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Rapport d'enquête ferroviaire R06Q0054

Déraillement en voie principale
Du train de marchandises M-36831-03 du Canadien National,
au point milliaire 65,02,
de la subdivision Joliette, à Charette (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 4 juin 2006, à 12 h 37, heure avancée de l'Est, 14 wagons (dont 10 chargés et 4 vides), y compris 7 wagons chargés de marchandises dangereuses, du train de marchandises M-36831-03 du Canadien National ont déraillé alors que le train franchissait un pont au point milliaire 65.1 de la subdivision Joliette, près du village de Charette (Québec). Les wagons chargés de marchandises dangereuses comprenaient 2 wagons chargés d'essence, 3 wagons chargés de mazout et 2 wagons chargés d'acide sulfurique. Environ 233 000 litres d'hydrocarbures se sont échappés des 3 wagons-citernes et une partie s'est déversée dans la rivière du Loup tout près. L'accident n'a pas fait de victimes.

Renseignements de base

Le déraillement

Le 4 juin 2006, à 8 h 19, heure avancée de l'Est,Note de bas de page 1 le train de marchandises M-36831-03 du Canadien National (CN) roulant vers l'est, a quitté Rivière-des-Prairies au point milliaire 132,08 de la subdivision Saint-Laurent, à destination de Garneau (Québec), au point milliaire 40,01 de la subdivision Joliette (voir la figure 1). Le train comptait 3 locomotives et 142 wagons; il mesurait environ 6 760 pieds et pesait quelque 12 290 tonnes. L'équipe, formée d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train, se conformaient aux normes en matière de repos et de condition physique; ils étaient qualifiés pour occuper leur poste respectif et connaissaient bien le territoire.

Figure 1. Schéma du lieu de l'accident (provenant de l'Association des chemins de fer du
Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
Schéma du lieu de l'accident

Alors que le train franchissait l'extrémité nord du pont au point milliaire 65,10, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est déclenché. Après avoir pris les mesures d'urgence, l'équipe a déterminé que 14 wagons (du 49e au 62e wagons) avaient déraillé. Les wagons déraillés comprenaient 3 wagons-tombereaux chargés, 4 wagons plats vides et 7 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses. Deux wagons-citernes étaient chargés d'essence (UN 1203), trois de mazout (UN 1202) et les deux autres, d'acide sulfurique (UN 1830).

Les données du consignateur d'événements de locomotive indiquent qu'à partir du point milliaire 66,43 le train roulait à une vitesse constante de 30 mi/h, avec la manette des gaz au ralenti et le frein rhéostatique engagé. Les locomotives se sont immobilisées vers le point milliaire 64,13.

Les services d'incendie et de police locaux, ainsi qu'Environnement Canada, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs et le Service canadien des forêts ont réagi à l'accident.

Au moment du déraillement, la température était d'environ 20 °C. L'humidité relative était de 48 pour cent et le vent soufflait du nord à une vitesse de 13 km/h.

Examen des lieux

Le premier wagon déraillé, un wagon-tombereau, s'est immobilisé au point milliaire 64,78, et son bogie arrière a été déporté du côté ouest. Les 50e et 51e wagons, également des wagons-tombereaux, se sont immobilisés dans le fossé du côté ouest de la voie ferrée, à 915 pieds au sud du premier wagon déraillé. Les neuf autres wagons, à savoir 5 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses comprenant de l'essence ou du mazout se sont entassés au nord du pont (voir la photo 1). L'un des wagons déraillés a touché les lignes d'alimentation électrique, ce qui a entraîné une panne de courant locale. Trois wagons-citernes (un chargé d'essence et deux chargés de mazout) ont été perforés et ont laissé échapper leurs produits, dont une partie s'est déversée dans le remblai et, par la suite, dans la rivière du Loup. Les deux derniers wagons déraillés (PROX 13521 et PROX 13516), chargés d'acide sulfurique, sont restés debout du côté nord du pont. Le boggie avant du wagon PROX 13516 (le dernier wagon déraillé), est tombé entre les rails, et le boggie arrière, du côté intérieur du rail est.

Photo 1. Lieu de l'accident (provenant du journal Le Nouvelliste)
Lieu de l'accident

L'examen des wagons déraillés n'a révélé aucun défaut mécanique antérieur au déraillement, bien qu'on ait récupéré une mâchoire d'attelage brisée pendant l'inspection des wagons déraillés.

Immédiatement au sud du dernier wagon déraillé, des crampons étaient relevés sur le côté intérieur du rail ouest alors que le rail est s'était déplacé vers l'extérieur et reposait sur les crampons. Près de la culée, les deux rails étaient écartés. Le rail ouest avait été déplacé vers l'extérieur et on pouvait y voir de fortes traces de frottement le long de son côté intérieur, ainsi que de nombreuses marques de boudin de roue le long de sa base, du côté intérieur.

On n'a découvert aucune marque de boudin de roue sur le rail. En revanche, à partir d'environ 25 pieds de la culée nord du pont, on a constaté des marques de boudin de roue et des dommages sur les traverses du pont, entre les rails. À environ 12 pieds de la culée, les dégâts causés aux traverses du pont étaient beaucoup plus importants et se prolongeaient vers le nord sur les traverses de la voie d'accès du pont en direction du groupe de wagons déraillés.

Les traverses 1, 3 et 6 du pont, comptées à partir de l'extrémité nord du pont, comportaient plusieurs fentes verticales. Les traverses 4 et 5, qui supportaient un raccord sur le rail est, étaient brisées. La traverse 4 était cisaillée horizontalement et la traverse 5 était cassée sur le plan vertical. Une inspection du tablier du pont au sud de la zone de déraillement a révélé des marques d'abrasion le long de la base du rail, qui se prolongeaient jusqu'à quatre pouces de chaque côté des têtes des crampons.

L'accès nord du pont, qui comprend six traverses d'approche, a été lourdement endommagé par le déraillement. Les traverses étaient disloquées et les fibres de bois sur la surface supérieure avaient été déchiquetées par les roues des wagons déraillés. Sur d'autres parties des traverses on pouvait voir des fentes profondes ainsi qu'une détérioration avancée du bois (voir la photo 2). Les traverses étaient du type à crampon double (c'est-à-dire que chaque traverse comporte quatre crampons).

Photo 2. Traverse de voie ferrée de la voie d'accès nord
Traverse de voie ferrée de la voie d'accès nord

Dix-sept traverses de pont et la griffe de serrage ont été envoyées au laboratoire technique du BST (LP 045/2006 et LP 108/2006) pour être examinées. On a noté les points suivants :

Renseignements sur la voie

La subdivision Joliette relie Garneau (point milliaire 40,01) et Pointe-aux-Trembles (Québec) (point milliaire 127,8). Dans la zone où le déraillement s'est produit, les déplacements des trains sont régis par le système de régulation de l'occupation de la voie, autorisé par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, et sont surveillés par un contrôleur de la circulation ferroviaire situé à Montréal (Québec). La voie ferrée est de catégorie 3, selon le Règlement sur la sécurité de la voie. La vitesse maximale autorisée par l'indicateur est de 35 mi/h pour les trains de marchandises et de 45 mi/h pour les trains de voyageurs. Le trafic ferroviaire hebdomadaire consiste en environ 28 trains de marchandises et de 6 trains de voyageurs, avec un tonnage annuel d'environ 13 millions de tonnes.

La voie ferrée dans la zone du déraillement se compose d'une voie principale simple en ligne droite, orientée en direction nord-sud et qui descend vers le nord sur une pente de un pour cent. Au nord du pont, la voie est faite de longs rails soudés de 115 livres fabriqués par Algoma en 1955. De l'extrémité nord du pont jusqu'à la traverse au point milliaire 64,52, les traverses avaient été remplacées et un nouveau rail avait été installé en 2005. Cependant, les traverses de la voie d'accès nord n'avaient pas été remplacées.

Pont de la rivière du Loup

La voie ferrée franchit la rivière du Loup au point milliaire 65,1 sur un pont en acier à tablier ajouré composé de 20 auges en acier reposant sur des tours d'acier qui prennent appui sur 2 culées d'extrémité en béton. Le pont a une enjambée de 1 070 pieds et une hauteur de 130 pieds. Le tablier est constitué de traverses en bois de 12 pouces sur 12 pouces sur 13 pieds de long, avec un espacement de 4 pouces. Les rails de roulement sont des rails joints de 115 livres fabriqués en 1962. La voie ferrée repose sur des selles à double épaulement de 14 pouces fixées aux traverses par deux crampons par selle de rail.

Sur la culée nord, les rails enjambent le sommet du garde-grève et ne sont pas fixés aux traverses des deux culées par des crampons et des selles de rail. Il n'y a aucun anticheminant sur le pont. Selon la notice technique no 3601 du CN, qui était en vigueur en 1987 lorsque les traverses ont été remplacées du côté nord du pont, l'installation des anticheminants était une option. En 2003, la notice technique a été modifiée et ne fait plus aucune différence entre les rails éclissés sur les ponts et les rails éclissés sur une voie ferrée. L'article 17 de la notice technique no 3601 indique qu'il faut 8 traverses avec anticheminants tous les 39 pieds pour des voies ferrées de catégorie 3. Comme le tablier du pont n'avait pas eu de problème depuis l'installation des rails sans anticheminant, l'installation de ces éléments n'avait pas été jugée nécessaire.

Inspection de la voie

Comme le prescrit le Règlement sur la sécurité de la voie, la voie était inspectée visuellement deux fois par semaine avec au moins deux jours civils entre les inspections; elle subissait une inspection annuelle au moyen d'une voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie. Ces inspections étaient en général effectuées au moyen d'un véhicule rail-route. Dans les zones que l'on sait plus problématiques, l'inspecteur est censé descendre pour effectuer une inspection plus détaillée (c.-à-d. vérification de l'écartement de la voie dans les courbes, inspection des aiguillages pour surveillance des défauts connus dont la nature s'approche de l'urgence d'intervenir). L'inspection visuelle de la voie ferrée la plus récente de la zone où le déraillement s'est produit avait été exécutée le 2 juin 2006 par un géométrique de la voie. Ces inspections étaient généralement effectuées au moyen d'un véhicule rail-route; aucun défaut n'avait été remarqué. La zone n'avait pas été inspectée en détail parce qu'on ne la jugeait pas problématique.

La dernière inspection par voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie a été effectuée le 2 juin 2006. Les écarts d'alignement, de surface et d'écartement d'environ ½ pouce avaient été notés à proximité de la culée nord du pont. Ces écarts étaient dans les limites prescrites du Règlement sur la sécurité de la voie et de la notice technique. Des écarts similaires avaient déjà été notés lors de l'inspection par voiture de contrôle qui avait eu lieu le 8 novembre 2005. La voie ferrée avait été inspectée par un véhicule de détection des imperfections de rails le 23 mai 2006; aucun défaut n'avait été constaté à proximité de la zone du déraillement.

Inspection du pont

Les tabliers de pont sont inspectés visuellement une fois par an et nécessitent une inspection minutieuse. Lors de ces examens, les inspecteurs parcourent la longueur du pont pour vérifier l'état des traverses afin d'évaluer leur solidité structurelle et leur capacité à maintenir l'écartement prescrit. Les inspecteurs reçoivent l'ordre de mesurer l'écartement de la voie sur le pont et de consigner tout signe de détérioration tel que des crampons desserrés ou écrasés sous les selles de rail. De plus, les fissures et les gerces sont également consignées parce que ce sont des endroits qui favorisent l'apparition de pourriture et peuvent également affaiblir la structure des traverses. Des contrôles par perçage sont exécutés pour mieux évaluer l'état des traverses.

Les résultats des inspections sont consignés dans un rapport d'inspection où l'inspecteur donne une évaluation de l'état général des éléments du pont et les rapporte comme étant bons, acceptables, médiocres ou mauvais. Une notation de médiocre a pour effet de déclencher divers niveaux de surveillance et une notation dite mauvaise exige que l'on prenne des mesures pour remédier à la situation. D'autres commentaires sont ajoutés chaque année au rapport détaillé afin d'établir un historique de l'état du pont.

La dernière inspection détaillée du tablier du pont avait eu lieu le 26 octobre 1998. Le rapport d'inspection indiquait que l'approche nord du pont était trop basse et que les deux traverses d'approche étaient défectueuses. Bon nombre des traverses du pont avaient des crampons visiblement desserrés. Par exemple, près de la culée nord, le nombre de crampons desserrés par traverse était comme suit (les traverses sont numérotées à partir du côté nord du pont) :

Numéro de traverse Nombre de crampons desserrés
1 4
3 3
5 2
7 1
9 1
10 4

Sur le côté nord du pont, l'écartement de la voie était de 56 7/8 pouces, ce qui est conforme aux limites prescrites par le Règlement sur la sécurité de la voie. Aucune traverse n'avait été consignée comme comportant des fissures ou des criques.

La dernière inspection visuelle du tablier du pont a été effectuée le 2 novembre 2005. Entre 1998 et 2005, des inspections visuelles ont eu lieu le 5 octobre 1999, le 2 novembre 2000, le 9 juin 2001, le 19 novembre 2002 et le 10 septembre 2003. Le tablier du pont était recouvert de neige en décembre 2004 et n'a pas pu être inspecté. L'état du tablier (y compris le nombre de crampons desserrés), ainsi que l'écartement de la voie, ne semblent pas avoir changé depuis la dernière inspection détaillée en 1998.

Assainissement des lieux

Environnement Canada, en partenariat avec le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs et du Service canadien des forêts, a formé une équipe régionale des interventions d'urgence (ERIU) pour assurer la gestion des mesures environnementales. L'équipe a rapidement déterminé qu'environ 233 000 litres d'hydrocarbures s'étaient échappés de 3 wagons-citernes, dont une grande partie s'était déjà déversée dans la rivière du Loup située tout près.

Des barrières de rétention ont été construites pour ralentir l'écoulement des hydrocarbures résiduels dans la rivière. Des récupérateurs et des barrages flottants ont été installés sur la rivière du Loup afin de recueillir les hydrocarbures répandus près du lieu du déraillement, et en aval près du fleuve Saint-Laurent. On a creusé 16 puits et 9 tranchées d'exploration pour récupérer les hydrocarbures. Ces hydrocarbures étaient d'abord récupérés à un rythme de 40 litres à l'heure; cependant, en date du 27 septembre 2006, ce rythme avait chuté à 2 litres à l'heure et aucun hydrocarbure ne se déversait dans la rivière du Loup. Au total, 73 000 litres d'hydrocarbures ont été récupérés.

Une analyse de l'eau et du sol des environs a été effectuée. Environnement Canada a estimé que l'impact du déversement sur la population aviaire et le milieu aquatique le long de la rivière du Loup était faible et a jugé que les mesures prises par le CN étaient suffisantes. On a continué de récupérer des hydrocarbures pendant les mois d'hiver.

Analyse

Comme le train se déplaçait à une vitesse constante, que le frein rhéostatique était engagé et qu'il n'y avait aucun défaut mécanique qui aurait pu provoquer le déraillement, la conduite du train et l'état du matériel roulant n'ont pas été jugés comme ayant contribué à cet accident. L'analyse se concentrera sur l'état de la voie, les procédures d'inspection de la voie et les efforts d'assainissement des lieux.

Le déraillement

Il n'y avait aucune marque de boudin de roue sur la surface du rail pour indiquer un chevauchement des roues comme un renversement du rail. En fait, la position du dernier wagon déraillé et les marques de boudin de roue sur le bas du rail et sur la surface du côté intérieur des traverses indique que le train a déraillé lorsque les rails se sont écartés et les roues sont donc tombées entre les rails. L'importance des dégâts sur la surface des traverses du pont et des traverses de l'approche nord à la culée montre que les traverses les plus proches de la culée comportaient le plus grand nombre de roues déraillées qui avaient circulé sur ces traverses. Il est donc probable que le train a déraillé à proximité de la culée.

L'examen des rapports d'inspection et des traverses sur les lieux et en laboratoire indique qu'un groupe de traverses de la culée nord avaient une résistance latérale réduite. Les traverses de la voie d'accès étaient détériorées et n'avaient pas été remplacées en 2005, lorsque des travaux importants ont été effectués au nord du pont. Même si ces traverses comportaient des crampons doubles, leur capacité de support n'avait pas été rétablie. De plus, certaines des traverses du pont étaient fendues et comportaient des crampons desserrés. Ces traverses, avec les deux traverses de culée (où aucune selle de rail n'avait été installée) et les traverses d'approche, formaient une section de voie au nord du pont d'au moins 12 pieds où la résistance latérale avait été réduite.

Les marques d'abrasion observées à la base du rail sud sur les lieux du déraillement indiquent un cheminement du rail sur le pont. Comme la voie ferrée comporte une pente descendante vers le pont, les trains en direction nord traversent le pont en mode de freinage rhéostatique, ce qui a pour effet d'appliquer des forces longitudinales sur la structure de la voie. En l'absence d'anticheminants sur le pont, le rail a été repoussé vers le nord et comprimé au bout du pont. Il était donc susceptible de devenir instable latéralement à mesure que les contraintes internes auxquelles il était soumis s'accroissaient. Alors que le train franchissait l'extrémité nord du pont, où il y avait des écarts de surface et de géométrie d'alignement, ses roues ont exercé des forces latérales sur les rails; ces forces dépassaient la résistance latérale de la voie ferrée, qui avait été réduite en raison de l'état des traverses près de la culée nord, ce qui a provoqué le déplacement des rails et le déraillement du train.

Résistance latérale de la voie

La voie et le pont faisaient l'objet d'inspections régulières. L'écartement de la voie ferrée était mesuré pendant les inspections du pont afin de mesurer la capacité de maintien des traverses; cependant, ces inspections n'avaient pas été en mesure de déceler la réduction de la résistance latérale de la voie. La détérioration des traverses de la voie d'accès était reconnue et les traverses comportaient des crampons doubles. Cette mesure corrective aurait suffi à maintenir l'écart dans la plupart des situations, mais la voie n'était pas ancrée au pont et était donc poussée vers le nord et comprimée au bout du pont.

Bien que la mesure de l'élargissement de l'écartement ou la présence de signes indiquant un déplacement de la voie sont des indicateurs fiables de la capacité de la voie à maintenir son écartement dans une voie en courbe, ces indices peuvent être trompeurs dans le cas d'une voie en ligne droite car ils ne reflètent pas le comportement de la voie en charge. Dans le cas d'une voie en courbe, le train exerce des forces directrices sur la voie. Ainsi, la réduction de la résistance latérale de la voie est facilement identifiable car des signes d'augmentation de l'écartement de la voie apparaissent lorsque la résistance latérale de la voie diminue. En revanche, dans le cas d'une voie en ligne droite, ce phénomène est moins susceptible de se produire et l'inspection dépend davantage de la détection d'indicateurs indirects de la réduction de la résistance latérale de la voie, comme par exemple des crampons desserrés, des gerces ou des fissures sur le bois, ainsi que des traverses dont la détérioration est visible.

On ne peut quantifier à quel point ces caractéristiques diminuent la capacité de maintien des crampons d'une traverse, et par conséquent, la résistance latérale de la voie; il faut plutôt se baser sur une évaluation subjective de l'état des traverses. Comme les signes visuels de la détérioration des traverses ne sont pas toujours parfaitement évalués et que l'inspection pour déceler des signes de dégradation est un processus subjectif, il existe un risque accru que l'état d'affaiblissement de certaines parties des traverses sur une voie en ligne droite comme l'approche d'un pont reste non détecté. L'évaluation de la résistance latérale d'une voie à l'aide d'un système tel que le système de mesure de l'écartement des voies sous charge aurait été plus utile.

Griffe de serrage brisée

Comme le train était conduit en mode de freinage rhéostatique au moment du déraillement, les éléments de rame, y compris la griffe de serrage, étaient en état de compression. La griffe de serrage s'est brisée en tension en raison de contraintes excessives; c'est donc le déraillement qui a provoqué ce bris.

Assainissement des lieux

Bien que les premiers intervenants soient arrivés après qu'une grande partie des hydrocarbures se soit déversée dans la rivière du Loup, leurs efforts pour contenir le déversement et récupérer les hydrocarbures échappés ont réussi à limiter la quantité qui s'est mélangée dans les cours d'eau. En conséquence, l'impact environnemental du déversement s'est avéré faible. On a récupéré environ le tiers des produits qui s'étaient échappés.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Alors que le train franchissait l'extrémité nord du pont où des écarts de surface et de géométrie d'alignement étaient présents, les roues du train ont exercé des forces latérales sur les rails. Ces forces dépassaient la résistance latérale de la voie, qui était réduite en raison de l'état des traverses près de la culée nord, ce qui a provoqué le déplacement des rails et le déraillement du train.
  2. Les traverses de voie détériorées sur l'approche nord et les traverses du pont près de la culée nord, y compris les deux selles de rail où aucun anticheminant n'avait été posé, avait eu pour effet de former une section de voie d'une longueur d'au moins 12 pieds où la résistance latérale était réduite.
  3. L'absence d'anticheminants sur le pont a permis aux rails de se déplacer vers le nord, ce qui les a rendu plus susceptibles d'être instables latéralement à mesure que les contraintes auxquelles ils étaient soumis augmentaient à proximité de la culée nord du pont.
  4. La voie et le pont faisaient l'objet d'inspections régulières; cependant, ces inspections n'avaient pas été en mesure de détecter la réduction de la résistance latérale de la voie.

Faits établis quant aux risques

  1. Comme les signes visuels de détérioration de traverses ne sont pas toujours facilement reconnaissables et que l'inspection pour déceler des signes de détérioration est un processus subjectif, il existe donc un risque accru que l'affaiblissement de certaines parties des traverses sur une voie en ligne droite reste non détecté.
  2. La mesure de la résistance latérale de la voie à l'aide d'un système tel que le système de mesure de l'écartement des voies sous charges aurait été plus utile.

Autre fait établi

  1. L'impact environnemental des hydrocarbures déversés a été faible. Environ un tiers du produit n'a pas atteint les voies d'eau, a été contenu et a pu être récupéré.

Mesures de sécurité prises

Le Canadien National (CN) a posé des anticheminants sur plusieurs ponts en Ontario et au Québec, y compris le pont au point milliaire 65,1 de la subdivision Joliette.

Transports Canada a lancé un programme pour moderniser le Règlement sur la sécurité ferroviaire. L'évaluation de la résistance latérale de la voie est l'une des questions examinées.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. En conséquence, le Bureau a autorisé la publication du rapport le .