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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23W0103

Perte de maîtrise et collision avec le relief
AFS Aerial Photography Inc.
Cessna 152, C-GRCA
Aérodrome industriel de Claresholm (CEJ4) (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Renseignements de base

Le 27 juillet 2023, la pilote de l’aéronef Cessna 152 (immatriculation C-GRCA, numéro de série 15279738), exploité par AFS Aerial Photography Inc., volait à l’ouest de Lethbridge (Alberta) lorsque le moteur a subi une perte de puissance en raison d’un épuisement de carburant. La pilote a effectué un atterrissage forcé sur une route située à 26 milles marins à l’ouest-nord-ouest de Lethbridge. Pendant la course à l’atterrissage, l’aile droite a heurté un poteau de signalisation. Les ailes ont été retirées de l’aéronef avant que celui-ci ne soit transporté par la route jusqu’à l’aérodrome industriel de Claresholm (CEJ4) (Alberta) pour y être réparé. L’aile gauche a été réinstallée et une aile droite de remplacement réparée a été installée.

Déroulement du vol

Le 28 août 2023, l’aéronef à l’étude a été remis en service par le fournisseur assurant la maintenance, sous la condition d’un vol d’essai satisfaisant pour en vérifier le vol rectiligne en palier. Après le vol d’essai satisfaisant, la pilote devait apposer la signature finale qui permettrait de remettre l’aéronef en service.

Vers 16 h Note de bas de page 1, la pilote a commencé la préparation avant le vol d’essai. Elle a chargé l’équipement et les effets personnels à bord de l’aéronef. Une fuite de carburant a été constatée près du conduit d’évacuation de carburant du réservoir de carburant droit. Les réservoirs de carburant ont donc été remplis à pleine capacité Note de bas de page 2 afin de repérer la source de la fuite. Le personnel de maintenance y a remédié, puis l’aéronef a de nouveau été mis en service sous condition en vue du vol d’essai.

La direction de la compagnie a indiqué à la pilote d’effectuer un point fixe plus long pour s’assurer qu’il n’y avait pas de problèmes mécaniques et, après le décollage, de voler près de l’aérodrome pendant 20 minutes. Lors de l’inspection avant le vol, une texture de peinture rugueuse a été observée sur le bord d’attaque de l’aile droite. Aucune autre anomalie n’a été constatée, et les commandes de vol ont été jugées libres et adéquates.

La pilote occupait le siège de droite, qui était le siège duquel elle pilotait normalement lorsqu’elle effectuait de la photographie aérienne. Après le point fixe, la pilote a roulé jusqu’à la piste 03 pour se mettre en position de départ et a commencé le décollage à 19 h 28. L’aéronef a été observé prenant son envol dans le premier tiers de la piste (soit une course au décollage d’environ 1000 pieds) et entamant une montée à faible pente dans l’alignement de la piste. À environ 1 mille marin de l’aérodrome, plusieurs témoins oculaires ont donné une description selon laquelle l’aéronef effectuait une montée à faible pente, puis a viré brusquement à gauche avant d’entamer une descente en virage serré.

L’aéronef a heurté le sol à 5200 pieds de l’extrémité de départ de la piste 03 et à 215 pieds à gauche du prolongement de l’axe (figure 1). Plusieurs témoins oculaires sont arrivés sur les lieux peu après l’accident, et les services de police et d’incendie ont suivi 5 minutes plus tard. La pilote a reçu des blessures mortelles. L’aéronef a été lourdement endommagé; aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact. La radiobalise de repérage d’urgence de 121,5 MHz s’est déclenchée.

Figure 1. Carte montrant l’aérodrome et le lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Carte montrant l’aérodrome et le lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Renseignements sur l’aéronef

Les marques au sol et les dommages à l’aéronef correspondaient à un contact de l’aéronef avec le sol lors d’une vrille vers la gauche. Les volets étaient rentrés, le compensateur de profondeur était en position de décollage, la manette des gaz était réglée à pleine puissance et la commande de mélange était réglée à plein riche. Les dommages à l’hélice laissaient croire que le moteur produisait de la puissance au moment de l’impact. Les premiers intervenants ont constaté une forte odeur de carburant sur les lieux de l’accident et des fuites de carburant provenant des réservoirs de carburant. Les dommages causés par l’éclatement des 2 réservoirs de carburant principaux correspondaient avec la présence d’un volume élevé de carburant dans les réservoirs de carburant au moment de l’impact.

L’aéronef était équipé d’un système numérique de surveillance de moteurNote de bas de page 3 . Le système de surveillance de moteur enregistre l’heure, la température extérieure, le débit de carburant et, pour chaque cylindre, la température des gaz d’échappement et la température de culasse. Le système de surveillance a enregistré une augmentation du débit de carburant à 19 h 28 min 20 s, débit qui s’est stabilisé à environ 8 gallons américains par heure et qui correspond à la puissance de décollage. L’enregistrement a cessé 93 secondes plus tard. Au cours de ces 93 secondes, le débit de carburant et les températures du moteur correspondaient à la production de puissance par le moteur et étaient similaires à ceux des vols précédents enregistrés par le système de surveillance.

Lorsque les enquêteurs du BST sont arrivés sur les lieux, ils ont effectué une évaluation initiale de l’aéronef. Tous les composants de l’aéronef ont été retrouvés à proximité du lieu de l’accident, y compris les 2 ailes et les stabilisateurs vertical et horizontaux. La continuité du système des commandes de vol a été vérifiée entre les sections qui avaient cédé en surcharge sous l’effet des forces d’impact ou qui avaient été touchées par les activités de secours après l’écrasement.

Lorsque l’épave a été récupérée et transportée aux installations du BST à Edmonton (Alberta), un examen plus détaillé de la cellule, des commandes de vol, du circuit Pitot, du système d’avertissement de décrochage et du moteur a été effectué. Une attention particulière a été portée aux composants et aux systèmes qui auraient pu contribuer à un scénario de décrochage ou de vrille; aucune anomalie n’a été relevée.

L’examen des rails de siège a démontré que la position du siège au moment de l’impact permettait à la pilote d’atteindre les commandes de vol. La consigne de navigabilité applicable sur les rails de siègeNote de bas de page 4, qui exige des inspections répétitives et le remplacement des pièces du système des rails de siège, avait été respectée et vérifiée lors de la maintenance récente. Le siège n’avait pas bougé pendant le décollage et la montée.

Un examen des dossiers de la maintenance effectuée à la suite de l’événement du 27 juillet 2023 a révélé que les travaux requis avaient été effectués conformément au manuel de maintenance du fabricant. Cette maintenance comprenait une vérification de l’étanchéité du circuit Pitot, une vérification fonctionnelle du système d’avertissement de décrochage et une vérification indépendante des systèmes de commande de vol touchés par les activités de maintenance liées à la réinstallation des 2 ailes.

Un calcul de masse et centrage a été effectué et l’aéronef était dans les limites de masse et de centrage. L’aéronef pesait 1543 livres au décollage, soit 127 livres de moins que sa masse brute maximale au décollage.

En résumé, malgré l’étendue des dommages, l’enquête n’a pas permis de découvrir d’éléments mécaniques qui auraient pu conduire au décrochage aérodynamique et à la vrille.

Renseignements météorologiques

La station météorologique la plus proche du lieu de l’accident est une station d’Environnement et Changement climatique Canada – Service météorologique du Canada située près de CEJ4, à une élévation de 3310 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). À 19 h, 30 minutes avant l’accident, la station signalait ce qui suit :

À 20 h, 30 minutes après l’accident, la station signalait ce qui suit :

Performance de l’aéronef

En interpolant les renseignements météorologiques ci-dessus pour l’heure de l’accident, l’altitude-densité à CEJ4 aurait été de 5347 pieds ASL au moment de l’accident. Le fabricant de l’aéronef à l’étude indique que pour obtenir un régime moteur maximal, il faut appauvrirNote de bas de page 5 la commande de mélange chaque fois que des opérations sont effectuées au-dessus de 3000 pieds ASL.

La densité de l’air diminue à mesure que l’altitude et la température augmententNote de bas de page 6. Par conséquent, la combinaison d’une température élevée et d’une élévation élevée peut réduire considérablement la performance aérodynamique et motrice de l’avion de la manière suivante :

La puissance de sortie en ch (cheval vapeur) du moteur diminue parce que le mélange air-carburant est réduit. L’hélice génère moins de poussée parce que les pales, qui sont en fait des plans aérodynamiques, sont moins efficaces dans l’air raréfié. Les ailes produisent moins de portance parce que l’air raréfié exerce moins de force sur les plans aérodynamiques. Voilà pourquoi la distance au décollage est remarquablement plus longue, les performances en montée considérablement amoindries, et à la limite, voire même inexistantesNote de bas de page 7.

D’après le manuel d’utilisation du Cessna 152Note de bas de page 8, à l’altitude-densité du moment de l’événement à l’étude, un taux de montée maximal de 475 pi/min pouvait être atteint à une vitesse indiquée de 65 nœuds, l’aéronef à sa masse maximale au décollage, les volets rentrés et le mélange appauvri pour assurer un régime moteur maximal.

D’après l’horodatage du système de surveillance de moteur et les témoignages, la vitesse sol moyenne entre l’augmentation de la puissance pour le décollage et l’entrée en vrille a été estimée à 53 nœuds. En tenant compte de la vitesse et de la direction du vent ainsi que des conditions atmosphériques, on obtient une vitesse corrigée moyenne de 50 nœuds (vitesse indiquée de 46 nœuds)Note de bas de page 9. La vitesse de décrochage lorsque l’aéronef est à sa masse maximale au décollage, avec les volets rentrés et les ailes à l’horizontale, est de 48 nœuds (vitesse corrigée)Note de bas de page 10.

L’aéronef n’était pas équipé d’un émetteur de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) et le vol n’a pas été observé au radar. L’aéronef n’avait aucun équipement GPS (système de positionnement mondial) installé à bord pour enregistrer la trajectoire de vol. Outre l’heure enregistrée sur le système numérique de surveillance de moteur, aucune donnée n’était disponible pour déterminer une trajectoire de vol.

Vrilles

Une vrille est une autorotation qui résulte d’un décrochage aggravéNote de bas de page 11au cours duquel l’aéronef suit une trajectoire descendante en tire-bouchon. L’entrée dans une vrille peut être intentionnelle ou non intentionnelle, et peut survenir à pratiquement n’importe quelle vitesse, tant et aussi longtemps que la vitesse angulaire de lacet est suffisante pendant le décrochage de l’aéronef.

La sortie de vrille décrite dans le manuel d’utilisation du Cessna 152 est la suivante [traduction; caractères gras dans le texte original] :

  1. PLACER LES AILERONS À LA POSITION NEUTRE.
  2. RECULER LE MANIPULATEUR À LA POSITION DE RALENTI.
  3. PLACER LES AILERONS À LA POSITION NEUTRE.

    APPLIQUER ET MAINTENIR LE PALONNIER À FOND DANS LE SENS INVERSE DE LA ROTATION.

  4. JUSTE APRÈS QUE LE PALONNIER A ATTEINT LA BUTÉE, DÉPLACER VIVEMENT LE VOLANT DE COMMANDE VERS L’AVANT, SUFFISAMMENT POUR INTERROMPRE LE DÉCROCHAGE. Il peut être nécessaire d’abaisser complètement la gouverne de profondeur lorsque le centre de gravité est situé à l’arrière de l’appareil afin d’assurer une sortie optimale.
  5. MAINTENIR CES COMMANDES JUSQU’À CE QUE LA ROTATION CESSE. Un relâchement prématuré des commandes peut prolonger la sortie.
  6. LORSQUE LA ROTATION CESSE, NEUTRALISER LE PALONNIER ET SORTIR EN DOUCEUR DU PIQUÉ QUI EN RÉSULTENote de bas de page 12.

Le manuel d’utilisation de l’aéronef précise également qu’il [traduction] « faut prévoir une perte d’altitude d’au moins 1000 pieds pour une vrille d’un tour avec sortieNote de bas de page 13 ».

En raison de l’absence de données sur la trajectoire de vol, l’enquête n’a pas permis de déterminer la raison du décrochage aérodynamique et de la vrille.

AFS Aerial Photography Inc.

Basée à London (Ontario), AFS Aerial Photography Inc. fait de la photographie aérienne depuis 1963 et possédait 6 aéronefs au moment de l’événement. La compagnie est exploitée en vertu de la sous-partie 702 du Règlement de l’aviation canadien. La compagnie effectue des vols photographiques dans tout le Canada. Les pilotes sont titulaires d’une licence de pilote professionnel et les aéronefs sont sous immatriculation privée. Les pilotes sont soumis à une vérification de compétence et reçoivent une formation sur la manière d’effectuer les vols photographiques.

Les vols sont effectués entre 500 et 700 pieds au-dessus du sol alors que le pilote prend des photos de propriétés. Les photos sont ensuite présentées aux propriétaires fonciers, qui ont la possibilité de les acheter.

Expérience de la pilote

Il s’agissait du premier été de la pilote de l’aéronef à l’étude dans la compagnie. Lorsqu’elle avait été embauchée en juin 2023, elle était titulaire d’un certificat médical valide de catégorie 1, d’une licence de pilote professionnel – avion, d’une qualification multimoteur et d’une qualification de vol aux instruments du groupe 1. De plus, elle avait accumulé 256 heures de vol avant d’acquérir ensuite 135 heures de vol au sein de la compagnie. Au moment de l’événement, elle totalisait 391 heures de vol, principalement sur des aéronefs Cessna 150/152. Selon les renseignements recueillis au cours de l’enquête, la licence de pilote professionnel de la pilote était valide au moment de l’accident.

La pilote n’avait pas volé dans les 31 jours précédant l’accident, car l’aéronef auquel elle était affectée subissait des réparations de l’aile droite endommagée. La fatigue n’est pas considérée comme un facteur dans l’événement.

Messages de sécurité

Il est rappelé aux pilotes de consulter le manuel d’utilisation de leur aéronef pour connaître le bon réglage de la commande de mélange pour l’altitude-densité afin de s’assurer que la puissance maximale est disponible pour le décollage et la montée.

Des altitudes-densités plus élevées se traduisent par des pénalités quant à la distance de décollage et à la performance de montée. Il est rappelé aux pilotes de consulter le manuel d’utilisation de l’aéronef lorsqu’ils prévoient un vol à des températures plus chaudes et à des élévations d’aéroport plus élevées (altitudes-densités élevées) pour être conscients de ces pénalités.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 3 janvier 2024. Le rapport a été officiellement publié le 24 janvier 2024.