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Rapport d'enquête ferroviaire R14M0002

Déraillement en voie principale
du train de marchandises M30831-06
du Canadien National
au point milliaire 152,60
de la subdivision de Napadogan
à Plaster Rock (Nouveau-Brunswick)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 7 janvier 2014, vers 18 h 47, heure normale de l'Atlantique, 19 wagons et 1 locomotive de traction répartie du train de marchandises M30831-06 du Canadien National qui roulait vers l'est ont déraillé dans la subdivision de Napadogan, à proximité de Plaster Rock (Nouveau-Brunswick). La locomotive de traction répartie et la plupart des wagons déraillés se sont empilés au point milliaire 152,60. Environ 230 000 litres d'hydrocarbures se sont échappés des wagons-citernes et ont pris feu. Environ 150 résidents ont été évacués dans un rayon de 1,6 kilomètre. La voie ferrée a été détruite sur une distance d'environ 350 pieds. Personne n'a été blessé.

1.0 Renseignements de base

Le 7 janvier 2014, le train de marchandises M30831-06 (le train) du Canadien National (CN) en provenance de Toronto (Ontario) roulait dans la subdivision de Napadogan à destination de Moncton (Nouveau-Brunswick). Le train comptait 3 locomotives placées en tête du train, 1 locomotive de traction répartie placée au milieu du train et 122 wagons (66 chargés et 56 vides). Il pesait environ 10 000 tonnes et mesurait quelque 8400 pieds.

L'équipe du train se composait d'un mécanicien et d'un chef de train. Les 2 membres de l'équipe connaissaient bien la subdivision, se conformaient aux normes en matière de repos et de condition physique et répondaient aux exigences de leurs postes respectifs.

1.1 L'accident

Durant le parcours depuis Toronto, le train s'était arrêté au triage de Joffre (Charny, Québec) pour prendre une série de wagons dont le wagon-trémie couvert CRDX 15109. Vers 18 h 45Note de bas de page 1, après avoir traversé la municipalité de Plaster Rock (Nouveau-Brunswick) (figure 1), le train roulait à 47 mi/h et le manipulateur était à la position 4. Lors du passage du train au système de détection en voie (SDV)Note de bas de page 2, situé au point milliaire 152,50 de la subdivision de Napadogan, celui-ci a émis un message informant l'équipe du train d'une situation anormale. Alors que le mécanicien prenait les mesures pour arrêter le train et procéder à une inspection, un serrage  des freins d'urgence provenant de la conduite générale s'est déclenché. Jusque-là, aucune anomalie n'avait été ressentie due à la conduite du train ou à l'état de la voie. Après avoir suivi les consignes d'urgence, le chef de train a commencé l'inspection du convoi. L'essieu arrière du bogie menant (L3-R3) du wagon-trémie chargé CRDX 15109, 13e wagon à partir des locomotives de tête, avait déraillé et il y avait un incendie à l'arrière du train.

Figure 1. Lieu de l'accident (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
Lieu de l'accident

1.2 Examen des lieux

Les locomotives de tête et les 73 premiers wagons se sont séparés et se sont immobilisés à l'est de l'empilement principal des wagons déraillés. L'essieu arrière du bogie menant du 13e wagon a déraillé, et les 71e, 72e et 73e wagons ont déraillé en pleine courbe, mais sont restés debout et attelés à l'avant du train. Tous les autres wagons (du 74e au 88e) et la locomotive de traction répartie (CN 2684), positionnée derrière le 84e wagon, ont déraillé en ligne droite : 2 d'entre eux (74e wagon et 75e wagon) se sont renversés sur le côté, alors que les 12 autres et la locomotive de traction répartie se sont retrouvés empilés sur l'emprise ferroviaire, à l'ouest du SDV. À l'exception de la roue brisée sur le 13e wagon, l'examen des wagons déraillés et de la locomotive de traction répartie n'a fait ressortir aucune défectuosité mécanique antérieure à l'accident.

Les wagons déraillés comptaient 2 wagons-trémies couverts chargés d'argile, 4 wagons couverts vides et 12 wagons-citernes transportant des marchandises dangereuses (MD) dont :

Un morceau de rail d'environ 2 pieds a été trouvé du côté sud de la voie près des 2 derniers wagons déraillés (87e wagon et 88e wagon). Il y avait des signes de martèlement à l'une des extrémités de ce morceau de rail. La voie ferrée a été entièrement détruite sur une distance d'environ 350 pieds, correspondant à la zone d'empilement. Le branchement EH75, situé à environ 800 pieds à l'ouest du SDV, a également été endommagé (figure 2). Outre les dommages au matériel roulant et à la voie ferrée, l'incendie causé par le déversement du pétrole brut a endommagé une maison située à proximité.

Figure 2. Diagramme de l'empilement des wagons déraillés (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
 Diagramme de l'empilement des wagons déraillés

L'examen de la voie ferrée, vers l'est, depuis l'empilement des wagons, a révélé la présence de sillons dans la neige et de marques d'impact sur les anticheminants et les selles de rail qui se poursuivaient jusqu'au wagon CRDX 15109 (13e wagon). Ce wagon était immobilisé au point milliaire 151,44, et son essieu arrière du bogie menant était déraillé (photo 1).

Photo 1. Essieu déraillé du wagon CRDX 15109
Essieu déraillé du wagon CRDX 15109

La roue L3 s'était désolidarisée de la portée de calage et s'était déplacée vers l'intérieur. Sa table de roulement était brisée et une section d'une longueur d'environ 24 pouces s'en était détachée. Une fissure ouverte s'étendait à travers l'âme de la roue, de la table de roulement jusqu'au moyeu (photo 2). La roue conjuguée R3 montrait une importante exfoliation sur son entière circonférence.

Photo 2. Fissure de la roue L3 du wagon CRDX 15109
Fissure de la roue L3 du wagon CRDX 15109

À l'ouest de l'empilement des wagons, du côté nord de la voie, il y avait un sillon dans la neige, du côté intérieur du rail, se prolongeant sur une distance d'environ 11 milles, soit jusqu'au point milliaire 163,45. De plus, des marques d'impact étaient visibles sur le dessus du rail nord, la première marque étant située au point milliaire 163,72, au même endroit où des fragments de roue provenant de la roue L3 du wagon CRDX 15109 ont été trouvés sur le côté nord de l'emprise.

Sur le côté sud de la voie, il y avait également un sillon du côté intérieur du rail, débutant à l'empilement des wagons et s'arrêtant au point milliaire 163,05. Le sillon était présent par intermittence et n'était pas visible sur les tronçons de voie entre les branchements et les passages à niveau. Le rail sud était rompu à plusieurs endroits. De plus, une cinquantaine de ruptures de la base du rail ont été dénombrées. Les crampons et anticheminants du rail sud montraient des marques d'impact.

Le morceau de rail de 24 pouces montrant des signes de martèlement, les fragments de roue et l'essieu monté no 3 du 13e wagon ont été envoyés au laboratoire du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) afin de subir des examens détaillés.

1.3 Conditions météorologiques

Au moment de l'événement, le ciel était couvert et il faisait −16 °C. Dans les 24 heures précédant l'événement, la température ambiante était passée de 9,0 °C à −16,5 °C, selon les données de la station météorologique de JuniperNote de bas de page 3 (Nouveau-Brunswick).

1.4 Renseignements sur la subdivision

La subdivision de Napadogan est constituée d'une voie principale simple qui s'étend de l'est vers l'ouest et qui part de Pacific Junction, près de Moncton, au point milliaire 0,00, et se rend jusqu'à Edmundston (Nouveau-Brunswick), au point milliaire 219,40. Le mouvement des trains est régi par la commande centralisée de la circulation (CCC) autorisée en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), sous la supervision d'un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal (Québec). La subdivision est une voie de catégorie 4, au sens du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse maximale autorisée est de 60 mi/h pour les trains de marchandises. Cependant, parce que le train M30831-06 contenait plus de 20 wagons d'hydrocarbures, il était considéré comme un train clé; par conséquent, sa vitesse était limitée à 50 mi/h. Le trafic ferroviaire dans le secteur est constitué de 5 trains de marchandises par jour et la moyenne annuelle est de 18,2 millions de tonnes brutes.

1.5 Particularités de la voie

La voie ferrée était composée de longs rails soudés de 132 livres RE, posés sur des selles de 12 pouces à double épaulement, retenues à chaque traverse par 3 crampons et encadrées par des anticheminants à toutes les 2 traverses. Il y avait environ 3200 traverses de bois dur par mille de voie. Le ballast était composé de pierre concassée et les cases étaient garnies. La voie ferrée était en bon état.

1.6 Inspections de la voie

Le programme d'inspection des voies comprend principalement des inspections visuelles, l'auscultation des défauts internes des rails, des inspections de l'état géométrique de la voie et des inspections spéciales lors de circonstances extrêmes. Dans le secteur de l'accident, les inspections ont été effectuées conformément aux dispositions du RSV et n'ont révélé aucun défaut.

1.7 Inspection du matériel roulant

Le train a fait l'objet d'une inspection au défilé à Montréal. Il est ensuite passé par le détecteur de défauts de roues (DDR)Note de bas de page 4 situé au point milliaire 117,20 de la subdivision de Drummondville. Après la prise en charge de la série de wagons comprenant le wagon CRDX 15109Note de bas de page 5 à Joffre, le train a reçu 2 inspections au défilé additionnelles : la première au triage de Joffre, et la deuxième à Edmundston, lors du changement de quart. Avant d'être alerté par le SDV de Plaster Rock, le train était passé par 16 SDV depuis le triage de Joffre sans déclencher d'alarme.

1.8 Wagons-citernes déraillés par catégorie

Douze wagons-citernes ont déraillé. Parmi ces wagons, 4 étaient de catégorie 111 (72e, 73e, 77e et 78e wagons), 3 étaient de catégorie 111 renforcés selon la norme CPC-1232 (111-CPC-1232) (75e, 76e et 79e wagons) et les 5 autres étaient de catégorie 112 (74e, 80e, 81e, 82e et 88e wagons). L'annexe A renferme une description des wagons déraillés.

1.8.1 Wagons de catégorie 111

Ces wagons sont des wagons-citernes de service général. Ils ont été conçus d'après la spécification DOT-111A100W (DOT-111) du Department of Transportation (DOT) des États-Unis, et les plans ont été approuvés par l'Association of American Railroads (AAR). Ces wagons peuvent être construits en acier ordinaire avec une coque d'une épaisseur de 11,1 mm (7/16 de pouce). Ils ne sont pas munis de boucliers protecteurs ni d'enveloppe extérieure.

1.8.2 Wagons de catégorie 111-CPC-1232

À la suite d'une enquête du BSTNote de bas de page 6 sur l'accident survenu en août 2004 mettant en cause un train-bloc de produits pétroliers survenu près de Lévis (Québec), le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports étende les dispositions de sécurité des normes de construction applicables aux wagons de 286 000 livres à tous les nouveaux wagons-citernes non pressurisés transportant des marchandises dangereuses.
Recommandation R07-04 du BST

En réponse à cette recommandation, un groupe de travail de l'AAR a examiné des améliorations à la sécurité des wagons-citernes, et les normes de l'AAR relatives aux wagons-citernes ont été modifiées (Casualty Prevention Circular [circulaire visant la prévention des accidents avec blessés] no CPC-1232)Note de bas de page 7 pour incorporer un certain nombre d'améliorations pour tous les wagons-citernes de catégorie 111 construits après le 1er octobre 2011 et destinés au transport de pétrole brut et d'éthanol des groupes d'emballage I ou II. Ces améliorations comprennent l'application, à ces wagons-citernes, des normes de construction pour les wagons de 286 000 livres, la protection du matériel de service au sommet de la coque, l'utilisation de dispositifs de décharge de pression à fermeture automatique, l'utilisation d'acier normalisé pour la coque et la tête des wagons, une épaisseur minimum accrue pour tous les wagons-citernes dépourvus d'une enveloppe extérieure et non isolés, et des demi-boucliers protecteurs d'au moins 12,7 mm (½ pouce) d'épaisseur (voir l'annexe B pour les spécifications des wagons-citernes DOT-111 construits selon la norme CPC-1232).

1.8.3 Wagons de catégorie 112

Les wagons-citernes de cette catégorie sont considérés comme des « wagons sous pression » et sont conformes à la spécification DOT-112. Ils sont conçus pour le transport de gaz comprimés liquéfiés et de certains liquides inflammables. Ces wagons sont construits en acier normalisé et l'épaisseur de leur citerne varie selon le matériau de construction et la pression nominale. L'épaisseur minimale des wagons-citernes destinés au gaz de pétrole liquéfié (spécification 112J340W) est de 15,9 mm (5/8 de pouce) lorsqu'ils sont fabriqués en acier TC128 de nuance B. Sinon, l'épaisseur minimale est de 17,5 mm (11/16 de pouce). Ces wagons-citernes n'ont pas de robinet de déchargement par le bas et sont généralement munis de boucliers protecteurs, d'une enveloppe extérieure et d'une protection thermique.

1.9 Dommages aux wagons-citernes déraillés

1.9.1 Dommages aux wagons-citernes de catégorie 111

Les 72e et 73e wagons-citernes ne présentaient aucun dommage apparent. Les 2 autres wagons de catégorie 111 (77e et 78e wagons) ont été construits en 1996 et 1984 respectivement. Les têtes et les coques de ces wagons ont été perforées. Ils se sont vidés de leur contenu et ont alimenté le feu en nappe.

1.9.2 Dommages aux wagons-citernes de catégorie 111-CPC-1232

Les 75e, 76e et 79e wagons déraillés appartenaient à la catégorie 111-CPC-1232. Le premier est resté essentiellement intact, tandis que le second montrait quelques dommages dus à un glissement sur le côté. Ces 2 wagons n'ont pas été sujets à des forces significatives lors du déraillement et n'ont pas perdu leur contenu. Le troisième wagon a heurté le côté d'un wagon-citerne de catégorie 111 non renforcé. La tête de l'extrémité A s'est gondolée et a plié la traverse de traction. Ce wagon-citerne s'est toutefois trouvé dans le feu en nappe, ce qui a entraîné la dégradation du joint d'étanchéité du dispositif de décharge de pression et une petite quantité de pétrole brut s'est échappée.

1.9.3 Dommages aux wagons-citernes de catégorie 112

Les 5 wagons-citernes déraillés (74e, 80e, 81e, 82e et 88e wagons) qui ont été fabriqués selon les normes de la catégorie 112 n'ont pas subi de dommages dus aux chocs. Cependant, 2 d'entre eux (80e et 82e wagons) ont subi une dégradation des joints d'étanchéité du dispositif de décharge de pression causée par le feu en nappe. Ils ont laissé s'échapper une partie de leur contenu sous pression. Les dispositifs ne se sont pas refermés hermétiquement même après l'extinction du feu en nappe.

1.9.4 Résumé des dommages aux wagons-citernes

Tableau 1. Dommages relevés sur les wagons-citernes
Position Identification Catégorie Perte de contenu Dommage à la citerne
72 GATX 203761 111 Aucune Aucun
73 GATX 63222 111 Aucune Aucun
74 TILX 303749 112 Aucune Mineur
75 TILX 255682 111-CPC-1232 Aucune Mineur
76 TILX 255754 111-CPC-1232 Minime (vapeur émise par le dispositif de décharge de pression) Dégradation du dispositif de décharge de pression
77 ACFX 200435 111 Majorité Perforation à la tête de la coque, fracture de l'enveloppe à la sortie inférieure
78 GATX 17832 111 Majorité Perforation à la tête de la coque
79 SHPX 222603 111-CPC-1232 Minime (vapeur émise par le dispositif de décharge de pression) Dégradation du joint d'étanchéité du dispositif de décharge de pression
80 CGTX 65165 112 Minime (fuite par les raccords supérieurs, neutralisation par combustion) Dégradation du joint d'étanchéité du dispositif de décharge de pression
81 ACFX 220280 112 Minime (neutralisation par combustion) Fuite par le dispositif de décharge de pression
82 GATX 5019 112 Minime (fuite par les raccords supérieurs, neutralisation par combustion) Dégradation du joint d'étanchéité du dispositif de décharge de pression
88 CGTX 65130 112 Aucune Aucun

1.9.5 Mesures réglementaires relatives aux wagons-citernes de catégorie 111

Cet accident et d'autres accidents survenus récemment en Amérique du Nord, notamment ceux de Lac-Mégantic (Québec) [juillet 2013] (R13D0054), d'Aliceville (Alabama), aux États-Unis (novembre 2013), de Casselton (Dakota du Nord), aux États-Unis (décembre 2013), et de Lynchburg (Virginie), aux États-Unis (avril 2014), mettant en cause des wagons-citernes de catégorie 111 ont encore une fois illustré la vulnérabilité de ces wagons à subir des dommages au cours d'un accident et à déverser du produit (annexe C).

Dans le cadre de l'enquête sur l'accident de Lac-Mégantic, le Bureau a déterminé que les dommages subis par les wagons-citernes de catégorie 111 montraient clairement que le déversement de produit aurait pu être moindre si la coque et la tête des wagons-citernes avaient mieux résisté aux chocs. À la lumière de cet événement, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration exigent que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont mis en cause dans des accidents.
Recommandation R14-01 du BST

Après l'accident de Lac-Mégantic, la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA) a annoncé qu'elle avait l'intention de proposer l'adoptionNote de bas de page 8, dans les Hazardous Materials Regulations (49 CFR) (règlement relatif aux matières dangereuses), de nouvelles exigences relatives aux wagons-citernes. La PHMSA a demandé aux intervenants de lui soumettre leurs observations à l'égard des améliorations aux wagons-citernes de catégorie 111 mises de l'avant en 2011 par l'AAR dans la norme CPC-1232.

Par la suite, l'AAR et l'American Short Line and Regional Railroad Association (ASLRRA) ont toutes deux exprimé leur appui à l'égard de l'imposition de normes encore plus rigoureuses pour les wagons-citernes. L'AAR et l'ASLRRA ont demandé des améliorations additionnelles pour les wagons-citernes qui transportent des liquides inflammables (y compris des liquides inflammables du groupe d'emballage III), la modification en rattrapage des wagons-citernes existants affectés au transport de liquides inflammables, et un retrait progressif accéléré des wagons-citernes qui ne peuvent pas être modifiés pour répondre aux nouvelles exigences. Les améliorations comprennent les modifications suivantes :

TC a proposé l'adoption, dans le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (RTMD), des améliorations mises de l'avant en 2011, par l'AAR, à l'égard des wagons-citernes de catégorie 111. TC a prohibé l'utilisation des wagons-citernes de catégorie 111 posant le plus de risques. L'ordre no 34, signé à Ottawa (Ontario) le 23 avril 2014 en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses (Loi sur le TMD), a interdit l'utilisation des wagons-citernes non dotés d'un renfort inférieur continu pour le transport des liquides inflammables de classe 3, y compris le pétrole brut et l'éthanol.

TC a également affirmé qu'il exigera que tous les wagons-citernes construits avant l'entrée en vigueur de la norme CPC-1232 et utilisés pour le transport de pétrole brut et d'éthanol soient progressivement retirés du service ou modernisés d'ici le 1er mai 2017. Par ailleurs, une norme plus rigoureuse relative aux wagons-citernes spécifiquement conçus pour le transport des liquides inflammables appelée TC-140 a été mentionnée.

En juin 2014, le BST a reconnu les efforts de TC pour l'amélioration des normes relatives aux wagons-citernes pour le transport des liquides inflammables. Toutefois, le renforcement du parc de wagons-citernes prendra du temps et les améliorations spécifiques à la conception des nouveaux wagons-citernes ne pourront pas être pleinement appréciées avant l'achèvement du processus. C'est pourquoi le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation R14-01 était « en partie satisfaisante ».

Le DOT des États-Unis a publié des avis de projet de réglementation qui décrivent une approche exhaustive en matière de sécurité ferroviaire visant à améliorer l'intégrité des wagons-citernes. De plus, la PHMSA et la Federal Railroad Administration (FRA) ont travaillé à l'élaboration et à la finalisation de cette réglementation. Des propositions spécifiques à cet effet ont été publiées aux fins de consultation publique. Le DOT a mis de l'avant 3 possibilités pour les spécifications relatives aux wagons-citernes. Étant donné que l'Amérique du Nord est un marché intégré, la réglementation fédérale des deux pays est harmonisée dans une certaine mesure. De ce fait, de concert avec le Conseil Canada–États-Unis de coopération en matière de réglementation, la PHMSA et la FRA ont travaillé étroitement avec TC à l'élaboration de normes de protection améliorées pour les wagons-citernes.

Le 11 mars 2015, TC a publié une mise à jour de ses activités de développement de nouvelles normes relatives aux wagons-citernes. TC a renommé TC-117 la nouvelle catégorie proposée pour les wagons-citernes. Les dispositions mises à jour (annexe D) exigent que tous les nouveaux wagons-citernes construits pour transporter des liquides inflammables soient fabriqués en acier plus épais et résistant mieux aux chocs et qu'ils soient munis d'une protection thermique sous enveloppe, de boucliers protecteurs complets, d'une protection des raccords supérieurs, de robinets de déchargement par le bas améliorés et de dispositifs de décharge de pression appropriés.

Le 1er mai 2015, TC a annoncé le Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC 117), qui est entré en vigueur avec sa publication dans la Gazette du Canada, partie II. Ce règlement exige une nouvelle norme de wagons-citernes (TC-117), des modifications en rattrapage et un calendrier de mise en œuvre pour la modernisation du parc canadien de wagons-citernes utilisés pour le transport de liquides inflammables. Le retrait progressif des anciens wagons-citernes de catégorie 111 (y compris ceux qui sont conformes à la norme CPC-1232) servant au transport de liquides inflammables s'effectuerait graduellement selon une approche axée sur la gestion des risques en tenant compte des caractéristiques des wagons-citernes ainsi que de celles des liquides inflammables qu'ils transportent. Les normes et le calendrier ont été en général harmonisés avec ceux des organismes de réglementation des États-Unis (la PHMSA et la FRA).

En mai 2015, le Bureau a réévalué la réponse de TC à la recommandation R14-01 et indiqué qu'elle dénote une « intention satisfaisante ». Cependant, le Bureau a constaté que, même si une gestion active des risques est assurée au cours de la période de transition, le risque demeurera élevé tant que des liquides inflammables ne seront pas transportés dans des wagons-citernes de construction suffisamment robuste pour éviter une défaillance catastrophique en cas d'accident. Par conséquent, le Bureau a demandé à TC de s'assurer que les mesures de gestion des risques durant la période de la transition soient gérées de façon efficace.

1.10 Marchandises dangereuses transportées

Les MD transportées dans les wagons déraillés consistaient principalement en du pétrole brut (UN 1267) contenu dans les 75e, 76e, 77e, 78e et 79e wagons, du butane (UN 1075) contenu dans les 74e, 80e, 81e et 82e wagons et de l'éthanol (UN 3475) contenu dans le 72e wagon. Le 73e wagon contenait un résidu d'acide chlorhydrique (UN 1789) et le 88e wagon, un résidu de butane.

Le pétrole brut était constitué de pétrole léger et de pétrole lourd, tous deux provenant de l'Ouest canadien et destinés à la raffinerie de pétrole Irving de Saint John (Nouveau-Brunswick). La densité du pétrole brut est décrite en termes de densité (exprimée en degrés) de l'American Petroleum Institute (API), échelle selon laquelle un chiffre plus élevé indique une moins grande densité. Le pétrole brut dont la densité API est supérieure à entre 32° et 37° est généralement considéré comme étant du pétrole brut « léger ». Le pétrole brut dont la densité API est inférieure à entre 20° et 26° est généralement considéré comme étant du pétrole brut « lourd ». Les caractéristiques du pétrole brut transporté dans les wagons-citernes déraillés, fournies par la compagnie Irving, sont inscrites au tableau 2.

Tableau 2. Caractéristiques du pétrole brut contenu dans les wagons-citernes déraillés
Numéro de wagon Date de rapport Endroit Producteur Produit Densité API à 15 °C Total de soufre
(% de masse)
Point initial d'ébullition (°C) Point d'éclair en vase clos (°C)
75 2013-11-20 Barr (Alb.) Statoil SCSNote de bas de page 9 17,5 3,49 81,3 <−35
76 2013-12-30 Barr Statoil SCS 17,2 3,63 69,8 <−20
(L'échantillon a commencé à brûler à −20°, mais aucun éclair n'a été observé)
77 2013-11-25 Wood-north (Alb.) ARC LSBNote de bas de page 10 36,5 0,715 51,2 <-35
78 2013-12-31 Wood-north ARC LSB 36,8 1,22 47,9 <−35
79 2013-12-31 Wood-north Crescent Point LSB 36,4 0,711 44,1 <−35

Le pétrole brut, le diésel et le mélange d'essence et d'éthanol sont des liquides inflammables de classe 3, tandis que le butane non odorisé est un gaz inflammable de classe 2. Le Guide des mesures d'urgence 2012 précise que ces produits s'enflamment facilement et présentent un risque élevé d'incendie et d'explosion. Pour les incendies majeurs touchant des gaz inflammables de division 2.1, on devrait isoler et évacuer le périmètre dans un rayon de 1600 m (1 mille) autour des lieux de l'incendieNote de bas de page 11. Pour les incendies majeurs touchant des liquides inflammables de classe 3 contenus dans une citerne, on devrait isoler et évacuer le périmètre dans un rayon de 800 m (½ mille) autour des lieux de l'incendieNote de bas de page 12.

1.11 Liste de surveillance du BST

1.11.1 Transport de liquides inflammables par rail

La question du transport de liquides inflammables par rail est encore d'actualité et le BST l'a ajoutée à sa Liste de surveillance de 2014. Cette liste énumère les enjeux qui font courir les plus grands risques au système de transport du Canada. Elle sert à attirer l'attention de l'industrie et des organismes de réglementation sur des problèmes qui nécessitent une intervention immédiate. En se fondant sur ses enquêtes et recommandations antérieures, le BST a indiqué que l'augmentation du transport de liquides inflammables, tel le pétrole brut, par rail en Amérique du Nord a fait surgir des risques qui doivent être atténués de façon efficace. Le BST a précisé que les compagnies ferroviaires doivent procéder à la planification et à l'analyse des itinéraires, et effectuer des évaluations des risques afin de s'assurer que les mesures de gestion des risques sont efficaces. Le BST a également réitéré que les wagons-citernes transportant des liquides inflammables doivent être plus robustes afin de réduire la probabilité de déversement de MD en cas d'accident.

1.12 Wagon-trémie couvert CRDX 15109

Le wagon-trémie couvert CRDX 15109 a été construit le 1er août 2001. Il avait 62 pieds et 2 pouces de longueur, 15 pieds et 6 pouces de hauteur, et 10 pieds et 1 pouce de largeur. Il avait un poids brut de 286 000 livres, sa tare était de 67 700 livres et sa charge utile, de 218 300 livres. Le wagon était chargé à pleine capacité de produit d'origine animale. Il était passé par le DDR de Bagot, situé au point milliaire 117,20 de la subdivision de Drummondville, le 6 janvier 2014, et aucun défaut n'avait été signalé. La valeur d'impact nominale enregistrée par la roue L3 était d'environ 32 kips alors que la roue R3 donnait une valeur de 36,2 kips.

Les roues L3 et R3 ont été fabriquées par la Griffin Wheel Company à Columbus (Ohio), aux États-Unis, puis assemblées sur essieu aux ateliers Trinity en 1991. Il s'agissait de roues de 36 pouces, de type CH36, de classe C. En novembre 2006, les roues ont été reprofilées et les roulements ont été révisés. L'essieu monté a finalement été installé sous le wagon CRDX 15109 lors de réparations effectuées le 5 février 2007, à Wells (Michigan), aux États-Unis, par un chemin de fer d'intérêt local.

Selon la compagnie chargée du reprofilage des roues en 2006, des essais par ultrasons ont été effectués sur les roues, mais aucun document montrant les résultats de ces essais n'est disponible. Le Manual of Standards and Recommended Practices de l'AAR en vigueur à l'époque utilisait une valeur de référence normalisée de 1/8 de pouce et exigeait le rejet des roues avec des défauts ayant une taille de 50 % ou plus de la valeur de référence normalisée. Cependant, il n'y avait aucune exigence pour la conservation des données des essais. Depuis 2010, les compagnies effectuant des essais par ultrasons sont tenues d'en garder les résultats pour au moins 10 ans.

1.13 Examen de l'essieu monté L3-R3

L'examen détaillé de l'essieu monté L3-R3 et des fragments de la table de roulement de la roue L3 a permis de faire les observations suivantes :

Photo 3. Éclatement de la jante de la roue L3
Éclatement de la jante de la roue L3

L'analyse métallurgique de la roue L3 et des fragments a révélé une zone de porosité d'environ 4 mm de diamètre au niveau du point d'origine de la fissure. Un échantillon de la roue fracturée a été envoyé à un laboratoire accrédité externe pour y subir une analyse chimique détaillée (American Society for Testing and Materials [ASTM] E415-08). Selon l'analyse chimique de la roue L3 fracturée, cette dernière était conforme aux spécifications de l'AAR pour une roue de catégorie C (tableau 3).

Tableau 3. Analyse chimique de la roue L3
Élément Exigences de l'AAR (% poids) Valeur mesurée (% poids)
Carbone 0,67 à 0,77 0,70
Manganèse 0,60 à 0,85 0,75
Phosphore 0,05 max. 0,014
Soufre 0,05 max. 0,030
Silicone 0,15 min. 0,42

Des essais pour déterminer l'indice de dureté Brinell (BHN) ont été effectués sur une section de la table de roulement de la roue L3. Une valeur moyenne de 352 BHN a été obtenue, ce qui est conforme aux exigences de l'AAR, soit entre 321 et 363 BHN pour une roue de catégorie C.

1.14 Rupture par éclatement de la jante

De 2010 à 2014, selon la base de données du BST, le nombre moyen d'accidents au Canada causés par des fractures de roue était de 3 par année; ce nombre comprend tous les types de fracture, y compris les ruptures par éclatement de la jante. Ces dernières sont des ruptures par fatigue qui se développent à une profondeur de ½ pouce à ¾ de pouce sous la surface de la table de roulement. Elles se propagent ensuite parallèlement à la surface jusqu'à la séparation d'une partie de la jante. Elles prennent habituellement naissance dans des zones de porosité ou des zones d'inclusions. Elles ne deviennent visibles à l'œil nu qu'une fois que la fissuration émerge sur la face verticale de la surface de roulement. Selon une étude réalisée par le Transportation Technology Center, Inc. (TTCI)Note de bas de page 14, la majorité des ruptures par éclatement de la jante surviennent lorsque les roues sont relativement neuves, ce qui donne à penser que la cause principale est une inclusion ou un vide généré au moment de la fabrication.

Pour ce qui est des roues reprofilées, selon certaines hypothèses, les ruptures par éclatement de la jante dans ce type de roues pourraient être créées par un défaut de surface (par exemple, méplat) qui donne lieu à des charges d'impact élevées causant l'initiation de la fissuration sous-surfacique. Lorsque le méplat atteint les limites permissibles, la roue est retirée du service et est ensuite reprofilée. Si la fissuration sous-surfacique n'est pas décelée lorsque la roue est remise en circulation, elle continuera à se propager sous l'effet des charges normales de service. Une fois que la fissure atteint une longueur critique, la rupture complète survient assez rapidement.

1.15 Évolution des ruptures par éclatement de la jante

Il y a environ 12 000 000 de roues en service en Amérique du Nord. Environ 90 % des roues ont été fabriquées après 1994 et 75%, après 2002.

Une étudeNote de bas de page 15 citant des données de l'AAR indique qu'en Amérique du Nord, plus de 350 roues ont été remplacées en 1990 en raison d'une rupture par éclatement de la jante. Ce nombre relativement élevé de fractures a incité l'industrie à prendre les mesures suivantes afin de réduire les risques de bris de roue :

Entre 2000 et 2004, le nombre moyen de roues remplacées en raison de l'éclatement de la jante était d'environ 160 par année et, durant les 10 dernières années, le nombre moyen est passé à environ 60 par annéeNote de bas de page 16, Note de bas de page 17.

1.16 Examen du coupon de rail

Le coupon de rail provenait d'un rail de 132 livres RE, laminé par Dominion en 1953. L'usure du champignon était de 7/16 de pouce et il n'y avait pas d'usure latérale. Les surfaces fracturées montraient des caractéristiques de rupture par contraintes excessives causées par le déraillement. Le rail ne comportait aucun défaut préexistant. Il a été possible de remarquer que le champignon du rail à une extrémité était martelé et arrondi.

Des essais pour déterminer l'indice de dureté Brinell ont été effectués sur le coupon de rail et ont donné des valeurs entre 223 et 255 BHN. Ces résultats sont similaires à d'autres résultats obtenus pour la même catégorie de rail lors d'enquêtes précédentes effectuées par le BST.

1.17 Exigences relatives aux plans d'intervention d'urgence

Un plan d'intervention d'urgence (PIU) est exigé aux termes du RTMD pour certaines MD qui présentent un risque plus élevé que la moyenne lorsqu'elles sont transportées en certaines quantités. Lorsqu'un accident se produit, la manutention de ces MD exige une expertise, des ressources, du matériel, et de l'équipement spécialisés.

Dans le cadre de l'enquête sur l'accident de Lac-Mégantic, le Bureau a déterminé que, compte tenu de l'augmentation considérable des quantités de pétrole brut transportées par train au Canada ainsi que de la possibilité d'un important déversement et des risques qu'un tel déversement présenterait pour le public et pour l'environnement, le Bureau a recommandé qu'à tout le moins :

Le ministère des Transports exige des plans d'intervention d'urgence pour le transport de grandes quantités d'hydrocarbures liquides.
Recommandation R14-03 du BST

Le 23 avril 2014, en réponse à la recommandation R14-03 du BST, TC a délivré l'ordre no 33 en vertu de la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses.

Dans son évaluation de la réponse de TC à la recommandation R14-03, le Bureau a souligné, le 18 juin 2014, que l'ordre exigera que des PIU agréés soient en place pour les hydrocarbures et les liquides inflammables couramment transportés qui présentent un risque élevé, même lorsqu'ils sont en quantités minimes dans 1 seul wagon-citerne. TC entend également créer un groupe d'étude qui se penchera sur les exigences relatives aux PIU.

L'ordre a permis de s'assurer que des PIU agréés seront en place pour l'acheminement des hydrocarbures liquides et d'autres liquides inflammables à risque élevé, y compris l'éthanol. Par conséquent, le Bureau a déterminé que la réponse à la recommandation R14-03 était « entièrement satisfaisante ».

1.18 Intervention d'urgence

Peu de temps après l'accident, le CN et la municipalité de Plaster Rock ont mis en œuvre un plan d'urgence. Divers organismes, notamment le service des incendies local, le service des incendies de Saint John, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick, ont répondu à l'appel. À 19 h 15, le personnel d'intervention d'urgence a évacué environ 150 résidents dans un rayon de 1,6 km autour de l'incendie et a sécurisé les lieux du déraillement. Une zone d'interdiction (zone chaude) a été délimitée à l'intérieur de la zone d'évacuation. L'accès à cette zone était contrôlé et consigné.

Un poste de commandement unifié a été établi et les opérations relevaient du chef du service des incendies de Saint John. Il était appuyé par le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick et par les agents responsables des MD du CN. Une expertise technique relative aux dangers associés aux produits enflammés était fournie de manière continue. La qualité de l'air était contrôlée en temps réel, notamment le contrôle de la dispersion des panaches, afin de déterminer l'équipement de protection individuelle que les intervenants d'urgence devraient porter.

Environ 230 000 litres de pétrole brut se sont déversés et ont brûlé. Les produits contenus dans les wagons-citernes endommagés ont été transbordés par les équipes de spécialistes ou ont brûlé sur place. Les MD qui ont pris feu après le déraillement étaient du pétrole brut, du butane et le carburant diésel de la locomotive de traction répartie. L'incendie a été circonscrit au bout de quelques heures, mais a continué à brûler avec une intensité réduite en raison du butane qui s'échappait par les dispositifs de décharge de pression des wagons de catégorie 112. De ce fait, les responsables du CN ont proposé d'utiliser la procédure de neutralisation par combustion pour éteindre complètement le feu et accélérer les opérations de remise en état des lieux. Entre-temps, les résidents ont été autorisés à retourner brièvement chez eux pour récupérer certains effets personnels, s'occuper de leurs animaux de compagnie et remettre du bois dans les poêles à bois pour chauffer leurs maisons.

1.19 Opération de neutralisation par combustion

La neutralisation par combustion est une procédure qui consiste à faire détonner des charges explosives placées à des endroits stratégiques pour créer une ouverture dans un wagon-citerne de façon à pouvoir disposer de son contenu. On ne peut procéder à cette neutralisation qu'avec des gaz inflammables, des liquides inflammables ou des solides inflammables qui sont à une température à laquelle ils peuvent s'écouler. On envisage de procéder de cette façon lorsqu'il est impossible de déplacer le wagon, de transférer le produit ou de brûler à la torche le contenu de la citerne.

La procédure proprement dite consiste à placer 2 charges explosives sur le wagon-citerne touché. Une des charges est placée sur le point le plus élevé d'une des têtes du wagon, communément appelé « espace de vapeur ». L'autre charge est placée à la tête opposée du wagon et en son point le plus bas, communément appelé « espace de liquide ». On fait éclater d'abord la charge de l'espace de vapeur. La charge perce un trou dans la paroi de la citerne, enflamme les vapeurs à mesure que celles-ci s'échappent dans l'atmosphère et fait baisser la pression à l'intérieur de la citerne. Dès que la pression a baissé, on allume la seconde charge. Cette dernière charge perce un trou dans l'espace de liquide, ce qui fait que le liquide peut sortir de la citerne et s'écouler dans une fosse creusée au préalable. Dans cette fosse, on fait brûler le produit à la pression atmosphérique (figure 3).

Figure 3. Schéma d'une opération de neutralisation par combustion (Source : TTCI)
Schéma d'une opération de neutralisation par combustion

Le 10 janvier 2014, le CN a soumis au ministère de l'Environnement un plan selon lequel un entrepreneur spécialisé en explosifs devait procéder à une neutralisation par combustion sur 3 wagons-citernes chargés de butane. Après approbation du plan de neutralisation par combustion par le ministère de l'Environnement et Transports Canada, l'opération a été exécutée vers 14 h (photo 4).

Photo 4. Neutralisation par combustion
Neutralisation par combustion

Le 11 janvier 2014, vers 11 h, le chef du service des incendies a annulé la directive d'évacuation et les résidents ont été autorisés à rentrer chez eux.

1.20 Remise en état des lieux

Pendant la remise en état des lieux, plus de 7000 tonnes des sols contaminés de produits pétroliers ont été excavés et envoyés vers un site de traitement approuvé par le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick. Deux tranchées de récupération équipées de drains ont été installées de chaque côté de la voie ferrée. À l'été 2014, seulement quelques traces de produit y ont été observées.

Un programme de suivi de la qualité de l'eau de surface a été mis en place pour une période déterminée. En juin 2014, le programme s'est achevé et aucune contamination n'a été détectée. Les puits d'eau potable dans les environs des lieux du déraillement ont été échantillonnés. Aucune anomalie liée à l'accident n'a été notée. Un programme de suivi de la qualité de l'eau souterraine dans des puits d'observation installés par le CN et des puits privés d'eau potable a été mis en place. Après 2 rondes d'échantillonnage, aucune anomalie n'a été notée.

1.21 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

L'examen des wagons déraillés et de la locomotive de traction répartie n'a fait ressortir aucune défectuosité mécanique antérieure à l'accident (à l'exception de la roue brisée sur le 13e wagon). Par ailleurs, la conduite du train était conforme aux instructions de la compagnie et aux exigences de la réglementation. L'analyse s'intéressera essentiellement à la fracture de la roue L3 du 13e wagon, aux ruptures de rail et aux dommages subis par les wagons-citernes.

2.1 L'accident

Avant l'accident, aucun défaut externe n'avait été détecté sur la roue L3 du wagon CRDX 15109. La roue était passée par le détecteur de défauts de roues (DDR) la veille de l'accident, et rien d'anormal n'avait été signalé. Ses composants étaient conformes aux spécifications de l'Association of American Railroads (AAR) pour une roue de catégorie C. Cependant, la roue comportait une zone de porosité sous-surfacique qui a donné naissance à une fissure de fatigue entraînant l'éclatement de la table de roulement.

Lors de la propagation de la fissure, une partie de la table de roulement s'est détachée de la roue. Il en a résulté une charge d'impact élevée qui a entraîné la rupture par surcharge de la toile de roue, de la table de roulement jusqu'au moyeu de la roue. La roue s'est ensuite desserrée de l'essieu et s'est mise à glisser vers l'intérieur des rails, puis a déraillé. Après que la roue L3 a quitté la surface de roulement du rail, la roue conjuguée R3 a déraillé vers l'intérieur et a commencé à heurter les têtes de crampons et les anticheminants sur une distance de plusieurs milles. Le train a continué de rouler à la vitesse permise et ce n'est qu'en arrivant au système de détection en voie (SDV) situé au point milliaire 152,50 que l'essieu déraillé a déclenché l'alarme avertissant l'équipe de train.

L'examen de la voie ferrée à l'est de l'empilement des wagons déraillés a révélé que les sillons observés dans la neige et les marques d'impact sur les éléments de la voie se prolongeaient jusqu'à l'endroit où l'essieu arrière du bogie menant du wagon CRDX 15109 (13e position) avait déraillé, ce qui confirme que ce wagon est le premier wagon qui a déraillé.

À l'ouest de l'empilement, le sillon observé dans la neige, du côté intérieur du rail nord, se prolongeait jusqu'au point milliaire 163,45. Il était suivi par la suite de marques d'impact sur le dessus du rail nord allant jusqu'au point milliaire 163,72, à l'endroit même où des fragments de la roue L3 du wagon CRDX 15109 ont été trouvés. Ces éléments indiquent que la roue L3 s'est brisée au point milliaire 163,72, qu'elle s'est ensuite désolidarisée de la portée de calage et s'est déplacée vers l'intérieur puis a déraillé sur le côté intérieur du rail nord au point milliaire 163,45. Comme, par ailleurs, le sillon du côté intérieur du rail sud s'arrêtait au point milliaire 163,05, il semble que c'est à cet endroit que la roue conjuguée R3 est tombée du rail.

Aucune anomalie n'a été ressentie avant le serrage des freins d'urgence. Cela laisse supposer que le rail n'était pas brisé avant l'arrivée du train et confirme que l'impact de la roue R3 du wagon CRDX 15109, combiné aux contraintes thermiques de traction dues à la baisse de température qui étaient imposées au rail, a causé les ruptures de rail.

2.2 Inspection par ultrasons des roues

Lors de la fabrication de la roue L3 en 1991, la zone de porosité, quoique assez grande, n'a pas été décelée lors du contrôle par ultrasons et donc la roue a été mise en service malgré la présence d'une défectuosité. En 2006, les roues ont été reprofilées et, selon la compagnie ayant exécuté les travaux en question, des vérifications par ultrasons ont été effectuées sur les roues, mais aucun défaut n'a été décelé. Comme le défaut de porosité observé lors de l'analyse métallurgique de la roue L3 était supérieur à 1/8 de pouce, il aurait en principe dû être détecté lors des tests exécutés après le reprofilage de cette roue. Toutefois, il a été impossible de vérifier les résultats des tests spécifiques à la roue L3 car, à l'époque, il n'y avait aucune exigence pour la conservation des données des essais. Cependant, depuis 2010, cette lacune a été corrigée et, de nos jours, les compagnies effectuant des essais par ultrasons sont tenues d'en garder les résultats pour au moins 10 ans.

Le nombre moyen de déraillements au Canada causés par des bris de roue est d'environ 3 par année. Bien que le nombre de déraillements soit relativement faible, il n'en demeure pas moins qu'ils peuvent présenter des risques élevés, car ces types de déraillements surviennent à des vitesses élevées. Cependant, lorsqu'on s'en tient aux ruptures de roue par éclatement de la jante qui sont un sous-groupe des bris de roue, on observe que les risques pertinents à ce genre de rupture sont en baisse constante par suite des mesures prises par l'industrie.

En effet, depuis la date de fabrication de la roue L3, l'industrie a pris une série de mesures rigoureuses. En 1994, le seuil de détectabilité des défauts internes par ultrasons a été baissé afin d'identifier des défauts de fabrication de moindre taille avant la mise en service des nouvelles roues. Quelques années plus tard, le plus important fabricant de roues en Amérique du Nord a modifié son processus de fabrication pour réduire les porosités lors du moulage des roues. Finalement, en 2002, l'AAR a resserré davantage la norme relative aux roues ferroviaires neuves et a exigé que des essais par ultrasons soient effectués par un système automatisé de scanneur.

Le nombre moyen de roues remplacées en raison de l'éclatement de la jante a baissé de 350 par année à environ 60 par année depuis 25 ans en Amérique du Nord. Par ailleurs, la majorité des roues en service ayant été fabriquées après 1994, ces roues ont dû subir un contrôle par ultrasons plus strict que la roue L3 lors de leur fabrication. De plus, on sait que la majorité des ruptures par éclatement de la jante surviennent lorsque les roues sont relativement neuves; par conséquent, il y a lieu de croire que les mesures prises par l'industrie ont amélioré l'identification des roues défectueuses avant leur mise en service et ont, de ce fait, permis de réduire les risques de rupture par éclatement de la jante.

2.3 Ruptures de rail

L'arrondi du champignon et les marques de martèlement observés sur une des extrémités du coupon de rail récupéré sur le côté de la voie vis-à-vis des 2 derniers wagons déraillés montrent que le rail s'est rompu sous la roue R3 du wagon CRDX 15109 et qu'il est resté en place, subissant le passage de plusieurs essieux. Par la suite, sous l'effet répété des impacts de roue, le coupon de rail s'est rompu entièrement, puis s'est détaché en tombant du côté sud de la voie, laissant une brèche dans le rail que les roues ne pouvaient plus négocier, entraînant le déraillement des autres wagons (c.-à-d. du 71e wagon au 88e wagon).

Lors de variations importantes de la température ambiante et par temps froid, les ruptures de rail sont plus fréquentes dans les territoires où la voie est faite de longs rails soudés. Cela est dû en partie à la contraction des rails qui fait accroître les contraintes internes de traction. D'autre part, la ténacité de l'acier est moindre à des températures plus froides, rendant le rail plus susceptible de subir une rupture fragile, surtout lorsque la voie subit des charges transitoires élevées ou des charges d'impact anormalement élevées. Comme la température ambiante est passée de 9,0 °C à −16,0 °C dans les 24 heures précédant l'événement, toutes les conditions étaient présentes pour accroître les ruptures de rail sous les impacts générés par la roue R3.

Les analyses faites par le laboratoire du BST ont permis de déterminer que le morceau de rail brisé qui a été récupéré s'est rompu par suite d'une surcharge et qu'il n'était pas affecté par un défaut préexistant. C'est donc l'effet de la charge d'impact appliquée par la roue R3 combiné à celui des contraintes thermiques de traction dues à la baisse de température qui ont entraîné la rupture du rail. En plus de la fracture du coupon de rail ayant entraîné le déraillement, les impacts générés par la roue R3 ont causé des fractures de la base du rail sud et des ruptures franches du rail sud, à plus d'une cinquantaine d'endroits. Cependant, à ces endroits, les rails sont restés en place et le train y est passé sans encombre.

2.4 Wagons-citernes

L'accident à l'étude et d'autres accidents survenus récemment en Amérique du Nord, notamment celui de Lac-Mégantic, ont illustré la vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111 à subir des dommages au cours d'un déraillement et à déverser du produit. Par suite de l'enquête sur l'accident de Lac-Mégantic, le Bureau a déterminé que les dommages subis par les wagons-citernes de catégorie 111 montraient clairement que le déversement de produit aurait pu être moindre si la coque et la tête des wagons-citernes avaient mieux résisté aux chocs. Conséquemment, le Bureau a formulé la recommandation R14-01 demandant que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont en cause dans des accidents.

Parmi les 4 wagons de la catégorie 111 en cause dans le déraillement, 2 ne présentaient aucun dommage apparent alors que les 2 autres ont eu les têtes et les coques perforées, se sont vidés de leur contenu et ont alimenté le feu en nappe. Si des wagons-citernes de catégorie 111 qui ne sont pas conformes à des normes de protection renforcées transportent des liquides inflammables, il y a un risque continu de déversement de produit et de dommages importants aux personnes, aux biens et à l'environnement lorsque ces wagons sont en cause dans des accidents.

Par contre, les wagons-citernes CPC-1232 se sont mieux comportés; l'un est resté essentiellement intact, tandis que le second montrait quelques dommages dus à un glissement sur le côté. Le troisième wagon, quant à lui, n'a pas été perforé bien que la tête de l'extrémité A s'est gondolée. Les wagons de catégorie 112 déraillés n'ont pas subi de dommages dus aux chocs.

Il est cependant difficile de déterminer si le comportement des wagons CPC-1232 est attribuable aux améliorations de la norme CPC-1232 ou simplement à la position des wagons dans la formation du train et à la séquence des événements.

En réponse à la recommandation R14-01 du Bureau, Transports Canada (TC) a indiqué qu'il exigerait que tous les wagons-citernes construits avant l'entrée en vigueur de la norme CPC-1232 et utilisés pour le transport de pétrole brut et d'éthanol soient progressivement retirés du service ou modernisés d'ici le 1er mai 2017. Par ailleurs, l'AAR et l'American Short Line and Regional Railroad Association (ASLRRA) ont toutes deux exprimé leur appui à l'égard de l'imposition de normes encore plus rigoureuses que la norme CPC-1232.

Le 1er mai 2015, TC a annoncé le Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC 117). Ce règlement exige une nouvelle norme de wagons-citernes (TC-117), des modifications en rattrapage et un calendrier de mise en œuvre pour la modernisation du parc canadien de wagons-citernes utilisés pour le transport de liquides inflammables. Les normes et le calendrier ont été en général harmonisés avec ceux des organismes de réglementation des États-Unis (la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration et la Federal Railroad Administration).

La norme TC-117 stipule que les citernes des wagons doivent être faites d'acier normalisé TC128 de nuance B d'une épaisseur minimale de 14,3 mm (9/16 de pouce) et munies de boucliers protecteurs complets, d'une enveloppe extérieure et d'une protection thermique. Le fait que les caractéristiques des wagons TC-117 sont similaires à celles des wagons de catégorie 112 peut suggérer que le rendement des wagons TC-117 réduira les risques de déversement et d'incendie en cas d'accident.

2.5 Gestion de l'intervention d'urgence

Le butane, le pétrole brut et le diésel ont alimenté le feu après le déraillement et ont rendu le travail des pompiers difficile. Des mesures appropriées et efficaces, basées sur le Guide des mesures d'urgence, ont été prises pour sécuriser les lieux de l'accident et assurer la protection du public immédiatement après le déraillement. L'évacuation s'est faite de façon ordonnée. Le soutien logistique apporté par le service des incendies de Saint John a permis de coordonner les actions de tous les intervenants et a permis de sécuriser les lieux et de mieux contrôler la situation. Une expertise technique relative aux dangers associés aux produits enflammés était fournie de manière continue. De ce fait, la qualité de l'air était contrôlée en temps réel, notamment le contrôle de la dispersion des panaches, afin de déterminer l'équipement de protection individuelle que les intervenants d'urgence devraient porter et ainsi assurer leur sécurité.

D'autre part, l'utilisation de la procédure de neutralisation par combustion pour maîtriser l'incendie et éliminer le produit a permis aux résidents évacués de rentrer chez eux plus rapidement et a permis d'accélérer les opérations de remise en état des lieux. Par conséquent, les premiers intervenants ont réussi à accomplir leurs tâches efficacement et en toute sécurité dans des conditions météorologiques hivernales difficiles.

2.6 Remise en état des lieux

Le programme de suivi de la qualité de l'eau de surface et de l'eau souterraine qui a été mis en place a permis de vérifier la qualité de l'eau et d'assurer la santé et la sécurité des résidents. Par ailleurs, les sols contaminés des terrains et des fossés autour du site de l'empilement ont été excavés et retirés pour être traités. En conséquence, le programme d'intervention environnementale mis en œuvre et la remise en état des lieux du déraillement ont été appropriés, assurant ainsi que les impacts environnementaux soient circonscrits et minimisés.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La roue L3 du wagon CRDX 15109 comportait une zone de porosité sous-surfacique qui a donné naissance à une fissure de fatigue entraînant l'éclatement de la table de roulement.
  2. Bien que la zone de porosité ait été assez grande, elle n'a pas été décelée lors du contrôle par ultrasons lors de la fabrication de la roue en 1991 ou lors du reprofilage en 2006.
  3. Les impacts générés lorsqu'une partie de la table de roulement de la roue L3 s'est détachée ont causé la rupture de la toile de roue, entraînant un desserrement de la roue qui s'est mise à glisser vers l'intérieur des rails, puis a déraillé.
  4. Après que la roue L3 a quitté la surface de roulement du rail, la roue conjuguée R3 a déraillé vers l'intérieur et a commencé à heurter les têtes de crampons et les anticheminants sur une distance de plusieurs milles, entraînant des ruptures de rail.
  5. Aucune anomalie n'a été ressentie avant le serrage des freins d'urgence. Cela laisse supposer que le rail n'était pas brisé avant l'arrivée du train et confirme que l'impact de la roue R3 du wagon CRDX 15109, combiné aux contraintes thermiques de traction dues à la baisse de température qui étaient imposées au rail, a causé les ruptures de rail.
  6. L'arrondi du champignon et les marques de martèlement observés sur une des extrémités du coupon de rail montrent que le rail s'est rompu sous la roue R3 du wagon CRDX 15109 et qu'il est resté en place, subissant le passage de plusieurs essieux avant de se rompre entièrement, entraînant le déraillement des autres wagons.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si des wagons-citernes de catégorie 111 qui ne sont pas conformes à des normes de protection renforcées transportent des liquides inflammables, il y a un risque continu de déversement de produit et de dommages importants aux personnes, aux biens et à l'environnement lorsque ces wagons sont en cause dans des accidents.

3.3 Autres faits établis

  1. Le soutien logistique apporté par le service des incendies de Saint John a permis de coordonner les actions de tous les intervenants et a permis de sécuriser les lieux et de mieux contrôler la situation.
  2. L'utilisation de la procédure de neutralisation par combustion pour maîtriser le feu et éliminer le produit a permis aux résidents évacués de rentrer chez eux plus rapidement et a permis d'accélérer les opérations de remise en état des lieux.
  3. Le programme d'intervention environnementale mis en œuvre et la remise en état des lieux du déraillement ont été appropriés, assurant ainsi que les impacts environnementaux soient circonscrits et minimisés.
  4. Les mesures prises par l'industrie ont amélioré l'identification des roues défectueuses avant leur mise en service et ont, de ce fait, permis de réduire les risques de rupture par éclatement de la jante.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Le rapport a été officiellement publié le

Annexes

Annexe A – Description des wagons déraillés

Position Numéro Chargement Constructeur Date de construction Spéc. au pochoir Coque Bouts Dispositif de décharge de pression
13 CRDX 15109 Produit d'origine animale
71 AOK 15052 Vide (wagon couvert)
72 GATX 203761 Éthanol Trinity Industries 2005 111A100W1 7/16 po, norme A516, nuance 70 7/16 po, norme A516, nuance 70  
73 GATX 63222 Acide chlorhydrique (résidu) Trinity Industries 10/13/1998 111A100W5 7/16 po, norme A516, nuance 70 7/16 po, norme A516, nuance 70 (1) 165 lb/po²
74 TILX 303749  Butane (gaz liquéfié sous pression) Trinity Tank Car 06/03/2011 112J400W 0,714 po, norme TC128, nuance B 0,714 po, norme TC128, nuance B (1) 300 lb/po²
75 TILX 255682 Pétrole brut (Barr, en Alberta) Trinity Tank Car 11/08/2012 111A100W1
(CPC-1232)
7/16 po, norme TC128, nuance B 7/16 po, norme TC128, nuance B (1) 165 lb/po²
76 TILX 255754 Pétrole brut (Barr) Trinity Tank Car 11/08/2012 111A100W1
(CPC-1232)
7/16 po, norme TC128, nuance B 7/16 po, norme TC128, nuance B (1) 165 lb/po² Mis à l'air libre
77 ACFX 200435 Pétrole brut (Woodnorth, en Alberta) ACF Industries 07/01/1996 111A100W1 7/16 po, norme TC128, nuance B 7/16 po, norme A516, nuance 70 (2) 75 lb/po²
78 GATX 17832 Pétrole brut (Woodnorth) GATX 02/01/1984 111A100W1 7/16 po, norme A515, nuance 70 7/16 po, norme A515, nuance 70 (2) 75 lb/po²
79 SHPX 222603 Pétrole brut (Woodnorth) American Railcar Industries 10/29/2012 111S100W1
(CPC-1232)
½ po, norme TC128, nuance B ½ po, norme TC128, nuance B (1) 75 lb/po² Mis à l'air libre
80 CGTX 65165 Butane (gaz liquéfié sous pression) Trinity Tank Car 05/01/1996 112J340W 0,625 po, norme TC128, nuance B 0,625 po, norme TC128, nuance B (1) 280,5 lb/po² Ventilé et en feu
81 ACFX 220280 Butane (gaz liquéfié sous pression) Trinity Tank Car 05/01/1996 112J340W 0,625 po, norme TC128, nuance B 0,625 po, norme TC128, nuance B (1) 280,5 lb/po² Mis à l'air libre
82 GATX 5019 Butane (gaz liquéfié sous pression) Trinity Tank Car 06/18/1998 112J340W 0,625 po, norme TC128, nuance B 0,625 po, norme TC128, nuance B (1) 280,5 lb/po² Ventilé et en feu
83 NAHX 551300 Argile
84 TILX 5924 Argile
85 NOKL 570585 Vide (wagon couvert)
86 CRLE 119731 Vide (wagon couvert)
87 TR 150202 Vide (wagon couvert)
88 CGTX 65130 Butane (gaz liquéfié sous pression) (résidu) Trinity Industries 03/01/1996 112J340W 0,625 po, norme TC128, nuance B 0,625 po, norme TC128, nuance B (1) 280,5 lb/po²

Annexe B – Spécifications des wagons-citernes DOT-111 construits selon la norme CPC-1232

Les wagons-citernes DOT-111 de service général construits selon la norme « CPC-1232 » de l'Association of American Railroads (AAR) doivent être conformes aux exigences pertinentes de la Casualty Prevention Circular (CPC) 1232 (circulaire visant la prévention des accidents avec blessés) de l'AAR publiée le 31 août 2011, notamment aux dispositions suivantes :

[traduction]

La tête et la coque des wagons-citernes de catégorie 111 utilisés pour le transport de matières des groupes d'emballage I et II et portant l'appellation réglementaire « pétrole brut », « alcools, n.s.a. », et « éthanol et essence en mélange » doivent être faites d'acier normalisé TC128 de nuance B ou d'acier normalisé A516-70. La tête des wagons-citernes doit être normalisée après son moulage, à moins que le directeur exécutif de la sécurité des wagons-citernes de l'AAR ait accordé son approbation s'il est d'avis que l'installation a prouvé que son matériel et ses contrôles fournissent un niveau de sécurité équivalent. Les citernes construites d'acier normalisé TC128 de nuance B dépourvues d'une enveloppe extérieure doivent avoir une épaisseur d'au moins ½ pouce et celles munies d'une enveloppe extérieure doivent avoir une épaisseur d'au moins 7/16 de pouce. Les citernes construites d'acier normalisé A516-70 dépourvues d'une enveloppe extérieure doivent avoir une épaisseur d'au moins 9/16 de pouce et celles munies d'une enveloppe extérieure doivent avoir une épaisseur d'au moins ½ pouce. Tous les wagons doivent être munis de demi-boucliers protecteurs d'au moins ½ pouce d'épaisseur.Note de bas de page 18

Annexe C – Événements illustrant la vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111

D'autres événements ont entraîné des déversements après que les wagons-citernes ont été percés ou éventrés à la suite de collisions, de chocs ou de tamponnements, notamment les suivants :

Annexe D – Tableau comparatif des caractéristiques des wagons-citernes TC/DOT-111 et TC-117

Spécifications Wagons-citernes TC/DOT-111 existants moins récents TC/DOT-111/TP14877 contruits depuis 2011 conformément à la norme publiée dans la partie II de la Gazette du Canada le 2 juillet 2014 TC-117
1. Boucliers protecteurs Non Demi Complet
2. Protection des raccords supérieurs Facultatif Obligatoire Obligatoire
3. Protection thermique (enveloppe extérieure) Facultatif Facultatif Obligatoire
4. Épaisseur de l'acier 11,1 mm (7/16 de pouce) 12,7 mm (1/2 pouce) pour les wagons dépourvus d'une enveloppe extérieure
11,1 mm (7/16 de pouce) pour les wagons munis d'une enveloppe extérieure
14,3 mm (9/16 de pouce)
5. Système de freinage pneumatique à commande électronique Non Non Non*
6. Norme de rendement pour les robinets à déchargement par le bas Non Non Oui
7. Norme de rendement pour la protection thermique, la protection des raccords supérieurs et la résistance de la tête et de la coque aux perforations Non Non Oui
Transports Canada a indiqué que, au terme de consultations, il prévoit envisager l'ajout de dispositions sur le freinage, comme les freins pneumatiques à commande électronique (ECP), dans les règles d'exploitation des trains contrairement à la nouvelle norme TC-117 sur les wagons-citernes.