Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A09Q0203

Impact sans perte de contrôle en approche
du Beech A100 C–GPBA
exploité par Exact Air Inc.
à 3 milles marins au nord-ouest de l'aéroport
de Chicoutimi/Saint–Honoré (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Synopsis

Le Beech A100 (immatriculé C–GPBA, et portant le numéro de série B–215), exploité par Exact Air Inc. et assurant le vol ET822, effectue un vol selon les règles de vol aux instruments entre Val-d'Or et Chicoutimi/Saint–Honoré (Québec). Deux pilotes et 2 passagers sont à bord. À 22 h 40, heure normale de l'Est, l'aéronef est autorisé à effectuer une approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 et est ensuite transféré sur la fréquence de trafic d'aérodrome. À 22 h 50, le système international de satellites pour les recherches et le sauvetage détecte le signal de la radiobalise de repérage d'urgence de l'aéronef. Ce dernier est localisé à 2 h 24 dans un boisé à environ 3 milles marins (nm) avant le seuil de la piste 12, sur l'axe d'approche. Les secouristes arrivent sur les lieux à 4 h 15. Les 2 pilotes ont subi des blessures mortelles et les 2 passagers, des blessures graves. L'aéronef est détruit par l'impact, mais aucun incendie ne se déclare après ce dernier.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Les 2 pilotes sont basés à Baie–Comeau (Québec) et effectuent normalement leurs vols depuis la base d'Exact Air Inc. à l'aéroport de Baie–Comeau (CYBC). À 11 h 30Footnote 1, l'équipage est appelé afin d'effectuer un vol aller–retour entre l'aéroport de Chicoutimi/Saint–Honoré (CYRC) et Val d'Or (CYVO). L'équipage quitte Baie–Comeau en voiture vers 13 h et arrive à CYRC vers 16 h 30. Selon l'itinéraire prévu, l'aéronef doit quitter à 18 h avec à son bord sept passagers à destination de CYVO et le retour à CYRC est prévu avec 2 passagers à bord. L'aéronef décolle de CYRC à 18 h et se pose à CYVO à 19 h 33.

L'avitaillement est retardé à CYVO et n'est effectué qu'à 21 h 5. L'aéronef est rempli alors d'environ 2500 livres de carburant, soit un surplus d'approximativement 1 h 52 au–delà du minimum requis par la réglementation, et l'aéroport de dégagement est l'aéroport de Bagotville (CYBG).

Le copilote communique avec le centre d'information de vol (FIC) de Québec pour obtenir une mise à jour des conditions et des prévisions météorologiques à CYBG. Les 2 passagers montent à bord et prennent place aux 2 derniers sièges côte–à–côte, situés à l'arrière de l'aéronef. L'aéronef décolle de CYVO à 21 h 33 et monte au niveau de vol 190, son altitude de croisière. Le copilote est le “ pilote volant ” (PV)Footnote 2, alors que le commandant de bord effectue les tâches du “ pilote surveillant ” (PM)Footnote 3.

À 22 h 15, l'équipage communique avec le FIC de Québec pour obtenir les dernières conditions météorologiques, ainsi que les conditions de piste à CYRC, à Roberval (CYRJ) et à CYBG. Les dernières conditions de piste disponibles pour CYRC ont été émises à 16 h 25, et celles de CYRJ, à 16 h 42. Seules les conditions de piste récentes pour CYBG sont disponibles.

À 22 h 30, l'équipage est avisé du calage altimétrique à CYBG de 29,34 pouces de mercure, et il amorce la descente quelques minutes plus tard. À 22 h 40, l'équipage de conduite reçoit l'autorisation d'approche RNAV sur la piste 12 en passant par le repère XESUT (Figure 1).

À 22 h 45, le vol est transféré sur la fréquence 118,4 MHz. Comme la tour de CYRC est fermée à ce moment, la fréquence en question doit être utilisée comme fréquence de trafic d'aérodrome (ATF). L'aéronef se trouve à ce moment entre les repères XESUT et RABAD, à une altitude de 5800 pieds au–dessus du niveau de la mer (asl)Footnote 4 et à une vitesse sol de 250 nœuds.

Figure 1. Trajectoire d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12
Figure of Trajectoire d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12

À 22 h 46, l'aéronef passe le repère d'approche intermédiaire RABAD à une altitude de 3900 pieds asl et à une vitesse sol de 200 nœuds.

À 22 h 49, l'équipage signale sur la fréquence ATF qu'il arrive à RABAD bientôt en approche finale de la piste 12. Toutefois, selon les données radars, cette transmission correspond à l'instant où l'aéronef passe le repère d'approche finale ESRIX. À ce moment, l'aéronef est à une altitude de 1100 pieds asl et à une vitesse sol de 100 nœuds, ce qui, dans les conditions, correspond à une vitesse indiquée d'environ 130 nœuds.

La dernière position radar enregistrée est à 22 h 49, c'est–à–dire à 0,5 nm après le passage du repère ESRIX et toujours à 1100 pieds asl, soit environ 600 pieds au dessus du sol (agl) à une distance de 4,5 nm du seuil de la piste 12.

La compagnie attendait l'arrivée de l'aéronef. Quelques minutes après l'appel du C–GPBA à 22 h 49 sur la fréquence 118,4 MHz, les lumières de piste se sont allumées.

À 22 h 50, le Centre canadien de contrôle des missions (CCCM) reçoit un message indiquant que le système COSPAS-SARSATFootnote 5 a détecté un signal de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) sur la fréquence 406 MHz. Ce signal provient du C–GPBA et des démarches sont prises pour trouver la personne avec laquelle il faut communiquer en cas d'urgence.

À 23 h 6, le CCCM communique avec le personnel d'Exact Air Inc., qui confirme que le C–GPBA était sur un vol de CYVO à CYRC et que les lumières de piste se sont allumées, mais que l'aéronef ne s'était pas encore posé.

À 23 h 18, le CCCM communique avec le centre de contrôle régional (CCR) à Montréal pour obtenir la position du C–GPBA. Par la suite, le CCR de Montréal communique avec le contrôleur du terminal de Bagotville pour vérifier l'état du vol ET822. Le CCR est alors informé que l'aéronef a été transféré sur la fréquence de l'ATF à 22 h 45 et que sa dernière position radar correspondait à 4 nm en approche finale de la piste 12. Cependant, le membre d'équipage n'a pas encore confirmé qu'il était au sol à CYRC. Le centre de coordination de sauvetage doit être informé lorsqu'aucune communication n'est reçue d'un aéronef dans les 30 minutes suivant le moment où une communication aurait dû l'êtreFootnote 6. Il restait 5 minutes avant d'atteindre la phase d'incertitude de 30 minutes.

À 23 h 25, la Sûreté du Québec est avisée de l'écrasement possible de l'aéronef dans la région de l'approche finale de la piste 12 à CYRC. Un poste de commandement est établi à Saint Honoré, et les efforts de recherches sont coordonnés avec ceux des bénévoles, y compris le personnel de la compagnie qui déploie des motoneiges, des traineaux et des ambulances.

À 23 h 46, le premier appel provenant du téléphone cellulaire d'un passager est reçu au service d'urgence 911, mais la communication est coupée à plusieurs reprises. Deux passagers sont dans l'aéronef renversé et les 2 pilotes sont inconscients. Il n'est pas possible, à ce moment–là, de déterminer la position du cellulaire.

À 1 h 30, les coordonnées de la position du téléphone cellulaire utilisé par le passager sont déterminées et transmises à la Sûreté du Québec. Les motoneigistes sont envoyés en direction de cette position, mais elle est à 5 nm au sud–est de l'aéronef.

Le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) déploie un Hercules depuis sa base de Trenton (Ontario). L'Hercules arrive sur les lieux à environ 2 h 15 et utilise le radioralliement sur la fréquence 121,5 MHz pour repérer la position de l'ELT à 2 h 44, et à 3 h 15, des fusées éclairantes sont larguées pour aider les motoneigistes à trouver l'aéronef au sol.

À environ 4 h 15, les secouristes au sol repèrent l'aéronef dans un boisé situé à environ 3 nm avant le seuil de la piste 12. Un hélicoptère Griffon, en provenance de la base de Bagotville, arrive au site de l'accident à 4 h 30 et les survivants sont héliportés à l'hôpital. Les 2 passagers ont subi des blessures graves et les 2 pilotes ont péri lors de l'impact avec le sol.

1.2 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.2.1 Généralités

Le premier point d'impact avec la cime des arbres est survenu à 170 pieds au nord de la trajectoire d'approche finale de la piste 12, environ 3 nm avant celle–ci, ce qui correspond donc à la position approximative du repère d'approche intermédiaire OTUTI (Annexe A).

Depuis sa dernière position radar à une altitude de 1100 pieds asl, avec une vitesse sol de 100 nœuds, l'aéronef a parcouru 1,59 nm avant de heurter la cime des arbres à une hauteur de 525 pieds asl. En conséquence, le taux de descente était d'environ 600 pieds par minute.

Après l'impact initial avec la cime des arbres, l'aéronef a parcouru 340 pieds avant que l'aile droite soit sectionnée par de gros arbres. L'aéronef entame alors un roulis prononcé par la droite, percute des arbres qui sectionnent partiellement l'aile gauche, heurte le sol et culbute pour finalement terminer sa course sur le dos 300 pieds plus loin (Photo 1). L'épave a été transportée au Laboratoire du BST.

Photo 1. Épave de l'aéronef
Photo of Épave de l'aéronef

1.2.2 Dommages à l'aéronef

Le nez de l'aéronef a subi des dommages importants lors de l'impact avec le sol. Le fuselage s'est rompu par endroits en raison des forces en compression à droite et en tension à gauche. Seule la cabine passagers a conservé la forme nécessaire à la survie.

1.2.3 Incendie

Les réservoirs de carburant de l'aéronef, situés dans les ailes, ont été éventrés lors du sectionnement des ailes suivant l'impact avec les arbres. La majeure partie du carburant a été déversée avant l'immobilisation de l'aéronef, et il n'y a pas eu d'incendie après l'impact.

1.2.4 Autres dommages

Les dommages à l'environnement se limitent au bris des arbres ainsi qu'aux quelque 900 litres de carburant déversés sur le sol enneigé et la végétation environnante.

1.3 Questions relatives à la survie des occupants

Le poste de pilotage a été considérablement compressé à la suite de l'impact avec le sol, ce qui n'a pas permis de maintenir l'espace nécessaire à la survie des 2 pilotes. La cabine passagers a été endommagé en compression et en tension, ce qui a causé une brèche importante dans la structure. Toutefois, l'espace de la cabine passagers a conservé sa forme initiale.

Six des huit sièges se sont arrachés de leurs ancrages. Celui du passager en position arrière gauche s'est détaché, a percuté le passager du côté droit et a terminé sa course à l'avant de la cabine, son passager y étant toujours attaché. Le siège du passager en position arrière droite est demeuré ancré à la structure et son occupant y était toujours attaché.

La porte principale de la cabine était obstruée par des branches d'arbres; il n'était donc pas possible de l'ouvrir. La sortie d'évacuation d'urgence au dessus de l'aile droite était coincée par la déformation du fuselage et ne pouvait pas être utilisée non plus. Il n'y avait aucune lumière d'urgence à la disposition des passagers. Ces derniers se sont pelotonnés et ont utilisé des couvre sièges en peau de mouton pour se protéger du froid en attendant les secours.

À l'aide d'un téléphone cellulaire, un passager a fait plusieurs appels au service d'urgence 911 pour signaler qu'il venait de subir un accident d'avion.

Afin d'améliorer la sécurité des Canadiens, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a obligé les fournisseurs de services sans fil à améliorer leurs services 911 au plus tard le 1er février 2010Footnote 7 . Les services 911 évolués (E911) devaient faciliter la localisation d'une personne effectuant un appel 911 à l'aide d'un téléphone cellulaire, particulièrement en situation d'urgence pendant laquelle la personne ne peut pas parler ou indiquer sa position.

Les fournisseurs de téléphones cellulaires “ utilisent le système mondial de localisation (GPS) ou la technologie de triangulation, puis transmettent automatiquement au téléphoniste du centre d'appels les renseignements concernant le lieu où se trouve l'appelant. Cela permet aux intervenants d'urgence de localiser un appelant, généralement dans un rayon de 10 à 300 mètres à partir du téléphone cellulaire ”Footnote 8.

1.4 Renseignements météorologiques

À 19 h, une basse pression profonde au Lac Huron se déplaçait, à environ 20 nœuds, en direction nord est vers la région de Val-d'Or et du Lac Saint-Jean. Ainsi, tout le sud du Québec était recouvert d'une couche nuageuse de 2000 à 20 000 pieds asl, en plus d'averses de neige légères à modérées et de zones d'averses de neige fortes dispersées, le tout réduisant la visibilité occasionnellement à 0,25 mille terrestre (sm) (Annexe B).

Aucun message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) n'est disponible à l'aéroport CYRC. Les observations à CYBG, environ 15 nm au sud de CYRC, à 23 h, indiquaient des vents de 110° vrai (T) à 21 nœuds avec rafales à 31 nœuds, avec visibilité au sol entre 0,75 et 1,25 sm, des averses de neige légères et de la poudrerie. Le plafond était à 4200 pieds agl; la température de surface, de −7 °C; le point de rosée, de −8 °C; et le calage altimétrique, à 29,32 pouces de mercure. Les images du radar du lac au Castor (WMB) montrent une importante zone de précipitations dans la région de CYRC entre 22 h 40 et 22 h 50.

La prévision météorologique dont dispose l'équipage est la prévision d'aérodrome (TAF) modifiée pour CYBG émise à 16 h 55, valide à compter de 16 h le 9 décembre 2009 jusqu'à 16 h le 10 décembre 2009, qui indique ce qui suit : vents de 090° vrai (T) à 25 nœuds avec rafales à 40 nœuds, visibilité au sol de 6 sm, averses de neige légères et poudrerie, plafond de 3 000 pieds agl. Entre 16 h et 21 h, les conditions temporaires peuvent réduire la visibilité à 1 sm lorsqu'il y a averses de neige légères ou poudrerie, avec ciel obscurci, ce qui entraînerait une visibilité verticale de 800 pieds. À partir de 21 h, il était prévu que la visibilité allait être de 0,5 sm par neige modérée et poudrerie et que la visibilité verticale allait être de 500 pieds avec une condition temporaire, entre 21 h et 10 h le jour suivant, de visibilité de 0,25 sm par neige abondante et poudrerie et une visibilité verticale de 200 pieds.

Conformément aux règles de vol aux instruments (IFR), le plan de vol prévoyait un aéroport de dégagement, soit CYBG, dans le cas présent. Selon le Règlement de l'aviation canadien (RAC)Footnote 9, pour que CYBG puisse être considéré comme un aéroport de dégagement approprié, les renseignements météorologiques à cet aéroport devaient indiquer des conditions égales ou supérieures aux minimums précisés dans le Canada Air Pilot (CAP), soit un sm à l'heure prévue d'arrivée. Lors de la mise à jour des conditions météorologiques avant le départ de CYVO, la TAF de CYBG ne répondait pas aux exigences du RAC pour un aéroport de dégagement, puisque la visibilité était prévue à une valeur fort basse, soit 0,25 sm pour la période visée.

La visibilité de nuit au sol n'est pas nécessairement représentative de la visibilité en vol. Selon le type de lumières en cause, la distance à laquelle ces lumières sont visibles en vol peut atteindre le double de la distance de la visibilité observée au sol. Certains pays, dont ceux de l'Union européenneFootnote 10, reconnaissent ce phénomène et ont augmenté, par conséquent, la visibilité observée au sol pour établir une valeur de visibilité convertie. Cette valeur convertie est utilisée afin d'établir les minimums d'approches aux instruments.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Le commandant de bord était titulaire d'une licence de pilote de ligne valide, délivrée en septembre 2008, et totalisait environ 3500 heures de vol, dont 1000 heures sur le Beech A100 (BE10). Le commandant de bord travaillait pour le compte de la compagnie depuis novembre 2007 et avait réussi son dernier contrôle de compétence pilote (CCP) sur le BE10 en juillet 2009. Le commandant de bord était également instructeur de vol sur le BE10.

Le copilote avait fait sa formation initiale en vol à CYRC et il était titulaire d'une licence de pilote professionnel valide, délivrée en septembre 2006, et d'une qualification de vol aux instruments du groupe 1. Le copilote travaillait pour le compte de la compagnie depuis mars 2008 et avait réussi un CCP sur le BE10 en avril 2009. Il avait accumulé environ 1 000 heures en temps de vol total, dont 150 heures sur le BE10.

L'équipage possédait les licences et les compétences nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Le commandant de bord et le copilote ont subi des blessures importantes et sont décédés immédiatement à la suite de l'accident. L'analyse toxicologique des pilotes n'a révélé aucune condition préexistante ni aucune substance qui aurait pu nuire au rendement de l'équipage. L'examen des dossiers médicaux des pilotes par Transports Canada (TC) n'a révélé aucun élément médical ou pathologique qui aurait pu avoir une incidence sur l'exercice de leurs fonctions.

1.5.2 Fatigue induite par les tâches

Dans les jours précédant l'accident, le commandant de bord et le copilote avaient bénéficié respectivement de 2 et de 3 jours de congé, suivis d'une journée de vol ensemble. La veille de l'accident, ils ont effectué deux vols aller–retour de Baie–Comeau à Rimouski, où la journée de travail avait débuté à 14 h 30 et s'était terminée à 23 h 35.

Le jour de l'accident, on a communiqué avec l'équipage à 11 h 30 pour lui demander d'effectuer le vol entre CYRC et CYVO. Le décollage était prévu à 18 h, avec un retour à CYRC vers 22 h. Rien n'indique que l'équipage était en état de fatigue, au début de sa journée de travail, en raison d'un manque de sommeil ou d'un problème lié à la santé. De plus, l'équipage a bénéficié d'une période de repos, conformément aux dispositions du RAC. À CYRC, l'équipage a pris un repas avant d'effectuer les préparatifs .

L'équipage a effectué le voyage de Baie–Comeau à CYRC en voiture et le trajet de 325 km a duré environ 4 heures en conditions d'averses de neiges et de poudrerie. Comme le coucher du soleil était à 15 h 49, une portion de la conduite et la totalité du vol étaient effectuées à la noirceur. Le vol aller retour était exécuté en vol manuel, par visibilité faible et dans des conditions de turbulence à basse altitude.

L'exécution de tâches liées à la conduite automobile et au pilotage dans de telles conditions requiert une concentration mentale et une attention visuelle plus soutenues. Ce haut degré de concentration, maintenu pendant une période prolongée, entraîne normalement une fatigue induite par les tâches qui nuit à la performance visuelle et cognitive. Cette réduction de la performance a une incidence négative sur la mémoire opérationnelle, qui permet le stockage temporaire d'information pour effectuer des calculs mentauxFootnote 11.

1.6 Renseignements sur la compagnie

1.6.1 Généralités

Exact Air Inc. est détenteur d'un certificat d'exploitation aérienne valide. Le siège social d'Exact Air Inc. est situé à CYRC. Outre CYBC, la compagnie possède trois autres bases auxiliaires à Havre Saint Pierre, à Port Menier et à Sept-Îles.

Au moment de l'événement, Exact Air Inc. exploitait une flotte de 42 aéronefs constituée d'avions Beech A100 (BE10), Piper PA–31, Piper PA–34, Cessna 402, Cessna 310, Cessna 182, Cessna 172 et Cessna 152. Selon le type d'aéronef utilisé, l'exploitation est effectuée conformément à la sous partie 3 de la partie VII du RAC. Lors du vol en question, l'aéronef était utilisé conformément à la sous partie 3, soit en exploitation de taxi aérien. Le BE10 (C–GPBA) était basé à CYRC alors que l'équipage travaillait normalement depuis la base de CYBC. En conséquence, l'équipage n'utilisait pas fréquemment ce BE10.

Exact Air Inc. emploie un système de contrôle d'exploitation de type D (système de régulation des vols géré par les pilotes)Footnote 12 selon lequel le gestionnaire des opérations délègue le contrôle de l'exploitation du vol au commandant de bord, mais conserve la responsabilité de toutes les opérations aériennes. En outre, une personne qualifiée qui connaît les procédures d'alerte en vol de l'exploitant doit être en service ou disponible lorsque des opérations de vol VFR de nuit ou IFR sont menées. Exact Air Inc. avait une personne en service pour le contrôle en vol de l'aéronef en cause dans l'événement.

1.6.2 Procédures d'utilisation normalisées

Le manuel d'exploitation de la compagnie et les procédures d'utilisation normalisées (SOP) sont conformes aux normes de service aérien commercial; toutefois, le contenu des SOP ne fait pas l'objet d'une approbation de la part de TC.

Selon les SOP, au cours d'une approche aux instruments, le PV manœuvre l'aéronef afin de respecter les limites de l'approche et il concentre son attention exclusivement à l'intérieur de l'aéronef. L'attention du PM est à l'intérieur et à l'extérieur et il doit accomplir les actions suivantes :

La liste de vérification avant atterrissage doit être terminée avant le FAF. Généralement, le PM effectue les appels, sinon le PV le fait. Pour l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12, où aucune déviation n'est rencontrée, les appels suivants doivent être effectués :

Situation Appels normalisés
Transition 18 000 pieds “ Transition, altimètre… j'affiche… contre vérification ”;
1000 pieds au dessus de l'altitude autorisée Ex. : 15 000 pour 14 000
100 pieds au dessus de l'altitude autorisée “ Il reste 100 pieds ”
Au FAF “ FAF : altitude, pas de drapeaux ”
1000 pieds avant le minimum “ 1000 pieds au dessus ”
100 pieds avant le minimum “ 100 pieds au-dessus ”
Au cours des contacts visuels suivants “ Contact vertical ”, “ Piste en vue ”, “ Lumières d'approche ”
Altitude minimale “ Altitude contact ” ou “ Pas de contact ”
Point d'approche interrompue (MAP) “ Contact minimum ” ou “ Pas de contact ”
Si contact “ On continue ”
Si pas de contact “ Remise des gaz ”

Comme l'aéronef n'était pas muni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR), il n'a pas été possible d'établir si ces appels ont été effectués conformément aux SOP.

1.6.3 Formation des équipages

Exact Air Inc. détient la spécification d'exploitationFootnote 13 permettant les approches aux instruments effectuées au moyen d'un système de positionnement mondial (GPS) pour lesquelles l'équipage avait reçu la formation conformément aux normes de service aérien commercial.

Selon les normes de service aérien commercialFootnote 14, la formation destinée à éviter les impacts sans perte de contrôle (CFIT) doit être dispensée au cours de la formation initiale et bisannuelle au sol, que l'équipage a reçue. Cette formation doit essentiellement traiter des éléments suivants :

Selon l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), la formation en gestion des ressources d'équipages (CRM) vise fondamentalement à “ améliorer la sécurité aérienne grâce à une utilisation efficace de stratégies de gestion des erreurs dans les domaines d'influence individuelle aussi bien que systémique ”, d'où sa proposition d'intégration de la gestion des menaces et des erreurs (TEM) à la CRMFootnote 15.

À la suite de la réponse de TC à la recommandation A95–11 du BST émise en 1995, une formation en CRM est maintenant exigée dans les compagnies de transport aérien relevant de la sous partie 705 du RAC. Toutefois, une telle formation n'est pas exigée pour exploiter un service aérien de navette relevant de la sous–partie 704 du RAC ou un taxi aérien relevant de la sous–partie 703 du RAC.

À la suite de l'accident de type CFIT d'un Beech King Air à Sandy Bay, en Saskatchewan, le 7 janvier 2007, le BST a formulé la recommandation A09–02.

Compte tenu des risques inhérents à l'absence de formation récente en CRM dispensée aux membres d'équipage d'un taxi aérien ou d'un service aérien de navette, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports oblige les exploitants aériens commerciaux à dispenser une formation contemporaine en gestion des ressources de l'équipage (CRM) aux pilotes d'un taxi aérien relevant de la sous–partie 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) et aux pilotes d'un service aérien de navette relevant de la sous–partie 704 du RAC.
Recommandation A09-02 du BST

Le RAC n'exige toujours pas la formation CRM pour les exploitants de taxi aérien ou d'un service aérien de navette et par conséquent, les pilotes du C–GPBA n'en avaient pas reçu.

Dans sa réponse du 14 janvier 2010, TC a accepté, en principe, la recommandation et prévoyait présenter l'évaluation des risques et toute recommandation connexe au Comité réglementaire de l'aviation civile (CRAC) au printemps 2010. La recommandation du CRAC visant à y donner suite déclencherait le processus de réglementation.

Dans sa réponse du 21 janvier 2011, TC a indiqué qu'il avait terminé l'évaluation des risques. Le CRAC a accepté une approche équilibrée qui comprenait l'acceptation de la recommandation A09-02 du BST, une mesure réglementaire, de la formation et des lignes directrices. On examine actuellement le plan du projet dans le contexte des priorités existantes.

L'évaluation des risques effectuée par TC a permis de valider la conclusion du BST quant aux risques concernant l'absence de formation récente en CRM et d'élargir la portée de la lacune de sécurité en incluant les vols commerciaux assurés par un seul pilote. Cette évaluation des risques a également permis de conclure que les problèmes actuels de formation s'étendaient au delà des pilotes relevant des sous–parties 703 et 704 du RAC, et elle recommandait une meilleure définition des exigences en matière de formation ainsi que l'intégration de la CRM contemporaine aux exigences existantes en matière de formation.

Le 19 septembre 2011, le Comité réglementaire de l'aviation civile a demandé qu'un groupe de discussion soit créé dans les meilleurs délais, à l'automne, pour résoudre ce problème. Ce groupe nouvellement formé s'est rencontré pour la première fois le 23 janvier 2012. TC a continué de faire des progrès quant à la mise en œuvre de la recommandation A09–02 du BST. La démarche précise acceptée, une fois mise en œuvre, pourrait réduire substantiellement ou éliminer les lacunes visées par la recommandation A09–02 du BST. Le BST estime que la réponse de TC indique une intention “ satisfaisante ”.

1.7 Renseignements sur l'aéronef

1.7.1 Généralités

L'aéronef était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueurFootnote 16. L'entretien était effectué par l'organisme de maintenance agréé (OMA) d'Exact Air Inc. selon un calendrier de maintenanceFootnote 17 approuvé par TC. La masse et le centrage de l'aéronef respectaient les limites prescrites par le fabricant.

1.7.2 Altimètres

Les altimètres barométriques sont étalonnés pour indiquer l'altitude vraie en conditions de l'atmosphère type internationale (ISA). Toute déviation des conditions ISA produit une erreur dans la lecture de l'altimètre. Lorsque la température est inférieure à la température ISA, l'altitude vraie est inférieure à l'altitude indiquée. En conséquence, des corrections pour température froide doivent être ajoutées aux altitudes publiées sur les cartes d'approches aux instruments lorsque la température est inférieure à 0 °C.

Comme la température au sol était de −7 °C, une correction devait être apportée aux altitudes minimales de passage des points de repère de l'approche ainsi qu'à l'altitude minimale de descente (MDA). Une correction de 67 pieds devait être ajoutée à l'altitude publiée au point de repère final (FAF), une correction de 40 pieds à l'altitude minimale publiée au repère OTUTI et une correction de 30 pieds à la MDA.

Normalement, la procédure d'approche aux instruments est effectuée au moyen du calage altimétrique courant de CYRC. Au moment de l'approche, toutefois, la tour de contrôle de CYRC était fermée et aucun service consultatif n'était disponible. Cependant, l'approche aux instruments permet l'utilisation du calage altimétrique de CYBG avec l'application d'une correction de 30 pieds aux altitudes publiées. En conséquence, compte tenu des corrections pour température froide et pour l'utilisation du calage altimétrique éloigné de CYBG, l'altitude de passage du FAF corrigée était de 1397 pieds, l'altitude minimale publiée corrigée au repère OTUTI était de 970 pieds asl et la MDA corrigée était de 920 pieds asl.

L'enquête n'a pas permis de déterminer si ces corrections avaient été apportées. De plus, les 2 altimètres n'étaient pas munis d'un curseur d'altitude cible, et rien ne l'exige.

Le C–GPBA était muni d'un radioaltimètre. Son curseur de hauteur de décision avait été réglé à environ 1500 pieds agl, ce qui ne correspond pas à une altitude particulière pour l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12. Lorsque la hauteur agl diminue sous la position du curseur, le voyant “ DH ” du radioaltimètre s'allume. Le RAC n'exige pas l'inclusion de directives dans les SOP quant à l'utilisation du radioaltimètre pour les approches de non-précision. Aucune procédure à cet égard n'était en place au sein de la compagnie.

1.7.3 Radiobalise de repérage d'urgence

L'aéronef était muni d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de marque KANNAD, modèle 406AF-COMPACT, numéro de série 259215, pouvant transmettre sur les fréquences 121,5 MHz et 406 MHz. La radiobalise n'a pas été endommagée lors de l'accident et s'est déclenchée à la suite de l'impact; toutefois, l'antenne installée au dos de la cabine a été endommagée.

Il incombe aux propriétaires et aux exploitants d'enregistrer les balises au Système canadien d'enregistrement en ligne de balises du gouvernement du CanadaFootnote 18. L'ELT du C–GPBA ne l'était pas. En conséquence, les coordonnées à utiliser en cas d'urgence n'étaient pas disponibles. Le personnel du CCCM a dû effectuer des recherches supplémentaires pour trouver une personne responsable du suivi des vols en cas d'urgence.

1.7.4 Pilote automatique

Le 19 novembre 2009, le pilote automatique du C–GPBA était inopérant à la suite d'oscillations en tangage. L'aéronef a été remis en service sans pilote automatique conformément aux dispositions du Manuel de contrôle de la maintenance (MCM) de la compagnie et à celles du RAC.

1.7.4.1 Enregistreurs de la parole dans le poste de pilotage (CVR)

Selon le RACFootnote 19, “ il est interdit d'effectuer le décollage d'un aéronef multimoteur à turbomoteur dont la configuration prévoit 6 sièges passagers ou plus et pour lequel le certificat de type de l'aéronef ou la sous–partie en vertu de laquelle il est utilisé exige 2 pilotes, à moins qu'il ne soit muni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage ”.

Le C–GPBA est un aéronef multimoteur à turbomoteur, comportant 8 sièges passagers. Son certificat de typeFootnote 20 permet l'utilisation de celui–ci avec 1 seul pilote à bord. L'aéronef était utilisé selon la sous–partie 703 de la Partie VII du RACFootnote 21, qui exige la présence de 2 pilotes lorsque l'aéronef est utilisé en vol IMC avec des passagers à bord. Toutefois, Exact Air Inc. détient une spécification d'exploitationFootnote 22 émise par TC, qui permet l'utilisation d'un aéronef en vol IMC avec des passagers sans commandant en second. Dans un tel cas, les exigences du RAC visant les pilotesFootnote 23 et l'équipement supplémentaireFootnote 24, tel qu'un pilote automatique fonctionnel, doivent être respectées. Comme le pilote automatique de C–GPBA ne fonctionnait pas, un 2e pilote devait être présent.

Les différentes interprétations possibles des exigences relatives aux CVR ont mené certains exploitants québécois à contester devant les tribunaux l'application de ces exigences par TC. La Cour d'appel fédérale a donné raison aux exploitants, ce qui leur a permis d'exploiter les BE10 en service commercial de taxi aérien sans qu'ils aient l'obligation d'installer un CVR dans leurs aéronefs.

Selon TC, l'interprétation du texte par la Cour allait à l'encontre de l'intention du RAC. Le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) a élaboré, en novembre 2009, un avis de proposition de modification (APM) au RAC. L'objectif était de préciser qu'un CVR est requis en tout temps lorsqu'un aéronef de ce type comporte au moins 6 sièges passagers et qu'il est exploité avec 2 pilotes. Cependant, le RAC n'avait toujours pas été modifié au début de 2012.

1.7.5 Système d'avertissement et d'alarme d'impact

1.7.5.1 Garmin TAWS

Deux GPS, soit le Garmin GNS-530 et le GNS-430, étaient installés dansl'aéronefdans l'aéronef de l'accident conformément aux certificats de type supplémentaireFootnote 25 de Garmin International et à la réglementation en vigueur. Le C–GPBA était le premier BE10 d'Exact Air Inc. muni de GPS, mais ceux-ci n'offraient pas les options de système de renforcement à couverture étendue (WAAS) ou de système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS). Cependant, le Garmin 530W installé dans les autres BE10 de la compagnie incluait le TAWS.

Une des fonctions du système TAWS du Garmin 530W est l'évitement d'obstacle à balayage frontal (FLTA) utilisé pour générer des alertes et des avertissements lorsqu'il est prévu que l'aéronef ne respectera pas une hauteur minimale préétablie pour le franchissement d'obstacles et de terrain. Tout point d'impact potentiel sera alors présenté sur l'afficheur.

Le FLTA donne une alerte ambre lorsque l'impact prévu aura lieu dans environ 30 secondes et cette alerte est accompagnée de l'un des nombreux messages sonores d'avertissement. Lorsqu'il est estimé que l'impact aura lieu dans environ 15 secondes, une alerte rouge est générée, accompagnée d'un message sonore exigeant une remontée (“ Pull Up ”).

Lorsque l'aéronef se trouve à une altitude considérablement inférieure à la trajectoire normalement suivie en approche de la piste, le système de détection de descente prématurée (PDA) l'indique en générant une alerte ambre accompagnée d'un message sonore “ Too Low Terrain ”.

Le système TAWS du Garmin 530W satisfait aux exigences en matière de certification en vertu de la classe B de la TSO–C151b.

1.7.5.2 États–Unis

La Federal Aviation Administration (FAA) des États Unis requiert, depuis le 29 mars 2001, l'installation d'un système TAWS dans tous les aéronefs propulsés par turbines, en exploitation commerciale, muni d'au moins 6 sièges passagersFootnote 26. Selon le manuel des procédures aux instruments de la FAAFootnote 27, les pilotes peuvent réduire l'exposition à un accident de type CFIT en repérant les facteurs de risques et les mesures correctives avant le vol. Une mesure supplémentaire consiste à équiper les aéronefs d'un système TAWS. Selon la FAA, cette mesure à elle seule pourrait réduire les accidents de type CFIT de plus de 90 %.

1.7.5.3 Communauté économique européenne

La réglementation de la Communauté économique européenne (CEE)Note de bas de page 28 exige l'installation de TAWS, par les exploitants, sur tous les avions à turbines dont la masse maximale certifiée au décollage est supérieure à 5700 kg ou dont la configuration maximale approuvée en sièges passagers est supérieure à 9 sièges.

1.7.5.4 Australian Transport Safety Bureau

L'Australian Transport Safety Bureau (ATSB) a émis une recommandationFootnote 29, le 9 mars 2006, visant l'installation de systèmes TAWS dans les aéronefs de moins de 5700 kg afin d'améliorer la conscience du terrain et, par conséquent, de réduire le potentiel d'accidents de type CFIT.

1.7.5.5 Bureau de la sécurité des transports du Canada

À la suite de l'accident de type CFIT, le 10 novembre 1993, d'un Hawker Siddeley au nord–ouest de Sandy Lake (Ontario), le BST a formulé la recommandation A95–10, qui s'énonce comme suit :

La plupart des avions à turbopropulseurs, certains transportant des dizaines de passagers, continuent de voler sans la protection supplémentaire qu'offre un GPWS. En conséquence, le BST a recommandé que :

le ministère des Transports exige que tous les aéronefs de ligne et de transport régional propulsés par turbine à gaz et approuvés pour le vol IFR, et pouvant transporter au moins 10 passagers, soient équipés d'un GPWS.

le ministère des Transports exige que tous les aéronefs de ligne et de transport régional propulsés par turbine à gaz et approuvés pour le vol IFR, et pouvant transporter au moins 10 passagers, soient équipés d'un GPWS.
Recommandation A95-10 du BST

Dans sa réponse du 14 décembre 2005, TC a souligné que le système TAWS, technologie qui remplace le GPWS, comblera certainement les lacunes inhérentes au GPWS. Il est fort possible que les règlements qui en résulteront soient publiés dans la Partie I de la Gazette du Canada à la fin de 2005 ou au début de 2006. L'ensemble des nouvelles dispositions réglementaires comprend également des dispositions qui, en vertu de la partie 605 du RAC, exigeront que les avions équipés de moteurs à turbine configurés pour accueillir plus de 6 passagers soient équipés d'un TAWS de classe B.

Dans sa réponse du 7 février 2007, TC a mentionné que “ les règlements devaient être publiés au préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada en avril ou mai 2007 ”, mais cette publication a été reportée à l'automne 2007.

Dans sa réponse du 13 août 2008, TC a dit qu'il était possible que les règlements soient publiés dans la Partie I de la Gazette du Canada en 2008.

Dans sa réponse du 15 février 2010, TC a indiqué que les consultations du CCRAC sur les APM relatifs au TAWS et la rédaction de la réglementation par Justice Canada étaient terminées.

Les modifications réglementaires proposées ont été prépubliées le 3 décembre 2011 dans la Gazette du Canada, Partie 1, vol. 145, no 49. Les modifications réglementaires proposées comprendraient des exigences relatives à l'installation de TAWS à bord des aéronefs privés propulsés par turbine comportant 6 sièges passagers ou plus, exclusion faite des sièges des pilotes, et à bord des aéronefs commerciaux comportant 6 sièges passagers ou plus, exclusion faite des sièges pilotes. Les exploitants disposeraient alors d'une période de 2 ans, à compter de la date d'entrée en vigueur de la réglementation, pour équiper leurs aéronefs du système TAWS.

Si elles sont adoptées et mises en œuvre, les modifications réglementaires proposées qui ont été présentées par TC permettront de réduire considérablement la lacune de sécurité décrite dans la recommandation A95–10. Le BST estime que la réponse de TC indique une intention “ satisfaisante ”.

Le risque d'accident de type CFIT est encore plus grand pour les petits aéronefs, qui s'aventurent davantage dans des régions isolées, sauvages ou montagneuses, mais qui ne sont pas tenus d'être dotés du même proximité du sol que les grands avions de ligne.

Le BST note, dans son rapport d'enquête sur les circonstances entourant l'écrasement d'un Beechcraft C99 Airliner à Moosonee (Ontario) survenu le 30 avril 1990Footnote 30, que la situation est préoccupante, car, entre 1976 et 1990, il y a eu 170 accidents de type CFIT mettant en cause de petits aéronefs commerciaux sous immatriculation canadienne et ces accidents ont fait 152 morts. Dans ce même rapport, le Bureau indique qu'en raison de l'obligation selon laquelle les gros aéronefs de transport de passagers doivent être équipés d'un GPWS, le nombre des accidents de type CFIT a diminué de façon marquée. Toutefois, les aéronefs plus petits ne doivent toujours pas être pourvus de ce type de dispositif avertisseur.

Cette lacune de sécurité figure dans la Liste de surveillance du BST et le BST continue d'être fortement préoccupé par le fait que ladite lacune risque de persister jusqu'à ce que les modifications réglementaires soient mises en œuvre.

1.7.6 Examens et analyses de l'aéronef au laboratoire du BST

Le C–GPBA n'était pas muni d'un enregistreur de données de vol (FDR), et la réglementation ne l'exige pas. En conséquence, peu de données étaient disponibles pour la détermination de l'état et de la trajectoire de l'aéronef avant l'accident. L'épave a été transportée au Laboratoire du BST en vue de l'établissement de la condition de l'aéronef au moment de l'accident.

1.7.6.1 Moteurs et hélices

L'examen des moteurs a permis de déterminer que l'intégrité des commandes du moteur et de l'hélice avait été maintenue. Le démontage des moteurs n'a pas révélé d'anomalie, hormis des marques de frottement interne et des déformations, ce qui laisse croire que les moteurs produisaient de la puissance au moment de l'impact.

L'examen des hélices n'a révélé aucune anomalie mécanique avant l'impact. De plus, les marques et les dommages observés confirment que les hélices avaient un angle positif et qu'elles recevaient de la puissance des moteurs au moment de l'impact.

1.7.6.2 Commandes de vol et du train d'atterrissage

L'examen détaillé des commandes, des surfaces, des câbles et des poulies a permis de confirmer l'intégrité des commandes de vol. Aucune anomalie, condition ou défectuosité nuisant au fonctionnement des commandes de vol n'a été observée. L'examen des vérins de contrôle des volets a confirmé qu'ils fonctionnaient normalement et qu'ils étaient en position d'approche au moment de l'impact.

Le train avant et celui du côté gauche étaient sectionnés et détachés du fuselage. L'examen des vérins a permis d'établir que le train d'atterrissage était en position baissée et que toutes les roues étaient sorties au moment de l'impact.

1.7.6.3 Instruments, lumières et panneau annonciateur

En mars 2009, les systèmes Pitot et statique de l'aéronef, ainsi que les 2 altimètres, ont été vérifiés et certifiés. Aucune anomalie n'a été consignée dans le carnet de route depuis cette certification. Au site de l'accident, les 2 altimètres affichaient un calage altimétrique à 29,34 et à 29,35 pouces de mercure. L'examen microscopique du cadran et des mécanismes internes des altimètres n'a pu révéler d'information fiable sur l'indication de ceux-ci au moment de l'impact.

L'examen du radioaltimètre a permis d'établir que le voyant “ DH ” lié à la hauteur de décision était allumé au moment de l'impact. Ainsi, il recevait de l'alimentation électrique et fonctionnait normalement.

On a examiné les ampoules des voyants des différents panneaux annonciateurs pour déterminer celles qui étaient allumées au moment de l'impact avec le sol. Les ampoules des voyants annonciateurs des GPS indiquent qu'ils étaient tous les 2 en mode d'approche, et aucun voyant annonciateur de mise en garde n'était allumé. Les ampoules du panneau du pilote automatique étaient toutes éteintes. Les ampoules des voyants annonciateurs des générateurs de gauche et droite et le signal de dérangement étaient allumées.

Les ampoules des phares d'atterrissage ont été détruites au moment de l'impact. L'examen des interrupteurs pour les phares d'atterrissage n'a pas permis d'établir s'ils étaient allumés au moment de l'impact.

Les écrans des 2 GPS étaient éclatés et les boîtiers étaient bosselés par l'impact. Les cartes de données ont été retirées, et il a été établi que la base de données était valide jusqu'au 17 décembre 2009; les repères de l'approche de CYRC étaient conformes à la carte d'approche aux instruments RNAV (GNSS) sur la piste 12 du CAP. Ces 2 modèles de GPS de Garmin n'enregistrent pas les données relatives à la trajectoire de vol; il n'a donc pas été possible d'établir avec précision la trajectoire de l'aéronef lorsqu'il a quitté la couverture radar.

1.7.6.4 Sièges

L'examen des sièges, de leurs ancrages et des rails de fixation a permis d'établir qu'un dépassement des charges nominales de conception de ceux-ci était survenu lors de l'impact, ce qui expliquait le détachement de 6 des 8 sièges passagers.

1.8 Renseignements sur l'aérodrome

1.8.1 Généralités

L'aérodrome CYRC est situé sur le territoire de la municipalité de Saint–Honoré de Chicoutimi et est exploité par le ministère des Transports du Québec. CYRC est un aérodrome enregistré, mais sa certification n'est plus requise par TC en vertu de l'alinéa 302.01 1)c) du RAC.

La tour de contrôle de Saint–Honoré est fermée entre 20 h 30 et 8 h. Pendant cette période, les services de contrôle ne sont pas disponibles et la fréquence de la tour est désignée comme fréquence ATF. En conséquence, aucun service consultatif n'est disponible pour les vols commerciaux et privés œuvrant en dehors des heures d'ouverture de la tour de contrôle.

1.8.2 Services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs

CYRC ne dispose pas de services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs (SLIA) et ceux–ci ne sont pas exigés par la réglementation. En cas d'urgence, le Service des incendies de la municipalité de Saint–Honoré, situé à quelques kilomètres, peut se rendre à l'aéroport en moins de 6 minutes lorsqu'il est appelé par le personnel de la tour. Cependant, lorsque la tour de contrôle est fermée, personne n'est désigné pour signaler un accident au Service des incendies de Saint–Honoré.

1.8.3 Piste et lumières d'approche et de piste

CYRC compte 3 pistes en asphalte, dont la piste 12/30, qui mesure 6087 pieds de longueur, sur 150 pieds de largeur. L'altitude de la zone de poser (TDZE)Footnote 31 de la piste 12 est 537 pieds asl. L'aérodrome est muni d'un système de balisage lumineux télécommandé (ARCAL) de type K, permettant d'allumer tout le balisage de l'aérodrome pour une durée approximative de 15 minutes à intensité maximale en appuyant 7 fois sur le bouton d'un microphone sur la fréquence de la tour 118,4 MHz. La piste 12 est munie de balisage d'approche de type “ axe basse intensité ” (AD), de feux de seuil de piste, de feux de bord de piste à intensité moyenne variable à 3 intensités et d'un indicateur visuel de pente d'approche (VASIS) à 2 barres.

1.8.4 Conditions de piste

Selon le RACFootnote 32, “ Il est interdit de terminer une approche aux instruments par un atterrissage à moins que, immédiatement avant l'atterrissage, le commandant de bord n'ait vérifié au moyen de radiocommunications ou d'une inspection visuelle les éléments suivants ”:

Selon le Manuel d'information aéronautique (MIA)Footnote 33, “ les comptes rendus de l'état de la surface pour le mouvement d'aéronefs (AMSCR) sont publiés pour avertir les pilotes que des contaminants naturels à la surface des pistes, tels que neige, glace ou neige fondante, risquent de nuire au freinage des aéronefs ”.

De plus, un NOTAM est diffusé sur le réseau AFTNFootnote 34 s'il y a une épaisseur de neige folle de plus de 0,25 pouce sur la piste. L'ensemble de ces renseignements est disponible comme avis consultatif auprès d'une tour de contrôle d'aérodrome ou auprès d'une station d'information de vol (FSS) aux aérodromes non contrôlés.

La dernière inspection de piste à CYRC se fait généralement à environ 16 h 30, soit juste avant le départ du personnel aéroportuaire. Par la suite, le pilote ou l'exploitant doit lui–même communiquer avec les employés responsables du déblaiement de la piste pour s'assurer que celle–ci est dégagée. Le personnel de l'aérodrome communique occasionnellement avec l'exploitant pour vérifier si des arrivées à CYRC sont prévues après la fermeture de la tour.

Le jour du vol en question, l'inspection de la piste a été faite à 16 h 25. En raison des conditions de neige abondante et de vents forts, le personnel responsable du déblaiement est retourné à l'aéroport à environ 22 h 10, pour effectuer une vérification supplémentaire. Il n'y avait pas d'accumulation de neige sur la piste 12 à ce moment. Une fois la tour fermée, la fréquence devient une ATF au lieu d'une fréquence obligatoire (MF). Ainsi, aucun service consultatif n'est disponible et aucun mécanisme n'est en place à CYRC pour recevoir et ensuite transmettre les conditions de piste observées.

À 22 h 15, l'équipage a tenté d'obtenir de l'information, auprès du FIC de Québec, sur les conditions de la piste à CYRC avant l'atterrissage. Comme la tour de contrôle de CYRC était fermée, le FIC n'a pu obtenir une mise à jour des conditions de piste. Les dernières conditions de piste disponibles pour CYRC étaient celles émises à 16 h 25, soit presque 6 heures auparavant.

La Liste de surveillance du BST, publié en mars 2010, fait aussi état des risques de sorties de pistes et de l'importance de pouvoir mettre, à la disposition des pilotes, des renseignements précis sur l'état de la surface de la piste. Le document d'information — Aviation, publié par le BST avec la Liste de surveillance, rappelle que “ d'autres mesures s'imposent pour s'assurer que les atterrissages sont effectués en toute sécurité ” et que “ par mauvais temps, les pilotes doivent recevoir des renseignements opportuns sur l'état de la surface des pistes ”.

1.8.5 Renseignements sur les communications

Selon le RACFootnote 35 le commandant de bord d'un aéronef IFR qui prévoit effectuer une approche ou un atterrissage à un aérodrome non contrôlé doit signaler ses intentions concernant l'utilisation de l'aéronef :

Il doit également signaler la position de l'aéronef :

L'omission de signaler sa position est un phénomène systémique déjà relevé en 2007 par le BSTFootnote 36.

Le Système de compte rendu quotidien des événements de l'aviation civile (CADORS) contient de nombreux rapports d'événements liés au non–respect des procédures de communication en zone d'utilisation de fréquence obligatoire (MF) au Canada. En 2008 et 2009, le CADORS contenait 118 rapports d'événements liés à des cas de non–conformité. Les événements liés aux zones ATF sont rarement signalés puisque le RAC n'exige pas la conformité aux procédures de communication VFR aux aérodromes non contrôlés situés à l'intérieur d'une zone ATF. Toutefois, selon le Manuel d'information aéronautique (AIM), “ ces procédures de compte rendu IFR devraient également être suivies par les commandants de bord aux aérodromes ayant une fréquence ATF ”Footnote 37.

L'équipage a communiqué sa position une seule fois sur la fréquence 118,4 MHz “ arrivant RABAD, bientôt en finale pour la piste 12 ” à 22 h 48 min 53 s . Cependant, la position enregistrée par le radar de Bagotville, à ce moment précis, correspond à 0,4 nm avant le FAF (ESRIX), soit 4,6 nm après le passage du repère RABAD.

Vu cette contradiction positionnelle, des recherches ont été effectuées par le Laboratoire du BST pour vérifier la validité des heures d'enregistrement de la tour et du radar de Bagotville. Il a été établi que les 2 enregistreurs utilisaient une source horaire commune, soit l'heure du réseau GPS. L'heure d'enregistrement de la fréquence tour a ensuite été comparée à l'heure diffusée par le Conseil national de recherches du Canada, et la différence entre les heures était de 0,3 seconde.

L'enregistrement de la fréquence 118,4 MHz a révélé une première série de 8 clics débutant à 22 h 51 min 42 s qui, par l'ARCAL, a allumé tout le balisage d'aérodrome, y compris les feux d'approche de la piste 12. Cette série de clics a été suivie de plusieurs autres séries de clics se terminant à 22 h 52 min 44 s. Toutefois, puisque l'écrasement est survenu à environ 22 h 50, soit presque 2 minutes avant l'enregistrement de la première série de clics, l'équipage n'a pas initié la séquence de mise en marche du balisage d'aérodrome. En conséquence, le balisage d'aérodrome, les feux d'approches et le VASIS n'étaient pas allumés au moment de l'accident.

Il n'y avait aucun aéronef en vol ou au sol dans la région de Saint–Honoré au moment de l'activation du système ARCAL et l'enquête n'a pas permis d'établir la source de ces transmissions. Le Laboratoire du BST a effectué une analyse sonore pour vérifier la provenance des transmissions produisant les clics, et la comparaison des sonagrammes des différentes transmissions enregistrées confirme que le C–GPBA n'était pas la source des transmissions produisant les clics survenus après 22 h 51.

1.9 Essais et recherches

Le BST a mené une série de vols d'essai à l'aéroport CYRC, le 2 mars 2010, pour évaluer l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12. Le premier vol était effectué avec un aéronef muni d'un FMS qui prévoyait une trajectoire de descente optimale de 3°. Le FMS a calculé l'altitude de passage du repère RABAD à 3757 pieds asl, ESRIX à 2169 pieds asl et OTUTI à 1532 pieds asl pour arriver au seuil de la piste à 581 pieds asl, soit 44 pieds au dessus de la surface de celle–ci.

Le deuxième vol, effectué de nuit, avait pour objectif de recréer l'approche avant l'accident. Un BE10 de la compagnie, qui était muni des mêmes modèles de GPS que le C–GPBA, a été utilisé. La première approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 a commencé au repère XESUT; le profil de descente du C–GPBA a été observé jusqu'à l'altitude de passage du FAF, puis l'aéronef est descendu à l'altitude minimale avant OTUTI. Pour la deuxième approche effectuée, on a utilisé une descente par paliers en suivant les altitudes publiées dans le CAP depuis le repère XESUT jusqu'à la MDA.

Les vols d'essai ont permis de constater que lorsque l'approche est effectuée par paliers en suivant les altitudes publiées dans le CAP, l'aéronef est positionné à une altitude minimale, loin du seuil de la piste. Le taux de descente du FAF à la piste est faible, soit bien en dessous de l'angle de descente optimal de 3°. En conséquence, l'aéronef est demeuré aux minimums de franchissement d'obstacles, près du sol pendant des périodes plus longues que dans le cas de la plupart des autres approches effectuées par cet équipage.

Le vol de nuit a permis d'observer la présence de sources lumineuses le long de l'approche, c. à d. des lumières d'une mine située à environ 4 nm du seuil de la piste 12 et celles d'une station–service située à 1 nm du seuil. Cependant, on a pu noter l'absence de lumières dans la région du site de l'accident. Selon l'information recueillie, l'intensité des lumières de la mine a augmenté de façon significative au cours des dernières années.

Figure 2. Mosaïque satellite avec lumières en approche
Figure 2. Mosaïque satellite avec lumières en approche

Le Laboratoire du BST a créé une image composite de l'approche finale en superposant les sources lumineuses sur une mosaïque d'images satellites (Figure 2). L'image permet de voir la position estimée de l'aéronef à la MDA, par rapport au groupe de lumières de la mine et le groupe de lumières de la station–service.

L'illusion du trou noir peut se produire au cours d'une approche de nuit au-dessus d'un relief non éclairé. Lorsqu'un aéronef est en approche vers une aire d'atterrissage et que tout est sombre au–dessous de la trajectoire d'approche, et qu'il n'y a comme stimuli visuel que des feux éloignés, il est très difficile d'estimer correctement la hauteurFootnote 38. Le pilote croit que l'aéronef se trouve à une altitude supérieure à l'altitude réelle, de sorte qu'il effectue ensuite l'approche à une altitude inférieure à la trajectoire d'approche souhaitée, ce qui augmente le risque d'accident de type CFIT.

1.10 Renseignements sur les approches aux instruments

1.10.1 Généralités

Il incombe à NAV CANADA, entre autres, de fournir les services de l'information aéronautique (AIS) au Canada pour satisfaire aux obligations prévues aux annexes 4 et 15 de la Convention relative à l'aviation civile internationaleFootnote 39. Ainsi, NAV CANADA est responsable de la conception, de la représentation et de la publication des cartes d'approches aux instruments au Canada. D'autres organismes tels que Navtech, Jeppesen et Lido peuvent aussi fournir des services d'information aéronautique, y compris des cartes d'approches aux instruments, à condition que l'information soit déjà diffusée par NAV CANADA.

L'annexe 4 de la Convention décrit les spécifications pour les cartes aéronautiques et représente les normes et pratiques recommandées internationales qui, elles, sont définies comme suit :

1.10.2 Surveillance réglementaire

TC assure la surveillance réglementaire des activités liées à la fourniture des services d'information aéronautique au Canada, qui inclut la conception et la représentation des approches aux instruments.

Le Canada est un état membre de l'OACI. Selon le RACFootnote 40, les services d'information aéronautique doivent être conformes aux normes prévues aux annexes 4 et 15 de la Convention. Toutefois, le RAC n'exige pas la conformité aux pratiques recommandées des annexes de la Convention.

1.10.3 Conception d'approches aux instruments

Les procédures d'approches aux instruments au Canada sont conçues selon un manuel de TC intitulé Critères de construction des procédures aux instruments (TP308/GPH209). Selon le TP308, “ la marge de franchissement d'obstacles est le principal facteur de sécurité pris en considération dans la conception de procédures aux instruments ”.

Le TP308 prévoit que la trajectoire de descente optimale du segment final de non-précision est de 318 pieds par nm, soit à un angle de 3°, et son utilisation est recommandée.

L'altitude du FAF figurant dans le CAP pour la carte d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC est 1300 pieds asl et correspond à une altitude minimale de franchissement d'obstacles. En utilisant une hauteur de 46 pieds pour franchir le seuil de la piste, le résultat est un angle de descente de 1,35°. Selon les calculs du TP308 pour l'établissement de l'altitude de passage du FAF sur une trajectoire optimale de 3°, on obtient une altitude de 2173 pieds asl au FAF. Toutefois, cette altitude calculée ne figure pas sur les cartes d'approches publiées dans le CAP.

Le TP308 ne contient pas de spécifications pour la création de tableaux de points de vérification de la distance par rapport à l'altitude sous forme de tableau altitudes/distances, pour aider les pilotes à suivre un angle de descente optimal de 3° sur les approches de non–précision. En conséquence, un tableau altitudes/distances ne figure pas sur les cartes d'approches du CAP.

1.10.4 Représentation des approches aux instruments

La représentation des approches aux instruments du CAP est réalisée selon les spécifications de NAV CANADA, lesquelles doivent être conformes aux normes de l'annexe 4.

Selon les normes de l'annexe 4, la carte d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC publiée dans le CAP doit indiquer l'angle de descente dans la vue de profil de l'approcheFootnote 41. En 2000, TC a émis une constatation de non-conformité à la suite d'une vérification des activités de NAV CANADA puisque l'angle de descente ne figurait pas sur les cartes d'approches publiées dans le CAP. En 2004, TC a émis un rappel puisque les mesures correctives n'avaient toujours pas été mises en place. À ce moment, NAV CANADA a demandé à TC de faire enregistrer, auprès de l'OACI, une demande de dérogation aux normes concernant cette non-conformité à la norme de l'annexe 4. En conséquence, les angles de descente ne sont toujours pas indiqués sur les cartes d'approches de non-précision publiées dans le CAP.

Selon les pratiques recommandées de l'annexe 4, la carte devrait comporter “ un tableau indiquant les vitesses de descente ”Footnote 42, et la vue en profil devrait “ comprendre un profil du relief ou une représentation des altitudes minimales ”, soit par une ligne continue représentant le profil du relief, soit par un bloc grisé indiquant les altitudes minimales des segments d'approche intermédiaire ou d'approche finaleFootnote 43 (Annexe C). La carte d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC publiée dans le CAP ne comprend pas les pratiques recommandées énoncées à l'annexe 4 en ce qui a trait aux points suivants (et n'est pas tenue de le faire) :

Figure 3. Profil de descente publié dans le CAP
Figure 3. Profil de descente publié dans le CAP

En décembre 2009, il existait 1339 approches aux instruments au Canada, dont 1217 approches de non–précision (91 % du total).

1.11 Techniques d'approche aux instruments

1.11.1 Généralités

Il existe essentiellement 2 techniques pour effectuer la descente en finale au cours d'une approche de non-précision (NPA) : la descente par paliers et la descente finale stabilisée avec un angle constant (SCDA).

1.11.2 Descente par paliers

La technique de descente par paliers consiste à descendre l'aéronef jusqu'aux altitudes minimales IFR publiées ou MDA et s'y mettre en palier. La marge de franchissement d'obstacles peut être aussi peu que 250 pieds agl. Le résultat est un vol prolongé à basse altitude, en attendant soit d'obtenir les références visuelles requises pour poursuivre la descente jusqu'à la piste, soit d'atteindre le point d'approche interrompue. En conséquence, les aéronefs passent plus de temps que nécessaire à des altitudes qui offrent une marge minimale de franchissement d'obstacles, ce qui augmente le risque d'accident de type CFIT.

Ce type de descente augmente la charge de travail des pilotes en raison des descentes et mises en palier successives qui nécessitent d'importants changements d'assiette et de puissance pour maintenir la vitesse constante. Les tâches pour effectuer ces manœuvres font appel aux connaissancesFootnote 44, requièrent un effort cognitif plus élevé de la part du PV et dépendent de la mémoire prospective. La mémoire prospective est la mémoire utilisée pour se souvenir qu'on doit bientôt effectuer une tâche. Malheureusement, cette mémoire est reconnue pour sa fiabilité limitée. Lorsqu'il y a un délai entre la planification de la tâche et son exécution, par exemple en période de charge de travail élevée, ou lorsqu'une distraction survient, la tâche risque de ne pas être effectuéeFootnote 45. Donc, pour accomplir des tâches ayant un impact important sur la sécurité du vol, on vise généralement à organiser celles ci de façon à ne pas dépendre uniquement de la mémoire prospective, au moyen de procédures normaliséesFootnote 46.

Dans le cas d'aéronefs équipés d'un poste de pilotage traditionnel, comme le C–GPBA, l'équipage doit interpréter l'information pour exécuter et surveiller ces manœuvres. Les instruments qui sont moins intuitifs à lire et souvent moins bien illuminés que la nouvelle génération d'instruments modernes à cristaux liquides demandent un effort cognitif supplémentaire.

Lors de l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC, l'équipage a utilisé la technique de descente par paliers (Figure 4). Au passage du repère RABAD à 10 nm en finale, un taux de descente d'environ 1700 pieds par minute a été utilisé pour atteindre l'altitude du FAF ESRIX publiée dans le CAP de 1300 pieds asl. Selon les données radars, l'aéronef est passé ESRIX à 1100 pieds asl, et a entamé sa descente à 0,4 nm passé ESRIX à une vitesse sol de 100 nœuds. Le premier point d'impact avec la cime des arbres est survenu à une altitude d'environ 500 pieds asl, à une distance de 1,6 nm de la dernière position radar. Selon la dernière vitesse sol enregistrée au radar, il a fallu 58 secondes pour parcourir cette distance, ce qui se traduit par un taux moyen de descente de 600 pieds par minute.

Figure 4. Descente par paliers utilisée par l'équipage du C–GPBA
Figure 4. Descente par paliers utilisée par l'équipage du C–GPBA

1.11.3 Descente stabilisée avec un angle constant

La technique de descente SCDA consiste à intercepter et à maintenir l'angle de descente optimal de 3° jusqu'à la MDA, qui est utilisée comme altitude de décision. La descente est donc effectuée à un angle constant, à taux de descente constant, ne nécessitant aucun changement de configuration. À la MDA, l'aéronef ne fait pas de paliers. Donc, à ce moment, soit que les références visuelles requises sont présentes pour continuer l'approche et l'atterrissage, soit qu'une approche interrompue est commencée. L'exécution de ce type de descente consiste principalement à contrôler le taux de descente, ce qui exige l'exécution de tâches faisant appel aux compétencesFootnote 47 et réduit l'effort cognitif, donc la charge de travailFootnote 48. Ces tâches liées à la descente SCDA emploient moins la mémoire prospective.

1.11.3.1 Airbus

La documentation technique d'Airbus sur les approches de non–précision préconise l'utilisation de la SCDA, plutôt que la technique classique de descente par paliers, puisque la SCDA entraîne une approche stable qui réduit la charge de travail de l'équipage pendant une phase critique du vol et, donc, réduit les risques d'accident de type CFIT.

1.11.3.2 Boeing

Selon Boeing, les SCDA sont réalisables sur toutes les approches de non-précision. Elles peuvent augmenter la sécurité, prévenir les accidents de type CFIT et améliorer les capacités opérationnelles. Les manuels de formation d'équipage de conduite (FCTM) contiennent l'information générale sur l'utilisation d'une descente constante pour l'exécution d'approches de non-précision, tandis que les divers manuels d'exploitation des aéronefs à l'intention des équipages de conduite (FCOM) précisent la marche à suivre pour effectuer ces approches sur chaque type d'aéronef.

1.11.3.3 National Transportation Safety Board

À la suite d'un accident causé par l'impact avec des arbres en approche en novembre 1995, le National Transportation Safety Board (NTSB) a émis une recommandation en novembre 1996 visant à intégrer un angle de descente constant au lieu des descentes par paliers dans la norme américaine de conception des procédures aux instruments en région terminale (TERPS)Footnote 49 pour les approches de non–précision. En 2008, à la suite de plusieurs autres accidents, le NTSB a émis une recommandation obligeant les exploitants commerciaux à utiliser la technique de descente SCDA pour les approches de non précision.

1.11.3.4 Federal Aviation Administration des États Unis

En 2004, la Federal Aviation Administration (FAA) avait fait intégrer un angle de descente constant pour environ 90 approches de non–précision aux aéroports desservis par des transporteurs commerciaux. Les autres aéroports étaient censés avoir l'information requise pour les approches à angle de descente constant au plus tard en septembre 2007Footnote 50. De plus, la FAA a approuvé l'utilisation de la technique de descente à angle constant dans plusieurs publicationsFootnote 51, dont son Airplane Flying HandbookFootnote 52. Le manuel stipule, entre autres, que pour une approche de non précision, la procédure de descente SCDA facilite les approches stabilisées.

En janvier 2011, la FAA a diffusé une circulaireFootnote 53 soulevant la nécessité d'utiliser la technique de descente SCDA, énumérant ses avantages et expliquant la manière dont elle peut être implantée par la mise en œuvre de procédures d'utilisation normalisées (SOP) et la formation des équipages.

1.11.3.5 Japon

En 2006, le Japon a introduit l'utilisation de profils de descente à angle constant avec les minimums grisés pour chaque segment, sur ses cartes d'approche, conformément aux recommandations de l'annexe 4.

Figure 5. Profil de descente utilisé au Japon
Figure 5. Profil de descente utilisé au Japon
1.11.3.6 Union européenne (UE)

En août 2008, la Commission des communautés européennes a modifié le règlement régissant les minimums opérationnels d'aérodromes (EU-OPS1)Footnote 54, qui remplaçait la réglementation JAR OPS1 depuis juillet 2008. Ce changement exige, entre autres, l'utilisation d'approches stabilisées pour toutes les approchesFootnote 55, et l'utilisation de la technique des approches finales à descente continue (CDFA)Footnote 56, qui est l'équivalent de l'approche SCDA, sur toutes les approches de non-précision classiques. En conséquence, tous les exploitants de l'Union européenne étaient tenus d'utiliser cette technique d'approche avant le 16 juillet 2011.

Selon le fournisseur de services AIS Jeppesen, les changements à la conception et à la représentation des procédures d'approches aux instruments ont été finalisés avant le 16 juillet 2011 pour la plupart des approches sur le territoire de l'Union européenneFootnote 57 afin d'être conformes aux nouvelles normes EU-OPS1. Au début de 2012, les procédures d'approche de 31 petits aéroports n'étaient toujours pas mises à jour en fonction de la nouvelle norme de conception et de représentation.

Les cartes produites par la compagnie Jeppesen comprennent un profil d'approche de non précision, conforme aux normes et aux recommandations de l'annexe 4 (Figure 6). Ces cartes aideront les exploitants de l'Union européenne à se conformer aux normes d'EU-OPS1 en représentant clairement la trajectoire à suivre, qui est conçue à 3°. Cette trajectoire à 3° facilite une descente stabilisée similaire aux approches de précision. Les altitudes recommandées pour suivre cette trajectoire de descente, un tableau altitudes/distances et un tableau des vitesses verticales de descente facilitent la surveillance de la descente en approche. Finalement, des blocs grisés indiquent les altitudes minimales de franchissement d'obstacles pour offrir une conscience de la hauteur de la trajectoire au dessus du relief.

Figure 6. Profil de descente utilisé pour les cartes d'approche de l'Union européenne (Jeppesen)
Figure 6. Profil de descente utilisé pour les cartes d'approche de l'Union européenne (Jeppesen)

1.12 Impact sans perte de contrôle

Un impact sans perte de contrôle (CFIT) se produit lorsqu'un aéronef en état de navigabilité et maîtrisé par le pilote est, par inadvertance, conduit contre le sol, l'eau ou un obstacle. Dans de tels cas, les pilotes n'ont pas conscience du danger avant qu'il ne soit trop tard. Ce type d'accident survient souvent par mauvaise visibilité, la nuit ou par mauvais temps. Ces conditions réduisent la conscience qu'a le pilote de la situation et font en sorte qu'il est difficile de reconnaître que l'aéronef est trop près du sol.

Selon la Flight Safety Foundation (FSF), au début des années 1980, les accidents de type CFIT étaient la plus importante cause de décès dans l'aviation. En 1992, on a créé un groupe de travail ayant pour objectif la réduction des accidents de type CFIT. Ce groupe de travail, mené par la FSF, a été comptait plus de 150 représentants de lignes aériennes, de fabricants d'aéronefs et d'équipements, et finalement des organisations techniques, de recherches et professionnelles. Ce groupe de travail croyait que l'éducation et la formation constituaient des outils facilement accessibles pour aider à prévenir les accidents de type CFIT.

En mars 2010, le BST a publié sa Liste de surveillance, laquelle fait état des problèmes de sécurité qui posent les plus grands risques aux Canadiens et sur lesquels le BST a mené des enquêtes. Dans chaque cas, les mesures prises jusqu'à présent sont insuffisantes, et des moyens concrets doivent être pris par l'industrie et l'organisme de réglementation pour éliminer ces risques. Les accidents de type CFIT représentent un des problèmes de sécurité figurant dans la Liste de surveillance du BST.

Compte tenu de tous les types d'exploitation et de tous les types d'aéronefs, on a enregistré au Canada, de 2000 à 2009, 129 accidents de type CFIT qui ont causé 128 décèsFootnote 58. Les accidents de type CFIT représentent 5 % des accidents, mais près de 25 % de toutes les pertes de vie. En tenant compte uniquement des avions immatriculés au Canada en exploitation de taxi aérien, il y a eu, au cours de la même période, 26 accidents de type CFIT qui ont fait 42 morts. De plus, pour les exploitants de taxi aérien, ces accidents représentent 7 % du nombre total d'accidents, mais 35 % des décès au cours de cette période de 10 ans.

1.13 Accidents liés à l'approche et à l'atterrissage

1.13.1 Généralités

La deuxième phase du programme de réduction des accidents de type CFIT a été la création, en 1996, d'un autre groupe de travail chargé de la réduction des accidents liés à l'approche et à l'atterrissage (ALAR)Footnote 59 de la Flight Safety Foundation (FSF). En se concentrant sur l'approche et l'atterrissage, le groupe désigné a pu, dans le cadre de ses travaux, aller au–delà de la définition stricte des accidents de type CFIT. Cette dernière n'inclut pas les accidents liés à un atterrissage court ou long, le dépassement de piste ou la perte de contrôle à la suite d'une approche instable. Conséquemment, par souci d'uniformité et de clarté, le présent rapport utilisera “ ALA ” pour désigner les accidents liés à l'approche et à l'atterrissage, y compris ceux de type CFIT en approche.

En 1998, le groupe de travail de la FSF a émis les recommandations suivantes, qui visent à réduire et à prévenir les accidents ALA.

1.13.2 Recommandations portant sur les politiques de compagnie

1.13.3 Recommandations portant sur les SOP

1.13.4 Recommandations portant sur la formation

1.13.5 Recommandations portant sur la prise de décision

1.13.6 Recommandations portant sur les CVR et les FDR

1.13.7 Recommandations portant sur le pilote automatique

1.13.8 Recommandations portant sur le radioaltimètre

Hormis la publication d'une SOP par Exact Air Inc. et la formation assurée par cette dernière sur le décollage et l'atterrissage par vent de travers et sur des pistes contaminées, aucune des autres recommandations du groupe de travail de la FSF n'était en place au moment de l'accident. Il est important de noter que la plupart des exploitants de taxi aérien ne mettent pas en œuvre ces recommandations, et la réglementation ne l'exige pas.

1.13.9 Recommandations portant sur la conception de procédures d'approches aux instruments

1.13.10 Recommandations portant sur la représentation de cartes d'approches aux instruments

Aucune de ces recommandations du groupe de travail de la FSF sur la conception et la représentation des approches aux instruments n'est incluse dans l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC publiée dans le CAP (Annexe A), et la réglementation ne l'exige pas.

1.13.11 Recommandations portant sur la technique d'approche SCDA

Le groupe de travail de la FSF a déterminé que le risque d'accident au cours d'une approche de non précision était 5 fois plus élevé qu'au cours d'une approche de précision et a reconnu la nécessité d'effectuer des approches stabilisées. Toutefois, les approches stabilisées ne sont pas utilisées officiellement chez les exploitants de taxi aérien au Canada, et la réglementation ne l'exige pas.

1.13.12 Trousse à outils ALAR de la FSF

À la suite des recommandations du groupe de travail de la FSF, une trousse à outils ALAR a été créée et distribuée par la FSF à titre de ressource, pouvant être modifiée au besoin, pour la formation de pilotes, de contrôleurs aériens et de gestionnaires. Elle comprend le rapport du groupe de travail ALAR, des conclusions, des recommandations, des vidéos, des présentations, des listes de vérification des dangers, des notes documentaires et d'autres produits destinés à prévenir les accidents liés à l'approche et à l'atterrissage.

L'Association du Transport Aérien International (IATA) a approuvé la trousse à outils ALAR de la FSF et a recommandé que ses membres l'utilisent. En 2001, l'OACI a déclaré que la trousse à outils ALAR contenait de l'information extrêmement valable pour la prévention des accidents, et que les états membres devaient songer à l'inclure dans les programmes de formation. L'OACI a ensuite acheté et distribué 10 000 copies de la trousse lors de la 33e session de l'Assemblée de l'OACI à l'automne 2001. Environ 40 000 copies de la trousse à outils ALAR ont été distribuées dans le monde entier à ce jour. Au moment de l'accident, Exact Air Inc., comme la majorité des exploitants de taxi aérien, n'était pas au fait de l'existence de la trousse à outils ALAR de la FSF.

1.13.13 Autres efforts de réduction des accidents liés à l'approche et à l'atterrissage

La FAA a fait appel à différentes équipes; elle a notamment demandé au GA CFIT Joint Safety Analysis Team (JSAT) d'étudier les accidents de type CFIT, et au CFIT Joint Safety Implementation Team (JSIT), d'implanter les stratégies d'intervention proposées par le JSAT. En mars , la FAA a publié une étude des accidents de type CFIT dans le secteur de l'aviation généraleFootnote 61 qui validait les efforts de JSAT et de JSIT.

Le National Lucht-en Ruimtevaartlaboratorium des Pays–Bas a publié un rapport portant sur les accidents de type CFIT en 1997Footnote 62. Selon ce rapport, 70 % des accidents de type CFIT sont survenus au cours de l'approche et de l'atterrissage, dont 95 % mettant en cause des transporteurs régionaux. Dans ce rapport, on recommande, entre autres, l'installation de dispositifs avertisseurs de proximité du sol et l'utilisation de la trousse à outils de la FSF.

L'ATSB a publié, en 2007, un rapport de recherche et d'analyse portant sur les accidents de type CFIT en AustralieFootnote 63. Dans le rapport, on conclut, entre autres, que malgré les efforts internationaux, les accidents de type CFIT continuent de poser un défi. De plus, vu la probabilité élevée de pertes de vies lorsqu'ils se produisent, un effort soutenu est justifié pour réduire le risque d'accident de type CFIT.

En 1998, TC a publié un article intitulé “ CFIT – Pourquoi les avions volent-ils aux altitudes minimales IFR????? ”Footnote 64. Après avoir passé en revue la trousse à outils de la FSF, l'auteur souligne que la lecture de ce document devrait être “ obligatoire pour TOUS les pilotes qui volent actuellement dans le monde ”. L'article reconnait que la plupart des événements de type CFIT surviennent au cours d'approches de non-précision et, tout en traitant des altitudes IFR minimales à l'approche, pose la question “ que faites–vous là? ”. La réponse se trouve, en partie, dans le même article : “ … parce que c'est ce qui est publié ”. L'article rappelle ensuite aux pilotes que les altitudes publiées sur les cartes d'approches aux instruments sont des altitudes minimales de franchissement d'obstacles et non pas nécessairement des altitudes cibles. TC a publié à nouveau le même article dans la première édition 2011 de Sécurité aérienne – Nouvelles, en indiquant qu'il est encore d'actualité 13 ans plus tard.

En 1999, TC a publié une Circulaire d'information aux transporteurs aériens (CITA)Footnote 65 visant à attirer leur attention sur les exigences du RAC relatives à la formation obligatoire en évitement d'accidents de type CFIT, exigences dont la mise en application était imminente. La circulaire cite comme référence la trousse à outils de la FSF et encourage les transporteurs à l'utiliser pour mettre sur pied une formation appropriée sur CFIT.

En septembre 2006, TC a publié une Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires (CIACA) portant sur les modifications de l'interdiction d'approche qui allaient entrer en vigueur le 1er décembre 2006Footnote 66. La CIACA vise principalement les exploitants commerciaux régis par les sous–parties 703, 704 et 705 du RAC voulant bénéficier de valeurs de visibilité d'interdiction d'approche réduite. La CIACA reconnait le travail effectué par le groupe de travail de la FSF et la nécessité de contrôler attentivement la position verticale de l'aéronef pendant l'approche. Les risques liés à l'utilisation de la descente par paliers sont expliqués et la technique SCDA est introduite comme moyen de prévenir les accidents de type CFIT.

Cependant, ni le Manuel de vol aux instruments (TP2076), ni le Manuel d'information aéronautique (TP14371), publiés par TC, n'expliquent l'utilisation de la technique SCDA. NAV CANADA ne communique aucune information sur cette technique puisque les approches publiées dans le CAP ne sont pas conçues en fonction des descentes SCDA. De plus, même si des pilotes voulaient utiliser cette technique, les cartes d'approches aux instruments publiées dans le CAP n'affichent pas la trajectoire de descente optimale de 3° à suivre.

Aucun des pilotes rencontrés dans le cadre de cette enquête n'était au fait de la technique SCDA.

1.13.14 Accidents liés à l'approche et à l'atterrissage au Canada

Selon les données recueillies par le BST, le taux d'ALA en exploitation commerciale semble avoir, en général, peu diminué depuis 10 ans, alors que le nombre d'accidents fatals reste constant. Entre 2000 et 2009, les ALA représentent 62 % de tous les accidents mettant en cause des taxis aériens au CanadaFootnote 67. Le nombre d'accidents en exploitation de taxi aérien est toujours nettement au dessus de celui enregistré en exploitation de lignes aériennes et de navette et représente environ 70 % de tous les ALA en exploitation commerciale. Le résultat est qu'en moyenne, il y a 12 fois plus d'ALA en exploitation de taxi aérien qu'en exploitation de lignes aériennes.

Figure 7. Nombre d'ALA au Canada, en exploitation commerciale, d'avions enregistrés au Canada
Figure 7. Nombre d'ALA au Canada, en exploitation commerciale, d'avions enregistrés au Canada

Environ 80 % des ALA en exploitation commerciale sont survenus aux aéroports qui sont équipés uniquement pour les approches aux instruments de non-précision. Les aéroports régionaux, qui sont rarement équipés pour les approches aux instruments de précision, sont généralement ceux utilisés par les exploitants de taxi aérien.

En 2008 et 2009, le présent accident, ainsi que les ALA et événements suivants ont fait l'objet d'une enquête du BSTFootnote 68 et il a été établi que tous sont survenus à la suite d'une approche de non-précision :

À la suite de ces enquêtes, le BST a fait état, à plusieurs reprises dans ses rapports, de l'importance des recommandations du groupe de travail ALAR de la FSF pour réduire les risques d'ALA.

1.14 Matrice de l'évaluation des risques de l'OACI

L'OACI définit le risque “ comme l'évaluation, exprimée selon la prédiction de la probabilité et de la gravité, des conséquences d'un danger, en prenant comme référence la pire situation prévisible ”Footnote 69. Considérant la probabilité “ éloignée ” et la gravité, “ catastrophique ”, la matrice de tolérabilité de risque de l'OACI (Annexe D) montre que le risque est inacceptable et des stratégies pour la maîtrise ou l'atténuation des risques doivent être mises en place.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

2.0 Analyse

L'équipage effectuait une approche de non-précision de nuit en conditions météorologiques défavorables. L'aéronef était en vol contrôlé lorsqu'il est descendu sous la MDA et a heurté la cime des arbres 3 nm avant le seuil de la piste. L'examen détaillé de l'épave et de ses composantes n'a révélé aucun élément permettant de croire qu'une défaillance a contribué à l'accident.

En conséquence, l'analyse se penchera, en premier lieu, sur les circonstances du vol et les éléments qui auraient pu amener les pilotes à descendre prématurément sous la MDA, apparemment sans qu'ils soient conscients de la proximité du relief. Ensuite, l'analyse portera sur les risques d'accident en approche et à l'atterrissage (ALA) ainsi que sur les mesures d'atténuation éprouvées.

2.1 Vol

Avant le décollage de Val–d'Or (CYVO), l'équipage était au courant des conditions prévues à Bagotville (CYBG). Ces conditions ne répondaient pas aux exigences du RAC applicables à un aéroport de dégagement. Comme aucune METAR n'était disponible pour l'aéroport CYRC, l'équipage ne pouvait connaître les conditions qui avaient cours à destination. Cependant, vu la proximité de l'aéroport CYBG par rapport à CYRC, l'équipage pouvait s'attendre à des conditions similaires. Vu les conditions météorologiques défavorables à l'aéroport de destination, il était important que l'aéroport de dégagement choisi offre une solution d'atterrissage de rechange en cas de déroutement. Toutefois, l'équipage n'a pas changé l'aéroport de dégagement désigné au plan de vol malgré une quantité de carburant qui permettait 1 h 52 de temps de vol supplémentaire. Comme le vol est exploité en vertu d'un système de régulation des vols géré par les pilotes, le commandant de bord n'est tenu que de déposer le plan de vol opérationnel, qui comprend l'aéroport de dégagement de rechange.

L'équipage a tenté d'obtenir les dernières conditions de piste auprès du FIC de Québec pendant le vol. Comme la tour de CYRC était fermée, il n'a pas été possible de les obtenir. Des millions d'atterrissages sont effectués chaque année sur les pistes du Canada. La pluie, la neige, la glace ou la neige fondante peuvent contaminer ces pistes et auront une incidence sur la distance d'atterrissage. Les pilotes doivent calculer la distance d'atterrissage avant chaque tentative d'atterrissage. Pour ce faire, ils doivent disposer de renseignements précis sur l'état de la surface des pistes. Toutefois, si ces renseignements ne sont pas disponibles, les calculs de la distance d'atterrissage peuvent être erronés et les aéronefs peuvent faire des sorties de piste.

Avant d'effectuer l'approche et l'atterrissage à CYRC, le PM aurait dû signaler les intentions de l'équipage sur la fréquence ATF au moins 5 minutes avant de commencer l'approche. Ensuite, des rapports de position étaient requis à RABAD puis au FAF. Toutefois, le seul appel en provenance du C–GPBA a eu lieu tout juste avant le passage du FAF. L'omission de signaler sa position est un phénomène récurrent; cependant, il est essentiel, pour la sécurité des vols en régions non contrôlées, que les pilotes suivent les procédures établies afin d'éviter des conflits avec les autres aéronefs et les véhicules au sol.

Le Centre canadien de contrôle des missions (CCCM) à Trenton a été avisé que la radiobalise du C–GPBA s'était déclenchée, mais le Système canadien d'enregistrement en ligne de balises du gouvernement du Canada ne contenait pas les coordonnées à utiliser pour communiquer avec son propriétaire en cas d'urgence. Puisqu'il s'agissait d'un exploitant commercial, des recherches supplémentaires ont permis de communiquer avec les gestionnaires de la compagnie. Toutefois, dans d'autres circonstances, ce délai pourrait être plus long et avoir un impact important sur les survivants. En conséquence, il est important que les radiobalises soient aussi enregistrées au Système canadien d'enregistrement en ligne de balises du gouvernement du Canada pour assurer une communication rapide avec le propriétaire ou l'exploitant de l'aéronef.

Les téléphones cellulaires sont très courants et sont utilisés de plus en plus fréquemment pour signaler des accidents. Au cours des efforts de recherche et de sauvetage, il a été établi que le lieu de l'appel du passager aux services d'urgence 911 se trouvait à 5 nm au sud-est du site de l'accident. Cet écart de position a augmenté le temps nécessaire pour effectuer les efforts de recherche, ce qui a accru le risque de blessures supplémentaires et de pertes de vies.

2.2 Descente sous la MDA

2.2.1 Généralités

Le copilote était le pilote volant (PV) et en préparation pour l'approche, il aurait normalement procédé au breffage d'approche selon les SOP, ce qui inclut un exposé de la carte d'approche et des altitudes minimales publiées. Normalement, un équipage applique la correction altimétrique pour la basse température aux altitudes publiées dans le CAP.

Comme l'aéronef s'est retrouvé à une altitude et à une vitesse plus importantes qu'à la normale à son approche initiale, il est possible que la charge de travail de l'équipage ait été élevée au début de l'approche. L'aéronef a intercepté la trajectoire d'approche finale à 3 900 pieds asl avec une vitesse sol de 200 nœuds. Un taux de descente d'environ 1700 pieds par minute a été utilisé pour atteindre l'altitude publiée dans le CAP de 1300 pieds asl avant le passage du FAF.

L'équipage a fait son premier appel sur la fréquence ATF juste avant le passage du FAF, mais en indiquant qu'il approchait de RABAD au lieu du FAF ESRIX. Il est possible que l'omission des autres appels requis et l'erreur de position aient été causées par la charge de travail plus élevée de l'équipage.

Selon les données radars, l'aéronef a passé le FAF à 1100 pieds asl, soit 200 pieds sous l'altitude publiée. L'équipage aurait normalement appliqué la correction altimétrique pour la basse température de 67 pieds et la correction pour l'utilisation du calage altimétrique de CYBG de 30 pieds pour assurer le passage du FAF à 1300 pieds asl. Ces corrections altimétriques sont importantes puisque l'équipage visait l'altitude publiée dans le CAP, qui est en réalité un minimum de franchissement d'obstacles. Lorsque l'aéronef descend sous l'altitude publiée, les marges de sécurité sont réduites et l'aéronef risque de subir un accident de type CFIT.

Comme la technique de descente par paliers était utilisée, le PV devait manœuvrer l'aéronef de façon à arriver au FAF à l'altitude publiée dans le CAP de 1300 pieds asl (corrigée à 1397 pieds asl) alors que les volets étaient en position d'approche, que le train d'atterrissage était baissé et que la vitesse indiquée d'approche était maintenue à environ 130 nœuds. Après le passage du FAF, le PV devait descendre et maintenir une altitude de 900 pieds asl (altitude corrigée à 970 pieds asl) jusqu'au repère de descente par paliers OTUTI pour ensuite descendre à la MDA de 860 pieds asl (corrigée à 920 pieds asl).

La descente par paliers a placé l'aéronef à la MDA à une distance d'environ 4 nm du seuil de la piste sur cette approche. En conséquence, le PV devait arrêter la descente et maintenir la MDA jusqu'au moment où les références visuelles requises sont obtenues avant de poursuivre la descente jusqu'à la piste. Pour suivre une trajectoire optimale de 3° de la MDA jusqu'à la piste, la descente devait être amorcée à moins d'un mille marin du seuil de la piste. L'aéronef devait donc rester en palier à la MDA pendant environ 3 nm, ce qui, à une vitesse sol de 100 nœuds, prendrait 1 min 48 s.

Lorsque l'aéronef a quitté la couverture radar à 1100 pieds asl, il se trouvait à 0,5 mille marin passé le FAF. Dès qu'il a amorcé la descente, le PM devait faire l'appel “ 100 to go ” et le PV devait arrêter la descente à 970 pieds asl, ce qui correspond à une hauteur approximative de 450 pieds agl. Selon le temps écoulé de 57 secondes entre la dernière position radar et le point d'impact avec la cime des arbres, le taux de descente moyen était 600 pieds par minute. Cela signifie que l'équipage a utilisé le taux de descente habituel pour atteindre la MDA, mais sans faire le palier aux minimums.

En absence de CVR, il n'a pas été possible d'établir :

Selon l'intention de TC, un CVR doit être installé lorsqu'un aéronef multimoteur à turbomoteur comporte 6 sièges passagers ou plus et que 2 pilotes sont exigés soit par le certificat de type de l'aéronef, soit par la sous-partie du RAC régissant le type d'exploitation. À la suite de la décision de la Cour d'appel fédérale, Transports Canada est toujours en cours de processus de clarification de l'exigence de l'installation d'un CVR dans le cas d'une opération avec 2 pilotes.

2.2.2 Facteurs, influences et scénarios

2.2.2.1 Pilote automatique

L'utilisation du pilote automatique est recommandée par plusieurs organismes pour réduire la charge de travail des pilotes, afin qu'ils puissent mieux se concentrer sur l'acquisition des repères visuels nécessaires avant de poursuivre la descente sous la MDA. Le pilote automatique de C–GPBA ne fonctionnait pas; cependant, même lorsqu'il fonctionne, il n'est généralement pas utilisé sur les BE10 en approche finale puisque les modes de contrôle de la descente sont limités.

2.2.2.2 Système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS)

Le C–GPBA était normalement basé à CYRC, et était le seul BE10 de la compagnie à ne pas être muni d'un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS).

La présence d'un TAWS à bord de l'aéronef procure aux pilotes un outil de sécurité supplémentaire et ils s'y habituent grâce aux avertissements de proximité du sol qui apparaissent occasionnellement au cours des manœuvres d'approche. Si l'aéronef de l'événement, alors qu'il descendait sous 300 pieds agl à une distance se situant entre 3 et 4 nm de la piste, avait été doté d'un TAWS, l'équipage aurait reçu une alerte ambre de descente prématurée accompagnée du message sonore connexe “ Too Low Terrain ”.

En outre, lorsque le moment prévu de l'impact était dans les 30 , une alerte ambre accompagnée du message connexe “ Caution Terrain; Caution Terrain ” aurait été générée. Finalement, dans les 15 secondes de l'impact, une alerte rouge accompagnée du message connexe “ Terrain, Terrain; Pull Up, Pull Up ” aurait été donnée à l'équipage.

Comme l'équipage était basé à Baie–Comeau et qu'il utilisait presque exclusivement des BE10 munis de TAWS, il est possible que les pilotes aient oublié que le C–GPBA n'était pas muni d'un TAWS. Vu la charge de travail pendant l'approche, il est possible que les pilotes s'attendaient à recevoir une alerte TAWS si l'aéronef se retrouvait trop près du solFootnote 70.

Le BST a fait enquête sur de nombreuses collisions avec le sol et l'eau, et a cerné des lacunes, tiré des conclusions et formulé des recommandations, comme l'installation de dispositifs avertisseurs de proximité du sol. Certaines mesures ont été prises, mais d'autres sont requises. Un plus vaste recours à la technologie est nécessaire pour aider les pilotes à évaluer leur proximité du sol.

En 2012, le RAC n'exige toujours pas l'installation de dispositifs avertisseurs de proximité du sol pour les aéronefs en exploitation de taxi aérien commercial.

2.2.2.3 Altimètres

Le fait que le radar a enregistré l'altitude de l'aéronef à des altitudes appropriées tout au long du vol indique que les altimètres fonctionnaient normalement. Toutefois, comme les 2 altimètres barométriques n'étaient pas munis d'un curseur d'altitude cible, l'équipage devait se fier à sa mémoire prospective au moment d'effectuer la mise en palier à la MDA.

Le curseur de hauteur de décision du radioaltimètre était placé à environ 1500 pieds agl. Comme le sol dans cette région est à environ 450 pieds asl, l'illumination du voyant “ DH ” est survenue lorsque l'aéronef descendait sous 1950 pieds asl. À ce moment, l'aéronef ne disposait que de 2,6 nm avant d'atteindre ESRIX, soit 7,6 nm avant le seuil de la piste 12.

Ce rappel n'aurait vraisemblablement pas entraîné une réaction de la part de l'équipage puisqu'il n'était pas lié à une altitude en approche. De plus, un réglage ajusté au-dessus de 1000 pieds agl rend la détection de proximité du sol plus difficile en raison des calculs et de l'interprétation requise.

La FSF recommande le réglage du curseur de hauteur de décision à 200 pieds agl pour les approches de non-précision à titre d'outil pour augmenter la connaissance, par l'équipage, de la proximité du sol. Dans le cas d'un taux de descente habituel de 600 pieds par minute, l'illumination du voyant “ DH ” survient environ 20 secondes avant que l'impact avec le sol n'ait lieu. Comme, à cette hauteur, un aéronef sur une trajectoire de 3° devrait se trouver à une distance de 0,6 nm du seuil de la piste, cette dernière devrait être en vue juste devant l'aéronef.

En utilisant cette procédure recommandée, il est possible d'établir une remise des gaz immédiate sans calculs ni interprétations lorsque le voyant “ DH ” s'allume et que la piste n'est pas en vue.

Comme le RAC n'exige pas l'utilisation du radioaltimètre pour les approches de non-précision, et que les recommandations de la FSF liées au radioaltimètre ne sont pas connues et suivies, cette mesure de protection supplémentaire contre les ALA n'a pas été utilisée.

2.2.2.4 Distraction causée par une urgence ou situation anormale

Les ampoules des panneaux annonciateurs ont été examinées au Laboratoire du BST, et il a été établi que celles du générateur de gauche et de droite étaient allumées, ainsi que le signal de dérangement. Aucune alarme de dérangement n'a été perçue depuis la cabine passagers avant l'impact avec les arbres. Comme l'aéronef a parcouru une distance d'environ 600 pieds au travers des arbres, et que les ailes ont été sectionnées avant l'impact avec le sol, il est raisonnable de croire que les générateurs ont cessé de fonctionner en raison de la collision avec les arbres. En conséquence, il est peu probable que la descente sous la MDA ait été causée par une distraction importante liée à une panne électrique importante ou à l'illumination du signal de dérangement.

2.2.2.5 Descente intentionnelle sans références visuelles

Il est improbable que l'équipage ait choisi de descendre intentionnellement sous la MDA sans avoir acquis au préalable des références visuelles, puisque la base de la couche nuageuse dans la région était à 4200 pieds agl. L'aéronef a atteint la MDA à une distance d'environ 4 nm du seuil de la piste, et la visibilité au sol était 1 nm. Ainsi, il n'y avait pas d'avantages à descendre encore plus bas, puisque les lumières d'approche, à cette distance, n'allaient pas être plus visibles.

2.2.2.6 Scénarios possibles

Alors que l'aéronef s'approchait de la MDA, le PM aurait normalement dû faire l'appel “ 100 to go ” et, tout en surveillant l'approche, effectuer un balayage visuel à l'extérieur pour acquérir des références visuelles. Pendant ce temps, le PV a fixé exclusivement son attention sur ses instruments pour amorcer la mise en palier de l'aéronef à la MDA et maintenir celle-ci. Par la suite, le PV attend l'appel du PM; “ altitude contact ”, “ no contact ”, “ lumières d'approche ” ou “ piste en vue ” avant de déplacer une partie de son attention à l'extérieur pour acquérir les références visuelles.

L'enquête a établi qu'il n'y a probablement pas eu de palier à la MDA et qu'aucune distraction importante n'est survenue à ce stade de l'approche. En conséquence, il s'ensuit que l'attention du PV a dû être déplacée à l'extérieur au moment où la mise en palier à la MDA aurait dû être effectuée. Dans ce contexte il reste 2 scénarios plausibles :

Les pilotes qui utilisent régulièrement l'approche sur la piste 12 à CYRC savent que le passage des lumières de la station-service indique l'arrivée imminente à la piste. Toutefois, l'intensité des lumières de la mine a augmenté considérablement depuis la formation professionnelle du PV à CYRC. Il est donc possible de confondre la mine avec la station-service. L'image composite créée à la suite des essais en vol démontre que la distance entre les lumières de la mine en approche et le site de l'accident est approximativement la même distance qu'entre la station-service et le seuil de la piste 12 (Figure 2).

L'aéronef est arrivé à la MDA juste après le passage des lumières de la mine. Il est concevable que les pilotes aient interprété le passage des lumières de la mine comme celui des lumières de la station-service se trouvant à 1 nm du seuil de la piste. En conséquence, il est plausible qu'au moment de la mise en palier à la MDA, les 2 pilotes aient porté leur attention à l'extérieur dans le but de voir les lumières d'approches.

L'enquête a confirmé que le système ARCAL n'a pas été activé avant l'accident; ainsi, les lumières d'approche, de piste et d'aérodrome n'étaient pas allumées lorsque l'aéronef est descendu sous la MDA. Cependant, il est possible que les lumières de la station-service aient été visibles au loin lorsque l'aéronef est arrivé à la MDA, puisque la visibilité en vol peut varier considérablement d'une région à l'autre en conditions d'averses de neige, surtout la nuit, période pendant laquelle la visibilité en vol peut représenter jusqu'à 2 fois la visibilité au sol lorsque des lumières sont observées.

Les essais en vol ont permis d'observer que le site de l'accident se trouve dans une région de l'approche dépourvue de lumières. L'équipage survolait donc un terrain non éclairé, et les lumières de la station-service étaient possiblement visibles au loin. Le PM aurait normalement fait l'appel selon lequel il avait les lumières en vue, et il est probable que le PV a déplacé son attention à l'extérieur pour les voir. En conséquence, il est possible que les 2 pilotes aient été sujets à l'illusion du trou noir. Dans ces conditions, il est difficile d'estimer correctement la hauteur, puisque les pilotes se seraient sentis plus haut qu'ils ne l'étaient en réalité et ils auraient cru se trouver sur une trajectoire d'approche acceptable jusqu'au moment du premier impact avec la cime des arbres.

Étant donné le nombre d'heures passées à l'exécution de tâches liées à la conduite automobile et au pilotage dans des conditions requérant une attention visuelle élevée, il est possible que l'équipage souffrait alors de fatigue induite par les tâches. Comme cette fatigue a un effet négatif sur la performance visuelle et cognitive, il est possible que la capacité de concentration, la mémoire opérationnelle, la perception ainsi que l'acuité visuelle aient toutes été réduites. L'effet de la fatigue induite par les tâches a possiblement augmenté la difficulté à obtenir et ensuite à interpréter les références visuelles nécessaires avant de poursuivre la descente sous la MDA en toute sécurité.

2.3 Évaluation et atténuation des risques des approches de non-précision

Les exploitants de taxi aérien desservent généralement les aéroports régionaux qui sont, dans la plupart des cas, munis seulement d'approches de non-précision. Les 1217 approches de non précision au Canada représentent 91 % de toutes les approches publiées dans le CAP. Le groupe de travail ALAR de la FSF a établi que le risque d'ALA est fois plus élevé au cours d'une approche de non–précision qu'au cours d'une approche de précision. En outre, la majorité des accidents en exploitation de taxi aérien sont des ALA, lesquelles représentent 70 % de tous les ALA en exploitation commerciale.

Comme les accidents de type CFIT engendrent des dommages importants et, généralement, des pertes de vies, selon la définition de l'OACI, la gravité de telles occurrences est considérée comme catastrophique.

Selon les données du BST, il a eu 230 ALA en exploitation de taxi aérien au cours des 10 dernières années. En moyenne, ce chiffre est 12 fois plus élevé que dans le secteur de l'exploitation de lignes aériennes. Il est raisonnable de conclure que d'autres accidents ALA sont susceptibles de se produire; en conséquence, la probabilité de tels accidents est soit occasionnelleFootnote 71, soit éloignéeFootnote 72.

Le risque est défini en fonction d'une prédiction de la probabilité et de la gravité des conséquences. Il n'est pas possible de réduire la conséquence catastrophique d'un impact avec le sol, et la probabilité qu'un ALA se produise est réelle. Dans de telles conditions, la matrice de tolérabilité de risque de l'OACI indique que des stratégies pour la maîtrise ou l'atténuation des risques doivent être mises en place pour réduire le risque au plus bas niveau qu'on puisse raisonnablement atteindre, pour les approches de non-précision.

Ce risque d'ALA est un risque connu et documenté pour lequel il existe des outils d'évaluation et de prévention formels.

2.4 Mesures d'atténuation des risques d'ALA

2.4.1 Généralités

Dans le but de réduire les ALA, plusieurs pays membres de l'OACI, y compris tous les pays de l'Union européenne, ont choisi d'implanter les mesures recommandées par le groupe d'étude ALAR de la FSF, ainsi que les recommandations énoncées à l'annexe 4, pour améliorer l'aspect visuel des cartes d'approches aux instruments de non–précision.

2.4.2 Conception des approches aux instruments

Selon le RAC, la conception de l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC est conforme aux normes du TP308. Cependant, lorsque l'on utilise principalement la marge de franchissement d'obstacles pour la conception de procédures aux instruments, les efforts internationaux pour réduire les ALA, dont l'approche finale fondée sur une trajectoire de descente optimale de 3°, ne sont pas pris en considération.

Il en résulte que l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC, qui ne comporte pas d'obstacle important en approche, a été conçue en fonction d'une altitude de passage du FAF à 763 pieds au dessus du seuil de la piste à une distance de 5 nm. Comme il s'agit de la seule altitude publiée pour le passage du FAF dans le CAP, les pilotes l'utilisent généralement comme cible. Dans ces circonstances, l'angle de descente que le pilote doit suivre n'est que de 1,35 °.

En 1998, TC a publié un article sur les accidents de type CFIT dans lequel on se demande “ pourquoi les avions volent–ils aux altitudes IFR minimales au cours des approches de non–précision (NPA)? ”. Cet article examine le rôle des pilotes et non pas les aspects systémiques qui peuvent influencer leur rendement. Selon la perspective de Dekker sur les erreurs humainesFootnote 73, le fait de blâmer un individu au lieu de tenter de comprendre une situation du point de vue de celui-ci fait en sorte qu'on évite de déterminer et de résoudre les vrais problèmes.

Le même article a été publié de nouveau 13 ans plus tard, et il reconnaît que le problème existe toujours en 2011. Selon HollnagerFootnote 74, du point de vue de la prévention des accidents, il est reconnu qu'un message rappelant qu'il faut faire attention face à certains risques n'est pas une stratégie de sécurité efficace. Il faut contrer le risque par une restructuration ou par l'ajout de mesures de sécurité pour protéger l'individu contre ledit risque.

Selon les données recueillies par le BST, le taux d'ALA en exploitation commerciale semble avoir, en général, peu diminué depuis 10 ans. Il est donc permis de croire que la stratégie employée par TC ne s'est pas avérée efficace.

2.4.3 Représentation des approches aux instruments

La carte d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC, publiée dans le CAP, ne satisfait pas à toutes les normes de représentation de l'annexe 4, puisque l'angle de descente ne figure pas sur les cartes. En conséquence, les pilotes effectuant des approches de non-précision au Canada ne bénéficient pas d'un rappel visuel indiquant que, pour cette approche en particulier, si les altitudes publiées sont suivies, l'angle de descente est de seulement 1,35° au lieu de l'angle optimal de 3° recommandé.

La carte d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 à CYRC publiée dans le CAP ne comporte pas toutes les pratiques recommandées en matière de représentation de l'annexe 4, et TC n'exige pas la conformité à ces dernières. En conséquence, les cartes d'approche publiées dans le CAP excluent les éléments visuels reconnus pour leurs effets bénéfiques sur la conscience de la position relative au relief, tels que :

Figure 8. Profil RNAV (GNSS) sur la piste 12
Figure 8. Profil RNAV (GNSS) sur la piste 12

La seule ligne avec une flèche figurant au profil de carte d'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 montre une trajectoire qui semble indiquer celle à suivre (Figure 8). Selon les concepteurs, ces altitudes sont des minimums de franchissement d'obstacles et les pilotes ne devraient pas nécessairement les suivre. En 1998 et ensuite en 2011, des articles de TC se penchaient sur les raisons pour lesquelles les pilotes volent à ces altitudes. Toutefois, aucune autre possibilité n'est présentée sur la carte et TC ne publie pas de documents de référence officiels pour expliquer les procédures de vol aux instruments au Canada.

Le profil de descente n'est pas représenté à l'échelle. En conséquence, la distance horizontale pour descendre 400 pieds entre ESRIX et OTUTI est presque la même que pour descendre 40 pieds après OTUTI jusqu'à la MDA. Sur le plan visuel, cette similitude en distance horizontale pourrait fausser la perception du temps nécessaire pour descendre après OTUTI jusqu'à la MDA et pourrait masquer le fait que l'angle de descente est de 1,35° au lieu de l'angle optimal de 3° recommandé.

L'utilisation d'un tableau altitudes/distances est plus simple, sur le plan cognitif, dans le cadre de l'exécution et de la surveillance de la descente en finale, puisque les calculs sont déjà faits et il suffit de comparer les altitudes aux distances. Comme il est possible que l'équipage subît de la fatigue induite par les tâches, qui a un effet négatif sur la mémoire opérationnelle utilisée pour effectuer les calculs mentaux, l'utilisation d'un tel tableau diminue le risque d'erreur dans l'exécution de la descente.

Le profil du relief ne figure pas sur les cartes d'approche publiées dans le CAP. Le pilote doit donc développer une connaissance de la hauteur au dessus du relief par déduction, ce qui, en soi, requiert un effort cognitif plus poussé que si le relief était montré visuellement sur la carte.

Les cartes d'approche aux instruments qui comportent les recommandations de l'annexe 4 présentent une image visuelle précise de la trajectoire à suivre, tout en indiquant les altitudes minimales de franchissement d'obstacles. Ces éléments visuels reconnus pour leurs effets bénéfiques sur la conscience de la position par rapport au relief réduisent l'effort cognitif requis, et par conséquent, la charge de travail nécessaire pour effectuer l'approche.

Figure 9. Profil de descente incluant les recommandations de l'annexe 4
Figure 9. Profil de descente incluant les recommandations de l'annexe 4

2.4.4 Technique de descente stabilisée à angle constant

La descente par paliers dépend de la mémoire prospective, ce qui occasionne une charge de travail plus élevée et requiert un effort cognitif plus poussé qu'une descente SCDA. En conséquence, peu importe si l'équipage est fatigué ou non, il est plus vulnérable aux erreurs inhérentes à l'exécution de cette approche. La simplification des tâches liées à la technique SCDA permet justement de réduire l'effort cognitif requis pour effectuer l'approche, ce qui réduit la charge de travail et, par extension, les risques d'erreurs.

Les avantages de la technique SCDA ont été démontrés et validés par TC ainsi que par plusieurs organismes internationaux. L'utilisation de la technique SCDA est obligatoire chez plusieurs exploitants commerciaux dans bon nombre de pays, y compris tous ceux de l'Union européenne à partir du 16 juillet 2011. Toutefois, la grande majorité des exploitants de taxi aérien au Canada n'utilisent pas la technique SCDA au cours d'approches de non précision.

À la suite de la publication de la Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires numéro 238, en 2006, l'utilisation de la technique de descente SCDA est souvent confondue avec la nécessité d'utiliser celle–ci pour bénéficier de la spécification d'exploitation liée à l'interdiction d'approche. Pour obtenir cette spécification d'exploitation, l'approbation de TC est requise. Ainsi, plusieurs pilotes croient à tort qu'ils ne peuvent effectuer une descente selon la technique SCDA sans l'approbation préalable de TC.

Le Manuel de vol aux instruments (TP2076) ne traitait pas de la technique SCDA et, en 2010, TC a décidé d'abandonner sa publication. En conséquence, les pilotes canadiens doivent obtenir l'information technique sur les approches SCDA ailleurs. En utilisant des documents de référence qui ne sont pas fondés sur les normes canadiennes de conception et de représentation d'approche, il est possible que des pilotes mettent à l'essai des techniques qui ne sont pas adaptées aux informations représentées sur les cartes d'approche publiées dans le CAP.

2.4.5 Recommandations de la FSF


Les recommandations du groupe de travail ALAR de la FSF ont été reconnues internationalement comme outils permettant d'atténuer les risques d'accident liés à l'approche et à l'atterrissage. Ces recommandations visent tous les aspects de l'exploitation, de la conception à la représentation des approches aux instruments en passant par les politiques des compagnies, les SOP, la formation et l'équipement à bord des aéronefs.

Dans plusieurs de ces recommandations, on propose des moyens relativement simples à suivre pour réduire les irrégularités d'exploitation. Ces recommandations clarifient des politiques des compagnies à l'aide d'une définition précise des approches stabilisées à utiliser et d'une politique de remise des gaz sans risque de réprimande. D'autres ciblent les pilotes et décrivent le rôle du commandant en situations complexes, l'utilisation de modèles de prise de décisions, la gestion des risques et des erreurs, les SOP ainsi que la formation.

Dans le contexte du vol en question, le C–GPBA était équipé d'un radioaltimètre. Toutefois, le curseur de l'altitude cible était réglé à 1500 pieds agl; son voyant s'est donc allumé à 1500 pieds agl. Selon les recommandations du groupe de travail, le radioaltimètre devrait être réglé à 200 pieds agl au cours de ce type d'approche et l'équipage devrait avoir reçu la formation nécessaire pour effectuer une remise des gaz dynamique si le voyant du radioaltimètre s'allume avant l'établissement du contact visuel avec la piste. Dans plusieurs des scénarios plausibles envisagés, cette mesure à elle seule aurait pu éviter l'impact avec les arbres.

La compagnie, comme plusieurs exploitants de taxi aérien, ne connaissait pas les recommandations du groupe de travail ALAR de la FSF. Elle avait mis en œuvre les exigences prévues dans les RAC, qui comprennent seulement quelques-unes de ces recommandations.

2.4.6 Trousse à outils ALAR du groupe de travail de la FSF

L'IATA et l'OACI ont approuvé la trousse à outils ALAR du groupe de travail de la FSF comme outil valable pour la prévention des ALA et ont recommandé l'intégration de ce matériel dans les programmes de formation. L'OACI a, par la suite, distribué 10 000 copies de la trousse à outils, et plus de 40 000 copies au total ont été distribuées à l'échelle mondiale. Malheureusement, aucun des exploitants et pilotes rencontrés dans le cadre de cette enquête n'était au fait de l'existence de cette trousse à outils. En conséquence, au Canada, plusieurs des mesures citées dans cette dernière ne sont pas utilisées, ce qui expose les équipages et les passagers à un risque accru d'ALA.

L'équipage du C–GPBA ne disposait pas des outils d'atténuation du risque d'ALA disponibles dans le monde. L'environnement dans lequel il effectuait cette approche ne comportait pas les mesures de protection que procure la trousse à outils ALAR du groupe de travail de la FSF. Les pilotes ont suivi les altitudes publiées dans le CAP pour effectuer l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 en raison de leur formation et de leurs pratiques, et parce que ce sont les seules altitudes figurant sur la carte. Après le passage du FAF, l'équipage a utilisé le taux de descente habituel correspondant à une trajectoire de 3°. L'aéronef s'est retrouvé aux minimums à 350 pieds agl et à 4 nm du seuil de la piste, au-dessus d'une région sans lumière qui est sujette à une illusion de trou noir.

Le manuel d'exploitation de la compagnie, les SOP, la formation, l'équipement du C–GPBA et les cartes d'approches utilisées étaient tous conformes aux RAC. L'aéronef, qui n'avait pas fait le palier aux minimums, a percuté les arbres 3 nm avant le seuil de la piste. En conséquence, cet accident ainsi que les autres ALA qui sont survenus dans des circonstances similaires au cours des dernières années indiquent que les mesures en place visant à atténuer ce risque d'accident sont inappropriées.

3.0 Conclusions

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Pour des raisons indéterminées, l'équipage a poursuivi sa descente de façon prématurée en dessous des minimums d'approche publiés, ce qui a mené à un impact sans perte de contrôle (CFIT).

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Le recours à la technique de descente par paliers plutôt qu'à la descente stabilisée à angle constant (SCDA) pour effectuer les approches aux instruments de non–précision accroît le risque d'accident lié à l'approche et à l'atterrissage (ALA).
  2. La représentation de l'approche RNAV (GNSS) sur la piste 12 publiée dans le Canada Air Pilot (CAP) ne contient pas les éléments visuels reconnus pour réduire les ALA recommandés à l'annexe 4 de la Convention; ainsi, la conscience de l'équipage relative au relief était réduite.
  3. L'installation d'un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS) n'est toujours pas exigée au Règlement de l'aviation canadien (RAC) pour les exploitants de taxi aérien. Tant et aussi longtemps que les changements nécessaires ne seront pas apportés au règlement, on ne disposera pas d'une importante mesure de protection contre les ALA.
  4. Les recommandations du groupe de travail ALAR de la FSF ne sont pas connues de la plupart des exploitants de taxi aérien, ni implantées par ces derniers, ce qui augmente le risque d'un accident de type CFIT.
  5. Une conception de l'approche fondée principalement sur la marge de franchissement des obstacles plutôt que sur l'angle optimal de 3 ° augmente le risque d'ALA.
  6. En raison du manque d'information sur la technique SCDA dans les manuels de référence de Transports Canada, les équipages ne connaissent pas cette technique, ce qui augmente le risque d'ALA.
  7. L'utilisation de la technique de descente par paliers prolonge le temps de vol à altitude minimale, ce qui augmente le risque d'ALA.
  8. La formation des pilotes sur la conception des procédures d'approches aux instruments est insuffisante. Ainsi, ils ont tendance à utiliser les altitudes publiées dans le CAP comme cibles et à placer l'aéronef à basse altitude prématurément, ce qui augmente le risque d'ALA.
  9. Lorsque les pilotes ne disposent pas de renseignements à jour sur les conditions de piste nécessaires pour vérifier la contamination de la piste et la performance à l'atterrissage, les risques d'accident à l'atterrissage sont accrus.
  10. La non–conformité aux procédures de comptes rendus selon les règles de vol aux instruments (IFR) aux aéroports non contrôlés augmente le risque de collision avec d'autres aéronefs ou véhicules.
  11. Si les corrections altimétriques pour la basse température et pour calage altimétrique éloigné ne sont pas effectuées de façon précise, la marge de franchissement d'obstacles est réduite, ce qui augmente le risque d'accident de type CFIT.
  12. Lorsque les enregistrements de la parole dans le poste de pilotage ne sont pas disponibles pour une enquête, cela peut empêcher la détermination et la communication des lacunes de sécurité en vue de la promotion de la sécurité des transports.
  13. Comme la fatigue induite par les tâches a un effet négatif sur la performance visuelle et cognitive, la capacité de concentration, la mémoire opérationnelle, la perception ainsi que l'acuité visuelle peuvent être réduites.
  14. Lorsque la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'est pas enregistrée au Système canadien d'enregistrement en ligne de balises du gouvernement du Canada, cela augmente le temps nécessaire pour communiquer avec le propriétaire ou l'exploitant. Ce délai supplémentaire peut avoir une influence sur le sauvetage et la survie des occupants.
  15. Si la localisation d'un appel provenant d'un téléphone cellulaire aux services d'urgence 911 n'est pas précise, les efforts de recherche et de sauvetage peuvent être mal orientés ou retardés, ce qui peut influer sur le sauvetage et la survie des occupants.

3.3 Autres faits établis

  1. Les conditions météorologiques à l'aéroport de dégagement ne satisfaisaient aux exigences du RAC, ce qui a réduit la probabilité de réussite de l'approche et de l'atterrissage à l'aéroport de dégagement si une diversion s'avérait nécessaire.
  2. À la suite de l'accident, aucune des sorties de l'aéronef n'était utilisable.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Exact Air Inc.

Afin de réduire au minimum les risques d'accident en approche et à l'atterrissage (ALA), la compagnie a mis en œuvre la descente stabilisée avec un angle constant (SCDA) dans ses SOP.

Un programme a été établi en vue de l'installation progressive de radioaltimètres à bord des aéronefs de la compagnie.

La formation de la compagnie sur les impacts sans perte de contrôle a été révisée en vue de l'intégration des recommandations du groupe de travail ALAR de la FSF.

Les mesures suivantes ont été et seront prises par Exact Air Inc. pour réduire les risques liés à l'exploitation :

4.1.2 NAV CANADA

NAV CANADA appuie les recommandations de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et celles du groupe de travail ALAR de la FSF. Des modèles pour la SCDA ont été présentés dans le cadre des améliorations de formats globales apportées aux procédures de vol aux instruments au Canada.

Afin de soutenir le s pratiques recommandées de l'OACI et les principes d'ensemble relatifs aux approches stabilisées, NAV CANADA a élaboré les normes qui suivent en matière de descente avec un angle constant (CDA) :

Principes CDA :

  1. les normes CDA s'appliqueront à toutes les procédures d'approches aux instruments de non précision suivies à bord des hélicoptères et des aéronefs à voilure fixe;
  2. les distances indiquées sur les vues de profil et les données figurant au tableau CDA concordent les unes avec les autres;
  3. des tableaux des distances CDA seront fournis pour les segments intermédiaires (repère intermédiaire ou équivalent) et finaux;
  4. les angles de descente sont limités à une valeur se situant entre 3,0 ° (valeur nominale) et 3,5 ° inclusivement pour les avions et entre 3,0 ° et 4,5 ° inclusivement pour les hélicoptères;
  5. un jeu de règles a été élaboré pour indiquer une altitude d'interception CDA minimale pour le segment d'approche final.

La norme CDA applicable au segment final des hélicoptères est encore en cours d'élaboration.

La production du nouveau format est en cours et la distribution commencera dans un proche avenir.

4.2 Mesures de sécurité requises

4.2.1 Conception et représentation des procédures d'approches aux instruments canadiennes

Le TP308 stipule que la trajectoire de descente optimale du segment final de l'approche de non–précision est de 318 pieds par nm, soit à un angle de 3 °, et son utilisation est recommandée. Toutefois, la conception des approches aux instruments publiée dans le Canada Air Pilot (CAP) est fondée essentiellement sur la marge de franchissement des obstacles. Cette conception ne tient pas compte de la trajectoire optimale de 3 ° à suivre, mais plutôt d'une série de minimums de franchissement d'obstacles.

La représentation des cartes d'approches de non–précision publiées dans le CAP ne peut présenter une trajectoire de descente optimale puisque la conception n'en tient pas compte. La trajectoire de descente illustrée sur la carte d'approches est une ligne raccordant les minimums de franchissement d'obstacles plutôt que la trajectoire à suivre.

Les pilotes pensent à tort que la ligne figurant dans la carte d'approches du CAP est la trajectoire à suivre. Selon les obstacles présents sur la trajectoire d'approche, le taux de descente peut être très faible. En conséquence, les aéronefs passent plus de temps que nécessaire à des altitudes qui offrent une marge minimale de franchissement d'obstacles, ce qui augmente le risque d'accidents liés à l'approche et à l'atterrissage (ALA).

Les cartes d'approches aux instruments qui comportent les recommandations de l'annexe 4 présentent une image visuelle précise de la trajectoire à suivre, tout en indiquant les altitudes minimales de franchissement d'obstacles. Ces éléments visuels reconnus pour leurs effets bénéfiques sur la conscience de la position par rapport au relief réduisent l'effort cognitif requis et, par extension, la charge de travail nécessaire pour effectuer l'approche.

En conséquence, le Bureau recommande que :

Transports Canada exige que la conception et l'illustration des cartes d'approches de non–précision comprennent la trajectoire optimale à suivre.
Recommandation A12-01 du BST

4.2.2 Descente finale stabilisée avec un angle constant

Il existe essentiellement deux techniques pour effectuer la descente finale au cours d'une approche de non–précision (NPA), la descente par paliers et la descente finale stabilisée avec un angle constant (SCDA).

La technique de descente par paliers consiste à faire descendre l'aéronef à une série d'altitudes minimales publiées. Cela requiert plusieurs changements à l'attitude et à la puissance pour maintenir une vitesse constante tout au long de la descente. Cette technique dépend de la mémoire prospective, ce qui occasionne une charge de travail plus élevée et requiert un effort cognitif plus important que la descente SCDA. En conséquence, l'équipage, qu'il soit fatigué ou non, est plus vulnérable aux erreurs inhérentes à l'exécution de cette approche.

La technique SCDA consiste à intercepter et à maintenir un angle de descente optimal à la MDA. La descente est donc effectuée à un angle constant, à taux de descente constant, ne nécessitant aucun changement de configuration. La simplification des tâches liées à la technique SCDA réduit l'effort cognitif requis pour effectuer l'approche, ce qui diminue la charge de travail et, par extension, les risques d'erreur.

Les avantages de la technique SCDA ont été démontrés et validés par TC ainsi que plusieurs organismes internationaux. Toutefois, la grande majorité des exploitants au Canada n'utilisent pas la technique SCDA au cours d'approches de non précision.

Le groupe de travail ALAR de la FSF a déterminé que le risque d'ALA était 5 fois plus élevé dans le cas des approches de non précision que dans celui des approches de précision. Les approches de non–précision représentent 91 % de toutes les approches publiées dans le CAP.

L'utilisation de la technique SCDA comme mécanisme de protection supplémentaire contribuerait à atténuer les risques d'ALA associés aux approches de non précision.

En conséquence, le Bureau recommande que :

Transports Canada exige l'utilisation de la technique de l'approche stabilisée avec angle de descente constant dans l'exécution des approches de non précision par les exploitants canadiens.
Recommandation A12-02 du BST

4.3 Préoccupations du Bureau

4.3.1 Recommandations du groupe de travail ALAR de la FSF

En 1998, le groupe de travail ALAR de la FSF a émis des recommandations ciblant la réduction et la prévention des ALA. Une trousse à outils ALAR comprenant ces recommandations a été créée et distribuée par la FSF comme ressource. Ces recommandations de la FSF ont été reconnues à l'échelle internationale comme outils atténuant les risques d'ALA.

En 1998 et en 1999, Transports Canada (TC) a publié des articles liés à la réduction des accidents de type CFIT. Les deux articles font référence à la trousse à outils ALAR de la FSF. L'article de 1998 a fait l'objet d'une réimpression 13 ans plus tard.

À ce jour, environ 40 000 copies de la trousse à outils ont été distribuées à l'échelle mondiale. Toutefois, la plupart des exploitants de taxi aérien du Canada n'ont pas passé en revue le contenu de la trousse à outils ALAR et ne connaissent pas les détails des recommandations de la FSF. En conséquence, ces stratégies d'atténuation reconnues pour la réduction des ALA ne sont pas mises en œuvre dans le cadre de leurs activités.

Entre 2000 et 2009, les données du BST indiquent que le taux d'accidents liés à l'approche et à l'atterrissage (ALA) pour le secteur aérien commercial ne semble avoir diminué que légèrement et que le nombre de décès est demeuré constant. Durant cette période, il y a eu, dans le secteur du taxi aérien, 230 ALA. Cela représente en moyenne 12 fois le nombre d'ALA enregistré dans le secteur aérien commercial.

En conséquence, les efforts faits par le passé pour promouvoir l'utilisation des recommandations de la FSF n'ont pas mené à la mise en œuvre desdites recommandations dans le secteur commercial et le nombre de décès découlant des ALA est demeuré constant.

Le Bureau craint que, malgré les efforts passés, les stratégies d'atténuation reconnues pour la réduction des ALA figurant dans les recommandations de la FSF ne soient pas mises en œuvre dans le secteur commercial.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le 2 mai 2012.

Annexes

Annexe A — RNAV (GNSS) sur la piste 12 – CAP

Annexe A – RNAV (GNSS) sur la piste 12 – CAP
Annexe A. RNAV (GNSS) sur la piste 12 – CAP

Nota: Ne pas utiliser à des fins de navigation

Annexe B — Prévision de zone graphique

Annexe B – Prévision de zone graphique
Annexe B. Prévision de zone graphique

Annexe C — Exemples de profils de descente

Annexe C – Exemple de carte EU (Jeppesen)
Annexe C. Exemple de carte EU (Jeppesen)
Annexe C – Exemple d'approche au Japon (Jeppesen)
Annexe C. Exemple d'approche au Japon (Jeppesen)
Annexe C – YPAD RNAV-Z (GNSS) PISTE 5 (Airservices Australia )
Annexe C. YPAD RNAV-Z (GNSS) PISTE 5 (Airservices Australia )

Annexe D —Risques de sécurité (OACI, Doc. 9859 AN/474)