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Rapport d'enquête maritime M00N0098

Échouement du
Pétrolier Mokami dans le
Passage Bridges au Labrador
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 31 octobre 2000, le navire à moteur Mokami faisait route dans les eaux resserrées de la côte du Labrador avec une cargaison partielle de produits raffinés destinée à la baie Voisey au Labrador. En arrivant au passage Bridges, l'officier de quart a commandé un changement de cap pour suivre la route recommandée sur la carte no 5052 du Service hydrographique du Canada. Alors que le navire venait sur tribord pour suivre une route au 134° gyro, le Mokami s'est échoué sur un haut-fond à l'est de la bouée NP5 à 15 h 44, heure locale, subissant d'importantes avaries à la coque. Le Mokami a été renfloué après le transbordement d'une partie de la cargaison sur le Sybil W. L'échouement a causé une pollution mineure localisée qui s'est ultérieurement dispersée. Personne n'a été blessé.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom "MOKAMI"
Port d'attache St. John's (Terre-Neuve)
Pavillon Canada
Numéro officiel 819113
Type Pétrolier
Jauge brute 3 015 t
Longueur 91,14 m
Tirant d'eau au moment de l'événement av. : 3,8 m arr. : 5,2 m
Construction 1989, Finlande
Groupe propulsif Diesel de 2 868 kW entraînant une hélice à pales orientables
Équipage 15 personnes
Propriétaire enregistré Coastal Shipping Ltd.
Goose Bay (Labrador)

Description du navire

Le Mokami est un petit pétrolier-caboteur transportant des produits pétroliers raffinés vers différentes destinations de la côte du Labrador. Le navire a quatre citernes axiales et quatre citernes latérales qui servent au transport de la cargaison et neuf citernes de ballast, y compris une citerne de ballast dans le coqueron avant.

Déroulement du voyage

Dans la soirée du 27 octobre 2000, le Mokami quitte Holyrood à Terre-Neuve pour Nain au Labrador avec une cargaison de 1 926 mètres cubes de produits pétroliers raffinés. Le navire est chargé jusqu'à son échelle de tirant d'eau (tirant d'eau de 4,2 m à l'avant et 5,6 m à l'arrière). Le navire décharge une partie de sa cargaison à Nain dans la baie Ten Miles. Il appareille ensuite pour la baie Voisey à 13 hNote de bas de page 1, le 31 octobre, afin d'y décharger le reste de sa cargaison. La distance séparant la baie Ten Miles de la baie Voisey est estimée à 60 miles. La carte marine en usage est la carte carte no 5052 du Service hydrographique du Canada (SHC) basée sur le Système de référence nord-américain de 1983 (NAD 83).

Alors que le navire se trouve au nord du passage Bridges, l'officier de quart prend charge de la conduite du navire et le capitaine appelle le Système de régulation du trafic maritime de l'Est du Canada (ECAREG). Le capitaine termine le message ECAREG alors que le navire se trouve en face de la pointe Stony. Le temps est beau et clair avec des vents légers. Le courant porte au NE à trois ou quatre noeuds environ.

En face de l'île Palungitak, le navire vient au 096° pour suivre la route recommandée. L'équipe à la passerelle est composée de l'officier de quart qui assure la conduite du navire, assisté du capitaine, alors que le second officier tient la barre. Le troisième officier et le cuisinier se trouvent aussi sur la passerelle, mais ne s'occupent pas de la navigation.

Figure 1. Carte de la zone
Carte de la zone

Le capitaine vérifie les coordonnées du Système mondial de localisation (GPS) et se guide sur des repères visuels à l'avant. Quelques minutes avant l'échouement, il vérifie la position du navire au GPS, mais il ne reporte pas celle-ci sur la carte. Selon ce qu'il observe, le navire se trouve au milieu du chenal. L'officier de quart assure la navigation avec l'aide de repères parallèles et il consulte périodiquement la carte. La position du navire n'est pas reportée sur la carte. Le navire fait route à 70 % du régime de la machine, ce qui, compte tenu du courant, lui donne une vitesse estimée de 10 noeuds.

Alors que la bouée NP5 se trouve par le travers à 130 m de distance et que l'îlot Rain est à 5,5 encablures, l'officier de quart ordonne des changements de cap graduels au 105°, 110° et 120° avant de stabiliser le navire sur un cap au 134° pour suivre la route recommandée. À peu près au même moment, le navire s'échoue, à 15 h 49, à 200 mètres environ au NE de la bouée NP5 (voir la figure 2). Le navire subit des avaries importantes à la charpente de la coque. Les citernes à cargaison sont percées, ce qui cause une pollution mineure.

Événements suivant l'échouement

Le capitaine ordonne de sonder les citernes et il signale l'accident au bureau de St. John's de la Sécurité maritime de Transports Canada (SMTC). L'équipe de lutte contre la pollution par les hydrocarbures est prévenue et on fait appel à des plongeurs de St. John's pour inspecter la coque. Comme le pétrolier Sybil W se trouve à proximité, on lui demande de se placer bord à bord avec le Mokami pour le transbordement d'une partie de la cargaison. Entre-temps, un barrage flottant est mis en place pour circonscrire la nappe d'hydrocarbures, mais à cause du courant, ce barrage est submergé. Après une inspection des oeuvres vives et une évaluation des avaries, la SMTC autorise le navire à se rendre à Halifax pour les réparations. Le Mokami fait route à petite allure et arrive à Halifax le matin du 7 novembre.

Équipement de navigation

L'équipement de navigation comprenait un GPS comportant des sorties vers le radar/aide au pointage radar automatique (APRA) de tribord, dont l'officier de quart se servait. Aucun point de changement de route n'était entré pour le passage Bridges. L'erreur gyroscopique était de 0,5° vers le haut.

L'enregistreur de route n'était pas utilisé parce que l'équipage n'était pas familiarisé avec son usage et que les instructions d'utilisation ainsi que les commandes étaient en russe. De plus, toutes les inscriptions sur la passerelle et sur certains instruments de navigation, y compris la console navigation, étaient en russe et leurs manuels n'avaient pas été traduits. Indépendamment de ce qui précède, au moment de l'événement, les inscriptions et les manuels des principaux instruments servant à la navigation étaient en anglais.

Certificat du navire et brevets et certificats du personnel

Le navire avait un équipage et était équipé et exploité conformément aux règlements applicables à un navire de ce tonnage et au type de voyage en cours.

Manoeuvrabilité du navire dans le passage Bridges

La Garde côtière canadienne (GCC) a préparé un document intitulé Lignes directrices sur les manoeuvres dans les voies navigables canadiennes : paramètres de conception d'un chenal qui fournit aux concepteurs un ensemble de critères à suivre pour déterminer les paramètres des voies navigables nécessaires pour permettre une bonne manoeuvrabilité en assurant un minimum absolu au niveau des marges de sécurité. Le Mokami répondait aux critères et devait pouvoir traverser en toute sécurité le passage Bridges.

Gestion des ressources sur la passerelle

Le fondement même de la gestion des ressources sur la passerelle (GRP), c'est la mise en oeuvre efficace de toutes les ressources disponibles pour exécuter une tâche de façon sécuritaire. Les éléments qui entrent en jeu sont l'attention, la tâche à accomplir, le stress, les attitudes et les risques. La GRP tient compte du fait que des facteurs individuels, organisationnels et liés à la réglementation interviennent dans la sécurité et l'efficacité des opérations.

L'optimisation de la gestion de ces facteurs a une incidence directe sur quatre éléments qui sont capitaux pour l'issue d'une opération, à savoir :

  1. la conscience de la situation : reconnaître et définir la nature du problème;
  2. la métacognition : réfléchir et porter un jugement sur ses propres activités cognitives ou décisions;
  3. les modèles mentaux partagés : faire intervenir d'autres personnes dans la résolution de problèmes; et
  4. la gestion des ressources : comprendre les tâches à exécuter, leur degré de priorité ainsi que les ressources nécessaires et disponibles.

Un bon programme de GRP englobe plusieurs secteurs cruciaux comme la promotion et le maintien de l'esprit d'équipe, les processus de communication et de prise de décision, la gestion de la charge de travail, la conscience de la situation, les systèmes de quarts et les milieux de travail.

Promotion et maintien de l'esprit d'équipe

Les caractéristiques individuelles des membres de l'équipe sont importantes. Toutefois, au sein d'une équipe, le travail est partagé, les tâches sont exécutées plus rapidement et plus efficacement, et le rendement de l'équipe est supérieur rendement d'un l'individu qui travail seul. La recherche a montré que c'est pendant la formation des équipes que s'établissent les modes de communication et les types d'interactionNote de bas de page 2. Une fois établi, le processus continue et débouche sur des activités susceptibles de maintenir des mécanismes de communication de groupe efficaces (ou inefficaces).

Processus de communication et de prise de décision en équipe

La prise de décisions en équipe comporte un élément de cogestion. Dans le cas à l'étude, l'officier de quart devait prendre les décisions, mais avec l'appui et la contribution des membres de l'équipe, aussi bien sur la passerelle qu'à terre (p. ex. les services du trafic maritime). Elle nécessite un climat de collaboration qui favorise la participation et l'échange d'information. Une mauvaise communication peut empêcher les membres de l'équipe de développer une compréhension commune de la situation, ou amener à se méprendre sur les intentions de l'officier de quart.

Gestion de la charge de travail

Les tâches essentielles à la navigation sécuritaire du navire sont attribuées à différentes personnes mieux préparées pour les exécuter, afin qu'aucun membre de l'équipe à la passerelle ne se voie confier une charge de travail qui dépasse ses capacités.

Conscience de la situation

La conscience de la situation est la bonne perception des facteurs et conditions qui influencent le comportement d'un navire et de son équipage au cours d'une certaine période de tempsNote de bas de page 3. Plus simplement, il s'agit de savoir ce qui se passe autour de soi.

La sécurité du voyage dépend du degré de conscience de la situation qu'a la personne assurant la conduite du navire. La facilité de communication et la qualité des échanges sont des ingrédients essentiels au maintien d'une conscience de la situation optimale. Il est essentiel que chaque membre de l'équipe à la passerelle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour appuyer la personne responsable et maximiser le degré de conscience de la situation de celle-ci.

Personne à bord du Mokami n'avait reçu de formation à la GRP et les membres de l'équipe à la passerelle n'ont pas appliqué de techniques de GRP pour assurer la sécurité de la traversée. La communication entre les membres de l'équipe à la passerelle au cours de la traversée a été minimale. Le navire était dirigé sans consultation, avec peu d'interventions du capitaine. Aucun plan de route n'a été discuté et/ou préparé.

Système de gestion de la sécurité

Les pétroliers assujettis à la Convention doivent se conformer au Code international de gestion de la sécurité (Code ISM), alors que les pétroliers non assujettis à la Convention comme le Mokami, dont la zone d'exploitation est locale, ne sont pas tenus d'avoir de système de gestion de la sécurité. Un examen de l'exploitation du Mokami a fait ressortir, entre autres, les éléments suivants :

État des cartes hydrographiques

Le SHC est chargé de la cartographie des eaux canadiennes dans l'intérêt de tous les navigateurs. La tâche du SHC est de fournir une base scientifique fiable afin d'améliorer la sécurité et l'efficacité de la navigation dans les eaux canadiennes.

Un examen de la carte de la zone a permis de faire les constatations suivantes :

Système de référence géodésique et sécurité

Il existe une foule de définitions différentes du système de référence géodésique, aussi connu sous le nom de référentiel géodésique. Toutefois, une des définitions utilisées dans la pratique est la suivante :

Les cartes utilisent des référentiels géodésiques différents pour des positions géographiques spécifiques. La conversion de toutes les cartes au Système géodésique mondial - 1984 (WGS-84) est en cours, mais un grand nombre de cartes n'ont pas encore été converties. Cela signifie que les positions obtenues de récepteurs de navigation par satellite ne sont pas compatibles et doivent être rectifiées pour assurer l'exactitude des positions. Les latitudes et longitudes fournies par un récepteur de navigation comme le GPS sont basées sur un système de référence géodésique particulier qui peut être différent de celui sur lequel la carte est basée. Par conséquent, à moins que le système de référence du récepteur GPS soit le même que celui de la carte, il faut procéder à une conversion pour assurer l'exactitude de la position. Le GPS utilise le WGS-84 qui équivaut au NAD 83 dont se sert le SHC.

La plupart des récepteurs GPS ont des logiciels qui permettent la conversion à différents systèmes de référence. Le navigateur peut ainsi choisir un système de référence géodésique compatible avec celui de la carte. On obtient la position la plus exacte en réglant le récepteur GPS sur le WGS-84 (NAD 83) avec les ajustements indiqués sur la carte. Pour bien déterminer la position, il faut absolument savoir utiliser l'option de sélection du système de référence géodésique du récepteur GPS. En l'occurrence, les membres de l'équipe à la passerelle n'étaient pas familiarisés avec le système de référence géodésique de la carte et ne savaient pas qu'il était nécessaire de régler le récepteur sur le système de référence géodésique de la carte utilisée. Le GPS était réglé sur le NAD 27 alors que la carte était basée sur le système de référence géodésique WGS-84 (NAD 83).

L'importance du système de référence géodésique pour la sécurité de la navigation est reconnue par l'Organisation maritime internationale (OMI) ainsi que par la GCC. La publication SN/Cir.213 de l'OMI datée de mai 2000, intitulée Guidance on Chart Datums and the Accuracy of Positions on Charts ainsi que la publication de la GCC dont le titre est GPS et DGPS simplifiés, édition 2000, montrent comment choisir le système de référence en fonction de la carte.

Une grande partie des eaux côtières du Labrador n'ont pas encore fait l'objet de levés modernesNote de bas de page 5. Le SHC reconnaît qu'avec l'implantation d'outils de navigation comme le GPS et les systèmes de cartes éélectroniques, il est devenu nécessaire de faciliter l'utilisation d'un système de coordonnées géographiques, le WGS-84 ou le NAD 83. Le SHC a pris des mesures pour convertir les cartes marines au système de référence NAD 83 et est en train de faire exécuter des levés selon les normes modernes dans les corridors longeant les routes de navigation. Néanmoins, à l'heure actuelle, il reste encore bien des cartes marines de la côte du Labrador qui sont basées sur des systèmes de référence géodésique désuets ou inconnus. Ces cartes ne permettent pas de faire la correspondance avec un système moderne, basé sur satellites. L'avertissement inclus dans l'Édition annuelle des avis aux navigateurs (avis 2.7) rappelle aux navigateurs qu'à cause de systèmes de référence géodésique différents (c.-à-d. NAD 27, NAD 83), le carroyage des cartes d'un secteur peut varier d'une carte à l'autre.

Utilisation du GPS et sécurité

La localisation par GPS ne comporte pas de contrôle d'intégrité comme le système mondial de localisation en mode différentiel (DGPS). De plus, le gouvernement américain n'assure pas une surveillance continue en temps réel du rendement du système. Les satellites peuvent eux-mêmes se mettre automatiquement hors service lorsqu'ils sont touchés par certaines défaillances particulièresNote de bas de page 6. Toutefois, lorsque survient une anomalie de service non couverte par une mise hors service automatique, il faut que l'anomalie soit décelée alors que le satellite se trouve au-dessus de l'horizon de l'antenne de la station de contrôle avant que le U.S. Department of Defence (DoD) puisse intervenir pour retirer manuellement le satellite du service. Tant que cela n'est pas fait, les signaux erronés d'un satellite défectueux sont toujours captés par les récepteurs. De plus, l'ionosphère, la troposphère, le récepteur, les trajets multiples et le brouillage peuvent diminuer l'exactitude des positions fournies par le GPS. Il faut donc être prudent lorsqu'on se sert du GPS pour établir des positions.

Responsabilité de la Garde côtière canadienne en ce qui concerne les aides à la navigation maritime

La GCC voit à la fourniture et à l'entretien des aides à la navigation maritime fixes et flottantes dans les eaux canadiennes. La vérification régulière et efficace de ces dispositifs de signalisation maritime pour s'assurer qu'ils sont à la bonne place, qu'ils fonctionnent bien et que leurs caractéristiques sont adéquates représente une part importante de cette responsabilité. La directive administrative 2.2400, Norme de vérification des aides, expose succinctement tous les aspects pertinents des activités de vérification des aides à la navigation de la GCC, notamment les calendriers, les méthodes de vérification acceptables et la tenue de registres.

Dans le cas des aides flottantes, les données sur les bouées sont tenues dans l'un des deux systèmes, le Système cardex de données sur les bouées ou le Système d'information de positionnement des aides (SIPA), une base de données électronique. Les renseignements pertinents concernant les vérifications et l'entretien exécutés sur les bouées sont consignés dans un plan-minute baptisé Rapport d'entretien des bouées (REB).

L'enquête a révélé plusieurs anomalies dans les cartes de données des bouées qui ont été observées par les équipes des baliseurs. Ces anomalies ont été signalées au surintendant des Services à la navigation maritime, Garde côtière, en juin 1998. L'année suivante, on a constaté que les cartes de données des bouées remises aux navires n'avaient toujours pas été corrigées. Préoccupés par la persistance de ces anomalies, les intéressés se sont demandé si les navires devraient continuer à faire parvenir cette information à la GCC ou s'il ne vaudrait pas mieux envoyer celle-ci directement aux autres navires.

Historique de la bouée NP5

18/07/1997:
Selon l'usage, le navire de la Garde côtière canadienne, NGCC J.E. Bernier, a mouillé la bouée NP5 à la position optimaleNote de bas de page 7 après une évaluation sur place. La bouée a été placée dans le coin nord-est d'un banc s'étendant en direction nord-est à partir de l'île Palungitak par 56° 27' .050 N, 061° 34' .180 O d'après le système référence orphelin de la carte no 4748 du SHC - carton intérieur du passage BridgesNote de bas de page 8. Un REB a été envoyé au bureau régional du Programme des SNM. La position « indiquée » de la bouée était la « position optimale » (voir la figure 2). Cette position fait le point selon le NAD 83.

Automne 1997:
Seule la position selon le GPS a été consignée sur le Rapport d'entretien de bouée lorsque la bouée a été retiréeNote de bas de page 9.

23/01/1998:
Une feuille de données du SIPA a été créée pour la bouée NP5 sans l'autre méthode de localisation basée sur le DGPS.

Août 1998:
La bouée a été placée à la position optimale par le NGCC J.E. Bernier en se basant sur la carte no 5052 et le nouveau système de référence NAD 83. Cependant, la position indiquée de la bouée demeure la même que celle de 1997. L'information touchant la latitude a été consignée de façon inexacte sur le REB (56° 27′.500N au lieu de 56°27′.150N).

2/09/1998:
La feuille de données du SIPA a été modifiée et toutes les données de position placées dans la section réservée à cette fin ont été supprimées. L'annotation « approximative » placée à côté de la position indiquée a été enlevée. La feuille de données du SIPA a été signée, ce qui indique que les changements ont été certifiés corrects. La position indiquée demeurait inchangée et renvoyait toujours à la carte no 4748 du SHC, et au système de référence orphelin non publié, même si cette carte avait été annulée. Cette feuille de données du SIPA a été envoyée aux baliseurs s'occupant des aides à la navigation maritime.

Automne 1998:
Le relevé de position DGPS indiquait que la bouée NP5 n'était pas à sa position optimaleNote de bas de page 10 établie en 1997. Cette anomalie n'a pas été notée sur le REB. Les angles horizontaux au sextant ont aussi été relevés et consignés pour la bouée, mais ils ne correspondaient pas avec la position DGPS. Une fois reportée sur la carte, la position se trouvait du côté opposé de la route recommandée.

Figure 2. Carte vectorielle no 409425 du SHC (Obligeament communiquée par NDI)
Carte vectorielle no 409425 du SHC (Obligeament communiquée par NDI)

21/12/1998
Le 21 décembre 1998, la feuille de données du SIPA a été modifiée pour tenir compte des données obtenues lors du retrait de la bouée en 1998, ce qui a eu pour résultat de changer involontairement la position indiquée pour une position non optimale située à 160 m à l'ouest de la position optimale établie en 1997. Les données relatives aux angles au sextant étaient suspectes. Les données de position obtenues au moyen de la première méthode de localisation fondée sur le point DGPS hors position devenaient alors de fait les données primaires, modifiant la position indiquée de la bouée NP5.

25/06/1999
Un Avis aux navigateurs (AN no 1127) a été diffusé pour prévenir les navigateurs d'ajouter la bouée NP5 sur la carte no 5052. La position communiquée au grand public dans l'avis comme étant la position indiquée où il fallait reporter la bouée sur la carte était la position DGPS erronée obtenue au moment du retrait de la bouée en 1998. La position indiquée était la même au moment de l'accident.

2/03/2000:
La feuille de données du SIPA a été modifiée sans vérification et la position GPS a été ajoutée comme position de rechange, méthode 2. Cette position ne correspondait pas à la position optimale. Au début de la saison de navigation en 2000, la bouée NP5 a été placée à l'aide d'un récepteur GPS de navigation de base, sans corrections différentielles. Nonobstant les écarts relevés sur la feuille de données du SIPA utilisée, la position n'a pas été vérifiée à l'aide d'une autre méthode et elle ne correspondait pas à la position optimale.

Analyse

Description succincte de la région du Labrador

Le Labrador couvre plus de 265 000 km² et comporte près de 8 000 km de littoral parsemés d'innombrables goulets, baies et îles avoisinantes. Sur la côte du Labrador, la topographie très irrégulière de la ligne de côte et les conditions météorologiques imprévisibles peuvent constituer un risque pour la navigation. L'environnement, en fait de marées et courants, hauteur de lames, vents, conditions météorologiques, pack, icebergs et givrage, est généralement plus rigoureux et plus difficile que sur les autres côtes du Canada. De plus, les fonds sont imprévisibles et créent des conditions extrêmement difficiles le long de la côte du Labrador. Les navigateurs et les marins-pêcheurs locaux, pour la plupart, connaissent bien ces conditions. Toutefois, un grand nombre de marins-pêcheurs de l'extérieur et des navigateurs commerciaux en nombre croissant, qui ne sont pas toujours familiers avec les conditions ou les dangers locaux, fréquentent ces parages.

Le transport maritime de cargaisons constitue le cordon ombilical du Labrador, région isolée qui ne possède qu'un embryon de réseau de transport terrestre. Plus de la moitié des cargaisons expédiées vers le Labrador sont des marchandises dangereuses, majoritairement destinées à Goose Bay. Comme il s'agit d'une zone écosensible, il faut absolument que le niveau de services fournis à la navigation maritime (échelle des cartes de navigation, aides fixes, flottantes et éélectroniques), permette aux navires de traverser la région en toute sécurité.

Navigation dans des voies navigables resserrées

Apparemment, la route du navire a été progressivement modifiée lorsque le bâtiment est parvenu à 5,5 encablures de l'îlot Rain, alors que la bouée NP5 se trouvait par le travers. Pour que le navire se soit échoué, il fallait qu'il se trouve au sud de la route recommandée et à moins de 2,2 encablures de la bouée. La position optimale de la bouée se trouvait à quelque 160 m à l'est de sa position réelle. Comme la position du navire a été changée lorsque la bouée NP5 se trouvait par le travers de la proue, si la bouée avait été à sa position optimale, le navire aurait eu plus de chances de négocier le virage sans problème.

Un marin prudent se sert de plus d'une méthode de détermination de la position et utilise tous les autres indices ou informations disponibles pour conduire le navire de façon sécuritaire. L'échelle de la carte du passage Bridges, dont la largeur n'est que de 300 m, diminuait la capacité de l'équipe à la passerelle de reporter précisément et suivre étroitement sur la carte la progression du navire. D'autre part, les méthodes de navigation utilisées à bord du Mokami ont aussi contribué à empêcher l'équipe à la passerelle de franchir avec succès le passage Bridges. Voici les lacunes relevées à cet égard :

Absence de formation à la gestion des ressources sur la passerelle

La surveillance étroite des déplacements d'un navire est capitale pour la sûreté de la navigation dans des eaux resserrées. Le temps est un facteur très important pour l'exécution des manoeuvres. Il est donc essentiel que chaque membre de l'équipe à la passerelle comprenne bien son rôle et s'assure que toute information importante pour la conduite du navire soit promptement communiquée à la personne qui s'occupe du pilotage ou de la navigation.

La non-application des préceptes de la gestion des ressources sur la passerelle (GRP) et notamment l'absence de communication ou d'échange d'information efficaces a été identifiée comme un facteur contributif dans plusieurs événementsNote de bas de page 12. Préoccupé par le fait que l'absence de formation à la GRP chez les officiers de navire augmente le risque d'accidents dans les eaux resserrées des zones de pilotage canadiennes, le Bureau a recommandé à Transports Canada (TC) que la formation à la GRP devienne une condition essentielle à la délivrance de nouveaux brevets et de certificats de maintien des compétencesNote de bas de page 13. En réponse à cette recommandation, la Sécurité maritime de Transports Canada (SMTC), en consultation avec les représentants de l'industrie, a mis la dernière main au programme de formation à la GRP. Certains établissements de formation maritime du Canada offrent désormais ce programme de formation. Il n'est pas question pour le moment de rendre ce cours obligatoire. Toutefois, la SMTC encourage les transporteurs maritimes à implanter volontairement les notions de GRP à bord de leurs navires.

Comme aucun plan de route n'avait été discuté ou préparé pour la traversée, les membres de l'équipe à la passerelle ne savaient pas vraiment comment l'officier de quart comptait procéder pour l'approche; chacun des membres de l'équipe à la passerelle travaillait en vase clos. L'équipe à la passerelle comptait trois personnes, mais seul l'officier de quart s'occupait de la navigation. Les communications se faisaient de manière informelle et les commentaires des membres de l'équipe à la passerelle concernant la conduite du navire étaient réduits au strict minimum. En conséquence, aucun des membres de l'équipe à la passerelle ne s'est rendu compte que le navire n'était pas bien placé pour permettre une exécution réussie du changement de cap et les écarts de position n'étaient pas communiqués aux membres de l'équipe.

En résumé :

Méthodes de fonctionnement de la compagnie et système de gestion de la sécurité

L'exploitation sûre du navire, la sauvegarde de l'équipage et des personnes à bord ainsi que la sécurité de l'environnement dépendent d'une étroite collaboration et de bonnes relations de travail entre les membres de l'équipage et le personnel terrestre du propriétaire du navire. Un bon système de gestion de la sécurité (SGS) doit mobiliser les chefs (sur le navire et des équipes terrestres) et fait appel aux compétences, aux attitudes et à la motivation des intervenants de tous les niveauxNote de bas de page 14. Même si les pétroliers représentent un plus grand risque pour l'environnement que la plupart des autres navires et qu'un accident impliquant un pétrolier peut avoir des répercussions catastrophiques sur l'économie de la région, les pétroliers non assujettis à la convention qui ne circulent que localement dans les eaux canadiennes ne sont pas tenus d'avoir un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme, découlant du Code international de gestion de la sécurité ou issu d'une autre réglementation. La nécessité pour les navires non assujettis à la convention, y compris les pétroliers, d'avoir un SGS en place a été reconnue par plusieurs propriétaires ou armateurs de navires canadiens qui ont volontairement mis en place un tel système.

En l'absence de SGS structuré, la compagnie et le personnel du navire fonctionnaient en vase clos, privés des avantages d'une approche coordonnée et structurée pour améliorer la sécurité des opérations. Cela donnait lieu aux lacunes ci-après sur le plan de la sécurité :

Questions reliées au balisage

Feuille de données de bouées

Pour suivre l'évolution de la technologie, les cartes du Service hydrographique du Canada (SHC) sont converties au Système de référence nord-américain de 1983 (NAD 83) afin de faciliter l'utilisation des aides éélectroniques à la navigation modernes. Il reste cependant plusieurs cartes basées sur des systèmes de référence géodésique désuets, spécialement pour la région du Labrador. L'information relative aux systèmes de référence géodésique est indiquée sur les cartes de données de bouées, mais le système de référence sélectionné sur le GPS pour obtenir la position n'est pas toujours indiqué à bord des navires de la Garde côtière canadienne (GCC); il n'existe d'ailleurs pas de champ pour l'inscription obligatoire de ce renseignement. Lorsque le système de référence utilisé pour obtenir la position du GPS ne correspond pas à celui de la carte, l'information consignée sur la carte de données de bouée est incomplète. Cela risque de créer une erreur dans la position de la bouée de même que l'entrée de données erronées dans la base de données du Système d'information de positionnement des aides (SIPA), comme cela a été le cas en l'occurrence. Il est donc essentiel de bien vérifier les données entrées dans le SIPA afin de s'assurer qu'elles sont complètes et exactes, ce qui n'a pas été fait.

Système d'information de positionnement des aides et sécurité

Le SIPA est une base de données électronique dans laquelle on retrouve les caractéristiques de toutes les bouées entretenues par la GCC, notamment en ce qui concerne l'ancrage, les particularités, la position indiquée et les données de localisation. En vertu de la politique, c'est l'agent régional de programme des Systèmes de navigation maritime (SNM) de la GCC, qui est chargé de maintenir l'intégrité de la base de données. Même si la bouée NP5 s'est retrouvée à une position non optimale pendant une temps et que la position de la bouée signalée par les baliseurs était différente, on n'a jamais cherché à savoir les raisons de cet écart.

La Directive administrative des aides maritimes de la GCC énonce les principes, les responsabilités et les procédures qui entrent en jeu dans la vérification et l'entretien des aides à la navigation maritime. Cette politique vise à assurer le maintien d'une norme de qualité et de niveau de service pour garantir la sécurité des navires qui traversent les eaux canadiennes. Pourtant, certaines lacunes sur le plan de la sécurité ont été identifiées, notamment :

L'exactitude des données consignées concernant la position des aides flottantes est essentielle à l'intégrité du système. Compte tenu de l'état d'avancement de la technologie, il est possible que le système puisse comparer automatiquement la nouvelle inscription aux données antérieurement consignées et mettre en évidence les changements pour enquête ultérieure. Dans certaines régions, on fait appel à une méthode graphique électronique ou à une méthode numérique de vérification de la position des bouées afin de confirmer les chiffres recueillis avant de les entrer dans la base de données du SIPA. Dans la région de Terre-Neuve, les données entrées dans le SIPA ne sont pas toujours vérifiées et on n'utilise pas de système graphique/numérique.

Intégrité du SIPA

Pour assurer la qualité du service, la GCC a publié des documents touchant les politiques et procédures régissant les opérations de balisageNote de bas de page 15. Les mesures de contrôle de la qualité comprennent notamment la vérification et la signature des feuilles de données du SIPA par les SNM. Cependant, les données entrées dans le SIPA n'étaient pas vérifiées. En outre, on n'a pas tenu compte des craintes exprimées par le personnel de la flotte qui estimait que le SIPA contenait des données erronées ou non vérifiées, et que certaines données avaient pu être supprimées de façon intempestive. À mesure que la portée de ces erreurs devenait plus apparente, on a commencé à se fier de moins en moins à l'information contenue dans les feuilles de données du SIPA et à s'en remettre de plus en plus à l'information non vérifiée contenue dans les rapports d'entretien des bouées des navires. Ainsi donc, les rapports d'entretien des bouées sont devenus de fait la source principale de renseignements sur la position des bouées, contrairement aux normes établies et sans qu'il y ait d'effort de coordination centrale. Cela a rendu les mesures de contrôle de la qualité inefficaces et a permis aux erreurs introduites dans les données de passer inaperçues pendant des périodes prolongées.

Dans une opération de balisage, l'identification rapide des anomalies de transcription ou de localisation est essentielle à l'intégrité du système et capitale pour favoriser la navigation sécuritaire près des côtes. L'efficacité d'un tel système dépend d'une étroite collaboration et de bonnes relations de travail entre le personnel de bord et le personnel terrestre ainsi que d'une intervention prompte et efficace pour corriger les erreurs. Même si des mécanismes de régulation étaient prévus - comme la signature des feuilles du SIPA après une vérification des données - afin d'assurer l'intégrité des données, ces mécanismes n'ont pas été efficacement mis en place. L'absence de ces mécanismes a rendu le système inefficace au point que le personnel du navire et le personnel terrestre en sont venus à travailler en vase clos, ce qui nuisait au fonctionnement du système et compromettait la sécurité.

Avis aux navigateurs

En ce qui concerne les feuilles de données du SIPA, la Norme de vérification des aides précise que « ...les données figurant sur cette carte font autorité et que l'information incluse dans d'autres publications officielles (p. ex. Livre des feux, Avis aux navigateurs) en est tirée. » La position de base, ou la position indiquée, est utilisée pour préparer les Avis aux navigateurs.

Pour produire un Avis aux navigateurs, le SHC doit s'assurer que les données incluses dans l'ébauche d'avis correspondent aux données contenues dans le SIPA. Le personnel chargé de la tenue à jour des cartes au SHC n'a accès qu'en lecture seule au contenu du SIPA.

Il y avait un certain nombre d'écarts entre les ébauches d'avis et la feuille de données du SIPA :

Le 15 avril 1999, le SHC a communiqué avec le bureau du Programme des SNM à St. John's pour vérifier l'exactitude de ces données. L'agent des SNM a indiqué que la bouée était à la bonne position.

Pour vérifier la position d'une bouée, on reporte celle-ci manuellement sur la carte appropriée. Comme le bureau de la GCC conserve les cartes périmées pour consultation, il est probable que la position de la bouée a été reportée sur la carte no 4748 annulée, avec un système de référence orphelin. La position qui en a résulté devait être différente de la position optimale établie d'après la carte no 5052 basée sur le NAD 83. Par conséquent, la position indiquée de la bouée dans les Avis aux navigateurs et dans le Livre des feux différait de la position optimale établie en 1997.

En vertu du système en place, la base de données du SHC acceptait toute information provenant du SIPA et aucun moyen n'était prévu pour vérifier l'état de la carte ou le système de référence géodésique utilisé. Par conséquent, les écarts provenant des données du SIPA qui sont basées sur le système de référence orphelin de la carte no 4748 ont été reportés dans les Avis aux navigateurs qui renvoyaient à la nouvelle carte no 5052 basée sur le NAD 83.

GCC - Mise en place des bouées et sécurité

Les aides à la navigation, fixes, flottantes ou éélectroniques, sont destinées à aider les navigateurs à traverser les eaux navigables en toute sécurité, à prévenir les accidents et à protéger l'environnement. Un certain nombre de facteurs entrent en jeu pour déterminer le type d'aide à la navigation qui convient, notamment, mais non exclusivement, la région géographique, la présence de hauts-fonds et d'autres obstacles sous-marins, les courants, l'importance des changements de route requis, l'échelle de la carte, l'importance de la précision de la navigation ainsi que le volume de trafic. Compte tenu du danger que représente le haut-fond repéré par la bouée NP5, du changement de route de 40° (pour suivre la route recommandée) et de l'absence de feux d'alignement qui pourraient guider le navigateur, la bouée NP5 doit être très bien placée pour aider à franchir le virage de façon sécuritaire. Au moment du mouillage initial, la bouée avait été placée à la position optimale, pour marquer le coin NE du haut-fond, mais elle a été par la suite déplacée d'environ 160 m à l'ouest de la position optimale.

SHC - Échelle des cartes et sécurité

Sur la carte no 5052, le passage Bridges était représenté à une échelle de 1:60 000, contre le carton intérieur à une échelle de 1:25 000 sur la carte no 4748 annulée, c'est-à-dire que l'échelle était réduite du tiers environ. Comme le passage Bridges était représenté à une échelle inférieure et qu'il n'y avait pas de feux d'alignement pour aider à franchir ce passage de 300 m de largeur, la traversée était difficile et il était plus compliqué pour le navigateur de bien reporter la position et surveiller étroitement la progression du navire. Une des méthodes de navigation les plus couramment utilisées est la navigation par repères parallèles, et avec cette méthode, plus l'échelle de la carte est grande, meilleure est l'appréciation de l'environnement, laquelle est essentielle à la sûreté de la navigation.

Par ailleurs, l'effet de la réduction d'échelle est quelque peu atténué par le fait que la carte no 5052, dont l'échelle est de 1:60 000, présente l'ensemble de la route sur la même carte et qu'il n'est pas nécessaire de transposer les positions sur un carton intérieur quelques secondes avant un changement de route crucial. De plus, elle représente un littoral continu qui offre au navigateur des points de repère pour la navigation par repères parallèles.

Imbrication des mandats de la GCC et du SHC et sécurité

La GCC et le SHC fournissent au marin les outils dont il a besoin pour naviguer en toute sécurité. La GCC, l'organisme qui a la responsabilité des aides à la navigation, détermine où il faut placer la bouée et le SHC, l'organisme qui s'occupe de la production des cartes, s'assure que la position de la bouée sur la carte est exacte. Le tout doit se faire en prenant en considération les risques de la traversée et les options d'atténuation les plus appropriées. Cependant, le navigateur n'a aucune prise sur les critères susmentionnés. Compte tenu de ces mandats imbriqués de la GCC et du SHC, une étroite coordination de l'action de ces deux organismes est essentielle pour faire en sorte que l'échelle de la carte d'une part et le type et la position des aides à la navigation déployées d'autre part permettent au navigateur de traverser le secteur en toute sécurité.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Aucun des membres de l'équipe à la passerelle ne savait que la position indiquée de la bouée NP5 n'était pas sa position optimale. Ils se sont guidés sur la bouée en laissant de côté d'autres repères, ce qui a provoqué un changement de cap prématuré.
  2. Le personnel chargé de la navigation n'était pas suffisamment familiarisé avec le système de référence géodésique des cartes, le mode de sélection du système de référence géodésique du GPS et les limites de l'équipement électronique.
  3. La Garde côtière canadienne n'était pas au courant que la position indiquée de la bouée dans les Avis aux navigateurs et dans le Livre des feux était différente de la position optimale établie en 1997.

Faits établis quant aux risques

  1. Même si les pétroliers représentent un risque élevé pour l'environnement, les pétroliers non assujettis à la Convention ne sont pas tenus d'avoir de système de gestion de la sécurité et la gérance à terre n'est pas obligée de donner des directives au personnel du navire, même concernant des aspects cruciaux des opérations maritimes.
  2. L'échelle de la carte no 5052 du Service hydrographique du Canada représentant le passage Bridges, le déplacement de la bouée par rapport à sa position optimale et l'absence de feux d'alignement ne permettaient pas au navigateur d'avoir une bonne appréciation de l'environnement et augmentaient les risques d'un accident.
  3. Les principes de la gestion des ressources sur la passerelle (GRP) n'étaient pas bien appliqués : chacun des membres de l'équipe à la passerelle fonctionnait en vase clos et l'officier de quart était laissé à lui-même, privé des bénéfices du travail d'équipe, ce qui n'accordait aucune marge d'erreur. Les membres de l'équipe n'avaient pas reçu de formation à la GRP et une telle formation n'était pas obligatoire.
  4. Les Normes de vérification des aides n'ont pas été appliquées efficacement en ce sens que :
    • les données du GPS étaient intégrées au Rapport d'entretien de bouée sans y ajouter de précisions notamment concernant le système de référence géodésique du récepteur;
    • dans la région de Terre-Neuve, les données entrées dans le SIPA ne sont pas toujours vérifiées, et on n'utilise pas de système graphique/numérique, ce qui compromet l'intégrité du système SIPA.

Autres constatations

Le navire ne recevait pas les Bulletins de la sécurité des navires de Transports Canada.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Service hydrographique du Canada et Garde côtière canadienne

Après l'accident, le BST a envoyé un Avis de sécurité maritime (ASM 03/01) au ministère des Pêches et des Océans, avis faisant état d'inquiétudes sur trois points :

Dans sa réponse, le Service hydrographique du Canada (SHC) a précisé qu'il n'y avait pas d'alignement naturel pouvant guider pour la traversée du passage Bridges et que l'échelle de la carte no 5052 était adéquate sans qu'il y ait besoin d'ajouter un carton intérieur. Le SHC a ajouté qu'un examen de l'adéquation du niveau de service assuré pour les cartes et publications du secteur du passage Bridges et la position des bouées et des autres aides à la navigation en général est en cours.

La Garde côtière canadienne (GCC) a fait savoir que le niveau de service actuel (région du Labrador) qui est maintenu pour le programme des aides depuis 1989, a été établi en concertation avec le personnel de la GCC, les navigateurs, des scientifiques et des universitaires. De plus, chaque réseau d'aides à la navigation est réexaminé au moins tous les cinq ans. La GCC estime donc que le niveau de service actuel assuré par le programme des aides à la navigation est adéquat pour garantir la sécurité des navigateurs et contribue à la protection de l'environnement.

Le SHC se soucie de la précision du SIPA et de sa portée sur les données qui servent à la mise à jour des cartes. Afin de remédier à cette lacune, la base de données du SHC a été remaniée de façon à ce qu'elle n'accepte rien du SIPA qui :

Transports Canada

Le BST a envoyé à Transports Canada un Avis de sécurité maritime (ASM 04/01) faisant ressortir le fait que les navigateurs ne sont pas toujours pleinement conscients de la nécessité que le système de référence géodésique sélectionné sur un système mondial de localisation (GPS) corresponde à celui de la carte utilisée et faisant valoir que la méthode de navigation choisie risque de priver l'équipage du navire de certains repères essentiels à la sécurité de la navigation.

Dans sa réponse, TC a indiqué que divers moyens avaient été pris pour sensibiliser les navigateurs sur ces points, notamment :

De plus, la Sécurité maritime de Transports Canada, en consultation avec la GCC et le SHC, a préparé un Bulletin de la sécurité des navires (BSN no 02/2002), intitulé Systèmes de référence des cartes marines et exactitude des positions. Le BSN a été diffusé le 11 février 2002 afin de sensibiliser encore davantage à l'importance, au niveau de la sécurité, des méthodes de navigation et des systèmes de référence des cartes. De plus, un avis traitant des systèmes de référence des cartes et de l'exactitude des positions a été publié dans l'édition mensuelle des Avis aux navigateurs (édition 4) du 26 avril 2002.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .

Annexes

Annexe A - Photos

Photo 1. Le navire a moteur Mokami échoué - la cargaison est transbordée sur le Sybil W
Le navire a moteur Mokami échoué - la cargaison est transbordée sur le Sybil W
Photo 2. Dommages aux oeuvres vives du navire à moteur Mokami
Dommages aux oeuvres vives du navire à moteur Mokami