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Rapport d'enquête maritime M97W0022

Heurt violent
Du transporteur de produits forestiers/
Porte-conteneurs Hoegh Merit
À Nanaimo (Colombie-Britannique)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

En manoeuvrant pour accoster au quai C à Nanaimo, le navire partiellement chargé Hoegh Merit heurte un duc d'Albe placé au bout de l'appontement, entaillant et déchirant son bordé extérieur au droit de l'étrave à bulbe. Pendant la manoeuvre d'accostage, exécutée avec l'aide de trois remorqueurs pendant le jour, le navire est sous la conduite d'un pilote. Il n'y a eu ni blessé ni dommage apparent aux remorqueurs ou au quai.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom «HOEGH MERIT»
Port d'immatriculation Nassau
Pavillon Bahamas
Numéro officiel 716006
Type Transporteur de produits forestiers/porte-conteneurs
Jauge brute 30,987 tonnes
Tirant d'eau 7.09 m av.
7.09 m ar.
Équipage 24
Longueur 201 mètres
Construction 1977, Nagasaki, Japan
Propulsion Diesel Sulzer entraînant une seule hélice à pas fixe
Puissance 16,800 bhp (12,357kW)
Propriétaire Leif Hoeghh & Co. A/S, Norvège

Le Hoegh Merit est fait pour transporter des produits forestiers et des conteneurs. Il s'agit d'un navire bien pourvu en équipement de navigation. La passerelle et les emménagements se trouvent à l'arrière, derrière les dix cales desservies par deux portiques. La présence des portiques crée des zones sans visibilité en avant de la timonerie, zones dont l'emplacement varie selon l'endroit où se trouvent les portiques; toutefois, l'effet de ces zones sans visibilité peut être atténué si l'observateur se déplace sur la passerelle ou dans l'aileron. Au moment de l'accident, les deux portiques se trouvaient dans leur position la plus à l'arrière, près de la timonerie, à l'endroit où ils obstruent le moins le champ de visibilité vers l'avant.

Le capitaine et l'équipage avaient été formés aux Philippines et possédaient les brevets requis. Le capitaine commandait le Hoegh Merit depuis environ cinq mois, période au cours de laquelle le navire avait été exploité pour une compagnie canadienne à partir de Vancouver (Colombie-Britannique), en vertu d'une charte-partie. Le pilote conduisait des navires de tout tonnage depuis 17 ans, et il s'est rappelé avoir déjà piloté le Hoegh Merit trois ans auparavant.

Le pilote monte à bord du Hoegh Merit, le 7 février 1997, au poste d'amarrage du quai de Fraser Surrey à Vancouver. Il est bien reposé, n'ayant pas travaillé depuis l'après-midi précédent. Il y a échange d'information et le pilote consulte la carte de pilote (information sur le navire) quand il prend la relève du pilote fluvial à Sandheads, à l'embouchure du fleuve Fraser. Le navire, chargé d'une cargaison partielle de bois, complète une traversée sans incident du détroit de Georgia et trois remorqueurs viennent à sa rencontre à l'entrée du port de Nanaimo, peu après 15 h 30. Le temps est calme et clair avec une légère brise du sud-est lorsque le Hoegh Merit se dirige vers son poste d'amarrage.

Le poste d'amarrage que doit prendre le Hoegh Merit se trouve du côté du large d'une jetée qui s'avance dans le port presque à angle droit du chenal d'entrée. Selon la carte, la profondeur d'eau près du quai est de 10,6 mètres (m). Au départ, le pilote place deux remorqueurs par l'avant tribord et un remorqueur sur la hanche bâbord afin de faire éviter le navire sur bâbord et de l'amener dans l'axe du poste d'accostage.

Selon l'usage, on fait éviter le navire alors qu'il est encore en mouvement. Le pilote ordonne à un des remorqueurs de tribord d'aller se placer par l'avant bâbord pour contrer l'évitement excessif qu'il prévoit. Toutefois, le Hoegh Merit se rapproche trop vite du poste d'accostage pour éviter suffisamment et l'avant heurte le duc d'Albe au bout de la jetée.

Avant le heurt contre le quai, le pilote donne l'ordre de mettre les machines en arrière toute, ordre qui est exécuté. Ni le capitaine ni les officiers du navire ne cherchent à aider ou participer à la manoeuvre du navire, si ce n'est en exécutant les instructions du pilote.

L'avant à bulbe du Hoegh Merit a été entaillé sur une longueur d'environ 3,5 m et le bordé extérieur au-dessus du bulbe a été arraché sur une longueur de 2,7 m. Les membrures, les serres inférieures et les guirlandes ont été endommagées au droit de l'entaille et de la rupture. L'accident n'a fait ni blessé ni avarie apparente aux ouvrages terrestres.

Le navire a été réparé à Nanaimo à la satisfaction de la Société de classification ainsi que de la Sécurité des navires de Transports Canada avant de se rendre à son prochain port d'escale sur la côte de la Colombie-Britannique.

Communications

Sur la côte de la Colombie-Britannique, il n'existe pas de voie désignée pour les communications entre les remorqueurs et les pilotes. On se sert de la voie 6 ou de la voie 17 du radiotéléphone très haute fréquence (VHF), selon celle qui convient le mieux. Le pilote a donné ses instructions aux remorqueurs sur la voie 6, une voie qui n'est pas réservée aux pilotes et qui est aussi utilisée par d'autres navires. Le pilote n'était pas impliqué dans les communications entre la passerelle et les postes avant et arrière, si ce n'est qu'il captait parfois certaines bribes de conversation sur l'émetteur-récepteur UHF portatif (walkie-talkie) du capitaine. Le capitaine n'a pas participé aux communications entre les remorqueurs et le pilote et, après le heurt, on a constaté que le capitaine ne savait pas combien de remorqueurs étaient venus assister son navire.

L'enquête a révélé un certain manque de communication entre le remorqueur, resté par l'avant tribord, et le pilote. Le patron du remorqueur affirme qu'il a questionné le pilote en voyant que le navire n'était pas orienté vers le poste « C », et il a déclaré que jusqu'à ce moment-là, il ne savait pas quel poste le navire allait utiliser. Le pilote a présumé que le remorqueur savait quel poste le navire devait prendre.

Le patron du remorqueur affirme avoir averti à deux reprises le pilote que la distance diminuait entre le navire et le quai. Il soutient aussi que le pilote lui a demandé de pousser à demi-vitesse, et qu'il l'a prévenu que l'évitement ne serait pas suffisant s'il ne poussait pas à pleine vitesse; les autres remorqueurs ont entendu ces avertissements répétés, et des personnes qui se trouvaient sur la côte ont aussi confirmé les avoir entendus sur le radiotéléphone VHF.

Le pilote nie avoir entendu un quelconque avertissement; il prétend que ses demandes d'évaluation de la distance à parcourir sont restées sans réponse. Il a aussi déclaré qu'il n'avait pas reçu pleine puissance du remorqueur placé par l'avant tribord lorsqu'il l'a demandée. De leur côté, les patrons des remorqueurs soutiennent qu'ils ont déployé pleine puissance afin d'empêcher le navire de toucher le duc d'Albe, même si le pilote leur a demandé de ralentir.

La communication est un volet important du cours sur la gestion des ressources à la passerelle (GRP). Depuis mai 1997, une majorité de pilotes côtiers de la Colombie-Britannique ont suivi ce cours et ceux qui ne l'ont pas suivi devraient le faire au cours de l'hiver. L'application des principes de la GRP par les pilotes et les équipages de navire devrait accroître la communication et, de ce fait, améliorer la sécurité.

Étude du BST

Le BST, préoccupé par la fréquence et les conséquences possibles d'événements maritimes impliquant des navires conduits par un pilote, a mené une étude en vue d'identifier des manquements à la sécurité liés au travail d'équipe sur la passerelle. Les résultats de cette étude ont été publiés en 1995 dans un rapport intitulé Étude de sécurité portant sur les rapports de travail entre les capitaines et les officiers de quart, et les pilotes de navire. En examinant les causes d'événements maritimes, le Bureau a cité les facteurs humains comme un facteur contributif important. Lors de l'analyse des accidents mettant en cause les facteurs humains, les erreurs de jugement des pilotes se sont avérées la cause majeure, contribuant à 35 % des événements. Dans environ 18 % des événements, une communication déficiente ou des malentendus étaient les facteurs les plus importants mis en évidence.

Analyse

Un examen des événements qui ont mené au heurt semble indiquer que certains facteurs humains, mis en évidence dans l'étude de sécurité du BST sur les rapports de travail entre les personnels de navire et les pilotes, étaient en cause dans cet accident. Le manque de communication a été permanent, et il a débouché sur un malentendu, entre le pilote et les remorqueurs, quant à ce qui devait être fait, ou était fait par l'autre personne. En outre, le capitaine et les officiers ont été des spectateurs passifs qui ont regardé le navire se rapprocher du duc d'Albe - et finalement le heurter - sans rien faire. Une bonne coopération et une communication efficace auraient permis au personnel du navire de tenir le pilote au courant de la distance séparant le bâtiment du duc d'Albe, et lui permettre de mieux diriger la prise de poste.

Il est impossible de savoir avec certitude pourquoi le pilote n'a pas entendu les avertissements du patron du remorqueur concernant la distance qui diminuait, contrairement à d'autres qui se trouvaient à proximité. Il est possible que d'autres bruits (sur son poste portatif) aient rendu les avertissements du patron de remorqueur inintelligibles.

Faits établis

  1. Il y a eu manque de communication entre les remorqueurs et le pilote concernant la manoeuvre d'évitement et la distance séparant le navire du quai.
  2. Le navire a continué de se rapprocher du quai tout en évitant pour se placer dans l'axe du poste.
  3. Même alors que le navire se rapprochait du duc d'Albe, le capitaine et l'équipage du Hoegh Merit se sont fiés entièrement au pilote pour l'exécution des manoeuvres de prise de poste.
  4. La manoeuvre de prise de poste n'a pas été suffisamment discutée et planifiée par le personnel du navire, le pilote et les remorqueurs.

Causes et facteurs contributifs

Le Hoegh Merit a heurté le duc d'Albe au bout de la jetée en prenant son poste à quai à Nanaimo (Colombie-Britannique) parce que le navire s'est rapproché du quai avant la fin de la manoeuvre d'évitement. Un manque de communication entre le pilote et les remorqueurs a contribué au heurt.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Par conséquent, le Bureau, composé du président Benoît Bouchard ainsi que des membres, Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros, en a autorisé la publication le .