Fixing America's Surface Transportation (FAST), les exigences des États-Unis s'harmonisent encore davantage avec celles du Canada.

La réglementation canadienne exige que tous les nouveaux wagons-citernes construits en vue du transport de liquides inflammables utilisent un acier plus épais et résistant mieux aux chocs et soient munis d'une protection thermique sous enveloppe, de boucliers protecteurs complets, d'une protection des raccords supérieurs, de RDB améliorés et de DDP appropriés.

TC continue d'envisager avec le secteur ferroviaire canadien l'inclusion de dispositions sur le freinage, comme les freins pneumatiques à commande électronique (ECP), dans les règles sur la conduite des trains plutôt que dans le contexte de la norme TC-117 sur les wagons-citernes. TC suit également de près les nouvelles exigences introduites par la loi FAST aux États-Unis, qui a imposé de nouvelles exigences de recherches avant que les ECP puissent être mis en service aux États-Unis.

Avec le repli actuel de la demande mondiale pour le pétrole brut, et la faiblesse conséquente de son prix sur les marchés mondiaux, le transport de pétrole brut par rail a ralenti, de même que la demande pour des wagons-citernes. Les expéditeurs et les fabricants ont tiré parti de cette période creuse pour mieux évaluer l'utilisation des parcs, la demande pour des wagons-citernes et les besoins de rattrapage. En prévision de l'entrée en vigueur de la loi FAST aux États-Unis, qui entraînera une plus grande harmonisation des exigences étasuniennes avec les exigences canadiennes, le secteur a commencé à intensifier la modification en rattrapage des wagons-citernes DOT-111 qui servent à transporter des liquides inflammables.

Le 24 juillet 2016, TC a émis l'ordre no 38, qui devançait la date pour se conformer à l'usage réduit des wagons-citernes DOT-111 âgés, qui était annoncée dans le Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC-117). La date de retrait des wagons-citernes DOT-111 âgés, munis ou non d'une enveloppe extérieure, a été devancée au 1er novembre 2016, au lieu du 1er mai 2017 et du 1er mars 2018 respectivement. L'ordre no 38 ne vise que le pétrole brut qu'il définit ainsi :

1.29 Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 du BST

En mars 2016, le Bureau a évalué la réponse de TC à la recommandation R14-01. Le Bureau a reconnu l'engagement de TC et les progrès accomplis en vue de la publication de nouvelles normes sur les wagons-citernes et la mise à jour de la norme TP14877. Le Bureau a noté les progrès accomplis dans la construction des nouveaux wagons-citernes TC-117 et la modification en rattrapage des wagons-citernes plus anciens utilisés pour les liquides inflammables. Compte tenu des progrès faits par TC sur cet enjeu, de sa surveillance soutenue et de son intention de faire appliquer intégralement les calendriers d'élimination progressive et de modification en rattrapage, le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation R14-01 dénotait une intention satisfaisante.

Cependant, le risque demeurera élevé tant que les liquides inflammables ne seront pas transportés dans des wagons-citernes de construction suffisamment robuste pour éviter une défaillance catastrophique en cas d'accident. Par conséquent, le Bureau a demandé à TC de s'assurer que les mesures de gestion des risques durant la transition sont gérées de façon efficace.

1.30 Circulaire OT-55-N de l'Association of American Railroads et recommandation R14-02 du BST

En janvier 1990, par suite de recommandations formulées par l'Inter-Industry Task Force on the Safe Transportation of Hazardous Materials by Rail, l'AAR a publié la circulaire OT-55, intitulée Recommended Railroad Operating Practices for Transportation of Hazardous Materials. Cette circulaire donnait à l'industrie ferroviaire des consignes sur le choix des itinéraires pour le transport de certaines MD, y compris les produits toxiques par inhalation (PIH/TIH). Les matières radioactives ont été ajoutées en août 2001. La circulaire OT-55 dressait une liste des produits TIH (plus de 200, y compris le chlore et l'ammoniac anhydre). En outre, elle établissait des exigences techniques et de manutention pour les trains clés et les itinéraires clés.

Après l'accident à Lac-Mégantic, la définition de « train clé » a été élargie dans la circulaire OT-55-NNote de bas de page 47 pour désigner tout train constitué de 1 ou plusieurs wagons de produits PIH ou TIH, comme de l'ammoniac anhydre, de l'ammoniac liquide, du combustible nucléaire irradié ou des déchets hautement radioactifs, ou de 20 wagons complets – ou citernes mobiles intermodales complètes – de toute combinaison d'autres matières dangereuses.

Bien que la circulaire OT-55-N ne fût pas applicable au Canada, au mois d'août 2013 le CN en a étendu les mesures à ses activités canadiennes. Dans le cadre d'une d'initiative de la compagnie, le CN a procédé à des évaluations du risque pour les subdivisions à l'intérieur de corridors désignés comme itinéraires clés, dont la subdivision Margo.

Dans le contexte de l'enquête sur l'accident à Lac-Mégantic, le BST a indiqué qu'une approche similaire basée sur la circulaire OT-55-N, assortie d'une obligation de procéder à la planification et à l'analyse des itinéraires, constituerait un pas dans la bonne direction pour améliorer la sécurité du transport ferroviaire des MD pour tous les chemins de fer au Canada. Le 23 janvier 2014, le Bureau a recommandé que

Le ministère des Transports établisse des critères rigoureux pour l'exploitation des trains qui transportent des marchandises dangereuses et exige que les compagnies ferroviaires procèdent à la planification ainsi qu'à l'analyse des itinéraires et effectuent des évaluations périodiques des risques pour veiller à ce que les mesures de contrôle des risques soient efficaces.
Recommandation R14-02 du BST

1.31 Réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02 du BST

Le 23 avril 2014, TC a pris l'arrêté ministériel MO 14-01 exigeant que les compagnies ferroviaires et les compagnies de chemin de fer régionales revoient leurs règles relatives au transport des MD et qu'elles en formulent de nouvelles. Les règles devaient être déposées auprès du ministre des Transports au plus tard le 23 octobre 2014.

Au même moment, TC a déposé une injonction ministérielle exigeant que les compagnies de chemin de fer qui transportent des MD mettent en œuvre des pratiques opérationnelles minimum pour les « trains clés » afin de respecter la recommandation du Bureau, et qu'elles gèrent la question de sécurité immédiate, notamment en imposant des restrictions de vitesse pour les trains transportant des MD, en élargissant la portée des exigences d'inspection sur les itinéraires restreints et en complétant les évaluations des risques pour les itinéraires clés. L'injonction ministérielle a été mise en vigueur pour une période de 6 mois, et a été prorogée tous les 6 mois afin de consulter davantage les intervenants, dont les syndicats et la Fédération canadienne des municipalités, et pour examiner toute autre exigence qui pourrait être établie aux États-Unis.

En ce qui concerne le seuil de 10 000 wagons complets de MD, il a été établi selon les critères de la circulaire OT-55-N de l'AAR, que les compagnies de chemins de fer étasuniennes ont aussi adoptée. TC reconnaît que d'autres analyses sont requises pour établir un seuil de wagons complets qui pourrait optimiser la sécurité du transport de MD et mener à des critères plus rigoureux sur les itinéraires clés. TC a retenu les services d'un spécialiste indépendant pour effectuer les analyses nécessaires afin d'établir les critères appropriés pour le seuil. Le projet, qui est dirigé par le Centre de développement des transports de TC, établira les critères appropriés pour le seuil de wagons complets sur les itinéraires clés. Le rapport final devrait être prêt en décembre 2016.

TC étudie aussi la possibilité d'élargir les critères actuels qui définissent ce qui constitue les trains clés, en y introduisant des exigences sur les moyens technologiques qui pourraient augmenter la capacité de freinage. En outre, par l'entremise du processus de planification fondé sur les risques, TC étudiera le dossier de toutes les compagnies de chemins de fer sous réglementation fédérale afin de cibler celles qui assurent le transport du pétrole brut, mais qui ne répondent pas aux critères pour le seuil de 10 000 wagons complets sur leurs itinéraires. Grâce à cette approche fondée sur les risques, TC a consacré les ressources appropriées à une surveillance accrue de ces exploitants ferroviaires.

Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire publié dans la Gazette du Canada, Partie II, le 25 février 2015, et qui est entré en vigueur le 1er avril 2015, contient des exigences sur le processus d'évaluation des risques. L'article 15 du règlement stipule qu'une compagnie de chemin de fer doit effectuer une évaluation des risques lorsqu'elle « se propose d'entreprendre le transport de MD ou le transport de MD différentes de celles qu'elle transporte déjà » ou lors d'un changement proposé à son exploitation ferroviaire. Les changements proposés à l'exploitation ferroviaire comprennent toute modification qui peut avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens ou de l'environnement, par exemple une augmentation du volume de MD transportées et une modification apportée au trajet emprunté pour le transport de MD.

1.32 Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02 du BST

En mars 2016, le Bureau a évalué la réponse de TC à la recommandation R14-02 Le Bureau a noté les progrès réalisés par TC sur cette question, y compris les critères d'évaluation des risques plus rigoureux pour les compagnies de chemins de fer qui transportent des MD, l'analyse en cours visant à établir le seuil de wagons complets sur les itinéraires clés, et la récente promulgation du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés. Ainsi, le Bureau est d'avis que les risques associés aux déversements ou aux explosions catastrophiques de MD ont été réduits. Même si les 5 compagnies de chemin de fer qui ont défini leurs itinéraires clés ont réalisé certains progrès, il faut encore procéder à l'analyse visant à établir des critères appropriés pour le seuil de wagons complets pour les itinéraires clés.

Par conséquent, le Bureau a évalué la réponse à la recommandation R14-02 comme dénotant une intention satisfaisante.

1.33 Seuils de planification des itinéraires

TC a adopté le seuil de 10 000 wagons complets de MD en se basant sur les critères établis dans la circulaire OT-55-N de l'AAR. Il n'y a ni justification ni étude scientifique qui explique le choix de ce seuil pour désigner un itinéraire clé. Le Bureau a fait savoir que ce seuil pourrait limiter le nombre d'itinéraires assujettis aux mesures de sécurité appropriées et a suggéré qu'une analyse rigoureuse soit menée sur le seuil de 10 000 wagons complets afin de déterminer quels itinéraires utilisés par des trains effectuant de tels transports pourraient être exclus et si la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation R14-02 sera corrigée.

TC a lancé une étude visant à déterminer si la définition actuelle d'itinéraires clés, qui provient de la circulaire OT-55-L de l'AAR, est adéquate pour le contexte canadien.

1.34 Liste de surveillance du BST

En novembre 2014, le BST a ajouté à sa Liste de surveillance le transport par rail des liquides inflammables; à ce jour, cet enjeu demeure sur la Liste de surveillance. La Liste de surveillance est une liste des enjeux qui posent les plus grands risques pour le réseau de transport du Canada. Le BST la publie pour attirer l'attention de l'industrie et des organismes de réglementation sur les problèmes qui nécessitent une intervention immédiate.

L'augmentation du transport ferroviaire de liquides inflammables – comme les distillats de pétrole et le pétrole brut – par rail à la grandeur de l'Amérique du Nord a fait apparaître des risques qu'il convient d'atténuer par des mesures efficaces.

Selon la Liste de surveillance, les compagnies ferroviaires doivent procéder à la planification et à l'analyse des itinéraires, et effectuer des évaluations des risques pour veiller à ce que les mesures de contrôle des risques soient efficaces. De plus, les liquides inflammables doivent être transportés dans des wagons-citernes plus robustes afin de réduire la probabilité de déversement de MD en cas d'accident.

1.35 Autres événements similaires

Au cours des 10 dernières années, le BST a enquêté sur un certain nombre d'événements similaires où des ruptures de rail étaient la cause première d'un déraillement ou un facteur contributif. Les 6 événements ci-après mettaient chacun en cause une rupture de rail imputable à un défaut de rail préexistant qui n'avait pas été détecté par les auscultations par ultrasons et qui s'était propagé jusqu'à provoquer une rupture.

1.36 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

Ni l'état du matériel roulant ni la manière dont le train était conduit n'ont été considérés comme des facteurs contributifs au déraillement à l'étude. L'analyse portera principalement sur l'auscultation, l'état de la surface et l'entretien des rails, la détection des défauts de fissuration transversale (DFT), la résistance à l'impact des wagons-citernes, et l'intervention d'urgence.

2.1 L'accident

La table de roulement des roues du 31e wagon, qui n'a pas déraillé, portait des marques d'impacts telles qu'en produirait un contact avec le côté ouest des ruptures dans le rail sud brisé au point milliaire 74,58, point de déraillement d'origine. Avant cet endroit, ni les rails ni la voie n'étaient endommagés.

Un DFT était présent au point de déraillement. Le DFT s'était amorcé à partir de microfissures de surface du champignon au congé de roulement intérieur et supérieur du champignon du rail. Avec le temps, la fissure avait progressé normalement, jusqu'à occuper environ 20 % de la section transversale du champignon; la fissure avait récemment progressé, jusqu'à porter ce pourcentage à environ 85 %. Le reste du profil du rail a alors lâché sous la contrainte excessive, ne pouvant plus supporter les charges de service.

La face de rupture ouest présentait des dommages d'impact et des signes de brunissage dus au frottement contre la face de rupture est. Le rail brisé était resté brièvement en voie, mais ensuite il a continué de se fracturer sous les roues des 30e et 31e wagons, créant un intervalle dans la voie et entraînant le déraillement des 32e au 57e wagons du train. Le train a déraillé quand une rupture soudaine et décisive du rail sud s'est produite sous le convoi en raison de la présence d'un DFT non détecté.

2.2 Auscultation des rails par ultrasons

Au cours de l'auscultation par ultrasons effectuée par la voiture 933 de Sperry Rail Service (SRS) le 18 juillet 2014, un affaissement localisé de la table de roulement du rail (LSC) a été détecté sur le rail sud au point milliaire 74,58. Le LSC a été marqué et mesuré; il avait une profondeur de 3,5 mm. Comme le rail de 100 livres était usé à moins de 75 % de l'usure verticale limite, le LSC devait être surveillé jusqu'à ce qu'il atteigne une profondeur de 5,0 mm. Aucun défaut interne n'a été constaté sur la bande d'auscultation ni au cours de l'auscultation manuelle.

Lors de l'auscultation par ultrasons effectuée par la voiture 454 de SRS le 12 septembre 2014, la bande d'auscultation n'a indiqué aucun défaut interne au point milliaire 74,58. La voiture de contrôle a cependant détecté le même LSC, mais comme celui-ci avait été reconnu comme un défaut marqué antérieurement, aucune vérification manuelle n'était nécessaire.

Au moment de l'auscultation par ultrasons du 12 septembre 2014, il est possible que le LSC hébergeait le DFT qui s'était amorcé à partir de microfissures de surface du champignon, de fissures et d'un écaillage prononcé sur le congé de roulement intérieur du champignon du rail. Toutefois, l'état de la surface du rail a empêché la transmission des signaux ultrasoniques dans le champignon et a sans doute masqué la présence d'un DFT pendant l'auscultation par ultrasons.

2.3 Durée de vie utile des rails

La structure de la voie dans les environs du déraillement était formée de longs rails soudés de 100 livres fabriqués en 1959, avec des coupons de rail éclissés installés sur une période de plusieurs années pour réparer des défauts de rail. La plupart des rails de 100 livres sur la subdivision Margo étaient en service depuis plus de 50 ans. Quoique le tonnage total accumulé fût inconnu, l'augmentation observée en 2013 et 2014 dans les défauts de rail sur la subdivision Margo ainsi que la présence de LSC et de DFT constituaient des signes que le rail s'approchait de la fin de sa vie utile.

Des charges répétitives sur un rail qui a presque atteint la fin de sa vie utile peuvent engendrer des LSC. Les chocs exercés par les roues augmentent avec l'aggravation du LSC et l'accroissement de l'usure du rail. Une augmentation des impacts de roue se traduit par des contraintes de contact plus élevées, ce qui peut mener à l'apparition d'autres défauts de rail, tel un DFT.

Entre 2010 et 2014, le trafic ferroviaire avait augmenté de 480 % sur la subdivision Margo. L'augmentation du trafic aurait accéléré l'usure des rails et l'apparition de défauts de fissuration du rail, réduisant la durée de vie utile du rail. Lorsqu'un vieux rail demeure en place alors qu'il a atteint ou presque la fin de sa vie utile, des défauts et des conditions de surface apparaissent, augmentant le risque de défaillances en service et de déraillements.

2.4 État de la surface des rails

Pour gérer le risque que des défauts apparaissent dans un rail qui s'approche peut-être de la fin de sa vie utile, les compagnies ferroviaires augmentent la fréquence des auscultations par ultrasons et la surveillance. De plus, elles recourent au meulage des rails pour parer à l'amorce et à la propagation de défauts internes; le meulage est essentiel pour maintenir la surface des rails en bon état de façon à optimiser la détection des défauts lors des auscultations par ultrasons. Si la surface d'un rail n'est pas entretenue adéquatement par meulage avant une auscultation des défauts du rail, la transmission des ultrasons peut être entravée et la présence d'un défaut de rail émergent peut passer inaperçue, ce qui augmente le risque d'une croissance non détectée d'un défaut et, par conséquent, d'un déraillement causé par une rupture du rail.

2.5 Fréquence des interventions de meulage des rails

En général, le Chemin de fer Canadien National (CN) réalise des programmes de meulage sur ses lignes principales à des intervalles d'environ 20 millions de tonnes-milles brutes par mile (MTMB/M). La subdivision Margo a fait l'objet d'un meulage des rails en 2010 et en 2012. Cependant, le trafic ferroviaire avait considérablement augmenté, passant de 2,26 MTMB/M en 2010 à 10,85 MTMB/M en 2014, ce qui a contribué à la détérioration de l'état de la surface des rails dans les environs du déraillement. La fréquence des interventions de meulage sur la subdivision Margo n'avait pas suffi à corriger l'état de la surface des rails avant les auscultations par ultrasons.

2.6 Affaissement localisé de la table de roulement du rail

Le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) ne contient aucune indication ni aucun critère sur les limites critiques pour les LSC. Par conséquent, l'industrie ferroviaire au Canada classe le LSC comme un état de la surface du rail, et non comme un défaut de rail. Cependant, certaines compagnies de chemins de fer ont intégré dans leurs normes de la voie des exigences d'entretien pour les LSC. Par exemple, les Normes de la voie – Ingénierie du CN exigent que les LSC d'une profondeur inférieure à 5 mm sur un rail usé à moins de 75 % de l'usure verticale limite soient surveillés et réparés une fois atteinte la limite critique.

Les LSC, qui sont habituellement causés par des charges de roue répétitives, se caractérisent par un fluage du métal, un aplatissement et une déformation du champignon du rail au-dessus du plan du congé âme-champignon. À mesure que le rail s'use et que le LSC devient plus prononcé, les chocs exercés par les roues augmentent aussi. Les LSC peuvent être un indicateur d'éventuels défauts de rail émergents qui nécessitent une attention plus rigoureuse, particulièrement dans les vieux rails qui ont atteint ou presque leur limite de fatigue.

2.7 Wagons-citernes de catégorie 111

Les 6 wagons-citernes déraillés dans l'événement à l'étude étaient des wagons-citernes de catégorie 111. Au cours du déraillement, 4 de ces wagons-citernes ont subi des dommages à leurs traverses pivots et de multiples bosselures, et se sont séparés de leurs organes de roulement. Les wagons-citernes GATX 82043 et PROX 126 ont subi des dommages plus importants. En particulier, le PROX 126 était un wagon-citerne à 2 compartiments construit en 1974 et utilisant une nuance d'acier inférieure; sa pression nominale n'était que de 60 livres par pouce carré (lb/po²). Bien que la réglementation actuelle ne permette plus la construction de ce type de wagon-citerne pour le transport de produits pétroliers, de tels wagons peuvent encore rester en service et transporter des liquides inflammables.

Le wagon-citerne GATX 82043 a subi une brèche provenant de dommages d'impact à sa coque et à la tête de citerne du bout A, ce qui a provoqué un déversement de produit. Le produit déversé s'est enflammé et a nourri le feu en nappe qui a suivi le déraillement. Le wagon-citerne PROX 126 est resté dans le feu en nappe et a subi 2 ruptures thermiques. Ces 2 wagons ne possédaient ni enveloppe extérieure ni protection thermique. La quasi-totalité de leur contenu s'est consumée dans le feu ou au cours du brûlage en torche subséquent. L'absence de protection thermique sur le wagon-citerne PROX 126 a augmenté la gravité du déversement de produit et alimenté davantage le feu alors que le wagon subissait des ruptures thermiques après avoir été exposé au feu en nappe.

Les dommages subis par les wagons-citernes de catégorie 111 qui ont déversé du produit étaient semblables aux défaillances observées par le BST dans d'autres enquêtes. Seuls 2 wagons ont perdu du produit, mais il aurait pu y avoir un impact environnemental plus catastrophique et des pertes de vie. Les dommages constatés par suite du présent déraillement mettent de nouveau en lumière les vulnérabilités des wagons-citernes de catégorie 111 et confirment la nécessité de meilleures normes de conception pour les wagons-citernes.

À la suite du déraillement catastrophique survenu à Lac-Mégantic en 2013, Transports Canada (TC) a rehaussé les exigences relatives à la conception des wagons-citernes de catégorie 111. En mai 2015, TC et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA) ont établi une nouvelle norme sur les wagons-citernes, des exigences en matière de rattrapage et un calendrier de mise en œuvre pour la modernisation du parc de wagons-citernes destinés au transport des liquides inflammables de la classe 3. Si les nouvelles normes sur les wagons-citernes ne sont pas pleinement mises en œuvre en temps opportun, il y a un risque continu de perte de produit, avec les conséquences qui y sont associées, quand des wagons-citernes transportant des liquides inflammables sont impliqués dans un déraillement.

2.8 Planification et analyse des itinéraires

Les itinéraires clés se définissent comme des itinéraires sur lesquels au moins 10 000 wagons complets de marchandises dangereuses (MD) sont transportés annuellement. TC a adopté le seuil de 10 000 wagons complets de MD en se fondant sur les critères établis dans la circulaire OT-55-N de l'Association of American Railroads. Cependant, des risques similaires peuvent exister pour des itinéraires qui n'atteignent pas ce seuil. En l'absence de documents à l'appui du seuil, il n'y a ni justification ni fondement scientifique pour expliquer le choix du seuil de 10 000 wagons complets de MD. Si le seuil pour les itinéraires clés est choisi sans justification à l'appui, les itinéraires qui n'atteignent pas le seuil ne seront pas expressément pris en considération, d'où un risque accru que des mesures nécessaires d'atténuation des risques ne seront pas mises en place sur ces itinéraires.

La méthodologie du CN d'évaluation des risques liés aux itinéraires prenait en compte les volumes de trafic, la catégorie de voie et les fréquences d'inspection autant pour le contrôle de l'état géométrique de la voie que pour l'auscultation des défauts des rails. Quand des tendances se faisaient jour, le CN pouvait adapter les fréquences aux besoins. De plus, le CN s'est servi des volumes de trafic ferroviaire et d'analyses détaillées des défauts de voie pour reconnaître la nécessité d'apporter des améliorations par l'entremise d'un programme d'immobilisations.

Bien que la subdivision Margo réponde aux critères d'une voie de catégorie 3, elle comportait aussi de vieux rails dont les caractéristiques indiquaient qu'ils s'approchaient de la fin de leur vie utile. La subdivision répondait aux critères d'un itinéraire clé et, par conséquent, était assujettie à des mesures de sécurité supplémentaires, dont l'exigence d'une évaluation officielle des risques et de stratégies d'atténuation. Même si, dans l'évaluation des risques pour le corridor de la ligne du nord des Prairies (LNP) et dans ses processus d'ingénierie, le CN avait tenu compte d'un certain nombre de facteurs et avait en place des stratégies d'atténuation, l'évaluation des risques n'avait pas pris en considération certaines tendances (c.-à-d., indicateurs précurseurs) de l'état de l'infrastructure, telle une augmentation des LSC et des défauts de voie dans les vieux rails ayant atteint ou presque la fin de leur vie utile. En dépit des mesures en place, le train a déraillé par suite d'une rupture de rail provoquée par un DFT non détecté dans un rail qui s'approchait la fin de sa vie utile. Si les évaluations des risques par corridor ne prennent pas en considération les indicateurs précurseurs de l'état de l'infrastructure de la voie, des défaillances pourraient se produire, accroissant le risque de déraillements.

2.9 Intervention d'urgence

2.9.1 Brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126

Vers 3 h, le 8 octobre 2014, on tractait vers le sud le wagon-citerne PROX 126, qui contenait toujours de 20 % à 30 % de son chargement. Alors que le wagon franchissait un fossé peu profond avoisinant, de 2400 à 3200 litres de distillats de pétrole ont fui par une rupture thermique longue de 65 pouces dans le compartiment du bout B. Le produit déversé a formé une nappe au sol à proximité du wagon-citerne, et la rupture thermique était orientée légèrement vers le bas, vers cette nappe.

Au terme d'une évaluation subséquente, on a établi que la meilleure façon de procéder serait de brûler en torche (allumer) la nappe de produit. On a discuté verbalement du plan de brûlage avec le chef adjoint des pompiers (CAP) de Wadena et les inspecteurs de transport de marchandises dangereuses  (TMD) de TC. Tout le personnel non essentiel a été dirigé en amont et amplement à l'écart du site. Le service d'incendie de Wadena se tenait prêt à intervenir sur la route avec un boyau d'arrosage chargé, et le CAP a enregistré une vidéo de l'opération de brûlage en torche. Les 2 inspecteurs TMD de TC se sont retirés à environ 300 à 400 mètres du site.

Vers 4 h, le vent qui soufflait jusqu'a ce moment principalement du nord-ouest, quoique léger, avait changé de direction pour souffler du nord-est. Vers cette heure, l'agent principal, Marchandises dangereuses (APMD) et le vice-président adjoint, Sécurité et intervention d'urgence (VPASIU) du CN ont allumé une fusée éclairante, se sont approchés de la nappe depuis une position légèrement en aval de celle-ci, en ligne avec la rupture thermique, et ont lancé la fusée dans la nappe près de la base du wagon-citerne. La nappe a pris feu et a commencé à brûler à la base du wagon-citerne; soudainement, il y a eu une déflagration lorsque les vapeurs à l'intérieur du wagon-citerne ébréché ont pris feu, projetant une grosse boule de feu vers l'APMD et le VPASIU du CN, qui ont immédiatement battu en retraite pour éviter la déflagration. Cette déflagration s'est rapidement éteinte. Le premier vice-président, Région de l'Ouest (PVPRO) et le vice-président, Sécurité et développement durable (VPSDD), qui étaient tous les deux sur place à ce moment, ont immédiatement accouru. Il n'y a pas eu de blessé.

Depuis leur point d'observation et dans la noirceur, les inspecteurs TMD de TC n'ont pas pu voir l'APMD et le VPASIU du CN. Comme les inspecteurs TMD de TC ignoraient qu'un quasi-accident était survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126, il n'y a eu aucune mention de cette activité ni du quasi-accident dans le rapport d'assistance sur les lieux d'un accident de TC.

Étant donné l'incendie qui faisait rage, les enquêteurs du BST ont été tenus à l'écart du lieu de l'accident durant la nuit. Lorsque l'équipe d'enquêteurs du BST est retournée sur les lieux vers 7 h le 8 octobre 2014, et a rencontré le personnel du CN pour faire le point sur la situation, le CN a informé le BST qu'un wagon-citerne avait été brûlé en torche durant la nuit, sans toutefois mentionner le quasi-accident.

À 8 h le 8 octobre 2014, une réunion de site a eu lieu au poste de commandement en cas d'incident (PCI) à laquelle ont assisté tous les organismes d'assistance. À ce moment, les lieux de l'accident ont été déclarés comme étant stabilisés. Le ministère de l'Environnement de la Saskatchewan (MES) a mis à jour le compte rendu des séances d'information et le plan d'action en cas d'incident (PAI) pour indiquer que la remise en état de la voie et du site et le transfert des restes de produits allaient commencer et se poursuivre jusqu'à leur achèvement. Le CN n'a jamais informé les organismes d'assistance du quasi-accident survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126. Aucune documentation ni aucun rapport interne préparé par le CN n'indiquait qu'il y avait eu un quasi-accident durant cette activité.

Le CAP avait enregistré une vidéo du brûlage en torche et du quasi-accident, mais n'avait pas signalé ces faits. Ce n'est que quelques semaines plus tard que le chef des pompiers (CP) de Wadena a été mis au courant du quasi-accident. Le CP, qui était responsable des opérations d'intervention pour cet incident, a été informé plus tard du quasi-accident, mais aucun rapport ni compte rendu de ce quasi-accident n'a été présenté au MES, à TC ou au BST, ni verbalement ni par écrit, contrairement aux meilleures pratiques d'un centre de commandement en cas d'incident (CCI) et de la norme National Fire Protection Association 472 Standard for Competence of Responders to Hazardous Materials/Weapons of Mass Destruction Incidents (NFPA 472).

La vidéo du brûlage en torche du wagon-citerne de MD PROX 126 a été publiée au début de décembre 2015, et c'est alors que le MES, TC et le BST ont appris qu'un quasi-accident s'était produit.

2.9.2 Risques associés au brûlage en torche

Le CN emploie des agents, Marchandises dangereuses (AMD) et des intervenants d'urgence bien formés et très compétents. Avant d'entrer au service du CN, le VPASIU et l'APMD étaient instructeurs en matières dangereuses. En plus de prêter main-forte lors d'incidents, ils enseignaient le commandement d'incidents, l'évaluation des dommages aux wagons-citernes, les procédures d'atténuation des interventions et la sécurité sur les lieux. C'est probablement grâce à leur expérience qu'ils ont tous les deux immédiatement battu en retraite et ainsi évité d'être blessés. Malgré leur expérience, plusieurs risques n'ont néanmoins pas été considérés avant de brûler en torche le produit déversé du wagon-citerne PROX 126. En particulier :

Le VPASIU et l'APMD du CN n'ont pas pris en considération tous les risques associés au brûlage en torche avant d'allumer le nappe de produit qui s'était déversé du wagon-citerne PROX 126, et ils se trouvaient dans un endroit où ils étaient exposés à une boule de feu lorsque les vapeurs à l'intérieur de la citerne ont pris feu.

On apprend au personnel d'intervention d'urgence de toujours s'approcher depuis une position en amont. Dans l'incident en question, c'est probablement la pression à l'intérieur du wagon-citerne, plutôt que le vent, qui a dirigé la flamme. Toutefois, si l'on ne surveille pas la direction du vent et si l'on ne modifie pas les activités planifiées en fonction de changements de direction du vent, il y a un risque accru que les intervenants d'urgence se trouvent dans une position vulnérable.

2.9.3 Fatigue durant les interventions d'urgence

Il n'est pas inhabituel ou inattendu que le personnel d'intervention d'urgence doive travailler pendant de longues périodes durant les situations d'urgence. Toutefois, dans de telles conditions, le personnel d'intervention d'urgence peut subir les effets de la fatigue. Une baisse de la vigilance est un type de déficience de l'attention associé à la fatigue.

Le rythme circadien est un cycle quotidien qui suit un horaire de 24 heures. Le point de plus faible activité, appelé creux circadien, survient tôt le matin. Les perturbations du rythme circadien peuvent nuire au rendement et au fonctionnement cognitif. Les niveaux de rendement inférieur sont en corrélation avec ces creux. La fatigue sera également plus prononcée durant le premier quart de nuit, après une transition depuis un quart de jour, puisque la propension au sommeil augmente considérablement la nuit.

De façon générale, les études affirment que le niveau de rendement à diverses tâches diminue graduellement après 17 heures sans sommeil. Une étude sur la fatigue menée en laboratoire a montré qu'une période de 17 heures de veille continue entraîne une baisse des fonctions psychomotrices (coordination oculomanuelle) équivalente à une alcoolémie (TA) de 0,05 %, tandis que 24 heures de veille continue entraînent des baisses équivalentes à une TA de 0,10 %. On sait que la fatigue causée par des périodes de veille prolongée et par des perturbations du rythme circadien entraîne des baisses semblables au niveau du rendement et des fonctions psychomotrices.

Le VPASIU et l'APMD avaient tous deux eu congé le weekend avant l'accident, et le lundi en question était un jour de travail normal complet; ils ont commencé une journée normale le mardi matin avant de travailler toute la nuit, jusqu'après le brûlage en torche à 4 h, heure normale du Centre (HNC), le mercredi 8 octobre 2014. Si l'on tient compte des changements de fuseau horaire, au moment du brûlage en torche, le VPASIU était éveillé depuis environ 22,5 heures, tandis que l'APMD l'était depuis environ 20 heures. En outre, le brûlage en torche a eu lieu vers 4 h. Cette heure correspond au creux circadien plus important qui survient tôt le matin et qui se manifeste habituellement par un niveau moindre de vigilance.

Quoique le VPASIU et l'APMD étaient très chevronnés et avaient brûlé en torche des nappes de produit et des wagons-citernes par le passé, ils n'ont pas entièrement identifié tous les risques associés au brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126 avant d'agir. Étant donné le nombre d'heures de veille et l'heure à laquelle le brûlage en torche a eu lieu, il est probable que le VPASIU et l'APMD aient subi l'effet de la fatigue comme suite à leur veille prolongée et à la perturbation de leur rythme circadien. Cet état a entraîné une baisse de vigilance à l'égard des risques associés au brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126.

2.9.4 Documentation de l'intervention par l'autorité compétente

Le CP de Wadena a été désigné responsable des opérations d'intervention. Le CP a principalement assuré la liaison avec le PCI et a été mis verbalement au courant de l'évolution de la situation. Le MES et le Bureau du commissaire aux incendies (BCI) de la Saskatchewan ont assuré le soutien logistique au PCI. Le CP et le CAP n'étaient pas formés à la norme NFPA 472 et n'avaient aucune expérience de ce type d'intervention. Par conséquent, le MES est devenu de fait le responsable des opérations d'intervention au sein de la structure de commandement unifié (SCU) et a assumé le rôle d'autorité compétente et la responsabilité de documenter l'intervention.

Toutes les parties comptaient sur le savoir-faire opérationnel du CN pour prendre en charge les wagons-citernes, les MD et la remise en état du site. Durant toute l'intervention, le CP et le personnel du MES et du BCI sont principalement demeurés au PCI. Le CN a commencé les travaux de démolition autour de 22 h le 7 octobre 2014, lesquels se sont poursuivis jusqu'à ce que tous les wagons ont été retirés de la voie, vers 5 h le 8 octobre 2014.

Dans l'événement à l'étude, on note des écarts entre la mise en place de la SCU et la documentation de l'intervention par l'autorité compétente. En particulier :

En cas d'accident mettant en cause des MD, il est important que le plus de renseignements exacts possible soient consignés et transmis aux organismes pertinents dans les meilleurs délais. Il est également important que le responsable des opérations d'intervention surveille les travaux de démolition et qu'on lui fournisse des mises à jour écrites à mesure que la situation évolue. D'après la norme NFPA 472, lorsque l'on clôt un incident, on doit tenir une réunion-bilan d'incident et une critique multiservices, et l'autorité désignée doit recevoir un rapport d'incident. Cette étape n'est possible que si un CCI est correctement établi et pourvu en personnel compétent capable de surveiller et de documenter adéquatement un incident.

Dans l'incident à l'étude, le CP de Wadena était responsable des opérations d'intervention. Toutefois, le CP et le CAP n'étaient pas formés à la norme NFPA 472 et n'avaient aucune expérience de ce type d'intervention. Si un responsable des opérations d'intervention n'a pas reçu une formation adéquate, le CCI risque de ne pas être correctement établi, ce qui accroît le risque de surveillance et de documentation inadéquates de l'incident. De plus, si l'autorité compétente n'exige pas de mise à jour écrite et ne surveille pas les activités opérationnelles sur le site d'un déraillement, un déversement de produit ou un quasi-accident qui survient durant la remise en état du site pourrait passer inaperçu, ce qui accroît le risque de rater les occasions d'apprendre et d'améliorer le processus d'intervention d'urgence.

2.9.5 Documentation du quasi-accident et réaction à celui-ci du Chemin de fer Canadien National

Pour chaque incident, le CN tient son propre registre détaillé des opérations d'intervention. Ce registre est bien structuré et contient de l'information et des directives utiles sur la façon de le remplir. Or, pour cette intervention, la documentation était mince : seulement 9 pages partiellement remplies sur les 108 du registre. En particulier, on n'a pris aucune note sur

En somme, le CN n'a pas respecté ses propres directives, et l'événement n'a ni été documenté dans le registre du CN ni communiqué au-delà de l'équipe MD du CN. Contrairement aux meilleures pratiques CCI et de la norme NFPA 472, ce quasi-accident n'a pas non plus été communiqué durant les réunions-bilans avec les autres organismes d'intervention comme le MES, TC ou le BST. Les circonstances qui entourent le quasi-accident n'ont été ni documentées ni communiquées ouvertement. Ainsi, on a raté une occasion d'apprendre d'un incident et de promouvoir la sécurité, non seulement au CN, mais aussi dans les autres organismes.

Le VPASIU et l'APMD avaient tous deux l'expérience des interventions d'urgence, et toutes les parties, y compris le PVPRO du CN, les considéraient comme les experts en MD sur place. On s'en est donc remis au VPASIU et à l'APMD pour toutes les décisions sur les MD durant les opérations de démolition et les suivis connexes. Par conséquent, les décisions concernant le brûlage en torche ont été prises sans examiner le contexte ou sans réfléchir à une protection secondaire. Comme il ne restait plus que le wagon-citerne PROX 126 et que la majeure partie du produit avait déjà été consommée, le VPASIU et l'APMD ont probablement estimé que le brûlage en torche présentait un faible risque.

L'équipe MD du CN a tenu, sous forme de téléconférence, une réunion-bilan d'incident interne environ 3 semaines après le déraillement. Après discussion, on a décidé de rédiger une procédure de brûlage dirigé. L'équipe MD a produit une première ébauche de la procédure opérationnelle normalisée (PON) 200.16 en septembre 2015. Le quasi-accident n'a plus été abordé à l'interne au CN avant la publication par le CAP de la vidéo du brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126, diffusée par les agences de presse au début de décembre 2015. Après la diffusion de la vidéo du quasi-accident, un nouveau VPSDD au CN a demandé que cet incident soit documenté, et que l'on développe une procédure qui décrit les risques d'un brûlage dirigé (en torche) de MD à prendre en compte. Si l'on ne respecte pas les directives d'une compagnie ou sectorielles et que l'on omet de documenter correctement les quasi-accidents durant les interventions d'urgence et de les communiquer ouvertement aux autres organismes d'intervention, des circonstances similaires pourraient se reproduire, avec les mêmes risques de blessure au personnel d'intervention d'urgence.

2.10 Système de gestion de la sécurité du Chemin de fer Canadien National

La conception d'un système de gestion de la sécurité (SGS) se fonde sur des concepts de sécurité évolutifs qui, estime-t-on, comportent un grand potentiel de gestion plus efficace du risque. Les SGS ont été progressivement mis en œuvre dans l'industrie des transports au Canada parce que l'on considère que cette approche à la surveillance réglementaire, combinée aux inspections et aux mesures d'application, réduit plus efficacement les taux d'accidents.

L'article 2 du Règlement sur le système de gestion de la sécurité (2001) de TC (Règlement sur le SGS) exige des compagnies de chemin de fer qu'elles mettent en œuvre et maintiennent un SGS. Le CN a élaboré et mis en œuvre un SGS détaillé, qui décrit les initiatives de la compagnie en corrélation avec les exigences de l'article 2 du Règlement sur le SGS. Relativement à l'alinéa 2g), le CN a mis en œuvre des systèmes pour signaler les accidents et incidents, enquêter sur ceux-ci, les analyser et mettre en place des mesures correctives. En outre, selon les exigences de la compagnie :

Dans les cas où des facteurs humains pourraient avoir été en cause dans un accident, le CN exige une enquête plus approfondie avant de formuler des mesures correctives et exige que les questions suivantes soient prises en considération :

Dans l'événement à l'étude, un quasi-accident a eu lieu durant le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126, activité à laquelle prenaient part 2 cadres supérieurs du CN. Bien que l'on puisse considérer le quasi-accident comme un incident et consigner l'information conformément à l'alinéa 2g) du Règlement sur le SGS, selon le plan SGS détaillé du CN, seuls les accidents et les blessures doivent être consignés. Comme personne n'a été blessé et comme le quasi-accident survenu durant le brûlage en torche n'était pas considéré comme un accident ferroviaire, le CN n'a ni documenté ce quasi-accident ni pris l'initiative de communiquer cette information aux organismes externes.

Quoique le VPASIU et l'APMD étaient chevronnés et correctement formés et avaient l'équipement approprié, ils n'ont pas considéré tous les risques avant de brûler en torche le wagon-citerne PROX 126. On a mal planifié les tâches associées au brûlage en torche et les cadres supérieurs en cause étaient probablement en proie à la fatigue, ce qui a diminué leur vigilance. Puisque des facteurs humains ont probablement été en cause dans ce quasi-accident, celui-ci aurait dû faire l'objet d'une enquête plus approfondie, conformément aux directives du CN.

Comme le CN n'exige pas que les incidents et quasi-accidents pouvant aussi mettre en cause des cadres supérieurs soient documentés, il semblerait que le SGS du CN comprenne des lacunes. Un quasi-accident peut être considéré comme un indice de premier plan, car dans des circonstances différentes, cet événement aurait pu avoir de graves conséquences. Un SGS rigoureux doit permettre de saisir, de documenter et d'analyser de tels événements et de prendre rapidement des mesures pour réduire les risques à l'avenir. Si le SGS d'une compagnie ne permet pas de consigner adéquatement les quasi-accidents, on rate une occasion d'analyser l'événement et de mettre en œuvre des mesures correctives pour atténuer les risques et améliorer la sécurité.

2.11 Culture de sécurité, système de gestion de la sécurité et procédures de signalement du Chemin de fer Canadien National

Parallèlement à la mise en œuvre de son SGS, le CN a reconnu l'importance de bâtir une culture de sécurité efficace, élément que la compagnie considère comme étant essentiel au SGS. Pour renforcer sa culture de sécurité, le CN a investi dans la formation, l'encadrement, la reconnaissance des employés et l'engagement. Entre autres initiatives, le CN a préparé et mis en œuvre une stratégie d'engagement entre pairs, Veiller les uns sur les autres, qui fait désormais partie intégrante de sa culture de sécurité.

Le CN s'est également doté de politiques et de procédures qui décrivent comment la compagnie entend atteindre ses objectifs de sécurité. Ces procédures comprennent les procédures opérationnelles normalisées (PON) pour les intervenants d'urgence, les AMD et les APMD du CN. Bon nombre de ces procédures sont fondées sur l'expérience et décrivent les risques à considérer durant les interventions lors d'accidents ou d'incidents mettant en cause des MD.

Toutefois, dans l'événement à l'étude, le CN n'avait aucune procédure en place décrivant les risques d'un brûlage dirigé de MD déversées d'un wagon-citerne à prendre en compte. Malgré leur expérience en interventions d'urgence, les gestes posés par le VPASIU et l'APMD ont accru les risques pour leur sécurité personnelle et ont donné lieu à un quasi-accident. Quoique le PVPRO et le VPSDD du CN étaient présents lors du quasi-accident, ils s'en sont remis aux experts en MD du CN et ont supposé que les activités de suivi appropriées auraient lieu. Par conséquent, il n'y a eu aucun suivi immédiat, aucune enquête plus approfondie ni aucune démarche de communication de l'information aux organismes externes.

Bien que l'équipe MD du CN ait tenu une réunion-bilan interne 3 semaines après le quasi-accident et ait par la suite élaboré une directive de brûlage dirigé (c.-à-d., PON 200.16), celle-ci a été émise 15 mois après l'événement et 1 mois après la diffusion publique d'un enregistrement vidéo du quasi-accident. Quoique ce quasi-accident était un événement isolé, les gestes l'ayant engendré et l'absence d'un suivi immédiat par le CN pour gérer les risques après l'événement sont des éléments qui font ressortir les lacunes dans le signalement ou les procédures du SGS du CN.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le train a déraillé quand une rupture soudaine et décisive du rail sud s'est produite sous le convoi en raison de la présence d'un défaut de fissuration transversale non détecté.
  2. L'état de la surface du rail a empêché la transmission des ultrasons dans le champignon et a sans doute masqué la présence d'un défaut de fissuration transversale au cours des auscultations par ultrasons.
  3. Le trafic ferroviaire avait considérablement augmenté, passant de 2,26 millions de tonnes-milles brutes par mile (MTMB/M) en 2010 à 10,85 MTMB/M en 2014, ce qui a contribué à la détérioration de l'état de la surface des rails dans les environs du déraillement.
  4. La fréquence des interventions de meulage sur la subdivision Margo n'a pas suffi à corriger l'état de la surface des rails avant les auscultations par ultrasons.
  5. L'absence de protection thermique sur le wagon-citerne PROX 126 a augmenté la gravité du déversement de produit et alimenté davantage le feu alors que le wagon subissait des ruptures thermiques après avoir été exposé au feu en nappe.
  6. Le vice-président adjoint, Sécurité et intervention d'urgence, et l'agent principal, Marchandises dangereuses, du Chemin de fer Canadien National n'ont pas prise en considération tous les risques associés au brûlage en torche avant d'allumer la nappe de produit qui s'était déversé du wagon-citerne PROX 126, et se trouvaient dans un endroit où ils étaient exposés à une boule de feu lorsque les vapeurs à l'intérieur de la citerne ont pris feu.
  7. Il est probable que le vice-président adjoint, Sécurité et intervention d'urgence, et l'agent principal, Marchandises dangereuses, aient subi l'effet de la fatigue comme suite à leur veille prolongée et à la perturbation de leur rythme circadien. Cet état a entraîné une baisse de vigilance à l'égard des risques associés au brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126.

3.1 Faits établis quant aux risques

  1. Lorsqu'un vieux rail demeure en place alors qu'il a atteint ou presque la fin de sa vie utile, des défauts du rail et des conditions de surface apparaissent, augmentant le risque de défaillances en service et de déraillements.
  2. Si la surface d'un rail n'est pas entretenue adéquatement par meulage avant une auscultation par ultrasons des défauts du rail, la transmission des ultrasons peut être entravée et la présence d'un défaut de rail émergent peut passer inaperçue, ce qui augmente le risque d'une croissance non détectée d'un défaut et, par conséquent, d'un déraillement causé par une rupture du rail.
  3. Si les nouvelles normes sur les wagons-citernes ne sont pas pleinement mises en œuvre en temps opportun, il y a un risque continu de perte de produit, avec les conséquences qui y sont associées, quand des wagons-citernes transportant des liquides inflammables sont impliqués dans un déraillement.
  4. Si le seuil pour les itinéraires clés est choisi sans justification à l'appui, les itinéraires qui n'atteignent pas le seuil ne seront pas expressément pris en considération, d'où un risque accru que des mesures nécessaires d'atténuation des risques ne seront pas mises en place sur ces itinéraires.
  5. Si les évaluations des risques par corridor ne prennent pas en considération les indicateurs précurseurs de l'état de l'infrastructure de la voie, des défaillances pourraient se produire, accroissant le risque de déraillements.
  6. Si l'on ne surveille pas la direction du vent et si l'on ne modifie pas les activités planifiées en fonction de changements de direction du vent, il y a un risque accru que les intervenants d'urgence se trouvent dans une position vulnérable.
  7. Si un responsable des opérations d'intervention n'a pas reçu une formation adéquate, le centre de commandement en cas d'incident risque de ne pas être correctement établi, ce qui accroît le risque de surveillance et de documentation inadéquates de l'incident.
  8. Si l'autorité compétente n'exige pas de mise à jour écrite et ne surveille pas les activités opérationnelles sur le site d'un déraillement, un déversement de produit ou un quasi-accident qui survient durant la remise en état du site pourrait passer inaperçu, ce qui accroît le risque de rater les occasions d'apprendre et d'améliorer le processus d'intervention d'urgence.
  9. Si l'on ne respecte pas les directives d'une compagnie ou sectorielles et que l'on omet de documenter correctement les quasi-accidents durant les interventions d'urgence et de les communiquer ouvertement aux autres organismes d'intervention, des circonstances similaires pourraient se reproduire, avec les mêmes risques de blessure au personnel d'intervention d'urgence.
  10. Si le système de gestion de la sécurité d'une compagnie ne permet pas de consigner adéquatement les quasi-accidents, on rate une occasion d'analyser l'événement et de mettre en œuvre des mesures correctives pour atténuer les risques et améliorer la sécurité.

3.2 Autres faits établis

  1. Les affaissements localisés de la table de roulement du rail peuvent être un indicateur d'éventuels défauts de rail émergents qui nécessitent une attention plus rigoureuse, particulièrement dans les vieux rails qui ont atteint ou presque leur limite de fatigue.
  2. Comme les inspecteurs de transport de marchandises dangereuses de Transports Canada (TC) ignoraient qu'un quasi-accident était survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126, il n'y a eu aucune mention de cette activité ni du quasi-accident dans le rapport d'assistance sur les lieux d'un accident de TC.
  3. Le Chemin de fer Canadien National a informé le Bureau de la sécurité des transports du Canada que l'on avait brûlé en torche un wagon durant la nuit, mais nulle mention n'a été faite du quasi-accident survenu durant cette activité.
  4. Le Chemin de fer Canadien National (CN) n'a jamais informé les organismes d'assistance du quasi-accident survenu durant le brûlage en torche du wagon-citerne PROX 126. Aucune documentation ni aucun rapport interne préparé par le CN n'indiquait qu'il y avait eu un quasi-accident durant cette activité.
  5. Le chef des pompiers de Wadena, qui était responsable des opérations d'intervention pour cet incident, a été informé plus tard du quasi-accident, mais aucun rapport ni compte rendu de ce quasi-accident au n'a été présenté au ministère de l'Environnement de la Saskatchewan, à Transports Canada ou au Bureau de la sécurité des transports du Canada, ni verbalement ni par écrit, contrairement aux meilleures pratiques d'un centre de commandement en cas d'incident et de la norme National Fire Protection Association 472 Standard for Competence of Responders to Hazardous Materials/Weapons of Mass Destruction Incidents (NFPA 472).
  6. La vidéo du brûlage en torche du wagon-citerne de marchandises dangereuses PROX 126 a été publiée au début de décembre 2015, et c'est alors que le ministère de l'Environnement de la Saskatchewan, Transports Canada et le Bureau de la sécurité des transports du Canada ont appris qu'un quasi-accident s'était produit.
  7. Quoique ce quasi-accident était un événement isolé, les gestes l'ayant engendré et l'absence d'un suivi immédiat par le Chemin de fer Canadien National (CN) pour gérer les risques après l'événement sont des éléments qui font ressortir les lacunes dans le signalement ou les procédures du système de gestion de la sécurité du CN.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Chemin de fer Canadien National

Le Chemin de fer Canadien National (CN) a émis la procédure opérationelle normalisée (PON) 200.16 le 7 janvier 2016, qui décrit une nouvelle procédure de brûlage dirigé pour brûler en torche les wagons-citernes. Cette PON souligne l'importance de considérer l'emplacement et l'orientation de toute brèche dans un wagon-citerne lorsqu'il y a risque d'accumulation de pression avant le brûlage. Elle précise en outre que les agents, Marchandises dangereuses, qui supervisent le brûlage doivent veiller à introduire leur source d'ignition à un angle de 90 degrés par rapport aux brèches exposées.

Le CN a révisé son plan d'intervention d'urgence et son registre des opérations d'intervention dont il se sert lors d'incidents. Ces 2 outils sont entrés en vigueur en 2016. Le registre des opérations d'intervention révisé contient des formulaires normalisés du Système de commandement des interventions dont se servent les organismes d'intervention d'urgence nord-américains.

Durant 2016, le personnel de gestion des risques du CN recevra une formation sur les exigences de documentation des interventions d'urgence au moyen du registre des opérations d'intervention du CN (2016).

4.1.2 Ministère de l'Environnement de la Saskatchewan

Le ministère de l'Environnement de la Saskatchewan (MES) a modifié ses protocoles pour les responsables des opérations d'intervention (CI) et les plans d'action en cas d'incident (PAI) comme suit :

En outre, le MES renforcera son processus de documentation du SCI. On confiera aux sections Planning Section, Situation Unit et Documentation Units des tâches précises pour documenter de façon détaillée le PAI. Durant chaque période des opérations, on fournira régulièrement à la Situation Unit des mises à jour que le personnel de commandement d'incident pourra examiner. On favorisera une culture de sécurité plus étoffée et un meilleur signalement des événements dangereux durant tous les incidents. Des réunions-bilans et des critiques auront promptement lieu. On encouragera le personnel à faire une réunion-bilan complète à la conclusion de tous les incidents majeurs et quasi-accidents.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Le rapport a été officiellement publié le

Annexes

Annexe A – Défauts de rail sur la subdivision Margo, de 2011 à 2014

Annexe B – Tableau comparatif des wagons-citernes TC/DOT-111 et TC-117

Spécifications Anciens wagons-citernes TC/DOT-111 Wagons TC/DOT-111/TP14877 construits depuis 2011 selon la norme publiée dans la Partie II de la Gazette du Canada le 2 juillet 2014 TC-117
1. Boucliers protecteurs Non Demi-boucliers Boucliers complets
2. Protection des raccords supérieurs Facultative Obligatoire Obligatoire
3. Protection thermique (enveloppe extérieure) Facultative Facultative Obligatoire
4. Épaisseur de l'acier 11,1 mm (7⁄16 pouce) 12,7 mm (½ pouce) pour les wagons sans enveloppe extérieure
11,1 mm (7⁄16 pouce) pour les wagons avec enveloppe extérieure
14,3 mm (9⁄16 pouce)
5. Système de freinage pneumatique à commande électronique Non Non NonNote de bas de page *
6. Normes de performance pour les robinets de déchargement par le bas Non Non Oui
* Transports Canada a fait part de son intention, après consultations, d'envisager d'inclure des dispositions sur le freinage, tels des freins pneumatiques à commande électronique, dans les règles de la conduite des trains plutôt que dans la nouvelle norme TC-117 pour les wagons-citernes.

Annexe C – Liste des acronymes et des abréviations

AAR
Association of American Railroads (États-Unis)
ADM
armes de destruction massive
AMD
agent, Marchandises dangereuses
APMD
agent principal, Marchandises dangereuses
AREMA
American Railway Engineering and Maintenance-of-Way Association
ASTM
American Society for Testing and Materials
BCI
Bureau du commissaire aux incendies de la Saskatchewan
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
C
Celsius (degrés)
CANUTEC
Centre canadien d'urgence transport
CAP
chef adjoint des pompiers
CCF
contrôleur de la circulation ferroviaire
CCI
centre de commandement en cas d'incident
CN
Chemin de fer Canadien National
CP
chef des pompiers
CPC
Casualty Prevention Circular
DDP
dispositif de décharge de pression
DFT
défaut de fissuration transversale
DOT
département des Transports (États-Unis)
ECP
freins pneumatiques à commande électronique
FAST
Fixing America's Surface Transportation (législation des États-Unis)
FRA
Federal Railroad Administration (États-Unis)
GE
groupe d'emballage
GPL
gaz de pétrole liquéfié
GRC
Gendarmerie royale du Canada
HAC
heure avancée du Centre
HAP
heure avancée du Pacifique
HAZMAT
matières dangereuses
HNC
heure normale du Centre
LNP
ligne du nord des Prairies
LRS
long rail soudé
LSC
affaissement localisé de la table de roulement (du rail)
MD
marchandises dangereuses
MES
ministère de l'Environnement de la Saskatchewan
MMA
Montreal, Maine & Atlantic Railway
MTMB/M
million de tonnes-milles brutes par mille
NFPA 472
National Fire Protection Association 472 Standard for Competence of Responders to Hazardous Materials/Weapons of Mass Destruction Incidents
NTSB
National Transportation Safety Board (États-Unis)
PAI
plan d'action en cas d'incident
PCI
poste de commandement en cas d'incident
PHMSA
Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (États-Unis)
PIH/TIH
produit toxique par inhalation
PON
procédure opérationnelle normalisée
PVPRO
premier vice-président, Région de l'Ouest
RDB
robinet de déchargement par le bas
REF
Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
Règlement sur le SGS
Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire
RSV
Règlement sur la sécurité de la voie
SCI
système de commandement en cas d'incident
SCU
structure de commandement unifié
SERTC
Security and Emergency Response Training Centre (du Transportation Technology Center Incorporated)
SGS
système de gestion de la sécurité
SMU
services médicaux d'urgence
SRS
Sperry Rail Service
TA
alcoolémie
TC
Transports Canada
TMD
transport des marchandises dangereuses
VPASIU
vice-président adjoint, Sécurité et intervention d'urgence
VPSDD
vice-président, Sécurité et développement durable
°
degrés