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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22C0027

Perte de maîtrise et collision avec le relief
Piper Cherokee PA-28-140 (C-GLKD)
Immatriculation privée
Aéroport de Sioux Lookout (Ontario), 19 NM SSE



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

À 21 h 02Note de bas de page 1 le 29 avril 2022, le Piper Cherokee PA-28-140 (immatriculation C-GLKD, numéro de série 28-23807) a quitté l’aéroport régional de Dryden (CYHD) (Ontario) à destination de l’aérodrome de Marathon (CYSP) (Ontario), avec à son bord 1 pilote et 3 passagers. On a signalé le retard de l’aéronef à 1 h 39 le 30 avril 2022. L’aéronef avait été observé pour la dernière fois sur le radar à 21 h 45Note de bas de page 2, volant en zigzag au-dessus d’une région qui offre peu d’éclairage artificiel (figure 1). Des recherches ont été entreprises, et l’épave a été retrouvée à environ 19 milles marins au sud-sud-est de l’aéroport de Sioux Lookout (CYXL) (Ontario). L’aéronef avait percuté le relief dans une zone boisée pendant les heures d’obscurité. Le pilote et les 3 passagers ont été mortellement blessés. L’aéronef a été détruit. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT)Note de bas de page 3 s’est déclenchée au moment de l’impact, et le signal a aidé les services de recherche et sauvetage à repérer le lieu de l’accident.

Figure 1. Carte montrant la trajectoire de vol et le lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Carte montrant la trajectoire de vol et le lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Renseignements sur le pilote

Le pilote était titulaire d’une licence de pilote professionnel, qui lui avait été délivrée le 18 septembre 2019. Sa licence était annotée pour les aéronefs monomoteurs et multimoteurs. Il détenait un certificat médical valide de catégorie 1. Il n’avait pas de qualification de vol aux instruments; il n’était donc pas qualifié pour voler dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC).

Conformément au Règlement de l’aviation canadien (RAC), pour piloter de nuit un aéronef avec des passagers à bord, le titulaire d’une licence de pilote doit avoir effectué 5 décollages et 5 atterrissages de nuit au cours des 6 mois précédant le volNote de bas de page 4. Le carnet de vol du pilote a été examiné dans le cadre de l’enquête, et aucune entrée de vol de nuit dans les 6 mois précédant l’accident n’a été constatée.

Le passager qui occupait le siège avant droit était également titulaire d’une licence de pilote professionnel.

Renseignements sur l’aéronef

L’aéronef Piper PA-28-140 à l’étude a été construit par la Piper Aircraft Corporation en 1967. Il s’agissait d’un aéronef monomoteur, entièrement métallique, à aile basse, équipé d’un train d’atterrissage tricycle fixe. Il était configuré pour transporter 4 passagers et était homologué pour une masse maximale au décollage de 2150 livres. On a calculé que la masse de l’aéronef au moment de l’événement était d’environ 2320 livres, soit 170 livres de plus que la masse maximale au décollage de l’aéronef.

L’aéronef était sous immatriculation privée et sa maintenance était effectuée en vertu d’un programme d’inspection annuelle, tel qu’il est indiqué dans la norme 625.86, appendice B, partie I, du RAC. L’aéronef avait subi une inspection aux 50 heures le 8 mars 2022 et totalisait 4467 heures de vol cellule au moment de l’événement.

L’aéronef était équipé à l’origine d’un moteur à carburateur Lycoming O-320-E2A de 150 hp. En mars 2019, le moteur et l’aéronef ont été modifiés pour augmenter à 160 hp la puissance nominale au décollage, conformément aux certificats de type supplémentaires numéros SE8987SW-D et SA2706SW-D, respectivement.

L’examen des dossiers techniques de l’aéronef n’a révélé aucun défaut de fonctionnement non corrigé qui aurait pu contribuer à l’événement.

Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’aéronef a percuté des arbres dans une zone densément boisée à environ 19 milles marins au sud-sud-est de Sioux Lookout (Ontario). L’enquête a permis de déterminer que l’aéronef a pénétré dans le couvert forestier avec un angle d’inclinaison de 90°, ce qui indique qu’il y a eu perte de maîtrise. L’aéronef s’est immobilisé à environ 100 pieds de l’endroit où il est initialement entré en contact avec les arbres. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

La cellule s’est brisée d’une manière qui laisse croire que l’aéronef a fait la roue, et les 2 réservoirs de carburant se sont rompus. L’analyse des composants de l’aéronef n’a révélé aucune anomalie préexistante, et il a été établi que le moteur fonctionnait normalement. Une inspection du sélecteur de réchauffage du carburateur n’a pas été concluante en raison de la nature des dommages causés par l’impact. Bien que l’enquête n’ait révélé aucun signe de givrage du carburateur, les conditions météorologiques locales correspondaient à des conditions propices au givrage du carburateurNote de bas de page 5. Les dommages aux commandes de vol correspondaient à des ruptures en surcharge, également causées par l’impact.

Renseignements météorologiques

La prévision de zone graphique pour le secteur aux alentours de CYHD et CYXL, émise à 18 h 25 le 29 avril et valide à 19 h, indiquaient des couches de nuages fragmentés dont la base se situait à 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), et le sommet, à 12 000 pieds ASL, une visibilité supérieure à 6 milles terrestres (SM), des nuages altocumulus castellanus isolés avec des sommets à 16 000 pieds ASL avec une visibilité de 5 SM dans de légères averses de pluie et du brouillard, et enfin des plafonds de 1500 pieds au-dessus du sol (AGL) (figure 2).

Figure 2. Prévision de zone graphique valide au moment de l’événement, le lieu approximatif de l’accident étant indiqué par une étoile (Source : NAV CANADA, avec annotations du BST)
Prévision de zone graphique valide au moment de l’événement, le lieu approximatif de l’accident étant indiqué par une étoile (Source : NAV CANADA, avec annotations du BST)

La prévision d’aérodrome (TAF) pour CYHD, émise à 20 h 40 le 29 avril, indiquait les conditions suivantes :

La TAF pour CYXL, émise à 20 h 40 le 29 avril, indiquait les conditions suivantes :

Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) diffusé à 22 h pour CYXL faisait état des conditions suivantes :

À 20 h 50, le pilote a appelé la station d’information de vol de NAV CANADA pour déposer un plan de vol. Pendant l’appel, le spécialiste de l’information de vol a fourni un exposé météorologique abrégé et a indiqué que des conditions météorologiques marginales de règles de vol à vue (VFR) pourraient être présentes sur la route de vol proposée.

Vol à vue de nuit

Les vols VFR de nuit comportent de nombreux risques à cause du manque de repères visuels. Le nombre limité ou l’absence de repères visuels la nuit peut engendrer diverses illusions qui causent une désorientation spatiale, en raison de l’absence d’un horizon visible. Un vol VFR de nuit effectué sous un plafond couvert, sans clair de lune, au-dessus d’un relief sans caractéristiques marquées, comme des plans d’eau ou des forêts, et loin de tout éclairage artificiel fournit un éclairage ambiant insuffisant pour qu’il soit possible de discerner les repères visuels à la surface. Ces zones, appelées « trous noirs », sont difficiles à survoler.

De plus, il est difficile pour les pilotes d’évaluer à quelle distance se trouvent les nuages et les intempéries, la nuit ou dans l’obscurité, et cette difficulté augmente le risque de vol VFR involontaire dans des IMC, ce qui peut rapidement entraîner une désorientation spatiale et une perte de maîtrise.

En d’autres mots, par nature, le vol VFR de nuit présente au pilote peu de repères visuels lui permettant de voir et d’éviter des conditions météorologiques qui se dégradent. La planification de vol est particulièrement importante pour les vols de nuit, notamment l’examen des conditions météorologiques et de leurs répercussions sur la route prévue, le clair de lune disponible, le temps de vol estimé au-dessus de grandes étendues d’eau ou de zones ayant peu ou pas d’éclairage artificiel, et la proximité de la route de vol prévue par rapport au relief ascendant et aux obstacles importants.

Le principe qui régit le vol VFR consiste en l’utilisation de repères visuels (par exemple, l’horizon ou des repères au sol) à l’extérieur de l’aéronef pour déterminer son assiette. Il faut donc satisfaire à certaines exigences de base avant d’effectuer un vol VFR, qu’il soit de jour ou de nuit.

Selon les articles 602.114 et 602.115 du RAC, l’aéronef doit être « utilisé avec des repères visuels à la surfaceNote de bas de page 6 » dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé. Le RAC définit « surface » comme « [t]oute surface au sol ou sur l’eau, y compris une surface geléeNote de bas de page 7 ». Toutefois, le règlement ne définit pas le concept de « repères visuels à la surface », qui est alors sujet à interprétation. Le milieu aéronautique interprète généralement cet énoncé comme voulant dire des conditions météorologiques de vol à vue (VMC)Note de bas de page 8,Note de bas de page 9. À la suite d’une enquête du BSTNote de bas de page 10 sur un accident d’hélicoptère en mai 2013, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d’éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
Recommandation A16-08 du BSTNote de bas de page 11

Les conditions durant le vol à l’étude étaient telles qu’il était probablement difficile de maintenir des repères visuels à la surface, et le vol n’aurait donc pas satisfait aux exigences d’exploitation VFR de nuit. Un tel vol exigerait plutôt que les pilotes se fient à leurs instruments de vol pour assurer l’utilisation sécuritaire de l’aéronef. Le passager, qui occupait le siège de droite, et le pilote étaient tous deux titulaires d’une licence de pilote professionnel, mais ni l’un ni l’autre n’était certifié pour le vol IFR.

Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

Messages de sécurité

Le fait de poursuivre un vol VFR de nuit dans des zones où les repères visuels sont réduits, notamment dans les régions qui offrent peu d’éclairage artificiel ou dans des conditions météorologiques qui se détériorent, peut entraîner une désorientation spatiale et une perte de maîtrise. Tous les pilotes, quelle que soit leur expérience, doivent planifier et envisager des stratégies pour éviter ces conditions, ainsi que prévoir des plans de rechange si de telles conditions se présentent.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .