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Rapport d'enquête aéronautique A14A0067

Collision avec le relief
Manan Air Services (sous le nom Atlantic Charters)
Piper PA-31 Navajo, C-GKWE
Grand Manan (Nouveau-Brunswick)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'aéronef Piper PA-31 (immatriculé C-GKWE, numéro de série 31-7812037) d'Atlantic Charters avait effectué un vol aéromédical entre Grand Manan (Nouveau-Brunswick) et Saint John (Nouveau-Brunswick). À 4 h 36, heure avancée de l'Atlantique, l'aéronef a quitté Saint John pour le vol de retour vers Grand Manan, avec 2 pilotes et 2 passagers à bord. Après une tentative d'atterrissage sur la piste 24 de l'aéroport de Grand Manan, le commandant de bord a effectué une remise des gaz. Pendant la deuxième approche, l'aéronef a heurté une route perpendiculaire à la piste, à environ 1500 pieds du seuil de celle-ci, avec son train d'atterrissage sorti. L'aéronef a poursuivi sa course en ligne droite sur 100 pieds à travers des broussailles, puis a quitté le sol brièvement. Vers 5 h 12, l'aéronef a heurté le sol à la gauche de l'axe de la piste, à environ 1000 pieds du seuil de la piste. Le commandant de bord et 1 passager ont subi des blessures mortelles. L'autre pilote et le deuxième passager ont été grièvement blessés. L'aéronef a été détruit et la radiobalise de repérage d'urgence s'est activée. L'accident est survenu pendant les heures d'obscurité.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

À 2 h 21Note de bas de page 1, Atlantic Charters a reçu un appel téléphonique du Centre de gestion des communications médicales (CGCM) d'Ambulance Nouveau-Brunswick (ANB) l'avisant du transfert possible d'un patient (transfert par ambulance aérienne) entre Grand Manan (Nouveau-Brunswick) et Saint John (Nouveau-Brunswick). Le CGCM a également demandé à ce qu'on consulte les conditions météorologiques. Lors d'un appel téléphonique de suivi, Atlantic Charters a indiqué que le départ ne poserait pas de problème, mais que le vol de retour pourrait être retardé par du brouillard en formation.

Environ 30 minutes plus tard, le CGCM a communiqué avec Atlantic Charters pour confirmer le vol. Atlantic Charters a indiqué qu'elle aviserait les pilotes, et qu'elle irait à la rencontre du patient, du technicien ambulancier paramédical et de l'infirmière à l'aéroport. Le commandant de bord a communiqué avec le premier officier (P/O), puis a déposé un plan de vol.

Le P/O a préparé l'aéronef pour le vol et a aidé à faire monter le patient à bord. Le P/O a ensuite installé un siège de passager orienté vers l'avant du côté arrière gauche de la cabine, près de la porte d'accès, puis est passé par la cabine pour aller s'asseoir sur le siège de droite du poste de pilotage.

Un technicien ambulancier paramédical d'ANB occupait le siège orienté vers l'arrière installé derrière le siège du commandant de bord, du côté gauche de la cabine, et une infirmière de l'hôpital de Grand Manan occupait le siège de passager orienté vers l'avant. Le commandant de bord a fermé la porte d'accès de la cabine depuis l'extérieur de l'aéronef, puis a pris place dans le siège de gauche du poste de pilotage en passant par la porte du poste de pilotage.

Une fois les moteurs démarrés, le commandant de bord a remarqué qu'il n'y avait qu'un seul casque d'écoute à bord. Comme les moteurs tournaient déjà, le commandant de bord a décidé de poursuivre le vol avec seulement 1 casque d'écoute et l'a porté pendant les 2 vols.

Vers 4 h, l'aéronef a quitté l'aéroport de Grand Manan conformément à un plan de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) jusqu'à Saint John. Le vol s'est déroulé sans incident, et l'aéronef a atterri à Saint John à 4 h 17. Le patient a ensuite été transféré de l'aéronef à une ambulance pour le transport jusqu'à l'hôpital.

À 4 h 36, l'aéronef a quitté Saint John selon un plan de vol IFR jusqu'à Grand Manan. Les 2 pilotes, le technicien ambulancier paramédical et l'infirmière se trouvaient à bord. Ils occupaient tous les mêmes sièges que pendant le vol précédent.

Le commandant de bord a communiqué par radio avec le responsable en serviceNote de bas de page 2 d'Atlantic Charters pour l'aviser que l'aéronef était en rapprochement. À 4 h 57, à environ 20 milles marins (nm) de Grand Manan, le commandant de bord a communiqué avec le centre de contrôle régional (ACC) de Moncton pour fermer le plan de vol IFR.

L'aéronef a amorcé sa descente depuis une altitude de 1900 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) à 4,87 nm du seuil de la piste 24Note de bas de page 3. Le commandant de bord a émis un avis de circulation sur la fréquence de trafic d'aérodrome (ATF) à EMGAMNote de bas de page 4, c'est-à-dire à 4 nm du seuil de la piste 24 (annexe A). À EMGAM, l'aéronef volait à une altitude de 1600 pieds asl et une vitesse sol de 90 nœuds. L'aéronef s'est ensuite mis en palier à 500 pieds asl, à environ 1,2 nm du seuil de la piste. L'aéronef est demeuré à 500 pieds asl, ce qui correspond à une altitude d'environ 250 pieds au-dessus du sol (agl), jusqu'à ce qu'il se trouve à au moins 0,26 nmNote de bas de page 5 du seuil de la piste, en conservant une vitesse sol de 90 nœuds. Peu de temps après, le commandant de bord a amorcé une descente pour atterrir. Toutefois, le commandant de bord a décidé de remettre les gaz et, 36 secondes plus tard, l'aéronef se trouvait à 0,23 nm au-delà de l'extrémité de la piste 24 à une altitude de 300 pieds asl (50 pieds agl).

Vers 5 h 8, l'aéronef s'est établi en approche finale à environ 7 nm du seuil de la piste et une altitude de 1000 pieds asl pour une deuxième tentative d'atterrissage sur la piste 24. Deux minutes plus tard, l'aéronef a survolé EMGAM à une altitude de 900 pieds asl et une vitesse sol de 100 nœuds. L'aéronef est demeuré à cette altitude jusqu'à environ 2,46 nm du seuil de la piste, puis a amorcé sa descente. Environ 1 minute plus tard, l'aéronef se trouvait à une altitude de 500 pieds asl à 1,23 nm du seuil de la piste, et volait à une vitesse sol de 90 nœuds. L'aéronef est demeuré à cette altitude approximative pendant 24 secondes. Vers 5 h 12, c'est-à-dire l'heure de la dernière position radar enregistrée, l'aéronef se trouvait à 0,56 nm du seuil de la piste et volait à une vitesse sol de 90 nœuds.

L'approche de la piste 24 s'est effectuée au-dessus d'une zone sombre et peu populeuse; le phare d'atterrissage et les feux anticollision de l'aéronef étaient éteints, et les feux de la piste étaient allumésNote de bas de page 6.

L'aéronef a heurté le côté nord de la route Bancroft sur ses 3 roues à une altitude supérieure d'environ 15 pieds à celle du seuil de la piste 24 et à environ 0,25 nm de celui-ci (photo 1).

Photo 1. Lieu de l'événement (Source : Gendarmerie royale du Canada, avec annotations du BST)
Lieu de l'événement (Source : Gendarmerie royale du Canada, avec annotations du BST)

L'aéronef a traversé la route d'environ 25 pieds de largeur et a poursuivi sa course en ligne droite sur 100 pieds à travers les broussailles et sur un relief raboteux. Les 3 pneus de l'aéronef ont laissé des marques distinctes sur la route et dans les broussailles. La trappe extérieure du train d'atterrissage principal gauche s'est séparée de l'aéronef, une partie de la jambe du train d'atterrissage avant s'est fracturée, et la roue gauche du train d'atterrissage principal a heurté une souche d'arbre juste avant une pente. L'aéronef a quitté le sol et a commencé à s'incliner vers la gauche, puis la partie inférieure de la jambe du train d'atterrissage avant et la roue se sont séparées de l'aéronef.

L'aéronef a continué à s'incliner de plus en plus vers la gauche. Lorsque l'angle d'inclinaison a presque atteint 90°, le bout de l'aile gauche a heurté le sol et l'aéronef a fait la roue vers le bas. Le nez et les 2 hélices de l'aéronef ont heurté le sol. L'aéronef a rebondi et a pris une assiette en cabré, puis s'est immobilisé à environ 1000 pieds du seuil de la pisteNote de bas de page 7.

Le commandant de bord et le technicien ambulancier paramédical ont subi des blessures mortelles. On a trouvé le commandant de bord dans le siège de gauche du poste de pilotage; il portait toujours ses bretelles et sa ceinture de sécurité. On a trouvé le technicien ambulancier paramédical sur l'aile gauche, près du fuselage et sous la porte du poste de pilotage. Le P/O et l'infirmière ont été grièvement blessés; ils portaient tous deux leur ceinture de sécurité et ont évacué l'aéronef par leurs propres moyens. Pendant l'évacuation, le P/O a dû contourner des articles non arrimés dans la cabine. Le P/O a composé le 9-1-1 à 5 h 14, après avoir évacué l'aéronef.

Environ 15 minutes après l'impact, les premiers répondants sont arrivés sur la route Bancroft, à un endroit dans l'axe de la piste et à environ 500 pieds de l'aéronef. Des membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sont également arrivés sur place peu de temps après l'accident. Ils ont sécurisé le site et en ont assumé la responsabilité jusqu'à l'arrivée des enquêteurs du BST.

1.2 Victimes

Tableau 1. Victimes
Équipage Passagers Autres Total
Tués 1 1 2
Blessés graves 1 1 2
Blessés légers/indemnes
Total 2 2 4

1.3 Dommages à l'aéronef

L'aéronef a été détruit.

1.4 Autres dommages

Sans objet.

1.5 Renseignements sur le personnel

Le commandant de bord possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Au cours de la semaine précédant l'événement à l'étude, le commandant de bord a effectué des vols nolisés multitronçons. Chaque jour, la durée des vols avait varié de 15 minutes à 1,5 heure. Le 15 août (la veille de l'événement à l'étude), le commandant de bord avait volé environ 3,5 heures et était retourné à Grand Manan à 16 h. Rien n'indiquait que le commandant de bord ait été fatigué au cours de la semaine. Le commandant de bord s'était reposé pendant environ 5 heures avant de préparer le vol aéromédical vers Saint John. On considère que la fatigue n'a pas contribué à l'événement à l'étude.

Le P/O possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le P/O a obtenu des annotations de qualification sur aéronefs multimoteurs et de vol aux instruments en avril 2014 et a commencé à travailler à Atlantic Charters le même mois. Le P/O avait suivi le cours d'initiation et les formations de la compagnie sur l'équipement de survie et les transferts par ambulance aérienne. Le P/O avait été embauché pour participer aux activités quotidiennes dans le hangar, dont le nettoyage et le déplacement des aéronefs, et pour agir comme P/O dans le cadre des vols aéromédicaux et nolisés. En matinée, la veille de l'événement à l'étude, au matin, le P/O avait passé 3 heures dans le hangar à nettoyer l'aéronef et à accomplir des tâches administratives.

Tableau 2. Renseignements sur le personnel
Commandant de bord Premier officier
Licence de pilote Licence de pilote de ligne (ATPL) Licence de pilote professionnel (CPL)
Date d'expiration du certificat de validation 1er janvier 2015 1er juin 2015
Nombre total d'heures de vol 17 400 304
Heures de vol sur type Inconnu 67,5
Nombre d'heures de vol – 90 derniers jours (tous types) 79,5 72,8
Nombre d'heures de vol sur type – 30 derniers jours 1,2 27,7
Nombre d'heures de vol – 3 derniers jours (tous types) 4,5 3,9
Heures de service avant l'événement à l'étude 2 2
Heures de congé avant la période de travail 10,5 15

Dans le cadre de l'enquête, il n'a pas été possible de déterminer le nombre d'heures de vol total du commandant de bord sur PA-31 parce que de nombreux dossiers avaient été détruits lors de l'incendie d'une résidence dans le passé. Le commandant de bord pilotait des aéronefs PA-31 depuis plus de 20 ans.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Le Piper PA-31 est un aéronef bimoteur doté d'un train d'atterrissage rétractable et d'hélices à vitesse constante. Cet aéronef est certifié pour être piloté par un seul pilote et, selon la configuration, peut accueillir un maximum de 6 passagers en cabine.

1.6.2 Aéronef en cause dans l'événement à l'étude

L'aéronef en cause dans l'événement a été construit en 1978, et Atlantic Charters le possédait et l'exploitait depuis que l'aéronef avait été importé en avril 2011. Cet aéronef était certifié pour voler le jour ou la nuit, selon les règles de vol à vue (VFR) ou de vol aux instruments (IFR). L'aéronef était doté de réservoirs à carburant dans les nacelles moteurs et d'un système mondial de positionnement (GPS). Selon la documentation de l'aéronef, le GPS était certifié pour les modes de navigation IFR en route, en région terminale et d'approche.

Lors de l'événement à l'étude, l'aéronef avait été configuré pour transporter 2 pilotes, 2 passagers et 1 patient sur un ensemble d'ambulance aérienne installé longitudinalement du côté droit de la cabine.

Les dossiers indiquent que l'aéronef a été entretenu conformément au calendrier de maintenance approuvé par Atlantic Charters. Il n'y avait pas d'éléments reportés ou d'anomalies non corrigées dans le carnet de route de l'aéronefNote de bas de page 8. On n'a rapporté aucune difficulté technique avant le vol à l'étude, et il n'y avait aucune indication qu'un composant ou un système ait été défectueux pendant le vol. Au moment de l'accident, l'aéronef comptait 5762,5 heures.

1.6.3 Masse et centrage

1.6.3.1 Généralités

Les aéronefs sont conçus pour être exploités en respectant leurs limites de masse et de centrage (centre de gravité), et le respect de ces limites est essentiel à l'exploitation d'un aéronef en toute sécurité.

Selon l'article 703.37 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), « la limite relative au chargement, la masse et le centre de gravité de l'aéronef [doivent être] conformes aux limites précisées dans le manuel de vol de l'aéronef »Note de bas de page 9. De plus, l'exploitant de l'aéronef « doit préciser, dans son manuel d'exploitation [...], le système de calculs de masse et centrage ainsi que les instructions à l'intention des employés concernant la préparation et la précision du devis de masse et centrage ».

Conformément à l'alinéa 605.92(1)(c) du RAC, les propriétaires d'aéronefs doivent tenir « un devis de masse à vide et de centrage conforme aux normes applicables ». Les normes stipulent ce qui suit :

La masse à vide d'un aéronef stipulée dans un devis de masse et centrage doit comprendre tous les articles exigés par la base de la certification de type de l'aéronef et tous les articles supplémentaires du matériel installé. Il faut inscrire tous les articles qui ne font pas partie de la définition de type ainsi que leurs masses et leurs moments sur une liste de matériel. Cette liste doit faire partie du devis de masse et centrageNote de bas de page 10.

Aux termes de cette norme, lorsque des modifications ou des réparations majeures occasionnent un changement à la masse à vide ou du centre de gravité d'un aéronef, une description de la modification, la date de la mise en application de la modification, et les masses et les bras de levier de chaque article posé ou déposé doivent être transcrits au devis de masse à vide et de centrage de l'aéronef.

Lorsqu'un aéronef est exploité selon 2 configurations différentes ou plus, un addenda distinct au devis de masse et centrage peut être utilisé pour chaque configuration, pourvu que l'addenda applicable à la configuration actuelle figure dans le carnet de route de l'aéronef.

1.6.3.2 Aéronef en cause dans l'événement

Selon les dossiers de l'aéronef en cause, celui-ci avait une masse à vide de base de 4598,55 livres et un bras de levier de 128,16 pouces lorsqu'il a été importé au Canada en avril 2011.

En juin 2011, Atlantic Charters a fait peser l'aéronef à nouveau; selon les dossiers, l'aéronef avait une masse à vide de base de 4244,0 livres et un bras de levier de 127,3 pouces. Les dossiers de l'aéronef ne comprenaient pas une liste de l'équipement actuel ni aucune indication de modifications ou de réparations majeures expliquant la réduction de la masse de 354 livres. Atlantic Charters n'a pas fourni de pièces justificatives à l'appui de cette différence de masse.

Le devis de masse à vide et de centrage a été amendé à 2 reprises après l'importation de l'aéronef, et la masse finale de celui-ci a été calculée à 4241,8 livresNote de bas de page 11. Toutefois, Atlantic Charters a continué à utiliser la masse à vide de base de juin 2011 pour remplir ses devis de calculs de masse et centrage.

L'enquête n'a pas permis de confirmer ni la masse à vide de base de l'aéronef ni l'équipement faisant partie de la masse consignée de l'aéronef. Ainsi, l'enquête n'a pas permis de d'établir la masse et le centre de gravité exacts de l'aéronef pendant le vol à l'étude.

1.6.3.3 Pratiques de masse et centrage d'Atlantic Charters

Atlantic Charters reconfigurait constamment l'aéronef pour accueillir des passagers ou effectuer des vols aéromédicaux. Chaque changement de configuration nécessitait un addenda au devis de masse et centrage et devait être consigné dans le carnet de route et les dossiers techniques de l'aéronef. Toutefois, il n'y avait aucune mention des changements dans le carnet de route et les dossiers techniques de l'aéronef, et on n'y trouvait aucune information sur la masse et le centrage applicable.

Dans son manuel d'exploitation, Atlantic Charters décrit les procédures de la compagnie relatives au contrôle de la masse et du centrage. Le manuel comprend l'information suivante [traduction] :

L'examen de l'aéronef effectué après l'accident a permis de constater qu'il n'y avait pas de devis vierges à bord.

Atlantic Charters utilisait un devis de masse et centrage précalculé pour les vols d'évacuation aéromédicale. Toutefois, l'enquête a permis de constater que l'information dans le devis précalculé fourni pour le vol à l'étude comprenait un certain nombre d'anomalies. Atlantic Charters n'a pas fourni de pièces justificatives expliquant ces différences de masse.

À l'occasion, Atlantic Charters utilisait les réservoirs de carburant dans les nacelles moteurs, mais le devis précalculé ne comprenait aucune section pour la masse du carburant dans ces réservoirs.

1.6.4 Maintien de la navigabilité/définition de type

1.6.4.1 Généralités

Le RAC définit un aéronef ou un autre produit aéronautique en état de navigabilité comme suit : « en bon état de vol, [...] présente la sécurité nécessaire pour un vol et [...] est conforme à la définition de type applicable »Note de bas de page 13.

Le règlement interdit l'exploitation de tout aéronef qui ne « fait [pas] l'objet de travaux de maintenance exécutés conformément aux limites de navigabilité applicables à la définition de type de l'aéronef »Note de bas de page 14.

1.6.4.2 Certificat de type supplémentaire

Un certificat de type supplémentaire (STC) est un document émis par Transports Canada (TC) pour signifier l'approbation d'une modification à la définition de type originale d'un produit aéronautique particulierNote de bas de page 15. Dans ce document, on décrit l'incidence d'une modification sur la définition de type originale. Un STC peut comprendre des données techniques de soutien, dont des suppléments au manuel de vol approuvé de l'aéronef et au manuel de maintenance de l'aéronef. Les suppléments au manuel de vol de l'aéronef comprennent de l'information remplaçant ou complétant le manuel de vol de base en ce qui concerne les procédures, les performances et les limites, comme les masses opérationnelles admissibles et les vitesses critiques.

1.6.4.2.1 Boundary Layer Research, Inc.

Lorsque l'aéronef a été importé au Canada, il était doté d'un STC de Boundary Layer Research, Inc. (BLR)Note de bas de page 16. Ce STC comprenait l'installation de 4 ailettes sur les nacelles moteurs et de 86 générateurs de tourbillons sur les ailes et l'empennage, la modification des marques des anémomètres, et l'ajout du supplément approuvé dans le manuel de vol de l'aéronef.

En octobre 2011, l'aéronef a été décapé et repeint. Il n'existe aucun dossier indiquant que les générateurs de tourbillons ont été déposés pendant les travaux de peinture.

Au cours de l'examen de l'aéronef après l'événement, on a constaté que l'aéronef n'était pas doté de générateurs de tourbillons, que seulement 2 des ailettes étaient installées sur les nacelles moteurs, que les marques des 2 anémomètres étaient conformes au STC, et que le manuel de vol de l'aéronef comprenait le supplément du STC ainsi que les modifications correspondantes aux vitesses et aux tableaux de performance.

1.6.4.2.2 Aeromed Systems, Inc.

L'aéronef était doté d'un ensemble d'ambulance aérienne d'Aeromed Systems, Inc. (numéro de série 3800-078) composé d'une unité d'ambulance avec panneau supérieur (connue sous le nom d'unité médicale), d'une civière et d'un adaptateur. Un total de 93 ensembles d'ambulance aérienne de ce type ont été fabriqués.

L‘ensemble d'ambulance aérienne d'Aeromed Systems, Inc. (STC SA1423GL de la Federal Aviation Administration [FAA])Note de bas de page 17 est approuvé pour être installé à bord de différents aéronefs, dont le PA-31. La documentation du STC comprend un supplément au manuel de vol de l'aéronef, un plan d'essai d'interférence électromagnétique (IEM) et un programme de maintenanceNote de bas de page 18. Selon le supplément au manuel de vol de l'aéronef, l'unité médicale, la civière, l'adaptateur et le panneau supérieur avaient une masse combinée de 218 livres.

Atlantic Charters n'a pas fourni de dossier d'installation de l'ensemble d'ambulance aérienne d'Aeromed Systems, Inc. ni de copies du supplément au manuel de vol de l'aéronef, du plan d'essai d'IEM ou du programme de maintenanceNote de bas de page 19. TC n'a aucun dossier concernant l'ajout par Atlantic Charters de ce STC à l'aéronef en cause dans l'événement. Aucun des dossiers techniques de l'aéronef ne contenait d'information sur l'installation de l'ensemble d'ambulance aérienne.

Cet ensemble nécessite la fixation de l'adaptateur du côté droit du fuselage à l'aide des rails de sièges en place de l'aéronef. Une interface électrique composée d'un disjoncteur de 40 A et d'un interrupteur est installée sur le panneau des disjoncteurs, et une prise électrique est installée à côté de l'adaptateur, du côté droit du plancher de la cabine.

L'adaptateur est composé des rails gauche et droit, et 4 plaques sont fixées à chaque rail. Les plaques de droite comportent chacune 2 trous filetés et celles de gauche, chacune 1. Des traverses tubulaires sont installées entre les plaques de gauche et de droite à l'aide de 2 boulons par plaque. Les trous filetés des plaques permettent l'ajustement des rails latéraux. Deux tiges de verrouillage (1 dans chaque rail de siège) permettent d'installer l'adaptateur sur les rails de sièges et l'empêchent de se déplacer vers l'avant.

Pendant l'installation initiale, la largeur de l'adaptateur est ajustée en fonction des rails de sièges. Il suffit ensuite de serrer les boulons pour fixer les 2 extrémités des traverses tubulaires aux plaques. Une tige à dégagement rapide doit être installée entre un support et l'extrémité gauche de chaque traverse tubulaire (avant et arrière) et la plaque correspondante.

En retirant les 2 tiges à dégagement rapide et en desserrant les 8 boulons maintenant l'extrémité gauche des traverses tubulaires aux plaques correspondantes, le rail de gauche peut être déplacé pour permettre la dépose de l'adaptateur. Pour réinstaller l'adaptateur, le rail de droite est placé sur le rail de siège, puis le rail de gauche est ajusté jusqu'à ce qu'il soit possible d'insérer les 2 tiges à dégagement rapide. Il faut ensuite serrer les 8 boulons de fixation des rails.

L'examen de l'adaptateur effectué après l'événement a permis de constater ce qui suit :

1.6.5 Travaux de maintenance élémentaires

L'article 605.85 du RAC traite en ces termes de la certification des tâches de maintenance dont un aéronef fait l'objet :

[…] il est interdit à toute personne d'effectuer le décollage d'un aéronef dont elle a la garde et la responsabilité légales ou de permettre à toute personne d'effectuer un tel décollage lorsque l'aéronef a été soumis à un travail de maintenance, à moins que ce travail n'ait été certifié au moyen d'une certification après maintenance signée conformément à l'article 571.10.

[…]

Aucune certification après maintenance n'est exigée dans le cas de travaux élémentaires visés dans les Normes relatives à l'équipement et à la maintenance des aéronefs.

Selon l'article 605.96 du RAC, tous les travaux de maintenance élémentaires doivent être consignés dans le carnet de route de l'aéronefNote de bas de page 21. Atlantic Charters utilisait l'aéronef en cause pour des vols nolisés et d'évacuation aéromédicale. Selon la compagnie, l'installation de l'ensemble d'ambulance aérienne constituait un travail élémentaire, même si celle-ci ne figurait pas dans la liste de travaux élémentaires du manuel de contrôle de maintenance (MCM). De plus, aucun travail de maintenance élémentaire n'était consigné dans le carnet de route de l'aéronef.

Les exploitants assujettis à la sous-partie 703 du RAC doivent énumérer les travaux de maintenance élémentaires dans leur MCM, et y mentionner la formation que les personnes autorisées à accomplir ces travaux doivent suivre. Le MCM d'Atlantic Charters comprenait 8 travaux de maintenance élémentaires pouvant être effectués sur ses aéronefs par des personnes formées à ces travaux par l'organisme de maintenance agréé (OMA). La liste de travaux comprenait la dépose et l'installation des sièges et des ceintures de sécurité des passagers, mais ne comprenait pas la dépose et le remplacement d'équipement conçu pour une dépose et un remplacement rapides. Selon le MCM, le registre de formation sur les travaux élémentaires devait être conservé pendant au moins 2 ans. Toutefois, Atlantic Charters n'a pas été en mesure de fournir les registres de formation sur les travaux élémentaires.

La veille du vol à l'étude, l'aéronef a été reconfiguré : d'aéronef pour vols nolisés, il a été modifié à aéronef pour vols d'évacuation aéromédicale. Le pilote qui a installé l'ensemble d'ambulance aérienne n'avait pas suivi la formation officielle et n'était pas autorisé à effectuer des travaux élémentaires en vertu du MCM de la compagnie.

1.7 Renseignements météorologiques

Saint John (CYSJ) est la station météorologique pour l'aviation la plus près de Grand Manan (CCN2) et se trouve à une distance de 53 nm. Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) pour l'aéroport CYSJ à 5 h était le suivant : vents du 140 degrés vrais à 6 nœuds, visibilité de 15 milles terrestres (sm), plafond couvert à 500 pieds agl, température de 14°C, point de rosée de 13°C, calage altimétrique de 29,90 pouces de mercure, remarque : 8 octas de stratocumulusNote de bas de page 22.

La prévision d'aérodrome (TAF) pour l'aéroport CYSJ émise à 2 h 38 le 16 août 2014 prévoyait le temps suivant entre 3 h et 9 h : vents du 160 degrés vrais à 5 nœuds, visibilité de 2 sm dans la brume, nuages épars à 200 pieds agl, nuages fragmentés à 400 pieds agl, plafond couvert à 12 000 pieds agl. On annonçait la fluctuation temporaire suivante : visibilité de 6 sm dans la brume, nuages épars à 400 pieds agl, nuages fragmentés à 12 000 pieds agl, et probabilité de 30 % de visibilité de ½ sm dans le brouillard, visibilité verticale de 200 pieds agl.

Après l'événement à l'étude, à la demande du BST, Environnement Canada a effectué une évaluation des conditions météorologiques qui existaient avant l'heure de l'écrasement à l'aérodrome de Grand Manan et autour de celle-ci. L'évaluation a permis de conclure [traduction] « qu'au moment de l'écrasement, l'aéronef à l'aérodrome de Grand Manan volait fort probablement dans un brouillard épais offrant une visibilité verticale et horizontale extrêmement réduiteNote de bas de page 23 ».

Des personnes se trouvant près de l'aéroport autour de l'heure de l'accident ont rapporté des zones localisées de brouillard.

1.8 Aides à la navigation

L'aérodrome est équipé d'un radiophare non directionnel (NDB). Deux approches IFR pour la piste 06 s'offrent aux pilotes : une approche de non-précision par NDB et une approche de navigation de surface (RNAV) de non-précision. La seule approche IFR pour la piste 24 est une approche RNAV de non-précision (annexe A). Dans le cadre d'une approche RNAV, communément appelée « approche GPS », on utilise le système mondial de navigation par satellite (GNSS) pour guider l'aéronef.

Selon le Canada Air Pilot (CAP)Note de bas de page 24, l'approche RNAV pour la piste 24 requiert un angle de descente constant de 3 degrés, c'est-à-dire la trajectoire de descente optimale pour le segment d'une approche finale de non-précision. Lorsque l'aéronef vole à une vitesse sol de 90 nœuds, un taux de descente de 480 pieds par minutes (pi/min) est nécessaire pour suivre cette trajectoire de descente. La descente peut se poursuivre jusqu'à l'altitude minimale de descente (MDA) qui, dans le cas de la piste 24, est de 840 pieds asl (609 pieds agl). Il est interdit aux pilotes exécutant des approches aux instruments de descendre sous la MDA, sauf si le contact visuel avec les repères nécessaires pour effectuer un atterrissage en toute sécurité est établi et maintenuNote de bas de page 25.

1.9 Communications

L'aérodrome de Grand Manan utilise une ATF afin de s'assurer que tous les aéronefs pourvus d'une radio et évoluant tant au sol qu'à l'intérieur de la zone sont à l'écoute sur une fréquence commune et suivent les mêmes procédures pour signaler leur position.

Le commandant de bord a communiqué par radio avec l'ACC de Moncton pendant le vol.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

L'aérodrome de Grand Manan comprend une piste asphaltée (piste 06/24) de 3009 pieds de longueur sur 75 pieds de largeur. La piste 24, orientée à 236 degrés magnétiques, présente une pente ascendante de 0,54 %. L'aérodrome se trouve à une altitude de 244 pieds asl, et le seuil de la piste 24 se trouve à une altitude de 228 pieds asl.

À l'aérodrome, un dispositif de balisage lumineux d'aérodrome télécommandé (ARCAL) de type K permet l'activation de l'ensemble du système de balisage lumineux de l'aérodromeNote de bas de page 26. La piste 24 comporte des feux d'identification de piste, ainsi que des feux de seuil et d'extrémité de piste de moyenne intensité. Le village de Grand Manan est propriétaire exploitant de l'aérodrome et en assure l'entretien.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Généralités

L'aéronef n'avait pas d'enregistreur de données de vol (FDR) ni d'enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), et n'était pas tenu d'en avoir, selon la réglementation.

1.11.2 Avantages de l'enregistrement de données de vol

De nombreux rapports d'enquête aéronautique du BST ont fait état d'enquêteurs incapables de déterminer les raisons pour lesquelles un accident s'était produit, étant donné l'absence de dispositifs d'enregistrement de bordNote de bas de page 27. Les avantages des données de vol enregistrées pour les enquêtes sur les accidents d'aéronefs sont bien connus et documentésNote de bas de page 28.

Les aéronefs sous exploitation commerciale de moins de 5700 kg ne sont habituellement pas munis, à leur sortie d'usine, de l'infrastructure système nécessaire à l'installation d'un FDR. L'installation d'un FDR traditionnel à bord d'aéronefs de cette catégorie exigerait des modifications coûteuses.

Il existe actuellement plusieurs types d'enregistreurs des données de vol abordables, autonomes et légers capables d'enregistrer une combinaison de données vidéo et audio du poste de pilotage, de données paramétriques de l'aéronef ou de messages de liaison de données, et dont l'installation dans l'aéronef ne nécessite que des modifications minimales.

L'absence d'enregistrement de données de poste de pilotage, dans le cadre d'une enquête, peut empêcher la détermination et la communication de lacunes de sécurité servant à améliorer de la sécurité des transports.

En 2013, à la suite de son enquête sur un événement avec perte de maîtrise et désintégration en vol survenu au nord-est de Mayo (Yukon) en mars 2011 (rapport d'enquête aéronautique A11W0048 du BST), le BST a constaté que, dans le cadre d'une enquête, l'absence d'enregistrement des conversations dans le poste de pilotage ou d'enregistrement des données de vol peut empêcher la détermination et la communication de lacunes de sécurité servant à l'amélioration de la sécurité des transports. Il a aussi conclu que si un accident venait à se produire, les enregistrements de systèmes légers d'enregistrement des données de vol fourniraient durant l'enquête des renseignements utiles pour permettre de mieux déterminer les lacunes de sécurité. En conséquence, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées en ce qui a trait à la mise en œuvre du suivi des données de vol et à l'installation de systèmes légers d'enregistrement des données de vol par les exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
Recommandation A13-01 du BST

Le BST a évalué comme suit la réponse la plus récente de TC à la recommandation A13-01 :

Dans sa réponse, Transports Canada indique qu'il publiera une circulaire d'information pour décrire les pratiques recommandées relatives aux programmes de suivi des données de vol. De plus, Transports Canada organisera un programme de consultation avec un groupe de discussion afin de cerner les obstacles inhérents à son mandat et de faire des recommandations pour surmonter ces obstacles, qui nuisent à l'installation de systèmes légers d'enregistrement des données de vol par les exploitants commerciaux qui ne sont pas tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes. Le Bureau se réjouit de constater que Transports Canada entend prendre des mesures pour corriger les lacunes soulevées par la recommandation; toutefois, les travaux sont toujours en cours.

En conséquence, la réponse a été jugée comme dénotant une intention satisfaisanteNote de bas de page 29.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.12.1 Généralités

La structure du nez de l'aéronef devant le tableau de bord a été écrasée et poussée vers la droite. Le tableau de bord et le plancher du poste de pilotage ont été déformés au point de réduire le volume du poste de pilotage. La structure du fuselage a été déformée entre le poste de pilotage et la cabine d'une telle manière qu'il était impossible de fermer et de verrouiller la porte du poste de pilotage. La tige de soutien de la porte du poste de pilotage s'est séparée du fuselage, ce qui a permis à la porte de s'ouvrir au-delà de sa plage de mouvement normale.

Les cloisons intérieures non structurelles entre la soute à bagages arrière et la cabine, et entre la cabine et le poste de pilotage se sont fracturées et se sont séparées de leurs points de fixation. Le siège du commandant de bord et le sièges de passager arrière orienté vers l'avant se sont séparés de leurs points de fixation.

Photo 1. Aéronef en cause dans l'événement à l'étude (source : Gendarmerie royale du Canada)
Aéronef en cause dans l'événement à l'étude (source : Gendarmerie royale du Canada)

Les volets et le train d'atterrissage étaient complètement sortis. L'amortisseur inférieur de la jambe du train principal gauche s'est fracturé et s'est séparé vers l'intérieur. L'amortisseur inférieur de la jambe du train avant s'est fracturé et s'est séparé vers l'arrière. Le bras supérieur du compas du train principal droit s'est fracturé à son point de fixation.

L'aile gauche s'est séparée à l'emplanture, mais était toujours reliée au fuselage par les câbles des commandes, les fils et la tuyauterie. Une section d'environ 6 pieds de la partie extérieure de l'aile gauche s'est séparée de la partie centrale de l'aile, mais était toujours reliée par les câbles des commandes, les fils et la tuyauterie. Il n'y avait aucun signe de défaillance de la structure ou du circuit de commandes de vol avant l'impact. Les 2 bâtis moteurs se sont séparés des ailes. On a constaté la présence de carburant dans les conduites d'alimentation des 2 moteurs, entre la pompe à carburant de secours et la pompe actionnée par le moteur.

Les enquêteurs du BST ont supervisé le retrait de l'épave du lieu de l'accident. L'épave a été transportée jusqu'à l'atelier régional d'examen des épaves du BST à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), où elle a été examinée plus en détail. Plusieurs composants ont été déposés et envoyés au laboratoire du BST à Ottawa (Ontario) à des fins d'examen approfondi. L'enquête a permis de constater que les 2 hélices étaient réglées au pas fin et que les moteurs développaient de la puissance lors de l'impact. On n'a constaté aucune condition préexistante qui aurait pu empêcher les moteurs ou les hélices de fonctionner normalement.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

1.13.1 Commandant de bord

En avril 2012, le commandant de bord a reçu un diagnostic de névrite du nerf vestibulaire. Parmi les symptômes de la névrite du nerf vestibulaire, on retrouve les étourdissements, le vertige, les pertes d'équilibre et les nausées. Même s'il avait souffert de ces symptômes depuis environ 6 mois, le commandant de bord avait continué à piloter pendant cette période et a continué à piloter après avoir reçu son diagnostic. Ni le diagnostic ni les symptômes précurseurs n'ont été notés dans le rapport d'examen médical subséquent du commandant de bord, et ils n'ont pas été signalés directement à TC.

Le dernier examen médical de catégorie 1 de TC du commandant de bord remontait au début du mois de juin 2014. En juillet 2014, le commandant de bord avait connu un épisode de faiblesse, de confusion et de vision floue en raison d'une réaction allergique à un médicament d'ordonnance. Le commandant de bord a passé un examen médical, mais TC n'avait aucun dossier en témoignant.

En avril 2012 de même qu'en juillet 2014, le commandant de bord a été examiné au service des urgences d'un hôpital local, mais le personnel de cet hôpital n'a pas consigné le fait que le patient était pilote.

Quoiqu'il en soit, selon l'enquête, rien ne laisse croire que des facteurs physiologiques ou une incapacité aient pu nuire au rendement du commandant de bord.

1.13.2 Exigences médicales de Transports Canada pour les pilotes

La Direction de la médecine aéronautique civile (MAC) de TC est essentiellement chargée d'effectuer les évaluations médicales nécessaires à la délivrance des licences du personnel aéronautique. L'alinéa 424.17(3)(a) du RAC stipule ce qui suit :

Le but de l'examen médical est de déterminer si un demandeur satisfait aux normes qui s'appliquent concernant la délivrance d'un certificat médical nécessaire à la délivrance d'un permis, d'une licence ou d'une qualification donnéeNote de bas de page 30.

En ce qui concerne les examens médicaux pour l'aviation, TC est principalement préoccupé par la gestion du risque pour la sécurité aérienne à court terme, c'est-à-dire pendant la période de validité du certificat médical. Ainsi, TC évalue le risque d'incapacité durant la période de validité de la licence.

Il incombe au médecin-examinateur de l'aviation civile (MEAC) d'interroger tous les demandeurs et de les soumettre à un examen complet. Conformément à la norme 424 du RAC, le MEAC doit examiner le demandeur conformément aux pratiques médicales reconnues par la profession médicale et aux normes de délivrance de licences du personnel. Le MEAC est habituellement la seule personne à examiner physiquement le demandeur, et c'est lui qui recommande la délivrance du certificat médical. Selon TC, le MEAC est le plus important élément du processus de certification médicale.

Dans le Guide pour les médecins-examinateurs de l'aviation civile (TP 13312) de l'Association médicale canadienne (AMC), on indique que la responsabilité liée à l'examen médical est partagée : les demandeurs doivent signaler tout symptôme, et le MEAC doit effectuer un examen soigneux et approfondi.

Les pilotes doivent indiquer dans leur formulaire de rapport médical de TC toutes leurs visites chez un professionnel de la santé. Aux termes de la norme 424 du RAC, le demandeur doit signer le rapport d'examen médical de l'aviation civile pour attester qu'il a fourni des renseignements complets et exacts et pour reconnaître que toute fausse déclaration faite volontairement est considérée comme une infraction.

1.13.3 Exigences de déclaration

L'article 404.06 du RAC interdit à un pilote d'exercer les privilèges d'une licence s'il souffre d'une maladie, d'une blessure ou d'une invalidité qui pourrait réduire sa capacité à exercer ces privilèges en toute sécurité. Le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) traite de la question des rapports médicaux. Dans l'AIM de TC, on rappelle aux pilotes qu'avant d'être examinés, ils doivent dévoiler au médecin qu'ils sont titulaires d'une licence de pilote et que le médecin traitant doit aviser TC de tout résultat pouvant constituer un risque pour la sécurité aérienne.

Aux termes du paragraphe 6.5(1) de la Loi sur l'aéronautique, les médecins sont tenus d'aviser TC s'ils ont des motifs raisonnables de croire que le titulaire d'un document d'aviation canadien est susceptible de constituer un risque pour la sécurité aérienne pour des raisons médicales. À la section 26 de la 8e édition du document Évaluation médicale de l'aptitude à conduire – Guide du médecin de l'AMC, laquelle porte sur l'aviation, on peut lire que « La loi oblige les médecins à déclarer aux agents médicaux régionaux de l'aviation de TC tout pilote, contrôleur aérien ou mécanicien navigant qui a un problème de santé susceptible de nuire à la sécurité aérienneNote de bas de page 31 ».

À la section 26 du document Évaluation médicale de l'aptitude à conduire – Guide du médecin, on présente aussi aux médecins les aspects de la santé qui sont particulièrement importants pour les équipages de conduite et on offre une liste d'affections fréquentes qui doivent être signalées. Si le médecin a la certitude que l'affection pose un risque pour la sécurité aérienne, il doit la signaler. S'il a des doutes, le médecin traitant peut communiquer avec un agent médical régional de l'aviation pour obtenir des conseils.

Selon le document Évaluation médicale de l'aptitude à conduire – Guide du médecin, toute affection médicale qui touche le système vestibulaire ou la vue doit être signalée à TC, car une telle affection pourrait causer ou exacerber une désorientation spatiale dangereuse. Par conséquent, la névrite du nerf vestibulaire et des épisodes de faiblesse, de confusion et de vision floue sont des symptômes qui doivent être signalés à TC.

Dans l'événement à l'étude, même si l'omnipraticien du commandant de bord (qui était aussi le MEAC) savait que le commandant de bord avait subi des examens médicaux en avril 2012 et en juin 2014, les affections médicales du commandant de bord n'ont pas été signalées à l'agent médical régional de l'aviation.

Dans le cadre d'autres enquêtes, le BST a précédemment constaté le problème du non-signalement de renseignements à TCNote de bas de page 32.

1.14 Incendie

Sans objet.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Ceintures de sécurité

Lors d'un impact, un passager non retenu peut être projeté dans la cabine et possiblement heurter les structures de l'aéronef ou les autres occupants, ce qui fait croître les risques de blessures ou de décès pour lui et les autres passagers.

Les sièges de passagers de l'aéronef en cause étaient dotés de ceintures de sécurité, et une rallonge de ceinture était disponible. Un examen effectué après l'accident a permis de constater que la ceinture de sécurité du technicien ambulancier paramédical était attachée et ajustée à une longueur trop courte pour la taille du technicien. Rien n'indiquait que l'état de la ceinture de sécurité avait été modifié pendant l'intervention d'urgence après l'accident.

1.15.2 Arrimage du fret

Aux termes du paragraphe 602.86(1) du RAC, il est interdit d'utiliser un aéronef à moins que les bagages de cabine, l'équipement et le fret ne soient

  1. rangés dans un bac, un compartiment ou un espace certifié pour le rangement des bagages de cabine, de l'équipement ou du fret aux termes du certificat de type de l'aéronef;
  2. retenus de façon à prévenir leur déplacement pendant le mouvement de l'aéronef à la surface, le décollage, l'atterrissage et la turbulence en vol.

Le fuselage du PA-31 comprend une soute à bagages derrière la porte principale de la cabine dans laquelle on peut transporter jusqu'à 200 livres de fret. En ce qui concerne le rangement des bagages, le manuel de vol de l'aéronef indique qu'il faut [traduction] « utiliser les sangles de fixation pour arrimer les bagages dans toutes les soutes à bagages de manière sûre et solideNote de bas de page 33 ».

L'examen effectué après l'accident a permis de constater que les sangles de fixation n'ont pas été utilisées, et on a trouvé des sacs de l'équipement médical devant la soute à bagages arrière.

L'ensemble d'ambulance d'Aeromed Systems, Inc. était doté de dispositifs de retenue ressemblant à une ceinture de sécurité servant à immobiliser l'équipement médical. Dans l'aéronef en cause, une seule sangle avec boucle avait été fixée au rail de siège extérieur gauche, entre le siège orienté vers l'arrière et la porte de la cabine. ANB plaçait habituellement le défibrillateur sur le plancher et l'immobilisait en fixant le dispositif de retenue à la boucle.

L'examen effectué après l'accident a permis de constater que le défibrillateur était non arrimé dans la cabine et que le dispositif de retenue n'était pas fixé à la boucle.

1.15.3 Exposé sur les mesures de sécurité

Aux termes du paragraphe 703.39(1) du RAC, « [le] commandant de bord doit s'assurer qu'un exposé sur les mesures de sécurité est donné aux passagers conformément aux Normes de service aérien commercial [NSAC] ».

Conformément aux NSAC, il faut effectuer un exposé sur les mesures de sécurité avant le décollage, mais l'exposé peut être omis si aucun autre passager ne monte à bord avant les décollages subséquents effectués le même jour.

Selon le contrat entre ANB et Atlantic Charters, l'exploitant devait fournir aux techniciens ambulanciers paramédicaux une formation annuelle sur la sécurité aérienne. Atlantic Charters et ANB se sont ensuite entendus pour fournir aux techniciens ambulanciers paramédicaux navigants un cours d'initiation au fonctionnement de l'aéronef et à la sécurité tous les 6 mois. Cette formation remplaçait les exposés sur les mesures de sécurité avant le décollage au début de chaque vol et traitait de divers sujets, dont l'utilisation des ceintures de sécurité, la fixation des différents types d'appareils et d'équipement médicaux, et l'emplacement et le fonctionnement des dispositifs de sécurité. La dernière formation du technicien ambulancier paramédical en cause dans l'événement remontait à avril 2014.

Selon le Guide des opérations d'ambulance aérienne de TC :

[...] le Règlement de l'aviation canadien ne considère pas les préposés aux soins comme faisant normalement partie de l'équipage. Ils peuvent cependant en faire partie s'ils ont reçu une formation d'agent de bord approuvée. Dans ce cas, ils peuvent être chargés d'informer les passagers, d'aider à l'évacuation, de s'assurer, en regardant par le hublot, que l'hélicoptère peut atterrir sans rien heurter, sinon ces fonctions restent [les] responsabilités de l'équipage de conduiteNote de bas de page 34.

Comme les techniciens ambulanciers paramédicaux ne faisaient pas partie de l'équipage, ils n'avaient pas reçu de formation d'agent de bord approuvée et n'étaient pas tenus de suivre une telle formation.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Généralités

Atlantic Charters est une compagnie privée basée à Grand Manan depuis 1982. Le propriétaire-fondateur de la compagnie, qui était aussi le commandant de bord en cause dans l'événement, remplissait plusieurs fonctions, dont celles de cadre supérieur responsable, de gestionnaire des opérations, de chef pilote et de coordonnateur de la maintenance. Il prenait également les décisions commerciales de la compagnie et négociait les contrats. Il avait plus de 30 ans d'expérience de vol à partir de l'aérodrome de Grand Manan et connaissait très bien les environs et les défis propres aux vols dans les conditions météorologiques typiques de la région.

Atlantic Charters offre un service de taxi aérien assujetti à la sous-partie 703 du RAC, soit des vols nolisés intérieurs et internationaux. Cette compagnie assurait des services nolisés de transfert de patients depuis plus de 30 ans, et la plupart de ces vols étaient effectués par un seul pilote. Au moment de l'accident, la compagnie employait 5 pilotes, dont le propriétaire et un membre de sa famille. La compagnie exploitait 1 Piper Cheyenne III, 3 Piper Navajo, 1 Piper Seneca, et 1 Cessna Skyhawk. À l'exception du propriétaire et du membre de sa famille, la compagnie embauchait généralement des pilotes comptant un nombre limité d'heures de vol qui demeuraient habituellement à l'emploi de la compagnie pendant environ 2 ans.

Tous les travaux de maintenance étaient effectués par un OMA, sauf les travaux de maintenance élémentaires. Atlantic Charters n'avait ni personnel de maintenance, ni les capacités d'un OMA.

1.17.2 Sécurité aérienne à Atlantic Charters

Atlantic Charters n'avait pas de système de gestion de la sécurité (SGS) et n'était pas tenue d'en avoir un d'après la réglementation.

Il n'existait aucun programme écrit de sécurité aérienne à Atlantic Charters. Selon le manuel d'exploitation, le gestionnaire des opérations était responsable de la sécurité des opérations aériennes, et le chef pilote était responsable des normes professionnelles des équipages de conduite sous sa direction.

1.17.3 Manuel d'exploitation d'Atlantic Charters

1.17.3.1 Outils de navigation

Aux termes du RAC, « toutes les cartes et publications aéronautiques à jour nécessaires, propres à la route du vol prévu et à toute autre voie de déroutement probableNote de bas de page 35 » doivent se trouver à bord pendant un vol IFR.

Pour les vols entre Grand Manan et Saint John, les cartes et publications à jour requises sont le CAP 7, la carte en route de niveau inférieur nécessaire et le Supplément de vol – Canada (CFS).

Un examen effectué après l'accident a permis de constater que seul un CFS échu (depuis le 24 juillet 2014) se trouvait à bord de l'aéronef.

Aux termes du RAC, si un aéronef effectue un vol IFR à l'aide d'équipement de navigation tributaire d'une base de données, comme un GPS, des données à jour propres à la route du vol prévu doivent se trouver à bord de l'aéronefNote de bas de page 36.

Un examen de la base de données du GPS effectué après l'accident a permis de constater que celle-ci était échue depuis le 1er mai 2014.

Pour effectuer une approche GPS pendant un vol commercial, les exploitants assujettis à la sous-partie 703 du RAC doivent obtenir les spécifications d'exploitation 100 de TC. Pour obtenir ces spécifications d'exploitation, la compagnie doit fournir une formation au sol et en vol sur les approches GPS et rédiger des procédures opérationnelles normalisées (SOP) traitant de l'utilisation du GPS pendant les approches lorsque 2 membres d'équipage se trouvent à bord; la compagnie doit aussi démontrer que son personnel sait utiliser l'équipement adéquatement.

Atlantic Charters n'avait pas obtenu les spécifications d'exploitation 100. Toutefois, il était pratique courante pour ses pilotes d'utiliser le GPS pour exécuter une approche pour la piste 24.

1.17.4 Procédures d'utilisation normalisées

Les SOP constituent pour les pilotes une source d'information importante qui les aide à résoudre des problèmes et à prendre des décisions. Les SOP sont conçues pour aider les pilotes à travailler à l'intérieur de limites de gestion des risques opérationnels de l'organisation et à maintenir la conscience de la situation au moyen de procédures préétablies et d'une phraséologie normalisée.

En 2012, Atlantic Charters avait rédigé des SOP pour satisfaire aux exigences du dernier contrat d'ANB. Dans les SOP, on énonce les différents aspects des communications entre les pilotes, dont les rappels d'altitude standards et l'exposé standard avant le décollage, et on rappelle que les listes de vérification doivent être effectuées verbalement (méthode « question-réponse »).

Lorsqu'on effectue une liste de vérification selon la méthode « question-réponse », le pilote qui n'est pas aux commandes doit lire un élément à haute voix, et le pilote aux commandes doit donner la réponse appropriée (p. ex., « réglé », « activé », « terminé »). Dans le cadre des procédures de listes de vérification effectuées selon la méthode « question-réponse », le commandant de bord et le P/O doivent communiquer de manière efficace.

Lorsqu'il effectuait un vol avec le commandant de bord en cause dans l'événement, on s'attendait à ce que le P/O apprenne le métier et acquière de l'expérience en observant les gestes du commandant de bord. Le P/O suivait les gestes du commandant de bord en consultant la liste de vérification. Lors de l'événement à l'étude, comme aucun casque d'écoute n'était disponible pour le P/O, les listes de vérification n'ont pas été effectuées selon la méthode « question-réponse ».

Pendant l'approche, le P/O surveillait l'anémomètre et le GPS, et regardait à l'extérieur pour repérer la piste d'atterrissage.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Services d'ambulance aérienne au Canada

TC considère que tous les services d'ambulance aérienne non gouvernementaux sont des services aériens commerciaux assujettis à la sous-partie VII du RAC. Ainsi, les compagnies ne sont pas tenues d'obtenir un amendement à leurs spécifications d'exploitation pour offrir des services d'ambulance aérienne.

Selon le Guide des opérations d'ambulance aérienne de TC, comme certaines situations peuvent être très stressantes pour les pilotes, les compagnies « qui passent des contrats de services d'ambulance aérienne seraient bien avisé[e]s de formuler des exigences supérieures aux minimums imposés par la réglementation, par exemple deux pilotes pour chaque vol, [et d'exiger] un supplément de formation et d'expérience [...]Note de bas de page 37 ».

Dans le Guide des opérations d'ambulance aérienne, on peut également lire ce qui suit :

Le succès d'un programme de sécurité peut avoir un effet positif sur de nombreux aspects d'un service d'ambulance aérienne dont l'un des plus importants est le jugement du pilote. La formation du pilote à la prise de décision et à la gestion des ressources dans le [poste] de pilotageNote de bas de page 38 est un fait nouveau dans le monde de l'aviation, et ce genre de formation s'applique particulièrement bien à la nature souvent délicate des opérations d'ambulance aérienneNote de bas de page 39.
1.18.1.1 Ambulance Nouveau-Brunswick

Depuis 2007, ANB assure les services d'ambulance terrestres et aériens sur tout le territoire de la province. Chaque année, ANB répond à près de 100 000 appels.

ANB fournit son service d'ambulance aérienne, mieux connu sous le nom de « AirCare », de manière contractuelle à l'aide d'aéronefs à voilure fixe et d'équipages de conduite spécialisés. Au cours de l'exercice 2013-2014, AirCare a effectué environ 500 transferts de patients, dont 46 % ont été qualifiés de pressants ou d'urgents, et dont 54 % ont été qualifiés de non urgents.

Le CGCM d'ANB est le centre de répartition des ambulances. Parmi le personnel du CGCM, on retrouve des répartiteurs aux urgences médicales, qui répondent aux appels d'urgence, assurent la coordination des transferts entre les établissements, et attribuent des tâches aux équipes terrestres et aériennes des services médicaux d'urgence. Lorsqu'ANB reçoit une demande de transfert de patient, le médecin traitant consulte le médecin responsable de la surveillance médicale nommé par la province. Ils déterminent ensuite si le patient a besoin de soins qui dépassent les capacités de premier recours d'un technicien ambulancier paramédical; le cas échéant, il s'agit d'un patient nécessitant des soins impératifs. Le service AirCare constitue la méthode privilégiée pour le transfert d'un tel patient.

Au besoin, ANB utilise également les services aériens contractuels d'Atlantic Charters pour effectuer des transferts non urgents de patients depuis Grand Manan. Atlantic Charters peut transporter des patients nécessitant des soins impératifs si le médecin au point d'origine, le médecin responsable de la surveillance médicale, et le médecin à la destination (le cas échéant) considèrent qu'un employé de l'établissement médical de Grand Manan (p. ex., une infirmière autorisée) peut escorter le patient, et que le patient sera transféré plus rapidement que par le service AirCare. Atlantic Charters effectuait environ 100 transferts de patients par annéeNote de bas de page 40.

1.18.1.2 Exigences du contrat d'Ambulance Nouveau-Brunswick

L'exploitant actuel d'AirCare fournissait déjà ce service avant la création d'ANB. En vertu du contrat en vigueur, le commandant de bord doit compter au moins 2000 heures de vol, dont au moins 500 heures comme commandant de bord d'un aéronef multimoteur et au moins 100 heures à bord d'un aéronef du type utilisé pour offrir le service. Le P/O doit compter au moins 500 heures de vol, dont au moins 100 heures à bord d'un aéronef multimoteur. Pour rendre les vols aussi sûrs que possible, le programme de formation des équipages de conduite de l'exploitant doit mettre l'accent sur l'exécution des listes de vérification selon la méthode « question-réponse » et sur la gestion des ressources en équipe.

Aux termes du contrat entre ANB et Atlantic Charters, l'équipage de conduite doit être composé de 2 pilotes possédant les licences et les qualifications nécessaires pour exploiter le type d'aéronef utilisé. Cette exigence a été ajoutée au contrat en 2012, au cours des dernières négociations avec Atlantic Charters. ANB avait effectué des recherches informelles et conclu que la présence de 2 pilotes devrait offrir un niveau accru de sécurité, car si l'un des pilotes est frappé d'une incapacité soudaine, l'autre peut piloter l'aéronef. Jusqu'à la fin du contrat précédent, un seul pilote était affecté aux vols de transfert de patient qu'effectuait Atlantic Charters pour ANB.

ANB a indiqué qu'à l'exception de quelques changements mineurs, les termes des 2 contrats étaient les mêmes qu'avant sa création. ANB a également laissé savoir que son personnel possédait des connaissances et une expérience limitées dans le domaine de l'aviation, et que ce personnel ne connaissait pas la signification de certains termes, dont « méthode question-réponse » et « CRM ».

1.18.2 Gestion des ressources en équipe

Atlantic Charters n'a pas de programme de formation officiel en gestion des ressources en équipe (CRM), et la réglementation et son contrat avec ANB n'exigent pas la mise en œuvre d'un tel programme. Toutefois, Atlantic Charters a indiqué qu'elle offrait une formation informelle en CRM.

Lorsque l'équipage de conduite est composé de 2 pilotes, ceux-ci doivent interagir adéquatement entre eux, avec leur aéronef, et avec leur environnement pour gérer efficacement les menaces, les erreurs et les états défavorables de l'aéronef. Une formation en CRM met l'accent sur les connaissances cognitives et interpersonnelles les plus importantes, et ce, afin de réduire les erreurs humaines de pilotage. Des études ont montré que les membres d'équipages de conduite dont la formation en CRM est récente sont mieux préparés à gérer de nouvelles situations que les équipages de conduite dont la formation en CRM n'est pas récenteNote de bas de page 41.

En ce qui concerne la CRM, une communication efficace joue un rôle essentiel au sein des équipages de conduite afin que leurs membres uniformisent leur compréhension de la situation. Toutefois, il est impératif que les pilotes s'entraînent et se perfectionnent pour que leurs aptitudes à communiquer soient efficaces, plus spécialement lorsque la charge de travail est lourde; par exemple, lors d'une approche aux instruments ou lorsqu'une situation anormale se présente.

Les programmes modernes de formation en CRM font ressortir les obstacles à une communication efficace et proposent différentes stratégies de communication qui aident les personnes à choisir la stratégie la plus appropriée en fonction de la gravité de la situation, du temps disponible, et des autres personnes engagées dans le processus de communication.

La conscience de la situation désigne l'extraction continue des renseignements de l'environnement, leur intégration aux connaissances existantes afin de former un modèle mental cohérent, et l'utilisation de cette image mentale pour diriger la perception et anticiper les événements futursNote de bas de page 42 .

Pour qu'il soit possible de travailler de façon coordonnée, efficace et sécuritaire, il faut que les actions des membres de l'équipage de conduite reposent sur une compréhension partagée de l'état actuel de l'aéronef, du plan de vol prévu, et des menaces à ces activités. Cette compréhension commune parmi les membres de l'équipage de conduite est appelée la conscience de la situation d'équipe ou partagéeNote de bas de page 43 Note de bas de page 44. Lorsque cette compréhension est cohérente, les membres de l'équipage sont mieux outillés pour prévoir et coordonner de façon efficace leurs actions dans le but d'atteindre leur objectif commun.

Un certain nombre de comportements discrets et continus permettent d'établir et de maintenir la conscience de la situation commune d'un équipage. Les comportements discrets comprennent la planification de vol, les exposés en vol et la détermination de points clés durant le vol, comme l'atteinte d'altitudes minimales. Ces activités sont des points de contrôle prévus pour décrire l'état actuel et les prochaines étapes, et pour offrir une occasion de vérifier que tous les membres de l'équipage de conduite partagent la même compréhension de la situation.

Parmi les comportements continus, on retrouve la gestion des menaces et des erreurs, les annonces de changements d'état de l'aéronef, le réglage/mode des instruments, et la communication des modifications apportées aux plans. Ces comportements assurent la communication de l'information et des changements d'état entre les membres de l'équipage et leur permettent de constamment faire le point sur leur conscience commune de la situation. De tels comportements continus dépendent de la formation reçue et de l'approche opérationnelle adoptée par les exploitants.

À la suite de son enquête sur une collision avec le relief survenue à Sandy Bay (Saskatchewan) en janvier 2007 (rapport d'enquête aéronautique A07C0001 du BST), le BST a conclu qu'il est peu probable que certains exploitants offrent une formation en CRM s'ils n'ont pas l'obligation réglementaire de le faire. Ainsi, certains pilotes professionnels peuvent ne pas être préparés à éviter, corriger ou atténuer les erreurs commises par l'équipage de conduite pendant un vol. À la lumière des risques liés à l'absence d'une formation en CRM récente pour les membres des équipages effectuant des vols de taxi aérien et de navette, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports oblige les exploitants aériens commerciaux à dispenser une formation en gestion des ressources de l'équipage (CRM) aux pilotes d'un taxi aérien relevant du RAC 703 ou d'un service aérien de navette relevant du RAC 704.
Recommandation A09-02 du BST

Dans son rapport d'enquête sur l'impact sans perte de contrôle survenu à Resolute Bay (Nunavut) en août 2011 (rapport d'enquête aéronautique A11H0002 du BST), le BST a déterminé que les échanges inefficaces de l'équipage ont constitué un important facteur contributif à l'accident. Cette enquête a également permis de constater que si les exploitants ne prennent pas les mesures nécessaires pour veiller à ce que les équipages de conduite appliquent systématiquement des pratiques de CRM efficaces en cours de vol, les risques pour la sécurité aérienne vont persister. Par conséquent, le Bureau a noté qu'il craignait que, sans une approche compréhensive et intégrée à l'égard de la CRM de la part de TC et des exploitants du transport aérien, les équipages de conduite ne mettent pas couramment en pratique une CRM efficace.

Le BST a émis la recommandation A09-02 pour la première fois en 2009. Le plan de projet de TC est en cours d'élaboration depuis décembre 2012. Les travaux d'élaboration de normes et de consignes relatives à la CRM se poursuivent. Un avis de proposition de modification relatif à ces normes a été rédigé et devrait être publié en 2016.

Le Bureau se réjouit de ce que les mesures prises relativement à cette recommandation vont bientôt porter fruit. Les mesures proposées devraient réduire considérablement ou éliminer la lacune de sécurité soulevée par le Bureau dans la recommandation A09-02. Tant que ces normes ne seront pas modifiées et intégralement appliquées, cette lacune de sécurité perdurera. L'évaluation la plus récente indique que la réponse de TC dénote une intention satisfaisante.

1.18.3 Impact sans perte de contrôle

Les accidents comportant un impact sans perte de contrôle (CFIT) se produisent lorsqu'un aéronef en état de navigabilité et maîtrisé par le pilote heurte le sol, un plan d'eau ou un obstacle par inadvertance. Dans de tels cas, les pilotes ne prennent conscience du danger que lorsqu'il est trop tard. Ce type d'accident survient souvent par mauvaise visibilité, la nuit ou par mauvais temps. Ces conditions réduisent la conscience qu'a le pilote de la situation environnante et font qu'il est difficile de reconnaître que l'aéronef est trop près du sol. De 2003 à 2013, 117 accidents de ce type sont survenus au Canada et ont fait 121 morts. Les collisions avec le sol et des plans d'eau représentent 3 % de tous les accidents, mais près de 18 % des pertes de vie.

Dans le cadre d'une étude sur les accidents d'avion de ligne, la Flight Safety Foundation (FSF) a constaté que les impacts sans perte de contrôle constituent la principale catégorie des accidents qui surviennent à l'approche et l'atterrissageNote de bas de page 45. Cette étude a permis à la FSF de faire les constatations suivantes [traduction] :

La FSF a déterminé que la majorité des impacts sans perte de contrôle surviennent lorsque l'aéronef est en approche finaleNote de bas de page 47. Parmi les causes les plus courantes d'impacts sans perte de contrôle, on retrouve :

Selon son manuel d'exploitation, Atlantic Charters exigeait que ses pilotes suivent une formation initiale sur les impacts sans perte de contrôle, de même qu'une formation continue tous les 2 ans. Lors de cette formation, on traitait notamment des facteurs qui peuvent entraîner des accidents ou des incidents causés par un impact sans perte de contrôle, les stratégies de prévention de tels événements, les méthodes permettant d'accroître la conscience de la situation, et les techniques et les profils liés aux manœuvres de rétablissement. Le commandant de bord et le P/O avaient suivi une formation continue sur les impacts sans perte de contrôle en juin 2013 et avril 2014, respectivement.

1.18.4 Illusions d'optique

Dans la note d'information 5.3 de l'Approach and Landing Accident Reduction (ALAR) Task Force de la FSF, on peut lire ce qui suit [traduction] :

Les illusions d'optique sont causées par l'absence de repères visuels ou l'altération des repères disponibles, ce qui change la perception du pilote relativement à sa position (en matière de hauteur, de distance ou d'angle d'interception) par rapport au seuil de la pisteNote de bas de page 49.

Dans cette note d'information, on lit également ce qui suit [traduction] :

Les illusions d'optique posent le risque le plus élevé lorsqu'on passe de conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) et des références aux instruments à des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) et des références visuellesNote de bas de page 50.

Un pilote qui vole dans la faible pluie, le brouillard, la brume ou l'obscurité peut avoir l'impression que l'aéronef est trop haut. S'il ne reconnaît pas cette illusion, il se peut que le pilote abaisse le nez et fasse descendre l'aéronef sous la trajectoire d'approche idéale. Un pilote dont l'aéronef entre dans une couche de brouillard peut avoir l'impression que l'aéronef prend une assiette en cabré. S'il ne reconnaît pas cette illusion, le pilote peut adopter un angle d'approche parfois prononcéNote de bas de page 51.

Dans une note d'information sur les opérations, la compagnie Airbus énonce ce qui suit [traduction] :

On cite souvent les actions suivantes de l'équipage et leurs conséquences dans l'analyse d'incidents et d'accidents qui surviennent pendant l'approche et l'atterrissage et qui sont causés par des illusions d'optique :

[…]

Dans le document Les facteurs humains en aviation – Manuel de base (TP 12863F), TC mentionne que même les pilotes les plus chevronnés peuvent être victimes d'une illusion d'optique au moment de l'atterrissage.

1.18.5 Vol dans les nuages

Le manuel d'utilisation de l'aéronef PA-31 comprend l'avertissement suivant [traduction] :

Éteindre les feux anticollision […] lors d'un vol dans les nuages, le brouillard ou la brumeNote de bas de page 53.

Le document Navajo Pilot Training Manual, Models 310, 325, 350 and T1020 de Flight Safety International comprend l'avertissement suivant [traduction] :

Il faut éteindre les feux stroboscopiques lors d'un vol dans une couverture nuageuse ou des nuages, car la réflexion du faisceau de ces feux peut causer de la désorientation spatialeNote de bas de page 54.

Habituellement, il faut éteindre les phares d'atterrissage et les feux stroboscopiques lorsqu'on vole dans les nuages, le brouillard et la brume, car ils peuvent causer des reflets ou de l'éblouissement susceptibles d'affecter le pilote et rendant plus difficile l'identification des sources de lumière à l'extérieur.

1.18.6 Taux de descente

Figure 1. Rapport entre l'altitude et la distance, première et deuxième approches (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Rapport entre l'altitude et la distance, première et deuxième approches (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
1.18.6.1 Première approche

L'aéronef a commencé son approche à une altitude de 1900 pieds asl et une distance de 4,87 nm du seuil de la piste. Il est descendu à taux constant jusqu'à une altitude de 500 pieds asl et une distance de 1,2 nm du seuil de la piste. Il volait à une vitesse sol de 90 nœuds. À cette vitesse sol, le taux de descente de l'aéronef était d'environ 470 pi/min, taux de descente qui correspond à l'angle constant de descente défini dans le CAP pour une approche GPS.

À 0,26 nm du seuil de la piste, l'aéronef volait à une altitude de 500 pieds asl et une vitesse sol de 90 nœuds. Pour toucher le sol au seuil de la piste à partir de cette position, l'aéronef devait descendre à un taux d'environ 1590 pi/min. Ce taux de descente ne tient pas compte de l'arrondi de l'aéronef avant de toucher le sol au seuil de la piste.

1.18.6.2 Deuxième approche

Au cours de la deuxième approche, lorsqu'il se trouvait à 0,56 nm du seuil de la piste, l'aéronef volait en palier à une altitude de 500 pieds asl et une vitesse de 90 nœuds.

Pour toucher le sol au seuil de la piste à partir de cette position, l'aéronef devait descendre à un taux d'environ 730 pi/min. Pour toucher le sol à la route Bancroft à partir de cette position, l'aéronef devait descendre à un taux d'environ 1215 pi/min. Ces taux de descente ne tiennent pas compte de l'arrondi de l'aéronef avant de toucher le sol.

1.18.7 Surveillance exercée par Transports Canada

1.18.7.1 Généralités

TC s'attend à ce que les compagnies gèrent de façon proactive la sécurité de leurs activités (c.-à-d., atténuent les risques à des niveaux acceptables) et mettent sur pied des programmes qui leur permettent d'assurer leur conformité constante à toutes les exigences réglementaires. TC a conçu un programme de surveillance qui lui permet d'évaluer si une compagnie d'aviation a mis en œuvre des systèmes appropriés et efficaces, et effectue des inspections de surveillance sur des systèmes particuliers, à un intervalle défini selon les indicateurs de risque. Ce programme cible les systèmes clés, lesquels sont établis en fonction du type de certificat et du fait que la compagnie soit tenue ou non d'avoir un SGS. Le programme de surveillance est fondé sur une approche systémique de gestion des risques et comprend les étapes suivantes : examen de la documentation; entrevues et échantillonnage effectués sur place par des inspecteurs; rédaction d'un rapport sur les lacunes systémiques constatées. Cela permet aux inspecteurs de comprendre la manière dont une compagnie prévoit satisfaire à une exigence réglementaire particulière. Dans le cadre de l'échantillonnage, les inspecteurs choisissent des domaines ou des extrants précis pour tester la conformité au système et aux règlements applicables.

Les inspections de validation de programme (IVP) ont lieu sur une base régulière et leur fréquence est ajustée en fonction des indicateurs de risque, au besoin. Pendant une IVP, l'équipe de TC effectue des entrevues et analyse ses observations après avoir recueilli des preuves pour les appuyer. Ensuite, l'équipe détermine si l'exploitant se conforme aux règlements et si son SGS est efficace (s'il doit en avoir un). L'équipe d'IVP de TC consigne les items de non-conformité constatés et documente les résultats de l'examen sur place.

L'inspection de processus (IP) est un autre outil de surveillance qu'emploie TC pour déterminer si les processus d'un exploitant répondent aux exigences réglementaires et s'ils fonctionnent comme prévu. Une IP peut également donner lieu à des constatations. Le rapport d'IP doit indiquer si un processus répond aux exigences réglementaires applicables et si l'exploitant y adhère tel qu'il est publié dans les manuels approuvés de la compagnie, ou bien si ce processus n'est ni documenté, ni mis en œuvre, ni même efficace.

En principe, tout processus requis par la réglementation peut faire l'objet d1'une IP ou d'une IVP. Des IP ciblées portant sur toute une gamme de domaines peuvent faire ressortir un manque de conformité à la réglementation qui exige ces processus.

1.18.7.2 Surveillance à Atlantic Charters

TC a effectué des IVP et des IP pour s'assurer qu'Atlantic Charters se conformait aux règlements et aux normes en vigueur.

Avant l'accident, Atlantic Charters faisait l'objet d'un cycle de surveillance de 3 ans.

Le BST a examiné les activités de surveillance de TC et les réponses de la compagnie  durant les 3 années qui ont précédé l'événement à l'étude. Pendant cette période, TC a effectué 2 IVP et 1 IP, mais aucune de ces inspections n'a porté sur la masse et le centrage ni sur le maintien de la navigabilité de l'aéronef.

En juin 2011, TC a soumis Atlantic Charters à une IVP portant sur les systèmes de contrôle d'exploitation figurant dans le manuel d'exploitation approuvé de la compagnie. Cette inspection a permis d'effectuer 1 constatation : le manuel d'exploitation comprenait une procédure annulée par la circulaire d'information no 700-018, laquelle était entrée en vigueur 13 jours avant l'inspectionNote de bas de page 55. Atlantic Charters a soumis un plan de mesures correctives qui a été accepté par TC en août 2011.

En février 2012, TC a soumis Atlantic Charters à une IVP portant sur l'assurance de la qualité de la maintenance visant les services aériens. L'inspection a permis d'effectuer 2 constatations qui comprenaient différents éléments, dont des rapports de vérification manquants, des dossiers techniques non disponibles au moment de l'inspection, et des dossiers manquants portant sur le personnel et la formation. Atlantic Charters a soumis un plan de mesures correctives que TC a accepté en novembre 2012. Dans son plan de mesures correctives, Atlantic Charters a indiqué que ces dossiers avaient été détruits lors de l’incendie d’une résidence.

En juin 2012, TC a soumis Atlantic Charters à une IP pour vérifier sa conformité aux exigences réglementaires. Cette inspection comprenait un examen hors site des dossiers et une familiarisation avec le programme de formation de la compagnie et les exigences de cette dernière en matière d'équipement d'aéronefs. L'IP a permis d'effectuer 1 constatation : 7 sections du manuel d'exploitation de la compagnie ne répondaient plus aux Normes de service aérien commercial. Atlantic Charters a soumis un plan de mesures correctives que TC a accepté en août 2012.

1.18.8 Rapport du Bureau du vérificateur général

Au printemps 2012, le Bureau du vérificateur général (BVG)Note de bas de page 56 a publié le rapport d'un audit qu'il a réalisé pour déterminer si TC avait géré de façon adéquate les risques associés à la surveillance de son programme de sécurité aérienne pour l'aviation civile.

Dans son rapport, le BVG a émis des recommandations quant à la détermination du nombre d'activités de surveillance à mener, à la manière dont la surveillance doit être faite et consignée, et à la supervision par la direction des activités de surveillance. Dans le rapport, on n'a pas commenté l'objet des activités de surveillance, sauf pour noter qu'avec l'adoption des SGS, le rôle d'un inspecteur changeait de celui de vérificateur de la conformité à la réglementation, à celui d'évaluateur de systèmes, tout en procédant à des vérifications selon l'approche traditionnelle, si nécessaire.

1.18.9 Culture de sécurité organisationnelle

Selon l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) [traduction] : « la culture organisationnelle définit les paramètres du rendement de la direction et de l'exploitation, et ce, en établissant des normes et des limites [...] » et « [...] constitue la pierre angulaire de la prise de décisions des gestionnaires et des employésNote de bas de page 57 ». La culture est profondément enracinée et son incidence sur la sécurité peut ne pas être immédiatement évidente pour les personnes qui œuvrent au sein de ces cultures.

Un des facteurs ayant la plus grande incidence sur la culture de sécurité est l'engagement des membres de la direction et leur style de gestion. L'OACI a décrit le rôle des membres de la direction dans la création d'une culture de sécurité organisationnelle positive de la manière suivante [traduction] :

Les personnes les mieux placées pour prévenir les accidents en éliminant les risques inacceptables sont celles qui peuvent apporter des changements dans l'organisation, sa structure, sa culture organisationnelle, ses politiques et procédures, etc. Personne n'est en meilleure position pour produire ces changements que les membres de la directionNote de bas de page 58.

Les organisations doivent établir l'équilibre entre la sécurité et la production en assurant la gestion des risques pour leur exploitation. Le défi pour une organisation est de fonctionner de façon efficace tout en réduisant au minimum les risques pour la sécurité. La réalité au sein d'un grand nombre d'organisations est que des préoccupations liées à la production et à l'exploitation peuvent parfois sembler plus pressantes parce qu'elles sont plus facilement mesurables et qu'elles donnent une rétroaction immédiate en matière de résultats. Ainsi, dans l'esprit des décideurs, les préoccupations liées à l'exploitation peuvent être plus importantes que celles liées à la sécurité. Dans ce contexte, il se peut que les organisations créent par inadvertance des risques dans leurs activités.

Les organisations diffèrent considérablement quant au niveau de risque toléré dans leurs activités. On considère que les organisations qui adoptent une démarche proactive pour cerner et atténuer les risques ont une culture de sécurité positive, tandis que les organisations dont la culture de sécurité est déficiente exercent consciemment ou non leurs activités avec des niveaux de risque plus élevés. Une organisation qui exerce ses activités avec un niveau de risque important est plus susceptible de subir un accident.

L'approche classique de la gestion de la sécurité est fondée sur la conformité aux règlements et une réponse réactive aux incidents et aux accidents. Même si le respect des règlements en matière de sécurité est fondamental à l'établissement de pratiques judicieuses en matière de sécurité, les organisations qui ne font que se conformer aux normes établies par les règlements ne sont pas bien placées pour relever les problèmes de sécurité émergents. Selon le document Manuel de gestion de la sécurité de l'OACI :

À mesure que l'activité aérienne à l'échelle mondiale continue de prendre de l'ampleur et devient plus complexe, [...] les méthodes traditionnelles de réduction des risques pour la sécurité à un niveau acceptable [perdent] en efficience et en efficacité. Il est nécessaire d'adopter des méthodes différentes et évoluées pour comprendre et gérer la sécuritéNote de bas de page 59.

Le rapport d'enquête aéronautique A07A0134 du BST comprend le résumé suivant :

Les pratiques modernes de gestion de la sécurité favorisent une recherche proactive des dangers, une identification des risques et l'adoption des meilleurs moyens de défense pour réduire les risques à un niveau acceptable. Ces principes doivent être enracinés dans la gestion de la compagnie de façon à ce que les politiques, la planification, les procédures et la mesure du rendement [en matière de sécurité] soient intégrés aux opérations quotidiennes.

1.18.10 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance est une liste des enjeux qui présentent les plus grands risques pour le système de transport du Canada; le BST publie cette liste pour attirer l'attention du secteur des transports et des organismes de réglementation sur les problèmes qui doivent être corrigés sans tarder.

1.18.10.1 Accidents à l'approche et à l'atterrissage : un enjeu sur la Liste de surveillance 2014 du BST

Comme l'événement à l'étude le démontre, les accidents à l'atterrissage aux aérodromes canadiens constituent toujours un risque considérable à la sécurité du transport aérien.

1.18.10.2 Gestion et supervision de la sécurité : un enjeu sur la Liste de surveillance 2014 du BST

Il incombe aux compagnies de transport de gérer les risques pour la sécurité que posent leurs activités.

Le BST demande donc instamment à TC d'adopter une réglementation qui obligerait tous les exploitants à se doter de processus formels de gestion de la sécurité, et de contrôler ces processus.

Si les compagnies ne peuvent gérer efficacement la sécurité, TC doit non seulement intervenir, mais le faire de façon à changer les pratiques d'exploitation jugées non sécuritaires.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

Rien n'indique qu'un composant ou un système de l'aéronef était défectueux pendant le vol à l'étude, et l'on considère que la fatigue n'a pas été un facteur contributif. L'analyse portera sur les différents scénarios pouvant expliquer pourquoi un pilote a conduit un aéronef en bon état au sol par inadvertance, sur la culture et les pratiques de la compagnie, et sur la surveillance exercée par Transports Canada (TC).

2.1 Conditions météorologiques

Au moment des conversations téléphoniques initiales avec Ambulance Nouveau-Brunswick (ANB), Atlantic Charters a soulevé des préoccupations quant aux conditions météorologiques prévues lors du vol de retour vers Grand Manan (Nouveau-Brunswick). Une évaluation effectuée par Environnement Canada après l'événement à l'étude a permis de constater qu'au moment de l'accident, l'aéronef volait probablement dans un brouillard épais offrant une visibilité extrêmement réduite.

Au cours de la première approche, l'aéronef a adopté un angle de descente constant convenant à l'approche de navigation de surface (RNAV) pour la piste. Si l'aéronef avait continué sa descente selon ce profil, il se serait retrouvé en position pour atterrir sur la piste 24. Toutefois, l'aéronef s'est mis en palier à 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) et est demeuré à cette altitude pendant au moins 40 secondes, probablement parce que le commandant de bord ne voyait pas les repères visuels requis. À une distance de 0,26 mille marin (nm) de la piste, pour toucher le sol au seuil de la piste, l'aéronef aurait dû adopter un angle de descente beaucoup plus prononcé que l'angle du profil d'approche normal d'une approche visuelle. Cela explique probablement pourquoi une remise des gaz a été effectuée.

Après la remise des gaz, le commandant de bord a poursuivi le vol en vent arrière jusqu'à environ 7 nm du seuil de la piste avant de s'établir en approche finale à une altitude de 1000 pieds asl. Environ 3 minutes plus tard, l'aéronef a commencé à descendre, puis s'est mis en palier à 500 pieds asl pendant 24 secondes, ce qui ne correspond pas au profil d'une approche visuelle. Pendant la deuxième approche, les phares d'atterrissage et les feux stroboscopiques de l'aéronef étaient éteints, ce qui est conforme aux avertissements publiés relatifs au vol dans le brouillard ou les nuages. Peu de temps après l0'accident, la visibilité réduite a empêché les premiers répondants de repérer l'épave de l'aéronef. Il est donc probable que pendant les 2 approches, les conditions météorologiques empêchaient le commandant de bord de voir les repères visuels dont il avait besoin pour atterrir en toute sécurité.

2.2 Impact sans perte de contrôle

L'événement à l'étude comporte plusieurs des facteurs les plus couramment liés aux accidents comportant un impact sans perte de contrôle (CFIT). Plus précisément, il s'agissait d'une approche aux instruments de non-précision exécutée la nuit, au-dessus d'une région sombre et peu populeuse, dans un brouillard réduisant la visibilité.

Dans les conditions présentes au moment de l'accident, il aurait probablement été impossible de distinguer la route du relief environnant.

On a donc envisagé les scénarios suivants :

2.2.1 Scénario 1

Au cours de la deuxième approche, la descente a été amorcée à 0,56 nm du seuil de la piste, même s'il avait été impossible de voir la piste pendant la première approche avant que l'aéronef ne se trouve à moins de 0,26 nm du seuil de la piste. Ainsi, il est possible que le commandant de bord ait amorcé la deuxième descente afin de descendre sous les nuages et voir les feux de la piste assez tôt pour effectuer un atterrissage en toute sécurité.

Comme l'aéronef a heurté la route, le commandant de bord ne voyait probablement pas les repères visuels dont il avait besoin pour atterrir en toute sécurité.

2.2.2 Scénario 2

Une des causes les plus fréquentes d'impacts sans perte de contrôle est la perte de conscience de la situation. Les illusions d'optique causées par l'absence de repères visuels contribuent à cette perte de conscience de la situation et compromettent la perception de la profondeur du pilote. Au moment de l'accident, les conditions météorologiques et le relief étaient propices aux illusions d'optique qui auraient donné au pilote l'impression que l'aéronef était trop haut.

Dans de telles circonstances, il est possible que le commandant de bord ait amorcé une descente à un angle prononcé. On a calculé que le taux de descente à la dernière position radar était d'environ 1215 pi/min, ce qui constitue une trajectoire de descente plus abrupte qu'à l'ordinaire.

Comme l'aéronef a heurté la route, le commandant de bord a probablement tardé à reconnaître l'aplatissement de la piste et ne voyait probablement pas les repères visuels nécessaires pour atterrir en toute sécurité. Cela est caractéristique des accidents à l'approche et à l'atterrissage causés par des illusions d'optique.

Par conséquent, il est possible que le commandant de bord ait été victime d'une illusion d'optique pendant la descente jusqu'à la piste 24.

Il a été impossible de déterminer lequel des 2 scénarios ci-dessus a causé l'accident; toutefois, le manque de repères visuels nécessaires pour effectuer un atterrissage en toute sécurité est le facteur prépondérant dans les 2 cas. Le premier officier (P/O) s'affairait à repérer la piste et n'avait pas conscience des gestes du commandant de bord pendant la descente.

2.3 Gestion des ressources en équipe

Comme la plupart des vols d'Atlantic Charters étaient assurés par un seul pilote, la compagnie n'offrait pas de formation formelle en gestion des ressources en équipe (CRM) et elle n'était pas tenue de le faire aux termes de la réglementation. Des recherches ont démontré que les membres d'équipage qui ont reçu une formation en CRM travaillent mieux en équipe et réagissent plus efficacement aux situations inhabituelles que les équipages qui n'ont pas reçu une telle formation.

Un élément clé d'une bonne CRM est une communication efficace. Comme seul le commandant de bord portait un casque d'écoute, les communications entre les 2 pilotes se limitaient à faire des gestes avec les mains ou à crier par-dessus le bruit ambiant, ce qui va à l'encontre des communications efficaces. Le commandant de bord a choisi de poursuivre le vol même s'il n'y avait qu'un seul casque d'écoute pour les 2 pilotes. Le commandant de bord avait l'habitude de piloter seul; il est donc probable qu'il n'ait pas cru que l'impossibilité de communiquer efficacement avec le P/O constituait une raison suffisante pour obtenir un deuxième casque d'écoute. Comme le commandant de bord et le P/O ne pouvaient pas communiquer entre eux de manière efficace, le P/O ne pouvait ni connaître les intentions du commandant de bord ni entendre les communications radio de celui-ci. Cette communication inefficace a réduit la conscience partagée de la situation des 2 pilotes. Si les membres d'un équipage de conduite ne sont pas en mesure de communiquer efficacement, ils sont moins susceptibles d'anticiper et de coordonner leurs actions, ce qui pourrait compromettre la sécurité des vols.

Pour être efficace, la CRM demande d'être exercée et renforcée. Si une formation en CRM n'est pas donnée, et si les principes de CRM ne sont pas utilisés et encouragés de manière soutenue, les pilotes risquent d'être incapables d'éviter et d'atténuer les erreurs de l'équipage de conduite commises pendant les vols.

2.4 Masse et centrage

L'enquête n'a pas permis de déterminer si l'aéronef respectait les limites de masse et de centrage, parce qu'il a été impossible de confirmer la masse à vide de base de l'aéronef et qu'il existait un certain nombre d'écarts non documentés relativement aux masses consignées. Si on ne connaît pas la masse et le centrage réels de l'aéronef, l'aéronef pourrait être utilisé au-delà des limites approuvées, ce qui peut avoir des répercussions sur les caractéristiques de performance de l'aéronef.

Le devis de masse et centrage précalculé de la compagnie ne comprenait pas de ligne pour le carburant dans les réservoirs des nacelles moteurs. Si les devis de masse et centrage précalculés omettent des éléments standards, la possibilité d'omissions dans les calculs de masse et de centrage s'accroît, ce qui augmente les risques de surcharge inopinée ou de chargement incorrect de l'aéronef.

2.5 Travaux élémentaires

Un pilote de la compagnie avait installé l'ensemble d'ambulance aérienne la veille de l'événement à l'étude. Comme cette tâche ne figurait pas dans la liste de travaux élémentaires du manuel de contrôle de maintenance (MCM) de la compagnie, aucun employé de la compagnie n'était autorisé à l'effectuer. Si les organisations effectuent des tâches de maintenance qu'elles considèrent comme des travaux élémentaires, mais que ces tâches ne sont pas des travaux élémentaires approuvés, l'aéronef risque de ne pas être conforme à sa définition de type, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.

La personne qui a installé l'ensemble d'ambulance aérienne n'avait pas suivi de formation approuvée sur l'installation d'un tel système. En raison de la conception de l'ensemble, tous les boulons des adaptateurs doivent être installés correctement pour que l'ensemble réponde aux normes de navigabilité. Un examen effectué après l'événement a permis de constater que 4 des 16 boulons qui maintiennent les traverses tubulaires en place n'avaient pas été serrés, et que l'adaptateur s'était déplacé vers l'avant et s'était partiellement séparé des rails de sièges. Si des personnes accomplissent des tâches de maintenance pour lesquelles elles n'ont pas reçu de formation approuvée, ces tâches risquent de ne pas être effectuées conformément aux instructions du fabricant. Si les composants ne sont pas installés conformément aux instructions de leur fabricant, les occupants sont exposés à des risques accrus de blessure ou de décès en cas d'incident ou d'accident si ces composants ne sont pas arrimés convenablement.

Selon la réglementation, les travaux élémentaires effectués doivent être consignés dans le carnet de route de l'aéronef. Même si l'aéronef en cause dans l'événement avait été utilisé pour effectuer des vols de transport de passagers et d'évacuation aéromédicale et que les pilotes d 'Atlantic Charters avaient effectué des travaux élémentaires sur l'aéronef, ces travaux n'avaient pas été consignés dans le carnet de route de l'aéronef. Si les organisations ne consignent pas les travaux de maintenance effectués, il est impossible de confirmer que les travaux ont été effectués convenablement, et l'aéronef risque de ne pas être conforme à sa définition de type, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.

2.6 Maintien de la navigabilité

On considère qu'un aéronef est en état de navigabilité lorsqu'il est entretenu conformément aux limites qui s'appliquent à sa définition de type.

Comme un certificat de type supplémentaire (STC) est une modification approuvée à la définition de type de l'aéronef, il faut se conformer à toute l'information des STC remplaçant ou complétant l'information du manuel de vol de base et du manuel de maintenance de l'aéronef pour s'assurer que l'aéronef est en état de navigabilité. Atlantic Charters avait installé un ensemble d'ambulance aérienne dans l'aéronef en cause. Pour cet aéronef, rien n'indiquait que TC avait approuvé l'installation de ce STC, rien ne faisait état de l'installation de ce STC dans aucun des documents techniques de l'aéronef, et Atlantic Charters n'a pas été en mesure de fournir la documentation de soutien requise concernant ce STC. Si un aéronef est modifié sans approbation réglementaire ou la documentation de soutien, l'aéronef ne satisfait pas à toutes les normes de navigabilité en vigueur, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.

Avant d'être importé au Canada, l'aéronef en cause avait été modifié pour accroître sa masse brute maximale au décollage conformément à un STC. Un examen effectué après l'événement a permis de constater que l'aéronef avait été modifié d'une manière telle qu'il n'était plus conforme aux modifications de ce STC, et que ces modifications n'avaient pas été consignées dans les dossiers techniques de l'aéronef. Si un exploitant apporte des modifications non approuvées à un STC, l'aéronef risque de ne plus être en état de navigabilité, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.

2.7 Culture de sécurité de la compagnie

Selon l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), les membres de la direction sont les personnes les mieux placées pour créer une culture de sécurité organisationnelle positive. Pour ce faire, la direction doit créer et encourager un environnement au sein duquel l'organisation ne se contente pas de suivre la réglementation. La direction peut apporter les changements nécessaires à la structure, à la culture, aux politiques et aux procédures de la compagnie pour s'assurer que celle-ci encourage de façon proactive la prévention des accidents, et ce, en éliminant les risques inacceptables.

Puisque le propriétaire d'Atlantic Charters occupait également le poste de cadre supérieur responsable et assumait toutes les tâches de gestion, il pouvait influencer la manière dont la sécurité était gérée et établir la culture de sécurité de la compagnie.

La culture organisationnelle permet à une organisation de définir les limites d'une performance acceptable. Les gestionnaires et les employés se réfèrent à ces normes et ces limites lorsqu'ils prennent des décisions.

Atlantic Charters n'a pas fourni les pièces justificatives expliquant les écarts de l'information liée à la masse et au centrage. On effectuait des tâches de maintenance sans la formation approuvée, et une grande partie de ces tâches n'étaient pas consignées dans le carnet de route de l'aéronef. Comme la compagnie ne se conformait pas aux exigences des STC, elle ne veillait pas à ce que l'aéronef réponde aux normes de navigabilité . Comme ces pratiques étaient en place depuis un certain temps, elles étaient considérées comme des pratiques normales de la compagnie et, conséquemment, comme le reflet de ce que la direction considérait comme une performance acceptable (c.-à-d., la culture de sécurité de la compagnie).

Les organisations répondent aux pressions opérationnelles parce que ces priorités sont clairement mesurables et fournissent une rétroaction immédiate. En raison de ces pressions, les préoccupations liées à la sécurité peuvent devenir moins évidentes, et les organisations peuvent inconsciemment créer des risques dans leurs activités.

L'approche traditionnelle à l'égard de la gestion de la sécurité s'est avérée inefficace dans l'identification des dangers éventuels et des risques connexes. Les organisations qui se conforment aux normes minimales et qui adoptent une approche traditionnelle de gestion de la sécurité ne sont pas bien placées pour relever les problèmes de sécurité émergents. Dans le contexte de l'aviation d'aujourd'hui, il faut intégrer des pratiques de gestion de la sécurité modernes au système de gestion de l'organisation de façon à ce que la gestion de la sécurité fasse partie intégrante des activités quotidiennes. Si les organisations n'adoptent pas de pratiques modernes de gestion de la sécurité, il y a un risque accru que les dangers passent inaperçus et que les risques ne soient pas atténués.

2.8 Surveillance exercée par Transports Canada

Au cours des 3 années précédant l'événement à l'étude, les activités de surveillance de TC n'avaient pas permis de constater les écarts des pratiques d'exploitation de la compagnie relatives à la masse et au centrage, et au maintien de la navigabilité. Par conséquent, ces pratiques ont persisté.

Bien que la mise en place d'un système de gestion de la sécurité (SGS) puisse améliorer énormément la sécurité en encourageant les exploitants à adopter une approche systémique pour gérer de façon proactive la sécurité, l'organisme de réglementation doit néanmoins être assuré de la conformité à la réglementation existante. La méthode actuelle de surveillance réglementaire, qui porte sur les processus des exploitants, risque d'être insuffisante pour cerner et corriger les pratiques et les conditions dangereuses. Si TC n'adopte pas une approche équilibrée qui comprend à la fois des inspections approfondies de la conformité et des vérifications des processus de gestion de la sécurité, les pratiques d'exploitation non sécuritaires risquent de passer inaperçues, ce qui accroît les risques d'accident.

2.9 Ambulance Nouveau-Brunswick

Dans le contrat d'ANB pour le service AirCare, on énonce clairement les exigences relatives à l'expérience et à la coordination des équipages; toutefois, le contrat le plus récent avec Atlantic Charters ne comprenait pas de telles exigences. Les termes des contrats d'Atlantic Charters et d'AirCare existaient déjà avant la création d'ANB. Pendant de nombreuses années, Atlantic Charters a affecté un seul pilote à ses vols d'évacuation aéromédicale. Toutefois, en vertu de son dernier contrat avec Atlantic Charters, ANB s'attendait à ce que les vols soient plus sûrs, car un 2e pilote se trouvait dans le poste de pilotage. En raison des connaissances et de l'expérience limitées d'ANB dans le domaine de l'aviation, l'organisation confiait à ses fournisseurs de services la responsabilité d'assurer la conformité aux règlements. ANB ne connaissait pas la signification de termes standards de l'industrie, comme « méthode question-réponse » et « CRM », et n'avait pas conscience de l'importance de ces pratiques pour la gestion de la sécurité pendant les vols. Si une organisation octroie un contrat à une compagnie d'aviation pour des services avec lesquelles l'organisation n'est pas familière, les risques que les lacunes au chapitre de la sécurité passent inaperçues augmentent, ce qui peut compromettre la sécurité des employés de l'organisation.

ANB exigeait qu'Atlantic Charters donne une formation semi-annuelle sur la sécurité aérienne à ses techniciens ambulanciers paramédicaux, au lieu de leur faire un exposé sur les mesures de sécurité avant le décollage de chaque vol. Toutefois, cette pratique ne satisfait pas à l'exigence réglementaire selon laquelle le commandant de bord doit s'assurer que les passagers reçoivent un exposé sur les mesures de sécurité avant le décollage du premier vol de la journée. Si l'on n'offre pas d'exposé normal sur les mesures de sécurité aux passagers, ceux-ci courent un risque accru d'être incapables d'utiliser l'équipement de sécurité en place ou de suivre les procédures d'urgence nécessaires en temps voulu pour éviter des blessures ou la mort.

2.10 Questions relatives à la survie des occupants

2.10.1 Ceintures de sécurité

On a trouvé la ceinture de sécurité du technicien ambulancier paramédical attachée et ajustée à une longueur trop courte pour la taille du technicien, et rien n'indiquait que l'état de la ceinture ait été modifié après l'immobilisation de l'aéronef. L'enquête a permis de déterminer que le technicien ambulancier paramédical ne portait pas sa ceinture de sécurité au moment de l'accident.

Si les passagers ne sont pas bien attachés, ils s'exposent et exposent les autres passagers à un risque accru de blessures ou de décès en cas d'accident.

2.10.2 Arrimage du fret

Un examen effectué après l'accident a permis de constater que les sangles de fixation n'avaient pas été utilisées, et on a trouvé de l'équipement médical non arrimé dans la cabine.

Si les bagages de cabine, l'équipement ou le fret ne sont pas arrimés, les occupants sont exposés à des risques accrus de blessures ou de décès si ces articles deviennent des projectiles au moment d'un écrasement.

Si les bagages de cabine, l'équipement ou le fret ne sont pas arrimés, les risques que l'accès des occupants aux sorties ordinaires et d'urgence, et à l'équipement de sécurité, soit complètement ou partiellement bloqué augmentent.

2.11 Approches de navigation de surface

Le commandant de bord avait fermé le plan de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) à environ 20 nm de Grand Manan. En raison des conditions météorologiques au moment de l'accident, il est peu probable que l'équipage de conduite avait un contact visuel avec la piste. Les données radars indiquent que l'aéronef était aligné avec la piste. La piste 24 est munie d'une approche de navigation de surface (RNAV), et le commandant de bord a rapporté avoir passé le repère d'approche finale EMGAM. Comme le commandant de bord naviguait d'une manière à aligner l'aéronef avec la piste, il est probable qu'il utilisait le GPS pour effectuer une approche RNAV. Une compagnie assujettie à la sous-partie 703 du RAC, comme c'était le cas dans l'événement à l'étude, n'est pas autorisée à effectuer des approches GPS.

Au cours des 2 approches, l'aéronef est descendu à environ 350 pieds sous l'altitude minimale de descente (MDA) et s'est mis en palier à environ 250 pieds au-dessus du sol (agl). L'objectif de la MDA est de conserver une hauteur convenable par rapport au sol lorsque l'aéronef a dépassé le repère d'approche finale, et ce, jusqu'à ce que l'équipage établisse un contact visuel avec les environs de la piste. Si les pilotes descendent sous la MDA publiée pendant une approche sans avoir établi de contact visuel, ils s'exposent à des risques de collision avec le relief ou des obstacles.

Aucune carte d'approche n'a été trouvée à bord de l'aéronef, et la base de données du GPS était échue. Il est important de disposer d'une base de données dont toutes les données sont à jour, y compris les obstacles et les points de cheminement. Si l'on n'utilise pas des cartes et des bases de données à jour, il est impossible de garantir la précision de la navigation et d'éviter les obstacles.

TC exige que les compagnies assujetties à la sous-partie 703 du RAC souhaitant effectuer des approches GPS dans le cadre de vols commerciaux obtiennent les spécifications d'exploitation 100. Il faut obtenir ces spécifications d'exploitation pour s'assurer qu'une formation au sol et en vol suffisante est donnée et pour démontrer que le personnel peut utiliser un GPS correctement. Si des approches GPS sont effectuées sans que les spécifications d'exploitation approuvées n'aient été octroyées, le pilote risque de ne pas avoir reçu la formation et de ne pas posséder les connaissances nécessaires pour exécuter l'approche en toute sécurité.

2.12 Signalement des problèmes médicaux

L'état de santé du commandant de bord était suivi par un omnipraticien qui était aussi son médecin-examinateur de l'aviation civile (MEAC). Le commandant de bord avait connu 2 problèmes médicaux qui auraient dû être signalés à TC. Toutefois, ni le commandant de bord, ni le médecin traitant, ni l'omnipraticien du commandant de bord n'ont signalé ces problèmes. Le fait de ne pas signaler des symptômes ou des affections de nature médicale à TC compromet certains des avantages des examens relativement à la sécurité et augmente le risque que des pilotes atteints d'une affection posant des risques pour la sécurité continuent de voler.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le commandant de bord a entamé le vol même si 1 seul casque d'écoute se trouvait à bord, ce qui a empêché l'équipage de conduite de partager une même conscience de la situation.
  2. Il est probable que les conditions météorologiques lors des 2 approches empêchaient le commandant de bord d'établir le contact visuel dont il avait besoin pour atterrir en toute sécurité.
  3. Le premier officier s'affairait à repérer la piste et n'avait pas conscience des gestes du commandant de bord pendant la descente.
  4. Pour des raisons inconnues, le commandant de bord a amorcé une descente abrupte à 0,56 mille marin du seuil de la piste, et n'a pas corrigé cette situation avant qu'il ne soit trop tard.
  5. L'aéronef a heurté une route située à 0,25 mille marin de la piste, puis a heurté le relief.
  6. Le technicien ambulancier paramédical ne portait pas sa ceinture de sécurité et n'a pas été retenu au cours de l'impact.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. L'absence d'enregistrement de données de poste de pilotage, dans le cadre d'une enquête, peut empêcher la détermination et la communication de lacunes de sécurité servant à améliorer la sécurité des transports.
  2. Si les membres d'un équipage de conduite ne sont pas en mesure de communiquer efficacement, ils sont moins susceptibles d'anticiper et de coordonner leurs actions, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.
  3. Si une formation en gestion des ressources en équipe (CRM) n'est pas donnée, et si les principes de CRM ne sont pas utilisés et encouragés de manière soutenue, les pilotes risquent d'être incapables d'éviter et d'atténuer les erreurs commises par l'équipage pendant les vols.
  4. Si on ne connaît pas la masse et le centrage réels de l'aéronef, l'aéronef peut être utilisé au-delà des limites approuvées, ce qui peut avoir des répercussions sur les caractéristiques de performance de l'aéronef.
  5. Si les devis de masse et centrage précalculés omettent des éléments standards, la possibilité d'omissions dans les calculs de masse et de centrage s'accroît, ce qui augmente les risques de surcharge inopinée ou de chargement incorrect de l'aéronef.
  6. Si les organisations effectuent des tâches de maintenance qu'elles considèrent comme des travaux élémentaires, mais que ces tâches ne sont pas des travaux élémentaires approuvés, l'aéronef risque de ne pas être conforme à sa définition de type, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.
  7. Si des personnes accomplissent des tâches de maintenance pour lesquelles elles n'ont pas reçu de formation approuvée, ces tâches risquent de ne pas être effectuées conformément aux instructions du fabricant.
  8. Si les composants ne sont pas installés conformément aux instructions de leur fabricant et ne sont pas solidement fixés, les occupants sont exposés à des risques accrus de blessure ou de décès en cas d'incident ou d'accident si ces composants ne sont pas arrimés convenablement.
  9. Si les organisations ne consignent pas les travaux de maintenance effectués, il est impossible de confirmer que les travaux ont été effectués convenablement, et l'aéronef risque de ne pas être conforme à sa définition de type, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.
  10. Si un aéronef est modifié sans approbation réglementaire ou la documentation de soutien, l'aéronef ne satisfait pas à toutes les normes de navigabilité en vigueur, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.
  11. Si un exploitant apporte des modifications non approuvées à un certificat de type supplémentaire, l'aéronef risque de ne plus être en état de navigabilité, ce qui peut compromettre la sécurité des vols.
  12. Si les organisations n'adoptent pas de pratiques modernes de gestion de la sécurité, il y a un risque accru que les dangers passent inaperçus et que les risques ne soient pas atténués.
  13. Si Transports Canada n'adopte pas une approche équilibrée qui comprend à la fois des inspections approfondies de la conformité et des vérifications des processus de gestion de la sécurité, les pratiques d'exploitation non sécuritaires risquent de passer inaperçues, ce qui accroît les risques d'accident.
  14. Si une organisation octroie un contrat à une compagnie d'aviation pour des services avec lesquels l'organisation n'est pas familière, les risques que les lacunes de sécurité passent inaperçues augmentent, ce qui peut compromettre la sécurité des employés de l'organisation.
  15. Si l'on n'offre pas d'exposé normal sur les mesures de sécurité aux passagers, ceux-ci courent un risque accru d'être incapables d'utiliser l'équipement de sécurité en place ou de suivre les procédures d'urgence nécessaires en temps voulu pour éviter des blessures ou la mort.
  16. Si les passagers ne sont pas bien attachés, ils s'exposent et exposent les autres occupants à un risque accru de blessures ou de décès en cas d'accident.
  17. Si les bagages de cabine, l'équipement ou le fret ne sont pas arrimés, les occupants sont exposés à des risques accrus de blessures ou de décès si ces articles deviennent des projectiles au moment d'un écrasement.
  18. Si les bagages de cabine, l'équipement ou le fret ne sont pas arrimés, les risques que l'accès des occupants aux sorties ordinaires et d'urgence, et à l'équipement de sécurité, soit complètement ou partiellement bloqué augmentent.
  19. Si les pilotes descendent sous l'altitude minimale de descente publiée pendant une approche sans avoir établi de contact visuel, ils s'exposent à des risques de collision avec le relief ou des obstacles.
  20. Si l'on n'utilise pas des cartes et des bases de données à jour, il est impossible de garantir la précision de la navigation et d'éviter les obstacles.
  21. Si des approches sont effectuées à l'aide du système mondial de positionnement (GPS) sans que les spécifications d'exploitation approuvées n'aient été octroyées, le pilote risque de ne pas avoir reçu la formation et de ne pas posséder les connaissances nécessaires pour exécuter l'approche en toute sécurité.
  22. Le fait de ne pas signaler des symptômes ou des affections de nature médicale à Transports Canada compromet certains des avantages des examens relativement à la sécurité et augmente le risque que des pilotes atteints d'une affection posant des risques pour la sécurité continuent de voler.

3.3 Autres faits établis

  1. Le pilote qui a installé l'ensemble d'ambulance aérienne n'avait pas suivi la formation nécessaire et n'était pas autorisé à effectuer des travaux élémentaires.
  2. Atlantic Charters ne possédait pas l'approbation requise pour que l'installation de l'ensemble d'ambulance aérienne constitue un travail de maintenance élémentaire.
  3. Le devis de masse et centrage précalculé d'Atlantic Charters ne comprenait pas de ligne pour le carburant contenu dans les réservoirs des nacelles moteurs.
  4. La formation semi-annuelle sur la sécurité aérienne offerte aux techniciens ambulanciers paramédicaux au lieu des exposés sur les mesures de sécurité avant chaque vol ne répondait pas aux exigences réglementaires.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Approche de navigation de surface (RNAV) avec système mondial de navigation par satellite (GNSS) pour la piste 24 de l'aérodrome de Grand Manan (disponible seulement en anglais)

Annexe A. Approche de navigation de surface (RNAV) avec système mondial de navigation par satellite (GNSS) pour la piste 24 de l'aérodrome de Grand Manan (disponible seulement en anglais)
Approche de navigation de surface (RNAV) avec système mondial de navigation par satellite (GNSS) pour la piste 24 de l'aérodrome de Grand Manan (disponible seulement en anglais)

Source : NAV CANADA, Canada Air Pilot
Ne doit pas être utilisé pour la navigation