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Rapport d'enquête maritime M98N0001

Rupture et naufrage
Vraquier « FLARE »
Détroit de Cabot



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 16 janvier 1998, pendant la traversée de Rotterdam aux Pays-Bas à Montréal (Québec), par gros temps, le « FLARE » se trouvait à environ 45 milles au sud-ouest des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon quand il s'est brisé en deux, après quoi la section arrière a coulé en 30 minutes. La section avant a coulé quatre jours plus tard au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, du côté ouest du banc Banquereau. Vingt et un membres de l'équipage ont péri et quatre ont survécu. Le mazout qui s'est échappé de la section arrière engloutie n'a pu être récupéré et s'est dispersé sur une grande superficie, causant de la pollution.

La section 3 du présent rapport renferme les conclusions du Bureau quant aux causes et aux facteurs contributifs de l'accident de même que d'autres faits établis par l'enquête. Le Bureau a aussi constaté des manquements à la sécurité, notamment en ce qui a trait à l'accès aux radiobalises de localisation des sinistres et à leur arrimage, au transport de combinaisons d'immersion à bord des navires qui sont exploités dans des eaux où les chances de survie des personnes à la mer peuvent être réduites par l'hypothermie, à l'effet des contraintes répétées associées à un lestage insuffisant pouvant entraîner une rupture de la structure et à la nécessité de se conformer rigoureusement aux manuels de chargement approuvés. La section 4 fait état des mesures de sécurité pertinentes prises par l'industrie du transport maritime, Transports Canada et le BST. Le Bureau a formulé cinq recommandations par suite des manquements à la sécurité relevés.

Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

Name « FLARE » (ex « FLAME » - 1989, ex « DORIC FLAME » - 1987)
Numéro officiel 708220
Port d'immatriculation Limassol, Chypre
Pavillon Chypre
Type Vraquier autonome
Jauge brute 16 398 tonneauxNote de bas de page 1
Longueur 180,8 m
Largeur (hors membrures) 23,1 m
Creux (sur quille) 14,5 m
Tirant d'eau (au départ) Av.Note de bas de page 2 : 3,07 m Ar. : 6,93 m
Construction Hakodate Dock Co. Ltd., Japon, 1972
Groupe propulseur Sulzer Ishikawajima-Harima Heavy Industries (I.H.I) 8 827 kW
Vitesse commerciale 15,1 noeuds
Propriétaires ABTA Shipping Co. Ltd., Limassol, Chypre
Armateurs Trade Fortune Inc., Le Pirée, Grèce

1.1.1 Renseignements sur le navire

Le « FLARE » a été construit en 1972 au Japon. Il s'agissait à l'origine d'un transporteur de vrac sec à un seul pont, tout en acier. Le navire était propulsé par un moteur diesel marin entraînant une seule hélice à pas fixe. Le groupe propulseur, l'appareil à gouverner, la timonerie, l'équipement de sauvetage et les emménagements de l'équipage se trouvaient tous à l'extrémité arrière du navire. L'emplacement des sept cales à cargaison sèche ainsi que de tous les ballasts et des soutes à mazout est illustré à la figure 1, Plan d'ensemble. La coque était renforcée pour le transport de minerais, de sorte que les cales nos 1, 4 et 6 pouvaient rester vides, et que la cale no 4 pouvait être utilisée comme ballast. La coque était subdivisée par neuf cloisons étanches transversales, ainsi que par un plafond de ballast de double fond, lequel s'étendait longitudinalement au droit de toutes les cales à cargaison ainsi que de la salle des machines. Le pont principal, les citernes latérales supérieures, le plafond de double fond et le bordé de fond étaient de construction longitudinale sur toute la longueur des cales à cargaison, alors que le bordé de coque à l'intérieur des cales était de construction transversale.

Photo 1. Plan d'ensemble
Plan d'ensemble

Légende pour la Photo 1

  1. Grue de pont de 10 tonnes
  2. Compartiment de l'appareil à gouverner
  3. Citerne latérale supérieure (grain ou lest liquide)
  4. Citerne du coqueron arrière (ballast)
  5. Cale à cargaison
  6. Cale à cargaison ou cale à eau
  7. Citerne du coqueron avant
  8. Salle des machines
  9. Perpendiculaire arrière
  10. Soute à mazout
  11. Soute à mazout ou ballast
  12. Ballast
  13. Perpendiculaire avant
  14. Emménagements de l'équipage
  15. Magasin à cordages
  16. Ouverture de la salle des machines
  17. Écoutille
  18. Chambre des pompes
  19. Magasin des manoeuvriers
  20. Puisard d'assèchement
  21. Caisse à eau douce no 8
  22. Réservoir d'huile de lubrification
  23. Citerne à carburant diesel no 7
  24. Cale à cargaison

La coque était construite en majeure partie d'acier de qualité A (classement du Lloyd's) alors que le bordé du pont principal à l'extérieur des écoutilles de chargement, le plat-bord arrondi et la virure de carreau étaient faits d'acier de qualité D du Lloyd's, plus résistant à l'effet d'entaille (rupture).

La construction de l'ensemble du navire ainsi que la disposition générale des écoutilles de chargement, des cales, des ballasts latéraux supérieurs et des citernes de double fond, de même que de la quille en caisson, étaient tel qu'illustré à la figure 2, Coupe transversale type.

Photo 2. Coupe transversaletype
Coupe transversaletype

1.2 Déroulement du voyage

Avant le départ, on embarque une soudeuse portable ainsi que diverses pièces de tôle d'acier et des fers plats afin qu'un ajusteur-soudeur, membre de l'équipage, puisse effectuer diverses réparations pendant la traversée.

Le navire, légèrement lesté, appareille de Rotterdam le 30 décembre 1997 à destination de Montréal.

Apparemment, il n'y a pas eu beaucoup d'échanges entre le pilote portuaire et le capitaine avant que le pilote ne débarque. Il fait nuit pendant que le pilote est à bord; toutefois, celui-ci note que le nez semble très léger et que le navire est largement sur cul.

Après que le « FLARE » a quitté la Manche, les conditions météorologiques se détériorent et, le 1er janvier 1998, il navigue dans des vents d'ouest de force de coup de vent qui soulèvent de grosses lames. Dans l'espoir de trouver des conditions météorologiques plus clémentes, le capitaine décide de descendre vers le sud jusqu'au 45 de latitude nord (N) et de suivre ce parallèle en direction ouest (voir la carte 1, Traversée de l'Atlantique).

Pendant la majeure partie de la traversée, le navire doit affronter des vents d'ouest de force de coup de vent et de tempête, et des mers atteignant les 16 m ou plus. Même si on diminue la vitesse en fonction des conditions, le navire continue de tanguer et de claquer fortement.

Certaines des réparations et des soudures qui doivent être faites pendant la traversée sont effectuées lorsque le temps le permet.

Photo 3. Traversée de l'Atlantique
Traversée de l'Atlantique

Pendant le voyage, des messages radio sont envoyés par le navire aux armateurs. On y fait état des conditions suivantes :

Date
(Janvier 1998)
Distance
(milles marins)
Régime de la
machine principale
(en tr/min)
Vitesse moyenne
rapportée
(en noeuds)
Vitesse moyenne
calculée
(en noeuds)
1 - 4 204 80 3,19 2,83
4 - 7 320 88 3,16 4,44
7 - 9 181 inconnu 6 4,35
9 - 10 332 91 10,6 10,55
10 - 13 782 94 10,7 10,86
13 - 16 359 inconnu inconnue 5,57

À la suite d'ennuis mécaniques dans la salle des machines, le régulateur aurait apparemment été réparé avec des moyens de fortune pour empêcher la machine principale de s'emballer.

Des survivants ont rapporté avoir eu de la difficulté à dormir et à manger à cause de la flexion de la coque. L'un d'entre eux a rapporté avoir vu le pont principal plier au point que les grues de pont ont semblé se toucher. Un autre s'est dit si inquiet qu'il laissait la lumière de sa cabine allumée et qu'il s'était exercé à revêtir le plus vite possible des vêtements chauds.

Photo 4. Secteur de l'accident
Secteur de l'accident

Le 13 janvier, la route du navire est modifiée pour s'approcher du dispositif de séparation du trafic recommandé dans le golfe du Saint-Laurent (voir la carte 2, Secteur de l'accident). Alors que le navire approche des côtes du Canada, le capitaine signale au Système de trafic de l'Est du Canada (ECAREG) que les tirants d'eau avant et arrière du navire sont respectivement de 11 pieds (3,35 m) et 21 pieds (6,4 m). Il indique aussi que l'eau de mer servant de lest liquide a été changée les 10, 11 et 12 janvier. Le 14 janvier, les armateurs du navire demandent au capitaine de s'assurer que tous les ballasts sont pleins afin d'atteindre le tirant d'eau maximal permis pour éviter d'endommager l'hélice dans les glaces. Le capitaine leur répond qu'il a déjà signalé à ECAREG que les ballasts sont pleins.

Vers 0 h, heure du navire (4 h en temps universel coordonné [UTC]Note de bas de page 3), le 16 janvier, on entend un boum retentissant (causé par le claquement du brion), suivi d'une flexion longitudinale et d'un fouettement importants de la coque. Environ quatre heures et demie plus tard, un autre bruit particulièrement fort se fait entendre, lui aussi suivi d'un violent fouettement et de fortes vibrations de la coque.

Les survivants ont signalé que certains membres de l'équipage avaient été saisis par la violence de ces dernières vibrations, qui ont précédé le déclenchement de l'alerte générale. Un peu plus tard, à leur arrivée sur le pont, ils constatent que le navire est brisé en deux. Tout l'équipage se trouve alors dans la partie arrière du navire.

La section arrière a une gîte de 30 à 35 degrés sur tribord, ce qui empêche la mise à l'eau de l'embarcation de sauvetage à moteur de tribord. Apparemment, les mouvements et la vibration du navire avaient été tels qu'on avait dû rectifier fréquemment les dispositions de saisissage des embarcations de sauvetage et rajouter des saisines additionnelles pendant le voyage. Ces attaches supplémentaires retarderont le dégagement de l'embarcation de sauvetage de bâbord qu'on ne réussira pas non plus à mettre à l'eau. Les membres de l'équipage ont de plus en plus de mal à garder leur équilibre en travaillant au dégagement de l'embarcation et du radeau de sauvetage, parce que le pont des embarcations est plongé dans l'obsécuritéé et recouvert de glace et de neige.

Quelques membres de l'équipage réussissent à descendre manuellement un radeau de sauvetage sur le pont inférieur, le mettent à l'eau par l'arrière et attachent sa bosse aux batayoles de dunette. Le capitaine, qui se trouve à proximité, leur ordonne de ne pas abandonner le navire immédiatement parce que l'hélice du navire tourne toujours. Peu après, la bosse, apparemment usée par le ragage, se rompt et le radeau part à la dérive.

La section arrière coule en une demi-heure environ. Pendant qu'elle s'enfonce, certains membres de l'équipage qui se trouvent du côté bâbord de la dunette aperçoivent l'avant d'un navire qui se rapproche, apparemment sur une route presque directement opposée à la leur. Ils croient d'abord qu'un navire de sauvetage est à portée; toutefois, ils se rendent compte avec consternation qu'il s'agit de la section avant de leur propre navire. L'hélice tournant toujours, elle a probablement fait suivre à la section arrière une route désordonnée qui l'a ramenée à proximité de la section avant.

Un message MAYDAY est transmis en toute hâte du navire sur la voie 16 du radiotéléphone très haute fréquence (VHF) peu avant que la section arrière ne s'incline encore davantage sur tribord et ne coule. Le signal, capté sur l'île Ramea par une antenne éloignée reliée à la station radio de la Garde côtière de Stephenville (Terre-Neuve), est indistinct et incomplet. L'agent de quart appelle le superviseur de la station pour réentendre l'enregistrement du message MAYDAY afin d'aider aux opérations de recherche et sauvetage (SAR).

Les membres de l'équipage, sauf apparemment le chef mécanicien, le troisième mécanicien et une autre personne, sont revêtus de vêtements et de gilets de sauvetage mis à la hâte, et ils abandonnent la section arrière en train de couler. L'embarcation de sauvetage de bâbord se détache ou se dégage d'elle-même et chavire. Six des membres de l'équipage réussissent à nager jusqu'à la coque renversée de l'embarcation pour y grimper. Quatre d'entre eux survivront et seront recueillis par un hélicoptère SAR qui les transportera à l'hôpital sur l'île de Saint-Pierre.

La section avant continue de flotter à la dérive pendant quatre jours et demi avant de couler.

1.3 Intervention de recherche et sauvetage (SAR)

À 8 h 32 le 16 janvier, les Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de Stephenville reçoivent un appel MAYDAY d'un navire non identifié sur la voie 16 de la bande VHF, par l'intermédiaire d'une antenne éloignée située sur l'île Ramea au large de la côte sud de Terre-Neuve (voir carte 2).

Le message est indistinct et incomplet. Les demandes de renseignements supplémentaires restent sans réponse; toutefois, l'agent de quart de la station situe la station d'appel à la position 46°57′N par 056°51′W.

Les consignes de fonctionnement et l'emplacement de l'équipement ne permettent pas à l'agent de quart des SCTM, seul à son poste, de réentendre immédiatement toutes les communications de sécurité, d'urgence et de détresse. Pourtant, il lui faut absolument réentendre l'enregistrement pour mieux déchiffrer le message indistinct et inintelligible.

À 8 h 34, les SCTM de Stephenville avertissent le Centre secondaire de sauvetage maritime (CSSM) de St. John's de la situation et, à 8 h 37, le CSSM prévient le Centre de coordination du sauvetage (CCS) de Halifax (Nouvelle-Écosse). Les SCTM de Stephenville retransmettent le message MAYDAY sur la voie 16 de la bande VHF, sur 2 182 kHz de la bande MF (moyennes fréquences) ainsi que sur 500 MHz, en donnant la position présumée du navire non identifié. À la demande du CCS de Halifax, un appel est diffusé par la station radio de la United States Coast Guard de Boston au Massachusetts, par appel sélectif numérique sur bande HF (ASN HF), ainsi que par NAVTEX par l'entremise du centre des SCTM de Sydney au Cap-Breton (Nouvelle-Écosse). Un appel de groupe amélioré (EGC - Enhanced Group Call ) est diffusé via le Système international de télécommunications maritimes par satellite (INMARSAT C) afin de demander assistance aux navires se trouvant dans un rayon de 100 milles.

Les navires de commerce suivants répondent à l'appel :

« STOLT ASPIRATION », « THORSRIVER », « HOEGH MERIT », « B.T. NAVIGATOR », « KASTNER », « ISOLA SCARLATTA », « COLBY », « IMPERIAL ST. LAWRENCE », « ATLANTIC MAPLE », « SAUNIERE », « LAKE CARLING », « ATLANTIC FREIGHTER », « IMPERIAL ST. CLAIR », « FEDERAL VIBEKE » et « FEDERAL WIGGY ».

Seuls le « STOLT ASPIRATION », le « THORSRIVER », le « HOEGH MERIT » et le « FEDERAL VIBEKE » sont mobilisés, et ces deux derniers sont libérés par la suite.

Il est déterminé que l'accident s'est produit dans les eaux canadiennes et le coordonnateur des recherches maritimes du CSSM de St. John's est désigné coordonnateur de la mission de recherche et sauvetage (CMS). Le CSSM reçoit l'aide du CCS de Halifax dont le coordonnateur des recherches aériennes dépêche des ressources.

À bord du pétrolier « STOLT ASPIRATION », l'officier de quart entend l'appel MAYDAY affaibli et tronqué et, plus tard, le MAYDAY retransmis par le centre des SCTM de Stephenville. Le capitaine du « STOLT ASPIRATION » indique la position, la route et la vitesse de son navire aux SCTM et, à 8 h 40, il est mobilisé par le CMS. À 8 h 45, le capitaine du « STOLT ASPIRATION » signale que son navire se trouve à environ 18 milles de la position présumée de l'accident et qu'il n'y a pas de cible radar dans le secteur.

À 8 h 33, la station terrienne côtière de Southbury au Connecticut capte une alerte INMARSAT C. Le navire en détresse dont provient l'alerte est identifié comme étant le « FLAME », ancien nom du « FLARE ». Les propriétaires et les armateurs du navire sont identifiés et on leur demande de fournir une liste des membres de l'équipage ainsi qu'un relevé complet des engins de sauvetage se trouvant à bord.

Le message d'alerte INMARSAT C indiquant qu'on s'apprête à abandonner le navire donne les renseignements suivants : heure, 2 h 21 le 16 janvier; position, 46°08′N par 057°10′ cap, 280 vrai; et vitesse, trois noeuds. La position donnée se trouve à quelque 45 milles au sud de la position où le centre des SCTM de Stephenville a situé l'origine de l'appel MAYDAY. Toutes les tentatives faites par d'autres stations pour contacter le « FLARE » à l'aide d'INMARSAT C demeurent sans réponse. L'alerte de détresse indique aussi que la position du navire n'a pas été mise à jour au cours des dernières 24 heures, mais cette information ne correspond ni à la position donnée dans l'alerte ni à celle signalée à ECAREG par le « FLARE » à 12 h le 15 janvier. On considère donc que la position fournie par INMARSAT C à 2 h 21 est correcte. On a appris par la suite que le message de confirmation était effectivement erroné en raison d'une erreur logicielle d'un ordinateur des installations à terre.

Le « FLARE » n'est pas muni d'un dispositif d'alerte en cas de détresse ASN et son INMARSAT C n'est pas intégré au système de navigation par satellite du navire. Il n'existait d'ailleurs pas d'exigence réglementaire pour les navires d'être ainsi équipés avant le 1er février 1999. Le navire se trouve de plus en dehors de la couverture VHF nominale pour communiquer avec le centre des SCTM de Stephenville.

À 8 h 45, le CCS de Halifax demande au CCS de Norfolk en Virginie de déterminer par l'intermédiaire du Système automatisé d'entraide pour le sauvetage des navires (AMVER - Automated Mutual Assistance Vessel Rescue System), quels sont les navires de commerce les plus proches de la position présumée de l'appel MAYDAY. Vers le même moment, le centre des SCTM de Port-aux-Basques fait savoir qu'il n'y a dans les parages immédiats aucun navire susceptible de porter secours.

À 8 h 55, le CCS de Halifax dépêche l'hélicoptère Labrador R303 de l'escadron de sauvetage 103, qui se trouve en état d'alerte primaire à Gander (Terre-Neuve), vers la position présumée de l'appel MAYDAY. À 9 h, l'avion Hercules R306 de l'escadron de sauvetage 413 de Greenwood (Nouvelle-Écosse) ainsi que le « STOLT ASPIRATION » reçoivent aussi instruction de se diriger vers le même secteur. Le R303 décolle à 9 h 45 pour arriver sur les lieux à 11 h 15 où il entreprend un ratissage en spirale carrée lui permettant de couvrir un secteur de 100 milles carrés. Le R306 décolle à 10 h 25.

À 9 h 27, le centre des SCTM de Stephenville prévient le CSSM de St. John's que l'enregistrement de l'appel MAYDAY a été réécouté. La latitude, de 46°37′15″N, a été déchiffrée, et la longitude est possiblement de 054°W. Grâce à l'information dont il dispose, y compris la position signalée à ECAREG à midi le 15 janvier et la position de 2 h 21 fournie par INMARSAT C, le CSSM et le CCS tracent la route que le « FLARE » a dû suivre pour intercepter la latitude déchiffrée de 46°37′15″N, et obtient un point d'intersection au 058°W. La position INMARSAT C de 2 h 21 est également déplacée sur la route présumée du navire vers le cap Ray afin d'obtenir la position du navire six heures plus tard, soit à l'heure de l'appel MAYDAY. La position ainsi obtenue est aussi au 058°W.

À 9 h 35, le CCS de Halifax demande au Centre canadien de contrôle des missions (CCCM) s'il y a des radiobalises de localisation des sinistres (RLS) qui émettent dans le secteur. Aucun signal n'a été détecté. Le CCS de Halifax ne dispose, pour diriger les ressources SAR, que de renseignements incomplets sur la position du « FLARE ». On sait seulement que l'équipage du vraquier « FLARE » a indiqué à 8 h 32 qu'il était sur le point d'abandonner le navire.

Un avion affrété par le ministère des Pêches et des Océans est équipé d'un système radar ultra perfectionné, d'appareils de détection infrarouge et d'autre matériel de pointe, ce qui en fait une plate-forme de recherche idéale. Alors qu'il se prépare à décoller pour un vol de surveillance périodique, il est mobilisé à 10 h 6 pour participer aux opérations SAR. Désigné R01, il décolle à 10 h 15. On lui demande de se rendre à une position située au large du cap Race, par 46°57′N et 053°00′W, pour commencer des recherches à vue et au radar en direction ouest en suivant ce parallèle de latitude jusqu'au 056°51′W, cette longitude étant celle de la position présumée de l'appel MAYDAY. Le ratissage en direction ouest débute à 10 h 42 à partir de la position au large du cap Race.

À 11 h 56, en arrivant à la position désignée à la fin du parcours en direction ouest, le R01 reçoit du CSSM/CCS l'ordre d'entreprendre un ratissage en spirale carrée en direction nord à partir de la position 46°57′N par 056°51′W, à une altitude de 1 500 pieds, avec un écartement des parcours de six milles.

Le « STOLT ASPIRATION » arrive à la position présumée de l'appel MAYDAY à 10 h 12, mais ne trouve aucune trace du « FLARE » ni de son équipage. Le CSSM lui demande ensuite de se rendre à la position 46°37′N par 056°51′W. Le soleil se lève à 11 h 45. Le navire arrive à la position donnée à 11 h 49. La visibilité est bonne, mais à nouveau, il n'y a aucune trace du « FLARE » ni de son équipage.

Peu après avoir décollé, le R306 éprouve des problèmes de communication avec le CCS à cause de la propagation des ondes radio. Il est tout d'abord en mesure de communiquer par l'entremise de la station de Sydney (VCO), mais par la suite le R306 perd le contact avec cette station et n'arrive pas à communiquer avec le CCS jusqu'à 11 h 40. Le R306 et le R01 ont également de la difficulté à communiquer entre eux parce qu'ils volent à faible altitude et qu'ils sont près l'un de l'autre.

À 10 h 35, on fait appel au Centre des opérations maritimes (COM) de Halifax pour aider aux recherches. Le Centre fournit la position d'une cible possible qui s'avérera par la suite être celle du « STOLT ASPIRATION ». On continue à dépêcher certaines ressources dans cette zone pendant 1 heure et 22 minutes, jusqu'à ce qu'il soit confirmé à 11 h 57 qu'il ne s'agit pas de la position du « FLARE ».

À 11 h 30, l'hélicoptère Labrador R304 est mobilisé et il décolle à 11 h 45 de Sydney en direction de l'île de Saint-Pierre. Après quelques minutes de vol, on craint un problème hydraulique dans la transmission arrière qui le force à rentrer à sa base pour y être réparé. Le R304 redécolle à 12 h 25 et est dépêche vers une zone située au sud de la position présumée du « FLARE », zone qui n'a pas été ratissée par le R303.

Également vers 11 h 40, le R306, qui a tout d'abord été dépêché vers la position présumée de l'appel MAYDAY, est dirigé vers la position fournie par INMARSAT C.

Le R306 et le R01 doivent débuter leur ratissage en spirale carrée à peu près à la position 46°43′N par 056°55′W, le R306 devant fouiller le secteur au sud et à l'ouest de cette position tandis que le R01 se charge du nord et de l'est. Les deux avions se trouvent ainsi à couvrir une zone située entre la position fournie par INMARSAT C (le R306) et la position initiale présumée de l'appel MAYDAY (le R01), tandis que l'hélicoptère Labrador R303 exécute lui aussi un ratissage en spirale carrée autour de la position présumée de l'appel MAYDAY.

Entre 11 h 14 et 11 h 56, les instructions du R01 sont changées à trois reprises, au fur et à mesure qu'on obtient plus d'information. À 11 h 56, toutefois, le R01 arrive à la position 46°43′N par 056°55′W et identifie, à vue et au radar, le « STOLT ASPIRATION », de même qu'une seconde cible plus au sud-ouest. Comme le R01 est sur le point de se diriger vers le nord, il communique la position de cette seconde cible au R306, qui fait office de commandant sur place. Ce dernier détecte aussi cette seconde cible, alors qu'il s'affaire à préparer des bouées repère tout en volant à faible altitude et en s'occupant de nombreuses communications sur diverses fréquences radio avant d'entreprendre le ratissage en spirale carrée.

Vers 12 h 9, le R306 arrivé à la position fournie par INMARSAT C (46°08′N par 057°10′W) commence à suivre un parcours jusqu'à la position approximative de 46°11′N par 057°35′W, où il mouille deux bouées repère à 12 h 23. Ces deux bouées ont été préparées pour représenter a) une personne dans l'eau et b) un radeau de sauvetage, pour qu'on puisse évaluer la dérive. L'avion amorce ensuite son ratissage du secteur.

À 12 h 26, le R01 communique avec le « STOLT ASPIRATION » sur les voies 16 et 10 de la bande VHF et, à 13 h, il informe le R306 et le R303 qu'il complétera en 45 minutes le ratissage en spirale carrée assigné. À 13 h 28, on demande au R01 de terminer le ratissage assigné avant de se rendre à Saint-Pierre pour faire le plein avant de revenir reprendre les recherches.

À 13 h 30, le patrouilleur français « FULMAR » se trouve à Saint-Pierre, à une trentaine de milles des lieux. Mobilisé par le CSSM de St. John's, le navire quitte Saint-Pierre à 13 h 45 pour arriver à pied d'oeuvre à 16 h.

À 13 h 40, le R303 n'a encore aperçu aucune épave et il retourne faire le plein à Saint-Pierre.

À 14 h 6, le R01 appelle le R306, le commandant sur place, pour recevoir d'autres instructions et il demande si on a fait des recherches sur la cible radar observée et signalée à l'ouest du « STOLT ASPIRATION ». Apprenant que cela n'a pas été fait, le R01 indique qu'il survolera la cible avant de se diriger vers Saint-Pierre.

À 14 h 9, le R01 identifie la cible comme étant la section avant du « FLARE », par 46°28,46′N, 057°12,82′W. À ce moment, l'hélicoptère R304 se trouve tout près de la zone de la situation de détresse et à environ 15 milles du R01. Après avoir survolé la section avant du « FLARE », le R304 se dirige vers une nappe d'hydrocarbures à environ cinq milles au sud-ouest. À 14 h 23, le R304 aperçoit une embarcation de sauvetage renversée à laquelle quatre personnes s'agrippent.

Les techniciens en recherche et sauvetage (tec SAR) du R304 entreprennent une opération de sauvetage difficile mais couronnée de succès. Les quatre survivants, qui ont passé environ six heures sur l'embarcation de sauvetage chavirée dans des conditions pénibles, sont hissés sains et saufs à bord de l'hélicoptère à 14 h 34. Ils portent des gilets de sauvetage et, pour la plupart, des vêtements légers. Trois d'entre eux, souffrant d'hypothermie grave, peuvent à peine bouger les membres pendant le sauvetage. Les survivants indiquent que six membres de l'équipage ont initialement réussi à s'agripper à l'embarcation de sauvetage chavirée mais que deux d'entre eux, devenus trop faibles pour s'y retenir, ont été emportés par les grosses lames environ trois heures avant l'arrivée des secours.

En survolant la zone, le R304 aperçoit aussi une deuxième embarcation de sauvetage chavirée à quelque 500 m de la première, de même que deux radeaux de sauvetage. Aucun autre survivant n'est visible, mais la position est marquée au moyen d'engins fumigènes. Le R304 quitte les lieux pour aller débarquer les survivants et faire le plein à Saint-Pierre. Après avoir fait le plein, le R303 quitte Saint-Pierre à 14 h 45 en compagnie de l'hélicoptère Labrador R113. Le R303, le R113 ainsi que des unités de surface sont dirigés vers la position que le R304 a marquée au moyen d'engins fumigènes.

Le R303 et le R113 sont d'abord dépêchés vers la zone où l'avant du « FLARE » a été aperçu, puis ils sont envoyés inspecter un secteur plus au sud-ouest où on a repéré deux embarcations de sauvetage chavirées et deux radeaux de sauvetage ainsi que la nappe d'hydrocarbures. Cette nappe d'hydrocarbures, assez étendue, va jusqu'à 10 milles à l'ouest et couvre 3 milles environ dans l'axe nord-sud.

Une fois sur les lieux, les tec SAR du R113 sont descendus dans un radeau de sauvetage recouvert de mazout, mais n'y trouvent aucun survivant. Le radeau est délibérément perforé et dégonflé pour ne pas faire perdre de temps aux autres unités de recherche.

Deux tec SAR du R303 sont descendus jusqu'à l'embarcation de sauvetage chavirée d'où on a repêché les survivants. En dessous, ils trouvent un corps, emmêlé dans des cordages. Comme il n'y a pas de scaphandre autonome à bord de l'hélicoptère, ils tentent de plonger sous l'embarcation en se servant de respirateurs d'urgence qui n'offrent qu'une autonomie respiratoire de deux minutes. Le corps est cependant si enchevêtré qu'il est impossible de le récupérer, et un navire de la Garde côtière est par la suite envoyé pour faire la récupération. (Après l'écrasement d'un hélicoptère Labrador en Colombie-Britannique, des restrictions de poids ont été imposées pour ce type d'appareil; certains équipements, dont les scaphandres autonomes, ne font désormais plus partie de l'équipement standard et ne sont plus embarqués que lorsque l'on sait avant le décollage qu'on en aura besoin.)

Le R303 aperçoit 13 corps dans la nappe d'hydrocarbures, dont 4 peuvent être récupérés par les tec SAR. Toutefois, il est dangereux pour ceux-ci, qui n'ont ni combinaisons étanches ni protecteurs faciaux , d'entrer dans l'eau couverte de mazout. Les vapeurs de mazout donnent des nausées à l'équipage de l'hélicoptère dont l'aire de travail, souillée, est dangereuse. Il est donc décidé que l'aéronef repérera les corps et dirigera les unités de surface vers eux pour qu'elles les repêchent. Le R303 et le R113 repêchent chacun quatre corps avant que la décision de laisser la récupération des autres corps aux ressources maritimes ne soit prise.

Un modèle de survie en mer montre que dans de l'eau de mer à une température de 2°C, un homme de 25 ans qui n'est pas fatigué, de forte carrure et de poids moyen, complètement immergé alors qu'il est vêtu d'un parka chaud, met en moyenne 1,8 heure à parvenir à l'instabilité thermale, 2,6 heures à devenir invalide et 4,1 heures à perdre conscience. Un autre modèle de survie en mer élaboré par l'Institut militaire et civil canadien de médecine environnementale a été utilisé pour évaluer les durées de survie des survivants du « FLARE ». On a tenu compte pour les calculs d'une température de l'eau de 2°C, du poids et de la grandeur des survivants ainsi que des vêtements qu'ils portaient. Comme ceux-ci ont été plongés dans l'eau avant d'atteindre l'embarcation de sauvetage et n'ont pas dû sécher à cause des conditions météorologiques, on a pris pour hypothèse qu'ils étaient complètement mouillés. Une autre hypothèse adoptée c'est que 20 p. 100 de leur corps devait être continuellement dans l'eau. Le modèle indique que le survivant le mieux vêtu aurait dû mettre 6,4 heures à perdre conscience, contre 2 à 2,3 heures pour les autres. Le modèle a aussi montré que l'utilisation de combinaisons d'immersion aurait allongé les durées de survie jusqu'à 12 à 14 heures, selon le type de vêtement porté.

Le navire de la Garde côtière canadienne « W.G. GEORGE », une vedette de sauvetage de classe Arun de 16 m basée à Burgeo (Terre-Neuve), repêche avec beaucoup de difficulté quatre corps souillés de mazout. Le pont est rendu si glissant par l'épais mazout que l'équipage n'arrive plus à travailler sans risque alors que le bateau tangue et roule fortement. On décide donc de rester en attente près de trois autres corps qui sont repêchés par le NCSM « MONTREAL ».

Les corps repêchés portent des gilets de sauvetage mais sont légèrement vêtus. La plupart n'ont ni souliers ni chaussettes et tous sont recouverts de mazout. Les survivants ont confirmé que personne n'avait eu le temps de revêtir l'une des six combinaisons d'immersion qui se trouvaient à bord du « FLARE ». On a tenu compte de ces facteurs au moment de prendre la décision de réduire l'ampleur des recherches à 16 h.

À 20 h 14, toutes les embarcations et les radeaux de sauvetage du « FLARE » ont été retrouvés, mais les recherches se poursuivent pour retrouver des personnes dans l'eau. Le NCSM « MONTREAL » prend charge des fonctions de commandant sur place pour les unités de surface à 20 h 17. À 21 h, outre les 4 survivants, 14 corps ont été repêchés et 7 personnes demeurent introuvables. Quand on met fin aux recherches, 15 corps ont été repêchés.

Le R303 quitte les lieux pour aller faire le plein à 18 h 30 et il arrive à Saint-Pierre à 18 h 45. L'hélicoptère est libéré le 17 janvier.

Un avion Beech King Air de la Provincial Airlines Ltd. équipé pour la surveillance aérienne, deux avions Aurora, trois avions Hercules, deux hélicoptères Labrador de la Base des forces canadiennes (BFC) de Greenwood (Nouvelle-Écosse) et deux hélicoptères Labrador de la BFC de Gander (Terre-Neuve) ont pris part aux opérations SAR aériennes.

Les ressources aériennes ont quadrillé un secteur de 4 371 milles marins carrés, volant plus de 56,5 heures en tout. En outre, un total de 35 heures de plus ont été passées à voyager entre les diverses zones de recherche.

Deux navires de commerce, le « STOLT ASPIRATION » et le « THORSRIVER », cinq navires de la Garde côtière canadienne (GCC), à savoir les « W.G. GEORGE », «W. JACKMAN », « J.E. BERNIER », « ANN HARVEY » et « EARL GREY », le NCSM « MONTREAL » ainsi que le patrouilleur français « FULMAR » ont participé aux opérations SAR maritimes.

Les navires ont ratissé un secteur de 1 702 milles marins carrés pour un total de 99 heures. En outre, un total de 99 heures de plus ont été consacrées à voyager entre les diverses zones de recherche.

1.4 Victimes

Équipage Passagers Autres Total
Morts 15 - - 15
Disparus 6 - - 6
Blessés graves 4 - - 4
Blessés légers/indemnes - - - -
Total 25 - - 25

Les corps repêchés (pour la plupart couverts de mazout) ont été transportés à St. John's (Terre-Neuve) par des navires des Forces navales et de la GCC. Les corps ont été identifiés et examinés par le médecin légiste en chef, qui a déclaré que la cause du décès des 15 hommes était la noyade ou l'hypothermie, ou les deux.

Les quatre survivants ont été débarqués à Saint-Pierre où ils ont été hospitalisés pendant deux jours et soignés pour hypothermie (leur température corporelle interne était de 26 à 28°C) ainsi que pour des contusions mineures. Ils ont été rapatriés via St. John's et Montréal.

1.5 Chargement, tirants d'eau et assiette au moment de l'appareillage

Alors que le « FLARE » se trouvait dans le port de Rotterdam du 22 au 30 décembre 1997, un expert maritime indépendant a procédé à des constats du tirant d'eau et du port en lourd dont il a consigné les résultats. Les tirants d'eau initiaux et le sondage des citernes ont permis de déterminer le déplacement total du navire en charge, ainsi que les quantités et la répartition du lest liquide, des carburants, du lubrifiant et d'autres produits consommables restant à bord, avant le déchargement de la cargaison.

Après le déchargement de la cargaison, l'expert maritime indépendant a noté le résultat de sondages des citernes et les tirants d'eau de fin d'affrètement, et il a aussi vérifié le déplacement du navire déchargé. Il a calculé que le port en lourd de la cargaison déchargée était de 27 127,6 tonnes.

Le sondage des citernes du navire avant et après le déchargement a facilité le règlement financier en permettant de connaître les différences entre les quantités résiduelles et additionnelles de mazout et d'autres huiles et approvisionnements consommables embarqués pour le voyage prévu vers Montréal. Il a été déterminé que 847,75 tonnes fortes (tf) de mazout, 168,15 tf de carburant diesel et 145,62 tf d'eau douce étaient à bord à ce moment-là.

Des tirants d'eau de 3,07 m à l'avant et de 6,93 m à l'arrière ont été consignés, à partir desquels on a calculé un déplacement de 15 105 tf. Au total, 6 976 tonnes (6 864 tf) de lest liquide ont été consignées comme étant à bord. Les ballasts latéraux supérieurs nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6 ainsi que les ballasts de double fond nos 2, 3 et 4 étaient pleins, et le ballast du coqueron avant était rempli à 55 p. 100. La cale à cargaison no 4, qui servait aussi de cale à eau contenant du lest liquide, et le ballast du coqueron arrière étaient vides.

Le poids total du lest liquide à bord après le déchargement de la cargaison était considérablement inférieur aux 8 113 tf indiquées dans le Guide de chargement du navire comme condition d'appareillage légèrement lesté. Selon le manuel, tous les ballasts sauf la cale à eau devaient être pleins pour assurer des tirants avant et arrière de 3,65 m et de 7 m. Le tirant d'eau avant réel consigné était de 0,58 m inférieur à celui qui correspondait à la condition d'appareillage légèrement lesté, et même si le tirant d'eau arrière était lui aussi inférieur à ce qu'il aurait dû être, le haut de l'hélice était submergé par 0,5 m.

Les Règles et règlements du Lloyd's régissant la construction et la classification des navires en acier, qui étaient en vigueur au moment où le navire a été construit, contiennent des conseils relativement aux tirants d'eau avant minimaux (afin d'éviter une exposition excessive du brion dans une mer forte). En voici un extrait :

Aux fins de la présente section, un vraquier est un navire à un seul pont de plus de 400 pieds (122 m) de longueur (l) dont les machines sont placées à l'arrière.

Il faut porter attention à la quantité de lest liquide et à sa répartition. On a constaté que le comportement du navire est satisfaisant lorsque le tirant d'eau avant n'est pas inférieur à 0,027 l . . . .(trad.)

Le tirant d'eau avant minimal du « FLARE » aurait donc dû être de 4,6 m. Or, le tirant d'eau avant indiqué pour la condition d'appareillage légèrement lesté dans le Guide de chargement du navire (et celui qui a été consigné à Rotterdam avant l'appareillage), était bien inférieur à ce minimum. Par conséquent, dans une mer forte, le brion du navire était exposé aux coups de ballast et aux claquements.

Si la cale à eau (cale no 4) avait été remplie à Rotterdam en plus du lest liquide qui a été effectivement embarqué, le tirant d'eau avant au départ aurait été augmenté à 4,65 m et aurait dépassé le tirant d'eau minimal, assurant un enfoncement suffisant de l'avant.

En plus de données concernant la condition d'appareillage légèrement lesté, le Guide de chargement du navire renfermait aussi des données sur une condition lesté au maximum, destinée à assurer la sécurité lors de traversées océaniques plus longues ou en eaux plus exposées. Dans cette dernière condition, la cale à eau (cale no 4) est remplie de 3 906 tf de lest liquide. Dans cette condition, l'hélice est plus profondément immergée et le tirant d'eau avant dépasse la limite minimale.

Le navire n'était pas muni d'un système de surveillance des contraintes exercées sur la coque et il n'était pas tenu de l'être en vertu des règlements. Toutefois, des données concernant les moments de flexion en eau calme pour chacune des conditions de chargement étaient incluses dans le Guide de chargement du navire fourni au capitaine.

Au moment de l'appareillage, le ballast du coqueron avant n'était que partiellement rempli et celui du coqueron arrière était vide. Cette réduction des poids agissant aux extrémités du navire abaissait le moment de flexion en eau calme en dessous de ce qui était prévu dans les conditions d'appareillage et d'arrivée légèrement lesté indiquées dans le Guide de chargement, de telle sorte qu'au moment de l'appareillage, le moment de flexion en eau calme était environ 69 p. 100 du niveau maximal admissible approuvé.

1.6 Réparations effectuées pendant la traversée de l'Atlantique

Avant d'appareiller de Rotterdam, on avait embarqué une soudeuse portable ainsi que 1,69 tonne de fers plats et de pièces de tôle assorties. On comptait réparer divers articles endommagés et remplacer certains éléments de structure corrodés pendant la traversée.

Les travaux envisagés comprenaient le remplacement des bandeaux de certains bords tombés et goussets de hiloire ainsi que l'exécution de réparations sur le périmètre corrodé des ouvertures dans les cloisons évidées transversales de certains ballasts latéraux supérieurs. Pour ce dernier travail, il fallait avoir accès à certaines citernes latérales supérieures, qui devaient nécessairement être vidées temporairement du lest liquide embarqué avant l'appareillage.

Les quatre survivants occupaient des postes subalternes à bord du navire, ce qui explique que leur participation aux travaux de réparation et leur connaissance de l'emplacement et de l'importance des réparations effectuées, ainsi que du moment où elles ont été faites, ne soient que fragmentaires. Dans les interviews données aux médias aux Philippines et dans les déclarations signées plus tard qui ont été communiquées au BST, les survivants ont corroboré et complété leur déclaration initiale faite à St. John's. Ils ont fait allusion en termes généraux à des travaux de soudage effectués pendant le voyage.

Les survivants ont tout d'abord rapporté qu'une fuite provenant d'une fissure d'environ 2 m dans les parois inclinées du dessous du ballast latéral supérieur no 3 (à tribord de la cale no 4) avait été bouchée avec de la soudure et que la citerne avait été remplie à nouveau. Une fuite de moindre importance mais située à peu près au même endroit dans le ballast latéral supérieur no 2 de bâbord (dans la cale à cargaison no 3), a aussi été bouchée avec de la soudure et on a relesté la citerne. Une crique trouvée dans le bordé ondulé près de la base de la cloison étanche transversale entre les cales à cargaison nos 6 et 7 a apparemment été signalée à l'un des officiers du navire le 14 janvier. À ce moment-là, le navire naviguait dans des conditions météorologiques difficiles et rien n'indique que d'autres réparations à la structure ou d'autres remplacements aient été effectués avant la défaillance soudaine de la structure aux petites heures du matin le 16 janvier.

En outre, il a été signalé qu'il y avait un petit trou dans le pont principal en dessous de l'échelle menant à la dunette du côté bâbord. La soudure de l'échelle s'était détachée et on pouvait voir de l'eau s'échapper de la citerne latérale supérieure et s'écouler sur le pont principal alors que le navire faisait route.

L'inspection sous-marine de la section avant engloutie n'a révélé aucune trace de travaux récents de soudure, de réparation à la structure externe ou de remplacement de pièces en acier. La constatation des travaux de réparation internes effectués pendant la traversée a été impossible parce que l'épave était renversée, ce qui empêchait les caméras du poisson autopropulsé (PAP) d'avoir accès aux secteurs en cause.

1.7 Avaries et dommages

1.7.1 Photographies prises du haut des airs et dans l'eau

La section avant endommagée -- mais toujours à flot -- du « FLARE » a été repérée par un aéronef SAR le matin du 16 janvier, environ cinq heures et demie après que le navire se fut brisé en deux. Les photographies aériennes et les enregistrements sur bande vidéo montrent la façon dont la section avant endommagée était placée dans l'eau, la configuration générale de la rupture ainsi que la nature des avaries subies par les liaisons supérieures de la poutre-coque.

Des enregistrements sur bande vidéo de la section avant à flot ont aussi été faits à partir du « STOLT ASPIRATION » plus tard ce matin-là; ces enregistrements montrent, d'une perspective plus basse, les principaux dommages subis par le bordé de la muraille de tribord, tout en offrant une vue au niveau de la mer des mouvements de la mer et des lames plus modérées qui agissaient sur la coque à ce moment-là.

Photo 5. Emplacement de la rupture de la structure
Emplacement de la rupture de la structure

Légende pour la Photo 5

  1. Grue de pont de 10 tonnes
  2. Compartiment de l'appareil à gouverner
  3. Citerne latérale supérieure (grain ou lest liquide)
  4. Citerne du coqueron arrière (ballast)
  5. Cale à cargaison
  6. Cale à cargaison ou cale à eau
  7. Citerne du coqueron avant
  8. Salle des machines
  9. Perpendiculaire arrière
  10. Soute à mazout
  11. Soute à mazout ou ballast
  12. Ballast
  13. Perpendiculaire avant
  14. Emménagements de l'équipage
  15. Magasin à cordages
  16. Ouverture de la salle des machines
  17. Écoutille
  18. Chambre des pompes
  19. Magasin des manoeuvriers
  20. Puisard d'assèchement
  21. Caisse à eau douce no 8
  22. Réservoir d'huile de lubrification
  23. Citerne à carburant diesel no 7
  24. Cale à cargaison

La figure 3, Emplacement de la rupture de la structure, montre les endroits endommagés à l'avant et à l'arrière du pont principal et dans la partie supérieure de la coque mis en évidence par les photographiques aériennes, de même que la configuration estimée des avaries structurales au fond.

Les photographies aériennes montrent la configuration générale des avaries dans la partie supérieure de la coque ainsi que la distribution et l'emplacement de nombreux orifices de chargement du grain encastrés dans le bordé du pont principal. Ces orifices sont conçus pour faciliter l'arrimage des cargaisons de grain dans les citernes latérales supérieures du navire; des couvercles circulaires amovibles offrent une ouverture de 320 mm de diamètre dans le bordé du pont principal. La hiloire circulaire entourant chaque orifice, encastrée et soudée dans le pont principal, a un diamètre intérieur de 460 mm et est de la même épaisseur que le bordé du pont principal. Apparemment, les orifices de chargement du grain du « FLARE » n'avaient pas été utilisés depuis fort longtemps pour charger des cargaisons de grain. On les laissaient généralement fermés et leurs rainures au point de jonction avec le pont avaient été remplies de ciment afin de prévenir la corrosion du pont principal sous l'action d'eau qui y serait restée emprisonnée (voir photos nos 1, 2 et 3).

L'assiette de la section avant endommagée indique que le ballast du coqueron avant et les ballasts latéraux supérieurs étaient à peu près vides. Le lest liquide de ces citernes, qui étaient auparavant pleines ou partiellement remplies, s'était écoulé par gravité via la tuyauterie de ballast endommagée, laquelle traversait la quille en caisson et les citernes de double fond endommagées.

Photo 6. Photo aérienne du « FLARE » prise de l'arrière
Photo aérienne du « FLARE » prise de l'arrière

La répartition du lest liquide dans certains ballasts latéraux supérieurs avant la rupture de la coque est révélée par l'accumulation de glace et de neige sur le pont principal directement au-dessus du périmètre des citernes (voir photo no 2).

La glace et la neige ne se sont accumulées sur le pont qu'aux endroits où l'acier était refroidi par le vent, directement au-dessus des plafonds des ballasts qui n'étaient pas en contact direct avec la chaleur latente émanant du lest liquide contenu dans les citernes ni soumis aux effets de cette chaleur. Les quantités de glace et de neige ainsi que leur répartition montrent que les citernes latérales supérieures de tribord nos 1, 2 et 3 étaient remplies tandis que les citernes de bâbord nos 1 et 2 n'étaient de toute évidence pas pleines. L'effet de déliaison et de torsion associé à un tel déséquilibre asymétrique des poids transversaux a dû générer des contraintes localisées et ajouter aux sollicitations globales imposées à la coque.

Les photos nos 1 et 2 montrent aussi que la cloison transversale ondulée formant le cloisonnement arrière de la cale à eau pouvant contenir du lest liquide (cale à cargaison no 4) était à peu près intacte. Elle est restée virtuellement étanche pendant les quatre jours d'exposition directe à du gros temps avant que l'accumulation d'eau de mer dans la cale ne déclenche la séquence d'événements qui a abouti au naufrage.

Photo 7. Photo aérienne du pont principal du « FLARE »
Photo aérienne du pont principal du « FLARE »

L'emplacement et la nature de la principale rupture dans le bordé du pont principal du côté tribord (à la hauteur de l'extrémité avant de l'écoutille de chargement no 5, juste derrière) sont clairement évidents sur la photo no 3. La rupture transversale traverse le pont principal en ligne droite, sous un angle d'environ 90 degrés par rapport à l'axe longitudinal du navire, et se prolonge jusqu'au plat-bord arrondi et au bordé de la muraille de tribord. La rupture coupe un orifice de chargement du grain situé au droit du couple 112 -- dont la hiloire soudée et le couvercle boulonné sont restés intacts. Le bordé de pont, les lisses de pont et le bordé de muraille ne montrent aucun signe de gauchissement ou de déformation ductile localisée, et les rebords de la rupture paraissent carrés et verticaux par rapport aux surfaces intérieures et extérieures du bordé de pont et du bordé de muraille. Toutes ces caractéristiques sont typiques d'une rupture fragile rapide.

La principale rupture du côté bâbord du bordé du pont principal est située à la hauteur et juste en avant de l'extrémité arrière de l'écoutille de chargement no 6 (juste derrière un orifice de chargement du grain situé au droit du couple 76). Le bordé du pont principal est déformé à l'intérieur de l'orifice de chargement du grain; il est très probable que cela soit survenu juste avant la séparation définitive du pont d'avec le support latéral de l'écoutille et la hiloire adjacents. La rupture dans le bordé du pont principal à l'extérieur de l'orifice de chargement du grain n'est pas visible sur les photographies aériennes; toutefois, l'inspection sous-marine n'a montré ni gauchissement ni déformation localisée importants.

1.7.2 Engloutissement de la section avant

Le remorqueur « ATLANTIC MAPLE » était près de la section avant du « FLARE » le 20 janvier. À 11 h 15 (heure du navire), les personnes à bord ont vu le nez de l'épave s'élever graduellement à la verticale tandis que celle-ci commençait à s'enfoncer par l'arrière alors que de grandes quantités d'air s'échappaient par les panneaux des cales avant qui avaient été éjectés. Le gaillard d'avant est resté au-dessus de l'eau pendant un certain temps alors que la coque était presque verticale avant de disparaître sous l'eau.

Photo 8. Photo aérienne de la rupture du côté tribord du pont principal
Photo aérienne de la rupture du côté tribord du pont principal

La profondeur de l'eau était d'environ 100 m et la longueur maximale du côté bâbord de la coque endommagée était d'environ 120 m. Par conséquent, le côté bâbord arrière a été la première partie de l'épave à venir en contact avec le fond de la mer. À cause des mouvements de pilonnement dans les conditions de mer forte qui régnaient, l'épave a subi, à ce stade, d'autres dommages qui se sont ajoutés à ceux qu'elle avait subis au moment de la rupture de la coque.

Le fond de sable et de galet dans ce secteur est inégal et il a été dérangé par l'impact de la coque endommagée. Le choc initial a creusé dans le fond marin un grand cratère -- environ 30 m derrière la section avant engloutie -- cratère qui a été observé pendant les inspections sous-marines subséquentes de l'épave.

1.7.3 Photos prises pendant l'inspection sous-marine

Pour déterminer la configuration et la nature de la séparation des liaisons inférieures de la poutre-coque, on a procédé à une inspection sous-marine de la section avant engloutie entre le 15 et le 22 juillet 1998. On a tenu compte du cycle météorologique historique pour s'assurer de bénéficier de conditions relativement calmes pour l'inspection sous-marine.

Le NGCC « EARL GREY » a été utilisé comme plate-forme de plongée stable à partir de laquelle un PAP a été mis à l'eau pour aller prendre des photos sous-marines de l'épave. Le PAP était commandé à partir d'un centre d'opérations situé à bord du « EARL GREY », au moyen d'un « cordon ombilical » par lequel étaient transmis le courant électrique ainsi que les signaux requis pour manoeuvrer les propulseurs du véhicule, faire fonctionner les projecteurs, et manoeuvrer l'appareil photo stéréographique ainsi qu'une caméra vidéo. Le PAP était aussi muni d'un dispositif écholocatif pour aider à trouver l'épave et à déterminer la configuration du fond de la mer environnant.

La section avant engloutie a été retrouvée presque complètement retournée; l'avant à bulbe, le brion et le bordé de fond avant étaient intacts et plus dégagés au-dessus du fond de la mer que l'extrémité arrière endommagée. L'épave était inclinée de telle sorte que le côté tribord du pont principal et le bordé de muraille ainsi qu'une partie du bordé de fond du côté tribord étaient profondément enfouis. De ce fait, il a été impossible de prendre des photos de près des rebords de la rupture dans le bordé du pont principal du côté tribord au droit de l'orifice de chargement du grain près du couple 112 ainsi que du bordé de muraille adjacent.

Le bordé de fond, l'arrondi de bouchain et la quille de roulis exposés du côté bâbord de la section avant renversée étaient généralement intacts et ne montraient aucune déformation localisée ou générale. L'arrondi de bouchain derrière l'extrémité arrière de la quille de roulis de bâbord près du couple 72 ainsi que la moitié inférieure du bordé de muraille à l'extrémité arrière de l'épave montraient un gauchissement et une déformation localisés attribuables à des charges de compression exercées sur la structure (ainsi qu'à des avaries causées par l'impact contre le fond).

La principale rupture transversale dans le bordé de pont du côté bâbord au droit du couple 76 traversait le pont principal presque en ligne droite sous un angle d'environ 90 degrés par rapport à l'axe longitudinal du navire, juste derrière l'orifice de chargement du grain adjacent (voir photos nos 3 et 4). La rupture visible se prolongeait jusqu'au plat-bord arrondi et descendait jusqu'à mi-chemin environ dans le bordé de la muraille de bâbord. La surface de rupture ne montrait pas de déformation ductile et était verticale par rapport aux surfaces intérieures et extérieures du bordé. Il s'agit là d'indices caractéristiques d'une rupture fragile rapide.

Photo 9. Avaries internes, ballast latéral supérieur no 5 de bâbord
Avaries internes, ballast latéral supérieur n<sup>o</sup> 5 de bâbord

Le barrot porqué transversal au niveau du couple 78 à l'intérieur du ballast latéral supérieur no 5 de bâbord était endommagé. Son bandeau en fer plat était détaché et considérablement déformé. Les lisses de pont à l'intérieur du ballast étaient complètement séparées du dessous du bordé du pont principal sur une certaine distance en avant de la principale rupture transversale au droit du couple 76. Les ruptures aux extrémités des lisses ne montraient aucune déformation plastique et faisaient un angle de 90 degrés par rapport à la surface normale du bordé de pont (voir photo no 4).

Un examen de près du bord de la rupture au droit du couple 76 a mis en évidence les contours corrodés de plusieurs petites fissures en forme de coquille sur la surface intérieure du bordé du plat-bord arrondi. Cet aspect est caractéristique des fissures par fatigue. Bien que ces observations aient été faites quelque six mois après l'accident, il n'en demeure pas moins que la corrosion des surfaces indique que l'état d'affaiblissement de la structure existait depuis un certain temps au moment de l'accident. L'amorce et la propagation rapide subséquentes d'une rupture fragile dans le bordé du pont principal à cet endroit laissent croire à l'existence de telles discontinuités (voir photo no 5).

Photo 10. Plat-bord arrondi du côté bâbord au droit du couple 76
Plat-bord arrondi du côté bâbord au droit du couple 76

La photo no 6 montre la déformation du bordé du pont principal du côté bâbord au droit du couple 76 ainsi que la hiloire de l'orifice de chargement du grain adjacent. La séparation du bordé de pont de la hiloire de l'orifice de chargement du grain est compatible avec la déformation ductile du pont provoquée par la rupture définitive des liaisons intérieures de la poutre-coque. Cette rupture s'est produite un certain temps après la rupture fragile transversale initiale juste derrière la hiloire de l'orifice de chargement du grain.

Photo 11. Orifice de chargement du grain au droit du couple 76 (côté bâbord)
Orifice de chargement du grain au droit du couple 76 (côté bâbord)

L'examen du bordé du pont principal du côté bâbord à la hauteur de l'extrémité avant de l'écoutille de la cale à cargaison no 5 (juste vis-à-vis la rupture du côté tribord près du couple 112) n'a révélé aucune avarie correspondante. Toutefois, un examen de près plus poussé du bordé de pont du côté bâbord au droit de l'orifice de chargement du grain près du couple 110 a permis de constater une rupture transversale d'environ 2,8 m de longueur partant de la bordure extérieure de la hiloire circulaire de l'orifice de chargement du grain en direction du plat-bord arrondi.

L'emplacement et la configuration de cette rupture étaient clairement mis en évidence par la surface peinte du pont endommagé (voir photo no 7). Le dessus du bordé de pont immédiatement en avant et en arrière de la rupture n'était pas désaligné et ne montrait aucun signe de déformation ductile localisée. Les caractéristiques de la rupture indiquaient qu'il s'agissait d'une rupture fragile récente.

L'accès à la structure endommagée à l'extrémité arrière du côté tribord de l'épave était difficile à cause de la façon dont celle-ci était placée ainsi que de la configuration du fond de la mer; en effet, la majeure partie du bordé de muraille et une partie de la structure du fond du côté tribord étaient enfouies ou masquées par le fond de la mer.

Photo 12. Orifice de chargement du grain au droit du couple 110 (côté bâbord)
Orifice de chargement du grain au droit du couple 110 (côté bâbord)

Les avaries de la structure du fond avaient un aspect irrégulier, elles partaient de l'arrondi de bouchain du côté bâbord au droit du couple 72 pour traverser en diagonale le bordé de fond en direction de la muraille de tribord enfouie. Il a été impossible d'en déterminer précisément le contour, mais la figure 3 donne une représentation approximative de sa configuration générale. Il a été déterminé qu'à peu près toute la structure du fond de la cale à cargaison no 6, la cloison étanche transversale au droit du couple 95 et une partie de la structure du fond de la cale à cargaison no 5 sont restées attachées à l'extrémité arrière du navire lorsque la coque s'est brisée en deux.

L'arrondi de bouchain de bâbord ainsi que le bordé de fond adjacent étaient déformés et montraient des sillons transversaux, lesquels sont typiques d'une charge de compression excessive. Les extrémités exposées du reste du bordé de fond rompu et de la structure interne du double fond montraient peu ou pas de déformation plastique ou de rupture ductile. L'absence de gauchissement localisé ou de marque de frottement indique aussi que ces avaries sont survenues pendant la rupture de la coque et avant l'impact avec le fond.

Un examen de près des surfaces exposées de la rupture de plusieurs tôles du bordé de fond a révélé la présence de marques en forme de coquille sur les surfaces extérieures (voir photo no 8). L'aspect de ces marques est typique des fissures par fatigue. La présence de ces marques le long de la principale défaillance structurale indique qu'elles ont contribué à la concentration de contraintes localisées supérieures à ce que le bordé de fond pouvait supporter.

Photo 13. Bordé de fond
Bordé de fond

1.7.4 Dommages à l'environnement

Une nappe d'hydrocarbures s'est formée à la surface de la mer à environ 10 milles en aval de l'endroit où la section arrière a coulé. Les tentatives conjointes des services SAR et d'Environnement Canada pour mettre le feu à ce mazout ont échoué et les hydrocarbures ont fini par être dispersés par le vent et la mer.

Du mazout a continué de s'échapper de la section arrière engloutie jusqu'en juillet 1998, le débit de la fuite diminuant avec le temps.

Environnement Canada a surveillé l'échappement d'hydrocarbures de la section arrière. On a envisagé d'inspecter la section arrière engloutie pour trouver la fuite et la colmater, mais Environnement Canada a jugé que ce n'était pas nécessaire.

1.8 Brevets et certificats

1.8.1 Brevets du capitaine, des officiers et de l'équipage

Les brevets de compétence du capitaine et des officiers étaient valides et conformes aux dispositions de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW). Ces brevets étaient suffisants pour le type de voyage qu'effectuait le navire.

Les qualifications de l'équipage étaient également valides et conformes aux exigences réglementaires.

1.8.2 Certificats du navire

Le certificat d'immatriculation chypriote et le certificat de classification du navire étaient en ordre. Le certificat international de franc-bord (1966), le certificat de sécurité de construction pour navire de charge et le certificat international de prévention de la pollution par les hydrocarbures étaient valides jusqu'en novembre 2000. Le certificat de sécurité du matériel d'armement pour navire de charge expirait en septembre 1998 et le certificat de sécurité radiotéléphonique pour navire de charge était valide jusqu'en novembre 1998. Tous ces certificats avaient été délivrés par le Lloyd's Register of Shipping au nom et sous l'autorité du gouvernement de la République de Chypre.

1.9 Examen et inspection -- sociétés de classification

En plus d'être tenus de se conformer aux conventions internationales et aux exigences de leur registre national, la plupart des navires de commerce sont aussi construits, entretenus, inspectés et approuvés conformément aux règles et règlements d'une société de classification reconnue.

Les sociétés de classification sont des organisations ou des fondations non gouvernementales indépendantes et autonomes, qui s'autoréglementent; elles dictent des règles régissant la construction des navires, surveillent celle-ci et procèdent à des inspections périodiques pour s'assurer que les navires demeurent aptes à tenir la mer. Les navires construits et par la suite entretenus selon les règlements d'une société de classification particulière se voient attribuer une « classification » correspondant à leur type et aux voyages qu'ils effectuent.

Depuis une dizaine d'années, il y a prolifération marquée du nombre de nations qui cherchent à augmenter le nombre de navires sous leur pavillon. Bon nombre de ces nations, dont certaines ne possèdent pas le savoir-faire technique ni l'infrastructure internationale permettant d'assurer un service mondial, délèguent l'exercice de la totalité ou d'une partie de leurs responsabilités d'inspection réglementaire et d'inspection d'immatriculation à des sociétés de classification d'expérience.

Dix des 47 sociétés de classification font partie de l'International Association of Classification Societies (IACS), dont elles respectent le code de pratiques établi et les exigences en matière d'assurance de la qualité. L'IACS a le statut d'observateur à l'OMI et elle fournit à ses membres une tribune pour l'échange d'information et l'uniformisation des normes techniques. Les principaux objectifs de l'IACS sont d'assurer le plus haut niveau de sécurité maritime et de prévenir la pollution des mers.

Le Lloyd's Register of Shipping est membre fondateur de l'IACS, dont il fait toujours partie. C'est une société de classification qui possède 280 bureaux exclusifs un peu partout dans le monde. La société procède aussi à des inspections réglementaires de délivrance de certificats pour le compte de 135 administrations nationales.

Les inspections de classification du « FLARE » avaient été effectuées à la demande des propriétaires par des inspecteurs du Lloyd's Register of Shipping. Les inspections obligatoires en vertu des conventions internationales et les inspections préalables à la délivrance d'un certificat d'immatriculation national avaient aussi été faites par le Lloyd's Register of Shipping au nom et sous l'autorité du gouvernement de la République de Chypre.

1.10 Exigences en matière d'inspection des coques

La résolution A.744(18) de l'OMI intitulée « Directives sur le programme renforcé d'inspections à l'occasion des visites des vraquiers et des pétroliers », adoptée le 4 novembre 1993, et par la suite intégrée en tant que chapitre XI à la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), est officiellement entrée en vigueur le 1er janvier 1996. Dans le cadre du Programme renforcé d'inspections, la société de classification fait des « visites spéciales » tous les cinq ans. La portée des visites dépend de l'âge du navire. Les examens de coque deviennent plus rigoureux à mesure que le navire vieillit. En outre, des « visites annuelles » sont couramment exigées, dont la seconde ou la troisième doit être une « visite intermédiaire » plus minutieuse. Les rapports des visites spéciales, intermédiaires et annuelles peuvent aussi comprendre des notes permettant d'assurer le suivi des points et des éléments particuliers jugés douteux lors de visites précédentes.

1.10.1 Historique des examens de coque et situation

Visite spéciale

À Shanghai, en République populaire de Chine, en novembre 1995, le « FLARE », alors âgé de 23 ans, a fait l'objet d'une quatrième « visite spéciale » conformément aux exigences du Programme renforcé d'examen. Pendant cette visite, on a procédé à des inspections exhaustives de la coque et des machines, à des examens de l'équipement, à des réparations et à des remplacements d'acier de structure, principalement alors que le navire était à flot.

Des examens de la structure et des vérifications de l'épaisseur des échantillons ont été faits, et les principaux points soumis à un examen minutieux ont été notés dans le registre d'examen de la coque; il s'agissait notamment des points suivants :

La mesure aux ultrasons de l'épaisseur de la coque a notamment comporté des mesures prises dans des bandes tout autour du navire au droit des couples 74, 114 et 182. Les lectures de l'épaisseur à chacun de ces endroits montraient en général des pertes de moins de 1 p. 100 dans le bordé, l'arrondi de bouchain, la quille de roulis et les liaisons du fond. Il y avait une réduction d'épaisseur moyenne d'environ 2,4 p. 100 au droit du bordé du pont principal, de la tôle gouttière et du carreau. Aucune des lectures de la diminution d'épaisseur enregistrées ne dépassait les limites admises au-delà desquelles il aurait fallu remplacer le matériau.

Les inspections minutieuses de la structure ont entraîné le redressement ou l'enlèvement et le remplacement de porques transversales, de membrures de la muraille et de goussets inférieurs du fond un peu partout dans les cales à cargaison où on avait constaté que ces éléments étaient corrodés, déformés ou endommagés par l'équipement de manutention de la cargaison. Après ces réparations, toutes les cales à cargaison ont été grenaillées et repeintes.

D'autres zones d'amincissement et de corrosion avancée de la structure, révélées par une inspection interne minutieuse, ont donné lieu au remplacement de quatre des sept lisses de pont de tribord et de cinq des sept lisses de pont de bâbord sur toute la longueur des ballasts latéraux supérieurs. Un longitudinal du bordé de muraille faisant toute la longueur des citernes latérales supérieures nos 1 à 5, a été remplacé de chaque côté du navire. Les lisses de pont de remplacement, en longueurs de 3 m, ont été passées par les citernes latérales en se servant des trous de visite des citernes; elles ont été, pour la plupart, installées alors que le navire était à flot. Les lisses de pont de remplacement totalisaient environ 1 015 m en longueur. Dix pour cent de tous leurs abouts fraîchement soudés, choisis au hasard, ont été soumis à un examen aux ultrasons et trouvés satisfaisants.

Les cloisons étanches au droit des couples 95, 117 et 134, formant les extrémités des ballasts latéraux supérieurs, la cloison évidée du couple 149 et divers renforts transversaux à l'intérieur des citernes latérales ont aussi été enlevés et remplacés dans les zones de corrosion et d'amincissement. L'état du revêtement des citernes latérales supérieures, jugé médiocre, a été signalé pour qu'on y porte une attention spéciale lors des visites ultérieures.

Des parties profondément entaillées du bordé de fond de même que les lisses de double fond adjacentes et les liaisons endommagées au droit des citernes de double fond de tribord nos 1, 2, 3, 4 et 5 ont été enlevées et remplacées. Le bas des cloisons étanches transversales au droit des couples 162 et 188 a aussi été enlevé et remplacé. La structure interne des citernes de double fond a fait l'objet d'une inspection minutieuse et trouvée satisfaisante. Les revêtements des citernes ont été jugés en bon état.

Plusieurs parties des tôles de la cloison d'abordage du couple 210 et de la porque 220 ont été enlevées et remplacées aux endroits affaiblis par la corrosion. Les résultats des mesures de l'épaisseur ont montré que le reste de la structure interne du ballast du coqueron avant était en général dans un état satisfaisant.

La section supérieure de la citerne du coqueron arrière était fortement corrodée. Les parties supérieures des cloisons au droit des couples 11 et 16 et de la cloison évidée axiale ont été, pour une bonne part, enlevées et remplacées. Un plafond de ballast additionnel, formant un compartiment mort de 1,5 m de hauteur, a été installé sous le plafond de la citerne et contreventé à partir des barrots en place.

Tous les examens, les visites, les réparations et les remplacements d'éléments de structure ont été effectués à la satisfaction des inspecteurs de la société de classification et des représentants des propriétaires qui étaient présents. L'exécution satisfaisante de la visite spéciale no 4 a été dûment attestée le 10 novembre 1995. Un examen en cale sèche ainsi que l'inspection des apparaux de coque sous la flottaison et du bordé de fond ont aussi été passés de façon satisfaisante à Shanghai en janvier 1996, avant que le navire ne soit remis en service.

Première visite annuelle

À la date du premier anniversaire de la visite spéciale no 4, alors que le navire se trouvait dans les eaux brésiliennes, les inspecteurs du Lloyd's ont effectué une visite annuelle courante qu'ils ont commencée à Salvador et terminée à Fortaleza le 30 novembre 1996.

Comme le « FLARE » était un vraquier âgé de plus de 15 ans, il fallait, lors de la visite annuelle, inspecter toutes les cales à cargaison et procéder à un examen minutieux d'une des cales avant.

Les visites ont montré que l'état général des cales était satisfaisant et que le bordé de muraille, les membrures de muraille et les goussets des couples inférieurs n'avaient aucune avarie apparente. Une perforation dans la cloison étanche entre la cale à cargaison no 1 et la cale no 2, qui faisait l'objet d'une « condition de classification », a été réparée, et après des essais satisfaisants, on a levé la condition de classification.

Une deuxième condition de classification, portant cette fois sur l'amincissement et les entailles dans l'acier au droit de la jonction du plafond de ballast avec les cloisons transversales avant et arrière de la cale à cargaison no 6, a aussi fait l'objet de mesures correctives. Des mesures aux ultrasons exhaustives de l'épaisseur ont montré que l'amincissement localisé restait dans les limites acceptables (pour que le remplacement de l'acier ne soit pas nécessaire). On a constaté que les entailles relevées avaient une profondeur moyenne de 15 mm avec certains creux localisés de 25 mm. Ces entailles ont été attribuées à des dommages mécaniques subis pendant les opérations de chargement ou de déchargement. Après l'examen, cette condition de classification a aussi été levée. L'état de la structure a été consigné, dans une note ajoutée au dossier d'inspection de la coque du navire, comme un point à surveiller au cours des visites ultérieures.

Le certificat de sécurité de construction a été visé en conséquence le 30 novembre 1996, et le Lloyd's Register of Shipping a délivré au navire un certificat de classification provisoire.

Seconde visite annuelle / visite intermédiaire

Une visite périodique devait être faite à la date du deuxième anniversaire de la visite spéciale no 4. Conformément aux dispositions du Programme renforcé d'inspections, la visite intermédiaire a été reportée jusqu'à la fin de la troisième année. Une visite annuelle a été effectuée par les inspecteurs du Lloyd's dans le port de Cienfuegos à Cuba, le 28 novembre 1997.

La structure a été soumise à des inspections courantes et à des inspections minutieuses. Les défauts découverts de même que les mesures prises pour les corriger ont été notés dans le dossier d'inspection de la coque. Les endroits visés étaient notamment les suivants :

À la fin des examens de la structure, tous les points sauf le point a) ont été jugés satisfaisants ou ont été signalés comme éléments devant retenir l'attention lors de la prochaine visite intermédiaire périodique. Les points mentionnés comprenaient notamment la surveillance continue de l'état de la structure au droit des cloisons d'extrémité de la cale à cargaison no 6.

L'examen interne des citernes latérales supérieures a révélé que plusieurs liaisons étaient affaiblies et complètement traversées par la corrosion, en particulier des porques transversales et des cloisons évidées dans les ballasts latéraux supérieurs nos 1, 2, 4 et 6 (bâbord et tribord) ainsi que nos 3 et 5 (tribord). Rien n'a été fait pour corriger la situation en raison de l'absence deressources agréées compétentes en mesure de l'épaisseur et d'autres installations requises. Les inspecteurs ont placé une condition de classification exigeant que des réparations et des remplacements structuraux appropriés soient effectués et approuvés avant la fin de février 1998.

L'inspection annuelle concomitante des machines n'a en général rien révélé qui n'était pas satisfaisant, sauf qu'il a fallu cesser de se servir de la chaudière auxiliaire fonctionnant au moyen des gaz d'échappement du navire jusqu'à ce qu'elle ait été réparée de façon satisfaisante. Une autre condition de classification a été imposée à cet égard; elle exigeait également que les réparations soient effectuées et approuvées avant la fin de février 1998.

Le Lloyd's Register of Shipping a délivré un certificat de classification provisoire et informé, le 27 novembre 1997, les propriétaires des conditions de classification imposées qui exigeaient que des mesures correctives soient prises avant la fin de février 1998. Les propriétaires ont aussi été prévenus que la non-conformité après cette date pourrait compromettre la classification et que la suspension de cette classification entraînerait automatiquement l'invalidation de tous les certificats obligatoires délivrés par le Lloyd's.

C'est aux propriétaires qu'il incombe de s'assurer que toutes les réparations nécessaires au maintien de la classification sont effectuées et d'informer l'organisme de réglementation de la date et de l'endroit où se feront ces réparations afin qu'un inspecteur puisse être présent pour vérifier et approuver le résultat des travaux. Au moment de l'accident, le Lloyd's Register of Shipping n'avait reçu aucune demande officielle pour la prestation de tels services.

1.11 Code international de gestion de la sécurité (ISM)

En janvier 1998, les propriétaires et les armateurs du « FLARE » se préparaient à répondre aux exigences du Code international de gestion de la sécurité (Code ISM) de l'OMI, qui devait entrer en vigueur en juillet 1998, mais ils n'avaient pas encore terminé les formalités requises.

1.12 Renseignements concernant le personnel

L'équipage du « FLARE » était composé de navigateurs de quatre nationalités différentes. Le capitaine et 3 membres de l'équipage étaient Grecs, il y avait 16 Philippins, 2 Roumains et 3 Yougoslaves.

Le capitaine et 11 membres de l'équipage avaient rejoint le navire à Rotterdam peu avant l'appareillage. Les officiers supérieurs et le reste de l'équipage avaient rejoint le navire à divers moments en 1997.

1.12.1 Capitaine

Il s'agissait du premier voyage du capitaine sur le « FLARE » et c'était son premier commandement de vraquier. Son expérience antérieure du commandement se résumait à une période de 10 mois passée comme capitaine d'un cargo de marchandises générales de 1 598 tonneaux de jauge brute (tjb).

Depuis 1994, son expérience de la navigation à bord d'un vraquier comprenait des séjours comme second capitaine à bord de trois autres vraquiers dont deux périodes sur le « EVMAR », navire similaire au « FLARE » tant par la conception que par l'âge.

Avant de rejoindre le « FLARE » à Rotterdam, le 22 décembre 1997, le capitaine a été informé en détail des particularités du navire au bureau des armateurs au Pirée. La compagnie voulait obtenir l'accréditation en vertu du Code ISM, et la préparation du capitaine a notamment inclus une semaine de familiarisation avec le Code ISM.

À Rotterdam, le transfert du commandement du navire s'est fait en deux jours et il a compris apparamment une inspection des ballasts latéraux supérieurs.

1.12.2 Matelots

Les membres philippins de l'équipage du « FLARE » avaient été embauchés par l'intermédiaire du groupe maritime Bright, un organisme de recrutement des équipages titulaire d'une licence et certifié ISO 9002 aux Philippines. Les propriétaires du « FLARE » avaient retenu les services d'un capitaine de port grec à Manille.

Le recrutement des membres de l'équipage par le Groupe maritime Bright comprend l'entrevue des candidats par le capitaine de port ainsi que l'examen de leurs brevets et de leur expérience pour s'assurer que les dispositions de la STCW (1995) sont respectées. Une fois qu'un groupe de candidats a été choisi, ceux qui passent l'examen médical voient leurs noms soumis à l'Administration de l'emploi outremer des Philippines. On leur offre alors un contrat qui précise leur rang, leurs gages et d'autres modalités administratives. Dès que le contrat est signé, la société prend des dispositions concernant le visa et le transport au besoin.

Avant le départ des Philippines, les nouveaux membres de l'équipage du « FLARE » ont reçu une certaine formation interne selon la STCW (1995). Cette formation comprenait notamment des instructions concernant la sécurité à bord, la conduite et les exigences du Code ISM.

Aucun exercice d'embarcation n'a été tenu pour les membres de l'équipage qui sont montés à bord du navire à Rotterdam à cause du mauvais temps qui a sévi après l'appareillage. Toutefois, le capitaine a tenu dans le carré de l'équipage une séance d'information d'une demi-heure sur l'utilisation de l'équipement de sécurité du navire.

1.13 Langue de travail

Conformément à la STCW (1995), la langue de travail officielle à bord du navire était l'anglais. Le vocabulaire actuellement requis pour les besoins du quart de navigation est basé sur le « Vocabulaire normalisé de la navigation maritime » de l'OMI et comprend une cinquantaine de phrases. Ces phrases ont été choisies en vue de faciliter la communication : communication entre les navires, avec les stations côtières, et entre les membres d'équipage qui parlent des langues différentes. Même s'il est obligatoire que les officiers des quarts de navigation et des quarts à la machine aient une connaissance suffisante de l'anglais, il n'existe aucune exigence en la matière pour les autres membres de l'équipage.

Un vocabulaire de l'OMI plus complet a récemment été proposé à titre provisoire et il est enseigné dans certains collèges maritimes. Ce vocabulaire élargi pourrait être adopté dès l'an 2000, après approbation par les États membres de l'OMI. L'utilisation de ce vocabulaire ne serait toutefois pas obligatoire pour les matelots, pas plus que ne l'est actuellement le « Vocabulaire normalisé de la navigation maritime » de l'OMI.

1.13.1 Maîtrise de la langue de travail à bord du « FLARE »

Les trois survivants philippins maîtrisaient assez bien l'anglais pour ne pas avoir besoin de traducteur / interprète quand ils ont été interrogés.

Lorsque l'autre survivant (l'électricien yougoslave) a été interrogé après l'accident, sa connaissance de l'anglais était si rudimentaire qu'il a fallu avoir recours à un traducteur / interprète.

Lors des exercices d'embarcation et d'urgence au cours d'un voyage antérieur, lorsque le capitaine grec avait expliqué les tâches et les fonctions en anglais, le chef mécanicien avait dû servir d'interprète pour l'électricien.

1.14 Conditions météorologiques consignées

« FLARE »

Le relevé des radiocommunications entre le capitaine et les armateurs a été obtenu; on y retrouve les conditions météorologiques auxquelles le navire a apparemment dû faire face entre le 30 décembre 1997 et le 13 janvier 1998.

Date Force et direction du vent, échelle de Beaufort État de la mer selon l'échelle de Beaufort,
en fonction de la vitesse du vent rapportée
30 décembre au 1er janvier Ouest
Force 9 - 10
(44 - 55 noeuds)
Lames hautes à très hautes.
Le déferlement des lames devient intense et brutal.
Hauteur maximale probable des lames, 10 à 12,5 m.
1er au 4 janvier WSW
Force 10 - 11
(55 - 60 noeuds)
Violente tempête. Lames exceptionnellement hautes. Partout, le bord des crêtes des lames est soufflé et donne de la mousse. Hauteur maximale probable des lames, 12,5 à 16 m.
4 au 7 janvier WSW
Force 9 - 11
(44 - 60 noeuds)
Violente tempête. Lames exceptionnellement hautes. Partout, le bord des crêtes des lames est soufflé et donne de la mousse. Hauteur maximale probable des lames, 10 à 16 m.
7 au 10 janvier WSW
Force 8 - 9 - 10
(40 - 55 noeuds)
Lames hautes à très hautes. Le déferlement des lames devient intense et brutal.
Hauteur maximale probable des lames, 7,5 à 12,5 m.
10 au 13 janvier W
Force 5
(17 - 21 noeuds)
Lames modérées.
Hauteur maximale probable des lames, 2,5 m
13 janvier SW
Force 8
(34 - 40 noeuds)
Lames de hauteur moyenne et plus allongées.
Du bord supérieur de leurs crêtes commencent à se détacher des tourbillons d'embrun; l'écume est soufflée en très nettes traînées orientées dans le lit du vent.
Hauteur maximale probable des lames, 7,5 m.

Environnement Canada

Pour ce qui est de la période de trois jours comprise entre le 14 et le 16 janvier, des renseignements ont été obtenus d'Environnement Canada concernant aussi bien les prévisions météorologiques que les conditions réelles enregistrées par les bouées-météo automatiques placées au large de la côte sud de Terre-Neuve et près du banc Banquereau. Environnement Canada a enregistré les données météorologiques ci-après pour les zones où se trouvait le « FLARE » à ces dates.

Date Direction et vitesse du vent Hauteur maximale des lames
14 janvier Ouest, 25 - 45 noeuds 3 m - 5 m
15 janvier Ouest, 45 - 60 noeuds 6 m - 9 m
16 janvier NW, 30 - 45 noeuds 5 m - 8 m

Voici un extrait des prévisions en langage clair pour le détroit de Cabot, émises à 10 h le 16 janvier :

  • Avertissement de coups de vent et d'embruns verglaçants maintenu. Vents d'ouest de 25 noeuds avec possibilité de coups de vent à 35 noeuds se changeant en vent d'ouest de 20 noeuds en début d'après-midi.

La publication intitulée Conditions météorologiques maritimes dans le golfe du St-Laurent, publiée par la Région de l'Atlantique d'Environnement Canada, donne les renseignements suivants pour le secteur du détroit de Cabot et des îles de la Madeleine :

Le détroit de Cabot est exposé à de très longues étendues d'eau libre. Aunord-ouest, l'eau est libre jusqu'au détroit d'Honguedo, ce qui représente environ 250 milles marins. Vers le sud-est, le fetch s'étend sans obstacles au grand large de l'Atlantique. Du nord-est, le fetch est en fait assez limité dans le détroit lui-même, mais en pénétrant dans le golfe en direction des îles de la Madeleine, il s'allonge également jusqu'à près de 250 milles marins. Ces vastes étendues d'eau libre permettront la formation de très grosses vagues dans cette région, et elles signifient aussi que la houle persiste longtemps après que le vent soit tombé. La combinaison de ces effets fait de cette région l'une des plus agitées dans les eaux canadiennes de l'Atlantique.

Les dossiers montrent que le courant dans le secteur à la date de la rupture du « FLARE » devait porter vers l'ouest-nord-ouest à environ 0,5 noeud, c'est-à-dire en sens contraire du vent. La moins grande profondeur de l'eau en bordure du banc Saint-Pierre, conjuguée avec les conditions de vent et de courant décrites ci-dessus, tend à créer une situation où le régime normal habituel des vagues est perturbé. Cette combinaison de facteurs entraîne la création de grosses lames irrégulières.

« STOLT ASPIRATION »

Le « STOLT ASPIRATION », pétrolier de 12 219 tjb, a quitté l'Europe avec une pleine cargaison à destination de Montréal et a suivi à peu près la même route que le « FLARE ». Il a essuyé du gros temps pendant tout le voyage. Il a apparemment navigué dans des vents d'ouest de force 8 ou 9 sur l'échelle de Beaufort pendant la majeure partie du temps et parfois des vents de force 10 ou 11. Pendant la nuit du 15 au 16 janvier, le navire se trouvait à environ 25 milles du « FLARE » et il suivait une route analogue à une allure réduite de 5 ou 6 noeuds.

À 4 h (heure du navire), le « STOLT ASPIRATION » se trouvait par 46°50,5′N, 057°16,2′W selon le système de positionnement global. Il faisait route au 295 à une vitesse de six noeuds. Un vent d'ouest de force 8 soufflait et l'état de la mer correspondait au code 7 de l'échelle de Beaufort. La température de l'air était de −3°C et celle de la mer, de 2°C.

Même si le « STOLT ASPIRATION » était chargé, le navire fatiguait et avançait avec difficulté dans les conditions qui régnaient. Le capitaine a été réveillé plusieurs fois lorsque le navire a traversé de la houle et des lames extraordinairement hautes qui ont provoqué de fortes vibrations et des coups de ballast.

1.15 Équipement radioélectrique

Le « FLARE » était équipé d'émetteurs-récepteurs sur ondes courtes, moyennes et longues, utilisés par un radiotélégraphiste breveté dans une salle réservée aux opérations radio.

L'équipement radio du navire avait été inspecté à Cuba le 26 novembre 1997. À l'époque, on l'avait jugé conforme aux exigences de la SOLAS 1974, dans sa forme modifiée. Un certificat de sécurité radiotéléphonique pour navire de charge, valide jusqu'au 25 novembre 1998, avait été délivré à la Havane.

Le certificat d'installation radiotéléphonique approuvé pour navire de charge indique qu'il y avait deux postes VHF sur la passerelle. L'un d'eux a été utilisé pour envoyer l'appel MAYDAY sur la voie 16.

L'INMARSAT C n'était pas intégré au système de navigation par satellite du navire et les règlements n'imposaient pas qu'il le soit avant le 1er février 1999.

1.16 Radiobalise de localisation des sinistres (RLS) et transpondeur de recherche et sauvetage (SAR)

1.16.1 RLS

La RLS de classe 1 du navire avait été mise à l'essai et certifiée par un inspecteur radio accrédité par le gouvernement cubain, et un inspecteur du Lloyd's l'avait jugée satisfaisante.

L'appareil était apparemment monté dans l'aileron tribord de la passerelle de navigation, près du répétiteur du gyrocompas. Il était installé de façon à se dégager automatiquement du navire pour remonter à la surface en cas de naufrage.

La radiobalise de détresse à piles émet un signal numérique codé sur 406 MHz quand elle est mise en marche automatiquement ou manuellement. Le signal radioélectrique est reçu par un satellite qui retransmet l'information à l'une des nombreuses stations réceptrices terriennes. Le signal est ensuite décodé pour identifier les propriétaires, déterminer le nom du navire et localiser la RLS. Cette information est utilisée pour déterminer vers quelle zone diriger les secours.

Un capitaine précédent a déclaré qu'afin d'éviter que la RLS ne soit volée quand le navire était dans le port, il avait l'habitude de la sortir de son support afin de la ranger dans les emménagements ou dans la timonerie verrouillée.

Aucun signal n'a jamais été reçu de la RLS du « FLARE », qui n'a d'ailleurs jamais été retrouvée. On ne sait pas si la RLS était arrimée dans le support qui lui était réservé dans l'aileron tribord de la passerelle. On ne sait pas non plus si l'appareil s'est dégagé automatiquement.

1.16.2 Transpondeur SAR

Le rôle d'un transpondeur SAR est d'indiquer la position de personnes ou de navires en détresse. Ce type d'appareil est facile à transporter et devrait être embarqué à bord du radeau ou de l'embarcation de sauvetage au moment de l'abandon du navire. Il émet une série de signaux lorsqu'il est « interrogé » par un radar de navire ou d'aéronef approprié. Les normes de l'OMI exigent qu'un transpondeur SAR ait une portée allant jusqu'à cinq milles quand il n'y a pas d'obstacle et qu'il est placé à un mètre au-dessus du niveau de la mer.

Le « FLARE » était muni de deux transpondeurs SAR arrimés sur le pont de passerelle; toutefois, en l'occurrence, aucune réponse n'a été reçue de ces transpondeurs SAR par l'équipement de recherche et sauvetage.

1.17 Équipement de sauvetage

Le registre de l'équipement aux fins du Certificat de sécurité du matériel d'armement pour navire de charge (formulaire E), délivré par le Lloyd's Register of Shipping, prévoit l'équipement suivant pour un chargement de 30 personnes :

Les documents indiquent que l'équipement de sauvetage était conforme aux clauses, annexes et modifications de la SOLAS 1974 et de son protocole de 1978.

1.18 Récupération des engins de sauvetage

1.18.1 Embarcations de sauvetage

L'embarcation de sauvetage no 2 renversée a été aperçue avec quatre personnes qui s'y agrippaient non loin de la position de la section avant du « FLARE », toujours à flot, laquelle a été repérée initialement à la position 46°28,46′N par 057°12,82′W. Les survivants ont été repêchés sur l'embarcation de sauvetage chavirée par un hélicoptère à 14 h 34 et un corps a été ultérieurement repêché en dessous de l'embarcation. Celle-ci a par la suite été récupérée et remorquée à la base de St. John's de la GCC.

Lorsque le « STOLT ASPIRATION » est arrivé sur les lieux environ une heure et demie plus tard, on a tenté de repêcher des débris et de l'équipement qui flottaient et qu'on croyait provenir de l'embarcation de sauvetage. On a mis fin à ces tentatives à cause des conditions météorologiques difficiles qui régnaient.

L'embarcation de sauvetage à moteur (no 1) du « FLARE » a été retrouvée le 17 juillet 1998 à Lamaline, sur la côte sud de Terre-Neuve, où elle avait été drossée; elle a été apportée à la base de la GCC de St. John's. L'intérieur était recouvert d'une épaisse couche de moules, ce qui indique que l'embarcation était restée en position chavirée pendant un bon moment.

Comme tout l'équipement mobile à bord des deux embarcations de sauvetage manquait et que les coques en fibre de verre étaient lourdement endommagées, il a été impossible de déterminer dans quel état elles étaient au moment de l'accident.

1.18.2 Radeaux de sauvetage

Pendant les opérations SAR, les deux radeaux de sauvetage arrimés à l'arrière ont été retrouvés gonflés, près de la section avant du « FLARE », toujours à flot. On les a inspectés à la recherche de survivants, mais il n'y avait personne à bord. Pour ne pas faire perdre de temps aux autres sauveteurs, les deux radeaux ont été délibérément coulés après l'examen. Par conséquent, il est impossible de savoir dans quel état ils étaient au moment de l'accident. Le pneumatique à six places, introuvable, n'a pas été récupéré après l'engloutissement de la section avant du « FLARE ».

1.18.3 Gilets de sauvetage

Les dossiers du navire montrent qu'un nombre de gilets de sauvetage (35) suffisant pour le nombre de personnes à bord (25) se trouvaient sur le navire. Tous les survivants et tous les corps repêchés portaient des gilets de sauvetage.

Après que le médecin légiste en chef a eu terminé son examen des corps des victimes à St. John's, les gilets de sauvetage ont été envoyés avec les corps à une entreprise funéraire de l'endroit. Tous les gilets de sauvetage étaient souillés de mazout et tous ceux qui ont été envoyés à l'entreprise funéraire ont été détruits. Toutefois, les services SAR ont gardé un des gilets de sauvetage que portaient les survivants.

1.18.4 Combinaisons d'immersion et moyens de protection thermique

Conformément aux exigences de la SOLAS pour un navire de charge muni de deux embarcations de sauvetage non pontées, le « FLARE » avait à bord 6 combinaisons d'immersion et 27 moyens de protection thermiqueNote de bas de page 4 (voir section 1.17). Ces moyens de protection thermique étaient destinés à protéger les personnes pour lesquelles aucune combinaison d'immersion n'était fournie pendant leur séjour dans les embarcations de sauvetage non pontées.

Les survivants ont été incapables de se rappeler si des combinaisons d'immersion avaient été sorties lors des exercices d'urgence ou si on leur avait montré comment enfiler ou utiliser une combinaison d'immersion. Ils ne savaient pas non plus combien il y avait de combinaisons à bord, où elles étaient entreposées ni à qui elles devaient être distribuées en cas d'urgence. Le capitaine précédent a confirmé que la répartition de ces combinaisons n'avait jamais été décidée et qu'il n'en était pas question au cours des exercices d'urgence.

On n'a retrouvé aucune combinaison d'immersion ni moyen de protection thermique pendant l'opération SAR.

À l'heure actuelle, les règlements (internationaux) de la SOLAS n'exigent pas qu'une combinaison d'immersion soit fournie pour chaque personne à bord de tous les navires de charge - et en particulier lorsque les navires naviguent normalement sous des climats tempérés ou chauds. Toutefois, les règlements permettent à une administration (État du pavillon) d'exiger, si elle le juge à propos qu'une combinaison d'immersion soit embarquée pour chaque personne à bord. Dans le cas à l'étude, l'administration pertinente n'exigeait pas qu'il y ait une combinaison d'immersion à bord pour chaque membre de l'équipage et ni les propriétaires, ni les armateurs du « FLARE » n'en fournissaient.

Les navires battant pavillon canadien, qui circulent régulièrement sous des latitudes plus élevées, doivent en vertu des règlements avoir au moins une combinaison d'immersion à bord pour chaque membre de l'équipage.

Les organisations internationales n'ont pas pris de mesures pour exiger que les navires voyageant sous des climats froids embarquent une combinaison d'immersion pour chaque membre de l'équipage.

1.18.5 Vérification des gilets de sauvetage

La SOLAS exige qu'un gilet de sauvetage approuvé répondant aux Normes relatives aux gilets de sauvetage de l'OMI en vigueur à l'époque de la construction du navire soit fourni pour chaque personne à bord du navire.

Le gilet de sauvetage que portait un des survivants a été examiné et mis à l'essai par le Laboratoire des assureurs du Canada, qui a conclu qu'il ne répondait pas aux normes relatives aux gilets de sauvetage de la SOLAS 1992 (édition refondue). Toutefois, comme le « FLARE » était un navire existant en 1992, les gilets de sauvetage à bord ne devaient pas obligatoirement respecter cette norme.

Étant donné qu'on ne disposait que d'un seul gilet de sauvetage pour le mettre à l'essai, on ne sait pas s'il était représentatif de l'état des autres.

1.19 Contrôle par l'État du port

Le Contrôle par l'État du port (CEP) est un programme d'inspection des navires en vertu duquel les navires étrangers qui pénètrent dans les eaux d'un état souverain font l'objet d'une visite et sont inspectés pour s'assurer qu'ils sont conformes à diverses conventions maritimes internationales importantes auxquelles l'État du pavillon est signataire. Les programmes de CEP sont de nature régionale, c'est-à-dire que plusieurs pays qui partagent des eaux communes se sont regroupés aux termes d'un Protocole d'entente en vue de s'assurer que les navires qui naviguent dans les eaux qui relèvent d'eux sont conformes aux normes.

Des inspections de CEP du « FLARE » ont été faites par des responsables de trois pays en 1997 : à la Nouvelle Orléans en Louisiane, aux États-Unis, le 19 février; à Toronto (Ontario), les 26 et 27 mai; et à Newport au Pays de Galles, Royaume-Uni, le 8 octobre.

  1. À la Nouvelle Orléans, après une inspection qui a été limitée aux certificats de sécurité du navire, la United States Coast Guard a délivré un rapport d'inspection de navire portant la mention « aucune lacune notée » le navire n'a donc pas été immobilisé.
  2. À Toronto, des experts maritimes de Transports Canada ont constaté plusieurs lacunes touchant l'équipement de sauvetage comme il suit :
    • le radeau de sauvetage avant à être installé à l'extérieur sur le pont découvert;
    • le radeau de sauvetage arrière à être muni d'un dispositif manuel de largage rapide;
    • les exercices d'embarcation et d'incendie à reprendre.
    Ces lacunes ont été corrigées avant le départ de Toronto, et le navire n'a pas été immobilisé.
  3. À Newport, des experts maritimes de la British Marine Safety Agency, dans le cadre d'une inspection de CEP, ont constaté le manquement suivant touchant les engins de sauvetage :
    • flasques métalliques de garants de bossoirs des embarcations de sauvetage de bâbord et de tribord lourdement corrodées à réparer / remplacer.

Un avis d'immobilisation concernant le point ci-dessus a été remis au navire, mais a été retiré après que la situation a été corrigée de façon satisfaisante. Voici une liste d'autres lacunes préoccupantes notées :

Mis à part le dernier point de la liste (piles des feux de gilets de sauvetage), les dossiers montrent que toutes les lacunes relevées avaient été corrigées avant l'appareillage.

1.20 Navires analogues

Les photographies aériennes et l'inspection sous-marine du navire ont révélé des fissures et une rupture du bordé du pont principal près des orifices de chargement du grain à peu près au milieu du « FLARE ». Le BST a répertorié 14 navires à peu près du même âge et construits selon les mêmes plans que l'on croît être toujours en service et qui pourraient subir une défaillance similaire.

Conformément à l'esprit de la résolution A. 849(20) de l'OMI, qui prône la collaboration entre les États pour les enquêtes sur des sinistres maritimes, le BST a informé la République de Chypre, la République populaire de Chine, Malte, la République du Libéria, la République de Panama et la République Hellénique, où ces navires sont immatriculés. Ces États ont été priés d'examiner ces navires afin que des correctifs appropriés puissent être promptement apportés, le cas échéant.

La GCC et la United States Coast Guard ont été priées d'informer le BST si un de ces navires pénétrait dans les eaux canadiennes ou américaines. Le BST a aussi avisé Transports Canada de ces mesures et a demandé au personnel du ministère d'informer le BST s'il décelait de telles avaries sur les navires figurant sur la liste ou des navires analogues, au cours d'inspections périodiques ou d'inspections de CEP. (Voir aussi la section 4.1, Mesures prises.)

1.21 Pilotes de l'Administration de pilotage des Laurentides

Le « FLARE » avait circulé dans les eaux canadiennes en mai et juin 1997 pour se rendre à Toronto et en revenir. En réponse à un questionnaire, huit pilotes de l'Administration de pilotage des Laurentides ont donné leur avis sur l'exploitation et l'état du navire, alors que celui-ci était chargé et sur lest. En résumé, les pilotes ont indiqué que si l'équipement de navigation et l'appareil à gouverner du navire étaient dans un état acceptable ou même bon, l'entretien ménager du navire laissait à désirer.

Analyse

2.1 Situation touchant le certificat de classification

De la fin de la deuxième visite annuelle périodique le 27 novembre 1997 jusqu'au moment de l'accident, le « FLARE » a été exploité en vertu d'un certificat de classification provisoire délivré à la condition que certaines réparations de structure soient faites avant la fin de février 1998.

L'imposition d'une telle condition exigeant l'exécution de mesures correctives lors de la prochaine visite périodique ou dans un laps de temps spécifié de moindre durée est une pratique de longue date et universellement acceptée des sociétés de classification. La durée de ce genre de report des réparations est déterminée par les inspecteurs de la société de classification en se fondant notamment sur l'importance perçue du problème à régler ainsi que sur la présence d'installations de réparation convenables à l'endroit où se trouve le navire.

Selon la nature du problème, les inspecteurs de la société de classification peuvent exiger que des mesures correctives soient prises immédiatement ou, s'il n'existe pas d'installations de réparation convenables sur place, à l'endroit le plus proche où existent de telles installations ou encore au prochain port d'escale du navire possédant l'équipement nécessaire. Les inspecteurs de la société de classification peuvent aussi à bon droit imposer des restrictions à l'exploitation du navire jusqu'à ce que des réparations satisfaisantes aient été effectuées. Aucune de ces mesures n'a été jugée nécessaire en l'occurrence.

C'est aux propriétaires du navire qu'il incombe de s'assurer que toutes les réparations nécessaires au maintien de la classification sont effectuées et d'informer la société de classification de la date et de l'endroit où on envisage de faire effectuer ces réparations afin qu'un inspecteur puisse être présent pour vérifier et approuver le résultat des travaux. Au moment de l'accident, le Lloyd's Register of Shipping n'avait reçu aucune demande officielle pour la prestation de tels services.

Le « FLARE » a déchargé des marchandises dans le port très bien équipé de Rotterdam, avant d'appareiller légèrement lesté, le 30 décembre 1997. Le navire s'est ensuite brisé en deux et a coulé au cours de la traversée de l'Atlantique Nord dans des conditions météorologiques hivernales typiques - avant l'expiration du délai de trois mois fixé dans la condition de classification et avant que les réparations de la structure interne de plusieurs ballasts latéraux supérieurs n'aient été complétées.

2.2 Contrôle par l'État du port (CEP)

Les inspections de CEP dont le « FLARE » a fait l'objet aux États-Unis et au Canada n'ont pas entraîné l'immobilisation du navire; toutefois, il a été immobilisé après l'inspection qu'il a subie à Newport au Pays de Galles.

L'équipage étant ordinairement renouvelé par roulement, les membres de l'équipage qui ne savaient pas trop quoi faire lors du premier exercice d'embarcation à Toronto n'étaient pas nécessairement les mêmes qui se trouvaient à bord à une date antérieure ou ultérieure.

Le refus des responsables de Transports Canada d'accepter le rendement de l'équipage au cours de l'exercice d'embarcation et d'incendie tenu le 26 mai 1997 indique que l'équipage (à ce moment-là) n'était pas entraîné à l'utilisation de ce matériel. Cela peut dénoter des niveaux insuffisants de formation à terre ou d'entraînement pré-embarquement ainsi que d'instructions à bord.

Lors de l'inspection de CEP à Newport, on a constaté, entre autres, que certains équipements d'embarcation de sauvetage et d'urgence étaient déficients, que les emménagements de l'équipage servaient à l'entreposage de matières inflammables et qu'ils étaient infestés et insalubres. Ces constatations sont l'indice d'une maintenance insuffisante, de pratiques dangereuses et d'un mauvais entretien ménager.

2.3 Agrément en vertu du Code ISM

L'agrément du navire et de la société en vertu du Code ISM n'était pas acquis au moment de l'accident. Les préparatifs étaient très avancés pour l'élaboration d'un système de gestion de la sécurité au sein de la société; il leur fallait encore faire l'objet d'une vérification ouvrant droit à l'obtention d'un document de conformité et d'un certificat de gestion de la sécurité pour le « FLARE ».

Même si les documents exigés par les règlements et la société de classification du navire étaient en ordre, il n'y était pas question de l'application des procédures d'exploitation existantes.

Un système de gestion de la sécurité aurait englobé les procédures de lestage appropriées contenues dans le Guide de chargement du navire. Un lestage adéquat aurait réduit l'exposition du navire aux coups de ballast au moment d'entreprendre une traversée de l'Atlantique Nord dans des conditions hivernales.

2.4 Observations des pilotes

Même si l'information recueillie auprès des pilotes portuaires et fluviaux a surtout une valeur anecdotique, on peut néanmoins dire qu'aucune de leurs observations ne remet en question l'aptitude du navire à prendre la mer ou ses caractéristiques de manoeuvre.

2.5 Lestage et assiette du navire

Les tirants d'eau et la condition légèrement lesté consignés à Rotterdam avant l'appareillage, ainsi que les observations subséquentes du pilote portuaire au moment du départ, confirment qu'au moment de l'appareillage, le navire était fortement sur cul et avait un tirant d'eau relativement faible à l'avant. Le tirant d'eau avant ainsi que la quantité totale de lest liquide à bord étaient inférieurs aux valeurs données dans le Guide de chargement pour le navire légèrement lesté à l'appareillage, guide qui était fourni au capitaine.

En raison des différentes opérations de modification du lestage qui auraient été faites pendant la traversée (à cause des réparations en cours au droit des citernes latérales supérieures), on ne connaît pas avec précision la répartition longitudinale et transversale du lest liquide juste avant la rupture de la coque. Toutefois, les tirants d'eau avant et arrière de 11 pieds (3,35 m) et de 21 pieds (6,4 m) signalés par le capitaine à ECAREG le 13 janvier 1998 indiquent clairement qu'aucune quantité importante de lest liquide additionnel n'avait été embarquée à ce moment-là, que la citerne du coqueron arrière et la cale à eau restaient vides, et que la citerne du coqueron avant n'était pas pleine. En outre, la légère réduction de la différence que montrent les derniers tirants d'eau avant et arrière rapportés correspond à la consommation de mazout et d'autres liquides entraînant une baisse de niveau de leurs citernes respectives, qui se trouvaient toutes vers l'arrière du navire.

Les lignes directrices canadiennes portant sur le changement de lest liquide pour les navires qui naviguent en direction du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs tiennent compte du fait qu'en raison de circonstances exceptionnelles (du gros temps, par exemple) il peut s'avérer impossible de procéder au changement du lest liquide. En pareil cas, le navire peut attendre d'être rendu en eaux plus protégées avant de changer le lest liquide. Dans le cas à l'étude, le capitaine a rapporté que du lest liquide avait été changé les 10, 11 et 12 janvier (ces trois jours ayant été les trois seuls où les conditions météorologiques avaient été plus propices durant toute la traversée). Dans sa réponse aux armateurs du navire, le capitaine a ajouté que les ballasts étaient pleins. Toutefois, l'analyse des photographies et les tirants d'eau signalés laissent croire que les citernes n'étaient pas pleines.

Un facteur commun dans toutes les conditions de chargement consignées et rapportées c'est que le tirant d'eau avant était, pendant tout le voyage, constamment inférieur à toutes les conditions sur lest à l'appareillage données dans le Guide de chargement du navire. Le tirant d'eau avant était également inférieur à celui donné dans les Règles et règlements pour la construction et la classification des navires en acier du Lloyd's Register of Shipping. Le tirant d'eau avant minimal indiqué dans ces règles s'est avéré satisfaisant - et a été éprouvé au cours de nombreuses années d'exploitation - pour empêcher la coque de subir des coups de ballast ou réduire l'ampleur de ces derniers.

Le fait que le navire a subi des coups de ballast et des claquements répétés pendant plusieurs jours, tel que l'ont rapporté les survivants, était directement lié au faible tirant d'eau avant du navire. Les surcharges d'impact consécutives s'exerçant sur la poutre-coque ont été le principal facteur de la création de niveaux de contraintes localisés supérieurs à ce que la structure pouvait supporter, et ont entraîné la brusque défaillance cataleptique de la structure.

C'est au capitaine qu'il incombe de s'assurer que son navire est chargé et exploité en toute sécurité, qu'il est lesté adéquatement et qu'il conserve une assiette appropriée pendant tout le voyage. Des données concernant la condition fortement lesté figuraient dans le Guide de chargement fourni au capitaine. Si le navire y avait été conforme, il aurait été bien moins susceptible de subir des coups de ballast et des claquements. On ne sait pas pourquoi on n'a pas opté, à bord du « FLARE », pour une augmentation du lest.

2.6 Déroulement des événements ayant entraîné des avaries et la rupture de la coque

L'allure du navire, sa condition légèrement lesté, son faible tirant d'eau avant et les conditions météorologiques difficiles expliquent que l'avant de la coque ait été soumis à des coups de ballast et des claquements répétés pendant plusieurs jours avant la défaillance structurelle finale de la coque.

Un violent coup de ballast subi par le brion et le bordé de fond environ quatre heures avant la rupture de la coque a provoqué un boum retentissant, de même que de fortes vibrations longitudinales et le fouettement de la coque. Le navire a apparemment poursuivi sa route à la même allure, et on ignore si la coque a été inspectée à ce moment-là pour voir si elle avait subi des avaries. Les survivants ont rapporté que peu avant la défaillance cataleptique de la structure, il y a eu un autre coup de ballast particulièrement violent, lui aussi suivi de plusieurs flexions longitudinales et fouettements importants de la coque. Ces coups de ballast si forts sont sans doute attribuables au fait que le navire a soudainement heurté des lames particulièrement hautes ou irrégulières. Un autre navire qui se trouvait dans les parages à peu près au même moment a rapporté des phénomènes irréguliers analogues.

La forte amplitude et la fréquence des vibrations de la coque résultant de si forts coups de ballast ont soumis le navire aux effets simultanés d'une grande énergie de déformation et de très forts taux de contraintes. Ces charges induites ont dû générer des concentrations de contraintes élevées, soudaines et en succession rapide dans le bordé du pont principal et le bordé de fond, lesquels forment les principales liaisons extérieures de la poutre-coque. De telles charges d'impact peuvent créer des contraintes excédant les niveaux de contraintes statiques maximaux approuvés. Toute discontinuité structurale localisée ou fissure non décelée dans les liaisons extérieures de la poutre-coque peut concentrer encore davantage ces charges. Cette charge d'impact peut entraîner la propagation rapide de ruptures fragiles étendues et, en bout de ligne, une défaillance cataleptique soudaine de la structure.

À la lumière des conditions de chargement et d'assiette connues ainsi que des conditions météorologiques difficiles qui régnaient, des inspections de la coque et de l'examen des photos aériennes et sous-marines, il semble très probable que la défaillance de la structure a été provoquée par les coups de ballast auxquels la coque était soumise ainsi que par des ruptures fragiles dans le bordé du pont principal dues aux vibrations. La première rupture fragile est survenue à la hauteur et tout près d'un orifice de chargement du grain du côté tribord du pont principal, près du milieu du navire. Les contraintes soudaines, concentrées et en succession rapide excédaient ce que la structure pouvait supporter à cet endroit, et la rupture ainsi causée s'est rapidement propagée à travers le pont et jusqu'au bordé de la muraille de tribord.

Les fissures préexistantes situées sur la surface intérieure du plat-bord arrondi du côté bâbord du pont principal près du couple 76 (voir photo no 5) ont contribué à la propagation rapide de la rupture fragile à travers le pont principal, en passant par le carreau, jusqu'au bordé de la muraille de bâbord.

La réduction de l'intégrité structurale longitudinale consécutive à la propagation de ruptures fragiles dans les liaisons supérieures de la poutre-coque a généré des charges de compression élevées qui se sont brusquement exercées sur la structure du fond. Des concentrations de contraintes très élevées subséquentes au droit des fissures préexistantes dans certaines tôles du bordé de fond ont ensuite entraîné la défaillance soudaine de toute la structure du fond et causé la défaillance cataleptique de la coque.

La position d'une rupture fragile dans le bordé du pont principal du côté bâbord au droit du couple 110 coïncide de façon générale avec la position de la rupture du pont principal du côté tribord au couple 112, et les deux se trouvent à peu près au milieu du navire. Les liaisons principales près du milieu du navire sont exposées à des niveaux de contraintes statiques élevés provoqués par les chocs répétés et, par conséquent, sont plus vulnérables à la fatigue structurale causée par de telles charges cycliques. Dans le cas à l'étude toutefois, l'accès interne à ces endroits pour un examen de près a été impossible, et la présence de fissures par fatigue préexistantes au droit des ruptures du bordé du pont principal à proximité du milieu du navire n'a pu être vérifiée.

Le faible gradient thermique dû au peu de différence entre les températures de l'air ambiant et de l'eau de mer (−3°C et +2°C, respectivement) permet d'affirmer que les effets négatifs de la production de contraintes thermiques à l'intérieur des liaisons de la coque ont dû être négligeables.

Voici certains des facteurs qui, sans être reliés aux coups de ballast, ont néanmoins contribué à l'augmentation globale et à l'augmentation localisée des niveaux de contraintes qui s'exerçaient sur la coque et sur le bordé du pont principal :

2.7 Équipage pluriethnique

Les équipages multinationaux à bord des navires existent depuis fort longtemps.

Lorsque l'anglais est la langue commune et la langue de travail à bord du navire, des problèmes peuvent surgir du fait que des membres de l'équipage ne parlant pas anglais ne comprennent pas bien les instructions données ou leur but. Les barrières linguistiques peuvent générer de l'incertitude, des malentendus, ainsi qu'une absence de contrôle lorsque les circonstances exigent une intervention immédiate.

Il est évident qu'un problème du genre existait à bord du « FLARE ». Un membre yougoslave de l'équipage a rapporté que lors des exercices d'urgence, le chef mécanicien yougoslave avait dû lui traduire les instructions que le capitaine grec donnait en anglais.

2.8 Recherche et sauvetage (SAR) - rappel de la situation

Le Canada, en tant que membre de l'OMI et adhérent à la SOLAS, à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes et à diverses autres conventions, doit fournir tous les services SAR maritimes dans le secteur qui lui est assigné. Le ministère de la Défense nationale (MDN) et la GCC ont tous deux des responsabilités en matière de recherche et sauvetage en vertu du Programme national de recherche et de sauvetage.

Dans le secteur de responsabilité du Canada, tous les services SAR maritimes sont coordonnés par l'intermédiaire de centres de coordination du sauvetage (CCS) et de centres secondaires de sauvetage maritime (CSSM), qui sont situés à des endroits stratégiques un peu partout au Canada. Les centres responsables dans le cas à l'étude étaient le CCS de Halifax (Nouvelle-Écosse) et le CSSM de St. John's (Terre-Neuve). Pour cet accident, le coordonnateur des opérations maritimes du CSSM, qui était le CMS désigné, a travaillé en étroite collaboration avec le CCS de Halifax. Le coordonnateur des opérations aériennes du CCS de Halifax a continué de contrôler et de coordonner le travail des ressources aériennes.

La Région de recherche et sauvetage de Halifax couvre une superficie d'environ 6,1 millions de km². Elle inclut les provinces de l'Atlantique jusqu'à la frontière canado-américaine ainsi que la portion est du Québec, s'étendant aussi loin au nord que l'île de Baffin et à environ 1 000 milles (1 600 km) dans l'océan Atlantique.

Afin d'assurer une prompte assistance et la sauvegarde de la vie humaine grâce à une écoute continuelle des fréquences internationales, le centre des SCTM de Stephenville possède des sites périphériques à plusieurs endroits, y compris sur l'île Ramea (Terre-Neuve). Les services fournis comprennent les communications de détresse et de sécurité ainsi que la coordination en vue de déceler les situations de détresse. Le centre des SCTM de Stephenville n'est pas muni d'un radiogoniomètre VHF pour donner une ligne de relèvement pour les messages de sécurité, d'urgence et de détresse.

Sur la côte est du Canada, les conditions météorologiques qui peuvent nuire à la fourniture de services SAR sont les états de mer difficiles et les vents de force de coup de vent, les embruns verglaçants, la couverture de glace et le brouillard. Au cours des tempêtes hivernales, les vagues peuvent atteindre les 30 m et les vents, une vélocité de 160 km/h.

Une étude faite en 1992 et portant sur l'analyse des besoins en matière de recherche et sauvetageNote de bas de page 5 a conclu à la nécessité d'avoir deux canots de sauvetage de type Arun comme navires SAR spécialisés pour le secteur 034 (côte sud de Terre-Neuve). Même si ce type d'embarcation a fait ses preuves dans les eaux côtières, il est moins adapté aux opérations hauturières à cause de son autonomie limitée qui limite la superficie qu'elle peut patrouiller en haute mer.

Au moment du naufrage du « FLARE », un de ces canots de sauvetage était stationné à Burin (Terre-Neuve) et l'autre à Burgeo (Terre-Neuve). On n'y a pas fait appel avant 12 h à cause du gros temps et du fait que le lieu de l'accident se trouvait à l'extrême limite de leur rayon d'action.

Les ressources complémentaires les plus proches du secteur 034 étaient le NGCC « ANN HARVEY » dans le golfe du Saint-Laurent et le NGCC « J.E. BERNIER ». Les deux navires se trouvaient à environ 240 milles et, respectivement, à 15 et 19 heures de navigation approximativement du lieu de l'accident.

2.9 Réception de l'appel MAYDAY

Même s'il a été établi que le message de détresse provenait des eaux canadiennes, on a mis un certain temps à déterminer la position réelle du naufrage parce que le message MAYDAY était indistinct et incomplet, qu'il n'y avait pas de radiogoniomètre VHF dans les stations réceptrices et qu'aucun signal de RLS n'a été reçu.

L'article 10.3.1 du Manuel des normes (TP 989) dont se servait le centre des SCTM de Stephenville le matin de l'accident stipule que l'on ne doit donner suite aux demandes du CCS ou du CSSM pour obtenir les renseignements que pourraient fournir les enregistrements faits pendant ou peu de temps après un incident maritime que si le superviseur de la station ou son représentant peut obtenir lui-même l'information demandée. Et que, dans tous les cas, on doit utiliser un appareil de lecture approuvé pour obtenir l'information voulue. Le magnétophone lecteur se trouvait dans la pièce contigüe à la salle des opérations. Il aurait fallu que l'agent de quart quitte son poste pour aller écouter l'enregistrement.

À cause de l'emplacement de l'équipement à la station des SCTM et des procédures de fonctionnement en vigueur, l'agent de quart, seul à son poste, a dû faire revenir son superviseur au travail pour qu'il repasse la bande magnétique du message MAYDAY enregistré. C'est ce qui explique que 55 minutes se sont écoulées avant qu'on ait déchiffré la latitude indiquée dans le message MAYDAY indistinct. En l'occurrence, la latitude déchiffrée différait de 8,3 minutes (milles marins) de celle où la section avant du navire a été retrouvée par la suite.

Le « FLARE » n'était pas muni d'un système de positionnement global pour la navigation. Il était doté d'un système de navigation par satellite non intégré au Système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM).

Le « FLARE » n'était pas doté d'une capacité ASN; en vertu des règlements en vigueur, il n'était pas tenu d'avoir un tel équipement avant le 1er février 1999. S'il avait possédé cette capacité, le navire aurait pu envoyer une alerte par ASN VHF et ASN MF sur simple pression d'un bouton. Au lieu de cela, l'appel de détresse a dû être transmis par radiotéléphone VHF.

Lorsqu'on a reporté sur la carte la position fournie par INMARSAT C et la position présumée du message MAYDAY reçu sur VHF, on a constaté qu'il y avait un grand écart entre les deux. Pour obtenir une meilleure estimation de la position du navire en détresse, le CSSM / CCS a reporté sur la carte la dernière position rapportée à ECAREG par le navire à midi le 15 janvier et l'a projetée jusqu'à la position de 2 h 21 fournie par INMARSAT C (bien qu'on se rendait compte que la position fournie par INMARSAT C était suspecte à ce moment-là). Ce sillage, ainsi prolongé, correspondait à la route prévue du navire jusqu'au cap Ray. On a ensuite pris le point d'intersection de ce sillage avec la latitude établie par le superviseur des SCTM de Stephenville comme position estimée de la situation de détresse (4637,15'N par 05800'W) et on s'en est inspiré de concert avec la position présumée du message MAYDAY, celle fournie par INMARSAT C et celle donnée par le Centre des opérations maritimes des Forces navales canadiennes, ce qui a donné une zone de recherche très étendue.

Étant donné qu'on avait encore des doutes concernant la position initiale présumée du message MAYDAY, des ressources ont aussi été envoyées à cet endroit, même si le « STOLT ASPIRATION », dépêché moins de 10 minutes après le MAYDAY, avait indiqué n'avoir vu aucune cible dans les parages, ce qui rendait la position du MAYDAY encore plus douteuse.

À cause de l'incertitude qui subsistait, des ressources SAR ont été dirigées à plusieurs endroits différents dans une zone étendue. Le fait que l'on n'ait pas cherché à identifier la cible radar inconnue quand elle a été signalée pour la première fois par le R01 a retardé le moment où l'incertitude a finalement été dissipée. Le R306 n'a pas signalé la cible au CCS parce qu'il a cru qu'il s'agissait d'un navire de sauvetage. L'équipage de l'aéronef s'affairait aussi à reconfigurer les bouées repère, s'apprêtait à amorcer un ratissage en spirale carrée et s'occupait des communications. Le fait qu'on ait confondu l'écho radar du « STOLT ASPIRATION » avec celui du « FLARE » a aussi retardé la détermination d'une position plus exacte du naufrage.

Le contrôleur SAR s'est presque immédiatement rendu compte qu'alors que la position INMARSAT C de 2 h 21 était correcte, les données de l'imprimé de la station terrienne étaient erronées à cause d'une erreur logicielle à la station de Southbury au Connecticut. Cette erreur a par la suite été corrigée.

2.10 Essai des gilets de sauvetage

Comme on ne disposait que d'un seul gilet de sauvetage (provenant d'un survivant du « FLARE ») pour les essais, on ne peut dire avec certitude si son état était représentatif de celui des autres gilets de sauvetage du navire.

Le gilet de sauvetage a été mis à l'essai par le Laboratoire des assureurs du Canada. L'examen visuel a montré que certaines des sangles avaient été coupées, mais le tissu et les coutures semblaient en bon état. Une corde attachée au gilet de sauvetage était peut-être destinée à un sifflet, mais rien n'indique qu'un appareil lumineux ait été fixé au gilet de sauvetage tel que l'exigent les normes. Toutefois, pendant l'inspection de CEP à Newport en octobre 1997, les gilets de sauvetage avaient été jugés conformes aux dispositions de la SOLAS sauf pour les dates sur les piles des appareils lumineux des gilets de sauvetage qui étaient illisibles.

Un homme de 1,88 m possédant une masse corporelle de 94,5 kg a essayé le gilet de sauvetage. Quand il l'a mis, il a fallu lui donner certaines instructions sur la façon de l'attacher au cou. Le sujet a trouvé que le gilet était inconfortable et gênait à l'encolure.

Avant de sauter à l'eau d'une hauteur de 5 m, le sujet a décidé de ne pas attacher les sangles de fermeture du gilet de sauvetage à l'encolure, qui lui auraient comprimé la gorge. Lorsque le sujet a sauté à l'eau, le gilet de sauvetage s'est déplacé, les sangles corporelles supérieures lui remontant même au-dessus des épaules. Une fois dans l'eau, le sujet a attaché les sangles de fermeture à l'encolure et le gilet l'a soutenu en position verticale comme il se doit. Le sujet a pu nager et quand il s'est placé sur le ventre, le gilet l'a retourné visage vers le haut en moins de cinq secondes.

Une immersion de 24 heures n'a pas réduit la flottabilité de plus de 5 p. 100.

2.11 Combinaisons d'immersion

Le nombre de combinaisons d'immersion requis à bord des navires de charge dépend du nombre d'embarcations de sauvetage transportées. Les règlements de la SOLAS exigent qu'il y ait trois combinaisons d'immersion par embarcation de sauvetage ainsi que des moyens de protection thermique en nombre suffisant pour le reste de l'équipage. Si l'administration pertinente le juge à propos et réalisable, elle peut exiger qu'il y ait une combinaison d'immersion pour chaque personne à bord. Par ailleurs, si le navire navigue toujours sous des climats chauds où, selon l'administration, des combinaisons d'immersion ne sont pas nécessaires, l'administration en question peut éliminer complètement cette exigence.

La présence de combinaisons d'immersion répondant aux exigences de la SOLAS est d'une valeur inestimable au moment de l'abandon d'un navire sous des climats plus froids. C'est pourquoi tous les navires immatriculés au Canada du type et de la taille du « FLARE » sont tenus d'avoir à bord une combinaison d'immersion, munie d'un sifflet et d'un appareil lumineux individuel, pour chaque membre de l'équipageNote de bas de page 6. L'imposition d'une telle exigence pour les navires appelés à naviguer à un moment ou l'autre dans des eaux froides pourrait être une mesure positive qui permettrait de sauver des vies -- en autant que les équipages connaissent l'emplacement des combinaisons d'immersion et savent comment les utiliser.

2.12 Opérations SAR aériennes

En raison de limites techniques de puissance, des restrictions sont imposées aux hélicoptères Labrador concernant le poids qu'ils peuvent transporter. Certains engins de sauvetage ne sont plus systématiquement transportés à moins que le besoin n'en soit identifié au début de la mission SAR.

Peu après que l'hélicoptère Labrador R304 a été mobilisé et a décollé, l'équipage a craint une fuite possible dans le circuit hydraulique de la transmission arrière, et l'hélicoptère a dû rentrer à Sydney (Nouvelle-Écosse) pour y subir une inspection. On a constaté que la « fuite » était en fait un mélange de neige fondue, de pluie verglaçante et de fluide hydraulique « résiduel » dans le mât supérieur arrière et qu'il n'y avait pas de fuite. Toutefois, la participation de l'hélicoptère aux opérations SAR a été retardée à cause de cet atterrissage de précaution.

Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. Le navire accomplissait une traversée hivernale de l'Atlantique Nord, mais la cale à eau /cale no 4 n'était pas remplie de lest liquide conformément à la condition fortement lesté décrite dans le Guide de chargement du navire.
  2. La condition légèrement lesté du navire au moment de l'appareillage ainsi que le faible tirant d'eau avant exposaient fortement le navire aux coups de ballast et aux claquements.
  3. Les réparations à la structure exigées n'ont pas été faites avant le départ de Rotterdam, un port pourtant bien pourvu d'installations de réparation navale.
  4. Pendant la majeure partie du voyage de Rotterdam à Montréal, le navire a dû naviguer dans des vents d'ouest de force de coup de vent et de tempête ainsi que de très grosses mers.
  5. Des ruptures dans les cloisonnements des ballasts latéraux supérieurs ont été découvertes et réparées pendant la traversée, mais les réparations à la structure interne exigées par la condition de classification n'avaient pas encore été complétées au moment de l'accident.
  6. Le niveau de lest liquide dans certains ballasts latéraux supérieurs a été modifié pendant l'exécution de réparations en cours de route, mais on ne connaît pas avec précision la répartition du lest liquide au moment de la rupture de la coque.
  7. Vers 0 h (heure du navire), le 16 janvier 1998, le « FLARE » a dû affronter de grosses lames escarpées et irrégulières, tout comme un autre navire qui se trouvait dans les parages. Ces lames ont apparemment provoqué des coups de ballast sur le brion du navire, lesquels ont été suivis par un boum retentissant alors que la coque fouettait et vibrait fortement. Environ quatre heures et demie plus tard, un autre boum particulièrement fort s'est fait entendre, lui aussi suivi d'un violent fouettement et de fortes vibrations de la coque.
  8. Vers 4 h 30 (heure du navire), la perte de l'intégrité structurale longitudinale a été amorcée par des ruptures fragiles qui se sont propagées rapidement dans le bordé du pont principal au droit d'orifices de chargement du grain et de fissures préexistantes à peu près au milieu du navire.
  9. La défaillance structurale du fond, causée par des charges de compression soudaines et des concentrations excessives de contraintes localisées au droit des fissures préexistantes, a entraîné la rupture de la coque en deux.

3.2 Autres faits établis quant aux risques au navire, aux personnes et à l'environnement

  1. Au moment de l'accident, le navire était exploité en vertu d'un certificat de classification provisoire parce que sa classification avait été assujettie à la condition que des réparations soient faites à la structure des ballasts latéraux supérieurs avant la fin de février 1998.
  2. Il s'agissait du premier voyage du capitaine comme commandant d'un navire de cette taille et de ce type, mais il possédait de l'expérience antérieure comme second capitaine à bord de vraquiers du même genre et comme capitaine de navires plus petits.
  3. Le capitaine et 11 membres de l'équipage avaient rejoint le navire à Rotterdam et n'avaient guère eu l'occasion de se familiariser avec le navire ou son équipement.
  4. L'équipage était composé de navigateurs de quatre nationalités différentes. L'anglais était la langue de communication commune, mais un survivant a rapporté qu'il était incapable de comprendre les consignes de sécurité sans traduction.
  5. À 8 h 32 UTC (4 h 32, heure du navire), le 16 janvier 1998, les Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de Stephenville (Terre-Neuve) ont capté un appel MAYDAY lancé à la hâte, indistinct et incomplet sur la voie 16 du radiotéléphone très haute fréquence (VHF), en provenance d'un navire non identifié.
  6. Comme l'agent de quart des SCTM n'était pas autorisé à repasser la bande magnétique où le message MAYDAY était enregistré, il a dû faire revenir son superviseur à la station pour qu'il le fasse. C'est ce qui explique que 55 minutes se sont écoulées avant qu'on ait analysé le message MAYDAY inintelligible.
  7. Après la rupture de la coque, la section arrière avait une gîte de 30 à 35 degrés sur tribord, ce qui a empêché la mise à l'eau de l'embarcation de sauvetage de tribord (qui s'est détachée d'elle-même et est partie à la dérive après l'engloutissement de l'arrière).
  8. L'équipage a été incapable de dégager et de mettre à l'eau l'embarcation de sauvetage de bâbord à cause des problèmes éprouvés à la débarrasser des saisines additionnelles ajoutées pour l'empêcher de bouger dans les conditions météorologiques difficiles que le navire avait dû affronter pendant la traversée. Cette embarcation de sauvetage s'est détachée d'elle-même ou est partie à la dérive et a chaviré quand la section arrière a coulé.
  9. On a réussi à mettre à l'eau un radeau de sauvetage par l'arrière, mais non sans difficulté à cause de la glace et de la neige qui recouvraient les ponts, mais l'équipage n'a pas pu s'en servir immédiatement pour abandonner le navire à cause du danger que représentait l'hélice du « FLARE » qui tournait toujours.
  10. La bosse du radeau de sauvetage, apparemment usée par le ragage, s'est rompue et le radeau à la dérive s'est éloigné de l'arrière du navire. Le radeau de sauvetage du gaillard d'avant serait apparemment resté à bord.
  11. Lorsque la section arrière a coulé, les membres de l'équipage, portant des gilets de sauvetage, ont abandonné le navire et se sont jetés à l'eau. Des six qui ont réussi à nager jusqu'à l'embarcation de sauvetage de bâbord chavirée pour s'y agripper, quatre ont survécu jusqu'à l'arrivée des secours.
  12. La radiobalise de localisation des sinistres (RLS) du navire, qui avait été inspectée et certifiée satisfaisante à Cuba en novembre 1997, soit ne s'est pas dégagée automatiquement pour remonter à la surface, soit ne s'est pas déclenchée d'elle-même comme elle aurait dû le faire. Aucun signal n'a jamais été reçu de la RLS du « FLARE », qui n'a d'ailleurs jamais été retrouvée.
  13. Le « FLARE » était muni de deux transpondeurs de recherche et sauvetage (SAR) qui étaient arrimés sur le pont de passerelle; toutefois, aucune réponse de ces transpondeurs n'a été reçue par l'équipement de recherche et sauvetage.
  14. À cause de l'incertitude qui subsistait quant à la position d'où était parti l'appel MAYDAY, les ressources SAR ont dû, au départ, être dirigées à divers endroits dans une zone étendue.
  15. La position du « FLARE » (à 2 h 21 le 16 janvier), fournie par INMARSAT C, semblait ne pas avoir été mise à jour au cours des dernières 24 heures. Toutefois, on s'est rendu compte plus tard que la position était correcte, et que la confusion avait été créée par une erreur logicielle à la station terrienne de Southbury au Connecticut, erreur qui a par la suite été corrigée.
  16. Des données de position de toute provenance ont été mises en corrélation et la zone de recherche a été redéfinie à 11 h 57.
  17. Le gilet de sauvetage que portait un des survivants et qui a été mis à l'essai ne répondait pas aux normes relatives aux gilets de sauvetage de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) 1992 (édition refondue). Toutefois, un navire de l'âge du « FLARE » n'était pas tenu de se conformer à ces normes. On ne sait pas si son état était représentatif de celui des autres gilets de sauvetage du navire.
  18. Il y avait six combinaisons d'immersion à bord, mais les survivants ne savaient pas très bien où elles étaient arrimées et, en l'occurrence, elles n'ont pas été utilisées.
  19. Une nappe d'hydrocarbures formée par le mazout qui s'échappait de la section arrière engloutie s'est dispersée et n'a pu être récupérée.
  20. Le mazout provenant de l'épave du navire qui souillait l'aire de travail de l'hélicoptère a donné des nausées à l'équipage de l'hélicoptère et aux techniciens SAR, et a rendu les conditions de travail si dangereuses qu'elles étaient inacceptables. Des conditions analogues ont été relevées sur les ponts de travail des navires de sauvetage.

3.3 Autres faits établis d'intérêt général

  1. Au moment de l'accident, les brevets de compétence du capitaine et des officiers ainsi que les qualifications de l'équipage étaient conformes aux exigences réglementaires pour cette catégorie de navire et pour le voyage qu'il effectuait.
  2. Au cours d'une inspection de contrôle par l'État du port (CEP) effectuée en mai 1997 à Toronto, l'équipage du temps, à sa première tentative, n'a pas réussi à prouver à un inspecteur de Transports Canada sa compétence au cours d'un exercice d'embarcation et d'incendie.
  3. Au terme de sa plus récente inspection de CEP en octobre 1997 à Newport, au Pays de Galles, le navire avait été immobilisé, mais il avait par la suite pu appareiller une fois les lacunes des engins de sauvetage corrigées.
  4. L'immatriculation du navire, sa classification et les documents relatifs à son équipement de sécurité étaient valides jusqu'en novembre 2000.
  5. La section arrière du navire a coulé environ une demi-heure après la rupture de la coque à une position située à environ 45 milles marins au sud-ouest des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon; la section avant est demeurée à flot pendant quatre jours avant de couler à son tour à environ 80 milles marins au sud-est de Louisbourg (Nouvelle-Écosse), le 21 janvier 1998.
  6. Quatre survivants agrippés à l'embarcation de sauvetage renversée ont été repérés à 14 h 23, et ils ont été repêchés à 14 h 34 par un hélicoptère SAR.
  7. Les opérations SAR aériennes de grande envergure ont été menées par un aéronef à voilure fixe commercial affrété équipé pour la surveillance aérienne; cinq aéronefs à voilure fixe SAR du ministère de la Défense nationale (MDN); et quatre hélicoptères SAR du MDN. Les opérations SAR maritimes ont été menées par deux navires de commerce; cinq navires de la Garde côtière canadienne (GCC); un navire des Forces navales canadiennes; et un patrouilleur français.
  8. Lorsque les recherches ont été abandonnées, 6 membres de l'équipage de 25 hommes manquaient toujours à l'appel, 15 corps avaient été repêchés et 4 survivants avaient été secourus.

Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Avertissement contre des défauts similaires possibles

Une analyse préliminaire fondée sur l'examen des photographies aériennes et des résultats de l'inspection sous-marine du navire laisse croire qu'il y aurait eu des fissures et des ruptures dans le bordé du pont principal au droit de certains orifices de chargement du grain à peu près au milieu du « FLARE » avant la rupture de la coque. Le BST a répertorié 14 navires à peu près du même âge et construits selon les mêmes plans qu'on estime être toujours en service et qui risquent donc d'avoir les mêmes défauts. Par conséquent, en septembre 1998, le BST a informé tous les États où ces navires sont immatriculés des fissures relevées sur le « FLARE » afin que ces États examinent les navires analogues pour que, le cas échéant, les mesures correctives qui s'imposent soient prises promptement. Voici la liste des navires ainsi identifiés :

Pavillon Numéro du Lloyd's Jauge brute
(en tonneaux)
Nom
Libéria 7125926 16573 « AILSA »
Libéria 7116365 16574 « SVYATOY GEORGIY »
Libéria 7525982 16573 « ZARA »
Panama 7229863 16661 « FIRST LADY I » *
Panama 7525970 16573 « ATTICOS »
Panama 7601607 16573 « CLEANTHES »
Malte 7306831 16824 « AGIOS NECTARIOS »
Malte 7222487 16695 « TEGEA » *
Chypre 7224801 16600 « SEAHOPE II »
Chypre 7402116 16834 « EVMAR »
Chine 7107998 16726 « GAO LAN DAO » *
Chine 7125938 16663 « HENG CHUN HAI » *
Chine 7207578 16605 « JIANG LING HAI » *
Grèce 6927781 16703 « RODANTHI »

*Les navires suivis d'un astérisque ne sont pas classés par le Lloyd's Register of Shipping et ne sont donc pas inspectés par cette société de classification.

L'information obtenue des États d'immatriculation était importante pour la détermination des faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs de cet accident. Les réponses reçues de ces États indiquaient qu'ils avaient pris des mesures pour inspecter ou faire inspecter par les sociétés de classification pertinentes les navires relevés qui étaient en service sous leur pavillon et que ceux-ci avaient été trouvés dans un état satisfaisant. (Un navire avait été mis au rencart en juillet 1998.) Le Lloyd's Register of Shipping a aussi commandé des « visites spéciales » des navires jumeaux classés par le Lloyd's, afin de déceler d'éventuels défauts de structure.

Le BST a aussi communiqué de l'information de sécurité liée à cet accident aux médias internationaux. C'est ainsi que la revue The Motor Ship a publié, à l'intention de la communauté maritime mondiale, dans son numéro de novembre 1998, un reportage sur les circonstances entourant l'accident et les problèmes de sécurité qu'il met en évidence.

4.1.2 Mesures prises par la Sécurité maritime de Transports Canada (SMTC)

Le BST a aussi fait part de ses préoccupations à Transports Canada afin que les inspecteurs de ce ministère chargés du contrôle par l'État du port puissent prendre les mesures nécessaires en inspectant les navires dont la liste est donnée ci-dessus ou des navires analogues.

Deux des navires sont venus au Canada et ont été inspectés par la SMTC. Ils ont tous deux été immobilisés; l'un à cause de défauts de structure analogues à ceux du « FLARE » et l'autre à cause de lacunes au niveau de l'équipement de sauvetage, du matériel de navigation et des dispositifs de fermeture à distance des vannes des citernes. Les deux ont été libérés une fois les lacunes corrigées.

En outre, la SMTC a envoyé aux Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) la liste des navires analogues pour qu'ils les ajoutent à leur liste des navires d'intérêt particulier, de manière que ces bâtiments, à leur arrivée dans les eaux canadiennes, soient placés sous surveillance spéciale en vertu du programme d'inspection de contrôle par l'État du port (CEP).

En 1998, la SMTC a aussi participé à la Campagne d'inspection intensive des vraquiers en vertu du protocole d'entente de Paris. La campagne visait à vérifier la sécurité de la structure des vraquiers de plus de 30 000 tjb âgés de plus de 15 ans, surtout ceux qui transportent des cargaisons à haute densité ou corrosives et qui font du commerce sur le marché du disponible. Par la suite, la SMTC a publié deux Bulletins de la sécurité des navires, le no 20/98 « Eaux côtières du Canada - Le SMDSM et les navires canadiens » visant à renseigner les navigateurs sur le SMDSM, et le no 13/98 « Recueil de règles pratiques pour la sécurité du chargement et du déchargement des transporteurs de vrac solide ». Ce recueil a été élaboré par l'Organisation maritime internationale (OMI) afin d'aider les personnes responsables du chargement ou du déchargement à bien s'acquitter de leurs fonctions et à assurer la sécurité des vraquiers.

4.1.3 Compte rendu des opérations de recherche et sauvetage (SAR) et recommandations

Une fois les opérations SAR achevées, le coordonnateur de la mission de recherche et sauvetage (CMS) pour le cas du « FLARE » (Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's) a préparé un rapport complet sur le déroulement des opérations. À la lumière des leçons tirées de cette expérience, le CMS a fait cinq recommandations en vue d'améliorer les opérations SAR. Il a recommandé notamment :

À ce jour, le BST croit savoir que les nouvelles machines numériques à capacité de rappel immédiat ont été installées dans tous les centres des SCTM de la région de Terre-Neuve.

En outre, après l'intervention SAR pour le « FLARE », il a été indiqué que les techniciens SAR sont maintenant munis de combinaisons étanches et de masques faciaux. De plus, on a fait l'acquisition de dispositifs de communication qui permettront aux techniciens SAR de communiquer au cours des futures missions de sauvetage.

4.1.4 Modification du « W.G. GEORGE » de la Garde côtière canadienne (GCC)

Après l'accident, le « W.G. GEORGE » a été modifié afin de corriger certains problèmes notés au cours de la mission. Un garde-corps a été enlevé d'une écoutille située à l'arrière, afin de laisser plus d'espace pour travailler, et on a recouvert les ponts d'une peinture anti-dérapante. Un engin de sauvetage Jason a été installé sur les mâts de chaque côté du navire pour faciliter le repêchage de personnes dans l'eau. Une sauvegarde passant de chaque côté du navire a été munie de caps de mouton afin de permettre aux membres de l'équipage se trouvant sur le pont d'y agrafer plus facilement leurs câbles de sécurité, pour diminuer les risques d'être projeté par-dessus bord par gros temps.

4.1.5 Normes de performance pour les gilets de sauvetage assurant une protection thermique de l'Organisation maritime internationale (OMI)

En 1999, en réponse aux préoccupations exprimées par plusieurs délégations, le Comité de la sécurité maritime (CSM) de l'OMI a approuvé des recommandations sur les normes de performance et les essais des gilets de sauvetage assurant une protection thermique. Ces gilets de sauvetage peuvent être utilisés en surplus ou à la place des gilets de sauvetage approuvés en vertu de la SOLAS. Lorsqu'ils sont portés avec des vêtements chauds, ces gilets de sauvetage sont conçus pour assurer une protection thermique suffisante pour que la température interne du corps de celui qui les porte ne chute pas de plus de 2°C après un séjour de deux heures dans de l'eau calme à une température de 10°C.

4.2 Mesures à prendre

4.2.1 Arrimage et installation des radiobalises de localisation des sinistres (RLS)

La RLS qui se trouvait apparemment à bord du « FLARE » soit ne s'est pas dégagée automatiquement pour remonter à la surface, soit ne s'est pas déclenchée d'elle-même comme elle aurait dû le faire, et elle n'a donc pas alerté les services SAR. (Aucun signal n'a jamais été reçu de la RLS du « FLARE », qui n'a d'ailleurs jamais été retrouvée.) Les SCTM de Stephenville (Terre-Neuve) ont bien reçu un appel de détresse (MAYDAY) qu'on a cru provenir du « FLARE », mais le message était indistinct et incomplet. En conséquence, la position réelle du naufrage est restée indéterminée pendant un certain temps.

Dans des conditions climatiques difficiles comme celles que devait affronter le « FLARE », il est essentiel que les installations à terre soient en mesure de répondre sans délai. Le temps perdu au cours des premiers stades d'un accident peut être déterminant pour le succès de l'intervention. En 1988, un bateau de pêche canadien est disparu sans qu'aucun appel de détresse n'ait jamais été reçu. Ce n'est qu'au bout de cinq jours qu'on s'est rendu compte que le navire avait fait naufrage. La RLS qui se trouvait à bord de ce bateau de pêche ne fonctionnait pas et elle était entreposée dans un placard. Par contre, en janvier 1993, lors d'un accident survenu au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, le signal d'une RLS à dégagement hydrostatique a été reçu quelques instants après le naufrage du navire, et le CCS de Halifax a été en mesure de lancer une opération SAR dans les 10 minutes. La RLS du navire est un élément important qui a permis de sauver la vie de 11 des 16 membres de l'équipage.

Dans la plupart des accidents mettant en cause des vraquiers survenus depuis le début des années 1990, l'absence de message de détresse semble indiquer que le naufrage a été soudain et fort probablement attribuable à une défaillance structurale, à l'envahissement rapide et à la destruction de la flottabilité ou de la stabilité du navire. Comme dans le cas à l'étude, la plupart des navires en cause avaient au moins 15 ans, et nombre d'entre eux ont fait naufrage ou réunissaient les conditions propices à un naufrage à cause d'avaries structurales ou de conditions météorologiques difficiles, ou les deux. Entre 1990 et 1997, à l'échelle mondiale, un total de 99 vraquiers ont coulé, faisant 654 morts.

L'OMI, consciente de l'importance capitale que l'alerte soit donnée rapidement et qu'on puisse identifier et localiser promptement les navires en détresse, exige que les navires soient équipés d'une RLS en bon état de fonctionnement. Le chapitre IV de la SOLAS, édition refondue de 1997, stipule que les navires doivent avoir à leur bord des RLS qui doivent être installées à un endroit facile d'accès et être munies d'un dispositif de dégagement hydrostatique leur permettant de remonter à la surface et de se déclencher automatiquement dans des situations d'urgence. Dans l'accident à l'étude, les enquêteurs n'ont pu déterminer si la RLS était arrimée dans le support qui lui était réservé dans l'aileron tribord de la passerelle. On ne sait pas non plus si l'appareil s'est dégagé automatiquement pour remonter à la surface.

Parce qu'aucun signal n'a été reçu de la RLS, l'accident a eu des conséquences beaucoup plus graves. Les organismes SAR canadiens ont consacré beaucoup de temps et de ressources à tenter de sauver la vie des membres de l'équipage du « FLARE ». Un temps précieux a été perdu parce que les ressources SAR ont tout d'abord été dirigées vers différentes positions d'où on croyait que l'appel MAYDAY avait pu provenir. Malgré les ressources importantes mobilisées pour l'opération SAR du « FLARE », il a fallu six heures avant que les premiers survivants ne soient repérés. (Les ressources aériennesNote de bas de page 7 ont quadrillé un secteur de 4 371 milles marins carrés, volant plus de 90 heures en tout, y compris le temps nécessaire pour se rendre à pied d'oeuvre. Les ressources maritimesNote de bas de page 8 ont consacré près de 200 heures en tout à ratisser une zone de 1 702 milles marins carrés.) Si le « FLARE » avait réussi à larguer sa RLS et si celle-ci s'était déclenchée, il est probable qu'on aurait pu identifier plus tôt et avec plus de précision la position du navire en détresse, ce qui aurait réduit le temps nécessaire pour les recherches, améliorant ainsi les chances de survie de l'équipage.

En dépit des exigences de la SOLAS concernant le transport, l'arrimage et l'installation de RLS à bord des navires, des vies humaines continuent d'être menacées à cause de l'absence de signaux RLS. Le Bureau s'inquiète du fait que le personnel de gestion, les officiers et les équipages de navire ne sont pas toujours conscients des graves conséquences d'un mauvais arrimage et d'une installation inadéquate des RLS, qui leur font courir inutilement des risques dans des situations d'urgence. De plus, compte tenu des faiblesses inhérentes d'un système reposant sur les appels de détresse dans une situation d'urgence ainsi que des pertes de vie liées aux retards dans les opérations SAR, dont l'accident à l'étude constitue un exemple éloquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports, en faisant des démarches auprès des organismes compétents, préconise la prise de mesures plus sévères au niveau international dans l'espoir de s'assurer que des radiobalises de localisation des sinistres sont installées correctement et puissent être déployées facilement à bord des navires afin qu'elles transmettent des signaux de détresse sans délai en situation de détresse.
Recommandation M00-01 du BST

4.2.2 Combinaisons d'immersion pour les opérations en eaux froides

L'Atlantique Nord est l'un des environnements les plus hostiles au monde. La température moyenne à la surface de la mer au milieu de l'hiver au large de la côte est varie entre 0°C et 2°C. La température moyenne de l'eau au milieu de l'été varie entre 8°C et 16°C. Dans des conditions aussi difficiles, le temps de survie d'une personne immergée dans l'eau de mer se compte souvent en minutes, mais il peut atteindre plusieurs heures pour une personne qui porte une combinaison d'immersion. Certaines personnes portant de telles combinaisons ont été secourues avec succès au bout de 18 heures d'immersion dans l'eau froide.

En février 1983, au cours d'une tempête dans l'océan Atlantique, le vraquier américain «MARINE ELECTRIC » a chaviré et a coulé à une trentaine de milles marins à l'est de Chincoteague en Virginie. Trois seulement des 34 personnes à bord ont survécu. Le National Transportation Safety Board des États-Unis (NTSB), qui a fait enquête sur l'accident, a conclu que l'absence de moyens individuels de protection thermique chez les membres de l'équipage - qui auraient pu les protéger des effets de l'hypothermie - a contribué au nombre élevé de victimes. Par conséquent, le NTSB a recommandé que des combinaisons isothermes soient fournies pour chaque personne à bord des navires qui sont exploités dans des eaux où l'hypothermie peut réduire de beaucoup le temps de survieNote de bas de page 9.

Le BST s'inquiète des nombreuses pertes de vie attribuables aux naufrages répétés de vraquiers dans les eaux canadiennes et les eaux limitrophes.

Même si tous ces navires avaient appareillé de ports canadiens, le BST n'a fait que participer à l'enquête de l'État d'immatriculation parce que les sinistres sont survenus en haute mer. Tous ces accidents sont survenus en hiver, dans les eaux glaciales de l'Atlantique Nord. Dans de telles conditions, sans protection thermique adéquate, les membres des équipages avaient peu de chances de s'en tirer à cause de l'hypothermie.

Les règles actuelles de la SOLAS n'exigent pas qu'il y ait une combinaison d'immersion pour chaque personne à bord de tous les navires de charge. Elles permettent toutefois à une administration qui le juge à propos d'exiger qu'il y en ait une. Les navires battant pavillon canadien, qui circulent régulièrement sous des latitudes plus élevées, doivent en vertu des règlements avoir au moins une combinaison d'immersion à bord pour chaque membre de l'équipage. Les organisations internationales n'ont toutefois pas encore pris de mesures pour exiger que les navires voyageant sous des climats plus froids aient une combinaison d'immersion pour chaque membre de l'équipage.

Conformément aux exigences minimales de la SOLAS, le « FLARE » était muni de 6 combinaisons d'immersion et de 27 moyens de protection thermique (ces derniers étaient arrimés dans les embarcations de sauvetage). Les moyens de protection thermique sont destinés à protéger, dans des embarcations de sauvetage non pontées, les personnes qui n'ont pas de combinaison d'immersion. Les quatre membres de l'équipage du « FLARE » survivants, qui portaient des gilets de sauvetage, souffraient d'hypothermie grave et pouvaient à peine bouger les membres quand ils ont été secourus, ce qui a compliqué la tâche des secouristes et leur a fait courir inutilement des risques. Deux autres membres de l'équipage qui avaient réussi à s'agripper à la même embarcation de sauvetage ont survécu pendant un certain temps, mais ils ont fini par succomber à l'hypothermie avant que les survivants n'aient été repérés. (Aucune combinaison d'immersion et aucun moyen de protection thermique n'a été retrouvé pendant l'opération SAR.)

Comme l'indique le rapport, un modèle de survie en mer montre que l'utilisation de combinaisons d'immersion aurait pu accroître le temps de survie jusqu'à 12 à 14 heures, selon le type de vêtements portés. Le modèle indique aussi que dans de l'eau de mer à 2°C, le survivant le mieux vêtu aurait perdu conscience en moins de 6,4 heures alors que les autres survivants auraient atteint cet état en 2 à 2,3 heures. Le Bureau estime que dans de telles conditions, la survie de l'équipage dépend largement d'une protection thermique adéquate. Le Bureau recommande donc que :

le ministère des Transports préconise la prise de mesures au niveau international pour qu'on exige qu'il y ait une combinaison d'immersion adéquate pour chaque personne à bord des navires qui sont exploités dans des eaux où l'hypothermie peut réduire de beaucoup le temps de survie
Recommandation M00-02 du BST

En outre, dans des situations de détresse qui se créent rapidement comme celles mettant en cause des vraquiers, il est d'une importance capitale que l'équipement de sauvetage, comme les combinaisons d'immersion, soit facilement accessible et puisse être récupéré rapidement sans risque de confusion. Dans le cas à l'étude, les survivants du « FLARE » ont signalé qu'ils ne savaient pas très bien où les combinaisons étaient arrimées et qu'ils n'ont pas eu le temps de les chercher. Compte tenu de la fréquence des accidents mettant en cause le chavirement et le naufrage rapides d'un vraquier, au cours desquels les équipages n'ont souvent pas le temps de se servir de l'équipement de sauvetage du bord, le Bureau recommande également que :

le ministère des Transports préconise la prise de mesures au niveau international dans l'espoir de s'assurer que les engins de sauvetage d'une importance capitale, comme les combinaisons d'immersion et les moyens de protection thermique, sont arrimés de sorte qu'il soit facile de les récupérer, sans risque de confusion, et que tous les membres de l'équipage sachent comment les utiliser ainsi que l'endroit où ils sont arrimés.
Recommandation M00-03 du BST

4.2.3 Charges dynamiques s'exerçant sur la coque en raison des vagues et des mouvements du navire

L'enquête a révélé que le faible tirant d'eau avant, aussi bien au moment de l'appareillage à Rotterdam que pendant la traversée de l'Atlantique, exposait beaucoup le navire à des coups de ballast et des claquements répétés pendant tout le voyage par gros temps. Les « coups de ballast », qui sont le claquement de l'avant sur l'eau lorsque le nez du navire plonge à la fin d'un ample mouvement de tangage, imposent des contraintes dues aux vibrations ou aux claquements. Pour un navire de commerce ordinaire, l'accroissement des contraintes dues aux coups de ballast peut atteindre de 20 à 30 p. 100 de l'effort de contre-arc primaireFootnote 10. Les moments de claquement et de claquement/flexion les plus importants surviennent lorsque le cycle de tangage du navire coïncide à peu près avec la période des vagues affrontées. Les forces générées par le claquement augmentent proportionnellement à la hauteur des vagues et à la vitesse du navire. L'enquête a conclu que les importantes sollicitations dues au fouettement et à la flexion de la coque du « FLARE » ont causé la rupture fragile soudaine du bordé du pont principal et du bordé de muraille dans sa partie supérieure.

La condition légèrement lesté du « FLARE » ainsi que les tirants d'eau consignés à Rotterdam avant l'appareillage confirment que le navire faisait route avec un tirant d'eau avant relativement faible. Le tirant d'eau avant ainsi que la quantité totale de lest liquide embarqué étaient inférieurs aux valeurs données pour la condition légèrement lesté à l'appareillage du Guide de chargement du « FLARE », fourni au capitaine. Outre les données touchant la condition légèrement lesté, le Guide de chargement du navire contenait aussi des indications pour une condition fortement ou complètement sur lest, recommandées pour les traversées océaniques plus longues et en eaux plus exposées, comme la traversée de l'Atlantique que le « FLARE » effectuait. Le navire accomplissait une traversée hivernale de l'Atlantique Nord, mais la cale à eau /cale no 4 n'était pas remplie de lest liquide conformément à la condition fortement lesté décrite dans le Guide de chargement du navire. Le poids total du lest liquide à bord était bien inférieur à ce qui est stipulé dans le Guide de chargement du navire. Selon ce guide, tous les ballasts, sauf la cale à eau, devaient être pleins, de manière à obtenir des tirants d'eau avant et arrière de 3,65 m et 7 m. Le tirant d'eau avant réel consigné était de 0,58 m inférieur à celui qui est donné dans le Guide de chargement pour la condition légèrement lesté à l'appareillage.

La Convention internationale de 1966 sur les lignes de charge (LC1966) exige qu'on fournisse à tout capitaine de navire suffisamment d'information pour lui permettre de charger et de lester son navire de façon à éviter que la structure du bâtiment subissent des contraintes inacceptables. De l'information détaillée à cet égard est donnée dans le Guide de chargement. En outre, en 1998, l'OMI a adopté le Recueil de règles pratiques pour la sécurité du chargement et du déchargement des transporteurs de vrac solide (le Recueil). L'objectif de l'OMI en élaborant ce recueil était d'éviter la perte de vraquiers due à des défaillances structurales provoquées par des contraintes excessives. Le Recueil stipule qu'il doit y avoir à bord du navire un « livret » où sont précisés, notamment, les taux et les capacités de lestage et de délestage, ainsi que des instructions générales de chargement et de déchargement pour les conditions d'exploitation les plus défavorables pendant le chargement, le déchargement, le lestage et au cours du voyage.

Les guides de chargement fournissent aux capitaines des directives pour les aider à s'assurer que leur navire est correctement lesté et conserve en tout temps une assiette qui lui permette d'effectuer le voyage en toute sécurité et de conserver une intégrité structurale adéquate dans diverses conditions d'exploitation. Outre le Guide de chargement du navire, les Règles et règlements pour la construction et la classification des navires en acier du Lloyd's qui s'appliquaient à l'époque de la construction du navire précisaient des tirants d'eau avant minimaux. Selon ces règles, le « FLARE » aurait dû avoir un tirant d'eau avant minimal de 4,6 m afin d'éviter une exposition excessive du brion dans une mer forte. Toutefois, le tirant d'eau avant réel (3,35 m) rapporté à ECAREG trois jours avant l'accident était considérablement inférieur à ce minimum. Comme on l'a déjà mentionné, l'augmentation du tirant d'eau entraîne une diminution des contraintes de claquement ainsi que la plage des vitesses auxquelles se produisent les coups de ballast. Si les instructions relatives au lestage et aux tirants minimaux avaient été suivies, le « FLARE » aurait été beaucoup moins susceptible de subir des coups de ballast et des claquements, et les effets négatifs des contraintes dynamiques auraient pu être évités. Toutefois, il a été impossible de déterminer lors de l'enquête pourquoi les instructions du Guide de chargement n'avaient pas été suivies. Le Bureau espère que l'entrée en vigueur et la conformité effective au Code international de gestion de la sécurité (ISM) permettront de réduire ces dérogations aux normes.

Entre-temps cependant, en dépit des lignes directrices existantes ainsi que des exigences de la LC1966 et du Recueil de règles de l'OMI, des défaillances structurales continuent de se produire à bord de vraquiers à cause d'un mauvais chargement et d'une répartition inadéquate du lest. Le Bureau est préoccupé par le fait que les navigateurs ne sont peut-être pas pleinement conscients du fait que le non-respect des consignes contenues dans les guides de chargement approuvés peut imposer à la structure des sollicitations excessives susceptibles d'entraîner des défaillances cataleptiques. Le Bureau s'inquiète notamment du fait que les navigateurs ne comprennent peut-être pas bien les conséquences négatives des sollicitations dynamiques exercées sur la coque par les coups de ballast et les chocs contre le dévers de l'étrave dus à des tirants d'eau avant insuffisants. C'est pourquoi le Bureau recommande que :

le ministère des Transports oeuvre à sensibiliser et conscientiser davantage la communauté maritime internationale relativement au risque de défaillances de structure associées à des sollicitations répétées exercées sur la coque par les coups de ballast et les claquements à cause des tirants d'eau inadéquats des navires exploités sur lest.
Recommandation M00-04 du BST

et que :

le ministère des Transports, en coordination avec des organismes internationaux (dont l'Organisation maritime internationale et l'International Association of Classification Societies), rappelle aux propriétaires, aux armateurs et aux capitaines de navire la nécessité de se conformer rigoureusement aux consignes des guides de chargement approuvés afin d'éviter que les vraquiers subissent des contraintes structurales indues.
Recommandation M00-05 du BST

Le Bureau de la sécurité des transports donnera son appui et coopérera à l'élaboration des documents nécessaires pour donner suite à ces recommandations.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Sigles et abréviations

AMVER
Système automatique d'entraide pour le sauvetage des navires - Automated Mutual Assistance Vessel Rescue System
ar.
arrière
ASN
appel sélectif numérique; l'ASN fait partie intégrante du SMDSM et il est conçu principalement pour la transmission d'alertes reçues de navires en détresse, de relais de détresse et des accusés de réception connexes des navires et/ou stations. Il est aussi employé pour la transmission d'alertes d'urgence et de sécurité ainsi que d'appels courants.
av.
avant
BFC
Base des Forces canadiennes
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
C
Celsius
CANSARP
outil de planification informatisé des recherches - Computerized Search and Rescue Planning Tool
CCCM
Centre canadien de contrôle des missions; le CCCM, qui relève du CCS de Trenton (Ontario), assure la garde de l'information SARSAT. Il est exploité par du personnel des Forces canadiennes et il fait partie d'un réseau de centres de contrôle de mission maintenu par chacun des pays du programme COSPAS-SARSAT international en croissance permanente. Le CCCM traite et analyse l'information reçue du réseau COSPAS-SARSAT concernant les balises de détresse, et en assure la retransmission minute par minute aux CCS canadiens.
CCS
Centre de coordination du sauvetage
CEP
contrôle par l'État du port
CMS
coordonnateur de la mission de recherche et sauvetage
Code
ISM Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution
COM
Centre des opérations maritimes (MDN) - dépêche les ressources des Forces navales
COSPAS-SARSAT
Système international de satellites pour les recherches et le sauvetage
CSM
Comité de la sécurité maritime (OMI)
CSSM
Centre secondaire de sauvetage maritime
ECAREG
Système de trafic de l'Est du Canada
EGC
appel de groupe amélioré - Enhanced Group Call; mis sur pied par INMARSAT pour livrer de l'information à des groupes de navires prédéterminés de zones géographiques fixes et variables. Dans le cadre de ce système, les navires ont accès à des avertissements à la navigation mondiaux, régionaux ou locaux, à des prévisions météorologiques ainsi qu'aux alertes de détresse de navire à navire.
GCC
Garde côtière canadienne
HF
hautes fréquences (radio)
IACS
International Association of Classification Societies
INMARSAT C
Système international de télécommunications maritimes par satellite. Le *FLARE+ était doté d'un équipement INMARSAT C. Celui-ci permet d'avoir accès aux réseaux internationaux de télex/téléfax, aux services de courrier électronique ainsi qu'à des bases de données informatiques via le système de communications maritimes par satellite.
ISM
Code international de gestion de la sécurité
kg
kilogramme
kHz
kilohertz
km
kilomètre
km/h
kilomètre à l'heure
km²
kilomètre carré
kW
kilowatt
m
mètre
MDN
ministère de la Défense nationale
MF
moyennes fréquences (radio)
MHz
megahertz
mm
millimètre
N
nord
NAVTEX
système télex radioélectrique adopté à l'échelle internationale pour diffuser des avertissements à la navigation et d'autres renseignements relatifs à la sécurité
NCSM
navire canadien de Sa Majesté
NGCC
navire de la Garde côtière canadienne
NTSB
National Transportation Safety Board
OMI
Organisation maritime internationale
PAP
poisson autopropulsé
RLS
radiobalise de localisation des sinistres
S
sud
SAR
recherche et sauvetage
SARCOMM
communications SAR
SCTM
Services de communications et de trafic maritimes
SMDSM
Système mondial de détresse et de sécurité en mer; il s'agit d'une nouvelle série de normes minimales régissant l'équipement de communications, d'information sur la sécurité maritime et de recherche et sauvetage transportés. Le SMDSM est avant tout un système navire-côte, même s'il conserve une capacité navire-navire. Il comprend plusieurs systèmes de communication. Il inclut le système de satellite COSPAS-SARSAT et envoie des alertes de détresse à l'aide de RLS 406 MHz. Le SMDSM permet aux autorités côtières responsables des recherches et du sauvetage ainsi qu'aux navires se trouvant dans les parages immédiats du bâtiment en détresse, d'être promptement informés de la situation afin de pouvoir porter secours. Le SMDSM permet aussi des communications d'urgence et de sécurité ainsi que la diffusion d'information sur la sécurité maritime.
SMTC
Sécurité maritime de Transports Canada
SOLAS
Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer
STCW
Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille
tec SAR
technicien en recherche et sauvetage
tf
tonne forte (2 240 livres)
tjb
tonneau de jauge brute
tr/min
tours à la minute
UTC
temps universel coordonné
VCO
indicatif d'appel de la station radio de Sydney
VHF
très haute fréquence (radio)
W
ouest
°
degré
minute
seconde