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Rapport d'enquête aéronautique A05Q0119

Collision avec un plan d'eau
de l'hélicoptère Bell 205 A-1 C-GADA
exploité par Héli-Express Inc.
au lac Solitude (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Bell 205 A-1, immatriculé C-GADA, numéro de série 30031, participe à une opération de lutte contre un feu de forêt au lac Solitude (Québec) à environ 25 milles marins au nord-ouest de Port-Cartier (Québec) avec un pilote et un arrimeur à son bord. Vers 12 h 20, heure avancée de l'Est, l'hélicoptère quitte un dépôt de carburant situé à l'extrémité sud du lac et circule près de la surface de l'eau; il transporte un réservoir d'eau vide au bout d'une élingue de 100 pieds. Alors qu'il diminue la puissance pour mettre l'hélicoptère en stationnaire, le pilote sent une vibration suivie d'un violent bruit et de ce qui semble être une perte de puissance. L'hélicoptère perd rapidement de l'altitude, se met en piqué et s'incline sur le côté droit avant de heurter la surface de l'eau. Le pilote et l'arrimeur parviennent à évacuer l'hélicoptère qui coule et sont secourus par des pompiers qui se trouvent non loin de là. Le pilote commandant de bord est grièvement blessé. L'arrimeur subit des blessures légères. L'hélicoptère est lourdement endommagé.

Renseignements de base

L'hélicoptère était exploité par son propriétaire Héli-Express Inc. Le pilote commandant de bord possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Le vol se déroulait dans des conditions météorologiques de vol à vue. Le pilote totalisait environ 8000 heures de vol, dont 60 heures sur Bell 205. Il avait terminé sa formation et réussi sa vérification de compétence sur Bell 205 le 7 juillet 2005. Il occupait le poste de chef pilote. L'hélicoptère était équipé d'un dispositif de référence verticale (avec fenêtre concave) qui permettait au pilote de piloter l'hélicoptère en place gauche tout en surveillant la charge et la longue élingue.

L'arrimeur était en place droite. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel d'hélicoptère, mais il ne possédait pas la qualification de type sur Bell 205. Il était à bord à titre d'observateur pour acquérir de la formation sur le travail aérien avec une longue élingue. Il n'était pas aux commandes au moment de l'accident. Comme il avait peu d'heures de vol à son actif, il avait été embauché par la compagnie aérienne pour aider le pilote en effectuant des tâches secondaires, comme s'occuper de l'embarquement des passagers, de la préparation des filets de fret et du ravitaillement en carburant.

Le 15 juillet 2005, le Bell 205 s'était rendu à un camp de base situé à 25 milles marins au nord de Port Cartier pour combattre un feu de forêt. Le matin du 16 juillet, l'hélicoptère s'est rendu au dépôt de carburant situé le long de la rivière, à l'extrémité sud du lac Solitude, puis est revenu au camp de base. L'élingue de 100 pieds a été fixée à l'hélicoptère. L'hélicoptère a ensuite effectué deux vols de transport de filets de fret avant de rentrer au camp de base. Vers 11 h, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1, une pompe à carburant portative et un réservoir d'eau ont été chargés à bord de l'hélicoptère avant le décollage à destination du dépôt de carburant où l'hélicoptère a pris environ 1000 livres de carburant.

Vers 12 h 10, le réservoir d'eau a été fixé à l'élingue de 100 pieds. L'hélicoptère a alors décollé de l'aire d'avitaillement où se trouvait le dépôt de carburant et a circulé lentement près de la surface de l'eau en direction nord-nord-ouest. Le pilote comptait de nombreuses heures de vol avec une longue élingue ainsi que de nombreuses heures de vol avec un réservoir d'eau sous un hélicoptère léger, mais c'était la première fois qu'il effectuait un vol avec un réservoir d'eau fixé à une longue élingue sous un Bell 205, qui est un hélicoptère moyen. L'hélicoptère se trouvait à environ 1000 pieds de la rive lorsque l'équipage a senti une vibration et entendu un grand bruit suivi de ce qui a semblé être une perte de puissance.

Le pilote a actionné la commande de pas collectif pour empêcher l'hélicoptère de descendre, a poussé sur le manche cyclique pour prendre de la vitesse et a ordonné à l'arrimeur de larguer le réservoir d'eau. L'hélicoptère a perdu de l'altitude, s'est mis en piqué et s'est incliné sur la droite avant de heurter la surface de l'eau. Les deux occupants ont évacué l'hélicoptère pendant qu'il coulait. D'autres hélicoptères combattant le feu de forêt sont rapidement arrivés sur les lieux. L'équipage a été secouru par des pompiers à bord d'une petite embarcation à moteur. L'hélicoptère a basculé sur le dos et a coulé dans environ 25 pieds d'eau.

L'arrimeur a été évacué par hélicoptère vers l'hôpital de la localité. Le pilote commandant de bord a d'abord été évacué vers le camp de base où il a été stabilisé. Il a ensuite été transporté par ambulance à l'hôpital où il est arrivé environ quatre heures après l'accident. Au moment de l'accident, le pilote commandant de bord portait sa ceinture de sécurité, mais il ne portait pas son harnais. Il est courant pour les pilotes aux commandes d'un hélicoptère équipé d'un dispositif de référence verticale de ne pas attacher leur harnais, car les pilotes ont besoin d'une grande liberté de mouvement pour pouvoir se pencher par la fenêtre concave de l'hélicoptère lorsqu'ils font du travail aérien avec une longue élingue.

Le pilote commandant de bord a eu une fracture de la colonne vertébrale. L'arrimeur portait sa ceinture de sécurité et son harnais. Il a reçu des blessures légères. Ni le pilote ni l'arrimeur ne portaient un gilet de sauvetage, comme l'exige la section 4.25 Vol au dessus d'un plan d'eau, du chapitre 4, partie 1 du manuel d'exploitation de la compagnie aérienne. Le pilote commandant de bord ne savait pas nager. Aucun des membres d'équipage ne portait de casque; le port du casque n'était pas obligatoire.

Photo 1. Le Bell 205 A-1 C-GADA accidenté
Photo of Le Bell 205 A-1 C-GADA accidenté

L'hélicoptère s'est immobilisé sur le dos à environ 1000 pieds de la rive dans à peu près 25 pieds d'eau et de limon, ce qui a totalement obscurci l'eau pendant les opérations de repêchage. On a d'abord tenté de sortir l'hélicoptère de l'eau en le tirant par le crochet de charge, mais la poutre de force s'est arrachée et n'a pas été retrouvée. Le réservoir d'eau, le rotor de queue et toutes les pièces qui s'étaient détachées de la cellule n'ont pu être récupérées à cause de la faible visibilité sous l'eau. Une fois la cellule récupérée, l'examen de la cellule a confirmé que l'hélicoptère avait heurté la surface de l'eau en piqué sur le côté droit (Photo 1).

Les pales du rotor principal présentaient d'importants dommages liés à l'impact avec la surface de l'eau. Il n'y avait aucun signe de décollement des faisceaux de renfort près des emplantures de pale, phénomène habituellement associé à une conicité des pales. La conicité résulte du déplacement des pales vers le haut si le régime rotor diminue à la suite d'une perte de puissance et d'une sollicitation du levier de pas collectif. L'examen a révélé que les quatre attaches en pylône de la boîte de transmission principale s'étaient rompues sous le choc. La boîte de transmission n'était plus retenue à la cellule que par les conduites hydrauliques et les commandes de vol. Au cours de l'impact, la tête de rotor a touché le mât. Le mât a été démonté et examiné; il ne présentait aucune condition préexistante qui aurait pu contribuer à l'accident. L'arbre de commande principal entre le moteur et la boîte de transmission était du type KAflex. Seuls les accouplements au moteur et à la boîte de transmission ont été retrouvés, et certains de leurs éléments flexibles y étaient toujours fixés. Toutes les cassures associées au KAflex ont été examinées, et l'examen a établi qu'elles s'étaient produites sous l'effet d'une surcharge. La partie creuse de l'arbre a incrusté une empreinte circulaire sur les extrémités d'arbre des deux accouplements. Cette empreinte n'a pu être faite qu'avec l'arbre en place jusqu'à l'impact.

Les dossiers indiquent que l'hélicoptère était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage de l'appareil se trouvaient dans les limites de centrage prescrites, avant et après le largage du réservoir d'eau. La dernière inspection aux 100 heures avait été effectuée le 12 juillet 2005.

L'hélicoptère était équipé d'un turbomoteur T53 13B de Lycoming (Honeywell), numéro de série LE-O7556. Le moteur avait été inspecté pour la dernière fois par Air Asia Company Ltd. le 10 janvier 2002 et installé sur le PK-UHJ, un hélicoptère Bell 205 A-1 sous immatriculation indonésienne. Air Asia avait réparé le moteur le 12 août 2003 à la suite d'une forte consommation d'huile, puis l'avait remonté sur le PK-UHJ. L'hélicoptère avait été importé au Canada en 2003 et avait été réimmatriculé C-GADA sous immatriculation privée le 2 avril 2004 au nom d'une entreprise située en Colombie-Britannique. L'hélicoptère avait été acquis par Héli-Express Inc. trois semaines plus tard et avait reçu une immatriculation commerciale le 22 avril 2004.

Le moteur a été déposé le 16 septembre 2004 et envoyé à Eagle Copters pour une inspection de la partie chaude et le remplacement de disques de turbine à potentiel échu. Le moteur a été installé sur le C-GADA le 9 février 2005. Au moment de l'accident, il totalisait 171 heures de fonctionnement depuis l'inspection de la partie chaude et 993,3 heures depuis la révision. À la suite de l'accident, le moteur a été déposé et expédié pour examen aux ateliers de Honeywell, à Phoenix dans l'Arizona aux États-Unis. Un enquêteur du National Transportation Safety Board des États-Unis a représenté le BST lors du démontage du moteur.

Le disque du premier étage du compresseur axial compte 31 aubes (réf. 1-100-361-06). Chaque aube est assujettie par une languette de blocage (réf. 1-100-505-02). Ces languettes sont à usage unique et elles doivent être remplacées à chaque démontage. L'examen a montré que toutes les languettes de blocage, qui retenaient les aubes au disque du premier étage du compresseur axial, étaient dépliées (Photo 2). Toutes les aubes avaient reculé, et il y avait des rayures de rotation à la base des aubes arrière ainsi que des dommages correspondants sur la périphérie avant du support des ailettes fixes.

Le fabricant n'avait aucun antécédent connu de cas de déplacement d'aubes de compresseur, incident qui se manifesterait d'abord par une instabilité aérodynamique menant à un pompage ou à un décrochage de compresseur. Cela peut s'expliquer par le fait que la réduction de l'espace entre le bord de fuite des aubes et le bord d'attaque des ailettes fixes ne nuit aucunement à l'écoulement d'air à l'intérieur du moteur.

Photo 2. Languettes de blocage
Photo of Languettes de blocage

Le moteur démonté a été retourné au Laboratoire technique du BST. Les résultats des essais additionnels figurent dans le rapport LP 046/2006 intitulé Testing of Locking Tabs (Essai des languettes de blocage). Le rapport indique que les calculs montrent qu'une accélération vers l'arrière avoisinant les 2034 g aurait été nécessaire pour déplier les languettes. L'impact relativement faible subi par l'hélicoptère, le déplacement vers l'avant de l'hélicoptère pendant l'impact et les observations faites pendant les essais laissent croire qu'il est peu probable que les aubes du disque du premier étage du compresseur axial se seraient déplacées vers l'arrière pendant l'accident pour déplier les languettes. Il est probable que les languettes n'avaient pas été remplacées ni repliées, comme il se doit, au cours de la dernière maintenance exécutée sur le compresseur (Photo 2).

Le démontage du moteur à l'atelier de Honeywell a également révélé que les pièces suivantes avaient été obtenues sous un numéro de l'Armée des États-Unis. Leur montage n'est pas autorisé sur un moteur certifié.

Ces pièces auraient été exposées lors de la révision à l'atelier d'Air Asia, un atelier de réparation agréé par Honeywell. Une révision exige que toutes les pièces soient vérifiées et enregistrées. L'injecteur et le distributeur de turbine du deuxième étage auraient été exposés lors de la dernière inspection de la partie chaude, effectuée à l'atelier de Eagle Copters.

Le montage s'est fondé sur la présence des étiquettes d'identification qui confirmaient le bon état de navigabilité des pièces. Le contrôle des pièces d'aéronefs de composants initialement conçus et mis en service pour les militaires peut prêter à confusion, et encore plus lorsque les dessins sont la propriété de l'Armée des États-Unis, comme c'est le cas pour le présent modèle de moteur (T53-L-13B). Même si cette version du moteur (T53-13B) est certifiée par la Federal Aviation Administration (FAA), de nombreuses pièces du catalogue illustré de pièces portent les mêmes numéros que les pièces militaires. En conséquence, l'indication inscrite sur la plaque signalétique ou gravée sur la pièce ainsi que l'étiquette confirmant sa traçabilité ne sont pas suffisantes pour attester que la pièce peut servir à une utilisation commerciale. Il faut vérifier sa validité en renvoyant au code CAGE (Commercial and Government Entity) qui identifie le fabricant et l'acheteur. Ces codes sont disponibles sur le site Web du système de renvoi des numéros d'identification d'entreprises (Business Identification Number Cross-reference System ou BINCS).

Le code CAGE 81996 gravé sur les trois pièces non autorisées décrites précédemment dans le présent rapport renvoie à des pièces fabriquées pour la US Army Aviation and Missile. Pour le moteur de l'hélicoptère C-GADA, le code CAGE approprié pour les pièces aurait dû être 91547. Les étiquettes n'indiquent pas le code CAGE, et il n'est pas obligatoire qu'elles l'indiquent. Cette situation peut donner lieu à la délivrance d'un certificat de navigabilité sans que la documentation soit complète et satisfaisante.

Le rapport rédigé par Honeywell indique que le démontage du moteur n'a révélé aucun élément qui aurait pu compromettre le fonctionnement normal du moteur. Le type de dommages relevés sur le moteur indique que le moteur tournait et qu'il fonctionnait au moment de l'impact avec le plan d'eau. En effet, l'aluminium fondu avait éclaboussé la chambre de combustion et toutes les aubes de turbine. Cette constatation signifie que la combustion était soutenue, donc que le moteur tournait, comme en témoignent plusieurs zones de frottement et de rayures, entre autres :

Le régulateur de carburant (modèle TA-7) a été testé aux ateliers de Goodrich en présence d'un enquêteur technique du BST. On a conclu que le régulateur de carburant et le régulateur de la turbine de travail fonctionnaient correctement. Toutes les valeurs d'essai se situaient à l'intérieur ou légèrement au-delà des limites précisées pour la procédure d'essai d'acceptation.

Ni les valeurs d'essai de fonctionnement ni le démontage du régulateur de carburant n'ont révélé de conditions préexistantes qui auraient pu compromettre le fonctionnement normal du moteur.

Le démontage de la boîte de transmission principale et de la roue libre n'a révélé aucune condition préexistante qui aurait pu entraîner une perte de commande du rotor. On sait que du pompage ou un décrochage compresseur laisse des marques d'érosion sur les roues dentées du boîtier d'engrenages à 42 degrés ou du boîtier d'engrenages du rotor de queue. Le boîtier d'engrenages du rotor de queue n'a pas été retrouvé. L'examen du boîtier d'engrenages à 42 degrés n'a révélé aucun signe d'érosion.

L'hélicoptère est équipé de voyants d'avertissement qui informent le pilote de la perte de paramètres, de systèmes et de composants importants. Les ampoules du tableau de bord, du tableau annonciateur et de la fenêtre concave du pilote, au nombre de 46, ont toutes été retrouvées et envoyées au Laboratoire technique du BST pour déterminer si elles étaient allumées ou éteintes au moment de l'impact. Le rapport de laboratoire du BST numéro LP 090/2005 indique qu'aucun des filaments des ampoules ne présentait des caractéristiques normalement associées au choc subi par un filament incandescent. Il est par conséquent probable que toutes les ampoules étaient éteintes au moment de l'impact. Un voyant d'avertissement moteur s'allume habituellement entre 5 et 11 secondes après une défaillance. Un voyant d'avertissement de faible régime rotor s'allume au bout de 3 secondes environ. Ni le pilote commandant de bord ni l'arrimeur ne se rappellent avoir vu un voyant d'avertissement allumé ou avoir entendu des klaxons lors des événements ayant mené à l'accident.

Des échantillons de carburant prélevés du réservoir de carburant de l'hélicoptère, du filtre à carburant du moteur et de la pompe au sol ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour analyse. Le rapport de laboratoire du BST numéro LP 085/2005 indique que le moteur avait été ravitaillé avec un mélange de Jet A et de 14,86 % par poids ou plus d'essence aviation (AVGAS) 100LL. Une analyse du carburant récupéré du régulateur de carburant, effectuée par Honeywell, a montré une concentration de 11 % par poids d'essence aviation. Bien que le motoriste ne mentionne pas l'essence aviation comme un carburant approuvé pour le moteur T53, ce moteur est capable de fonctionner avec ce carburant sans conséquences nuisibles immédiates. Le régulateur de carburant est conçu pour programmer le carburant de diverses densités. L'essence aviation est un carburant d'urgence acceptable pour la version militaire de ce modèle de moteur.

La Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) est responsable de la prévention, de la détection et de la lutte contre les feux de forêt au Québec. Lors des opérations de lutte contre les feux de forêt, la SOPFEU commande du carburant du grossiste le plus proche. Les fûts sont utilisés, nettoyés, remplis et scellés de nouveau dans la cour de répartition du grossiste, puis livrés au client. Comme le grossiste livre un produit à un endroit qui n'est pas un aéroport, il ne doit se conformer qu'à la réglementation provinciale. Le 15 juillet 2005, la SOPFEU a commandé 40 fûts de Jet A1 à un grossiste de Sept-Îles (Québec), situé à environ 100 km du camp de base. Toutefois, on a livré 36 fûts de Jet AI et 4 fûts d'essence aviation. Les 40 fûts livrés étaient blancs. Les étiquettes servant à identifier les fûts sont blanches avec lettrage noir. Les étiquettes d'identification sur les fûts donnaient l'information spécifiée dans la réglementation provinciale, notamment le type de carburant, la date, le numéro de lot et des renseignements sur les matières dangereuses. La seule différence visible sur les fûts était les mots 100LL AVGAS et JET A1 (Photos 3 et 4).

Photo 3. Vue des fûts de carburant et des étiquettes
Photo of Vue des fûts de carburant et des étiquettes
Photo 4. Étiquettes d'identification sur les fûts de carburant
Photo of Étiquettes d'identification sur les fûts de carburant

L'opération de lutte contre le feu de forêt a nécessité quatre hélicoptères, qui utilisaient tous du carburant Jet A1. Comme aucun autre aéronef utilisant de l'essence aviation n'avait été mis sous contrat, l'exploitant d'hélicoptère ne s'inquiétait pas du fait qu'il pouvait se trouver des fûts d'essence aviation parmi les fûts livrés.

L'essence aviation est considérée comme un produit pétrolier de classe 1, et selon la réglementation provinciale en vigueur, il n'est pas nécessaire que le contenant d'un produit pétrolier de classe 1 dont la capacité est supérieure à 45 litres soit d'une couleur spécifique. Par ailleurs, la réglementation stipule que le rouge doit prédominer sur le contenant d'un produit pétrolier de classe 1 dont la capacité est inférieure à 45 litres. Par conséquent, selon la loi provinciale, les fûts de 205 litres d'essence aviation n'ont pas à être d'une couleur différente d'un produit pétrolier de classe 2 (carburéacteur) ou de classe 3.

Aucune couleur distinctive n'est nécessaire sur les étiquettes d'identification. Les produits stockés dans les contenants ne sont pas visibles pour l'utilisateur et présentent une couleur et une odeur distinctes. L'essence aviation est bleue et le carburéacteur est jaune. Les travailleurs qui ont chargé le produit chez le grossiste et ceux qui ont livré le produit à la SOPFEU ont pris par erreur des fûts d'essence aviation au lieu de prendre des fûts de Jet A1. Au cours du ravitaillement, les pilotes d'hélicoptère ont pris par erreur des fûts d'essence aviation pour des fûts de Jet A1.

Les règlements de Transports Canada définissent un aérodrome comme étant « toute étendue de terre ou d'eau (y compris la portion du plan d'eau qui est gelée), ou une autre surface d'appui utilisée ou conçue, aménagée, équipée ou tenue en disponibilité pour servir, dans son intégralité ou en partie, aux arrivées, aux départs, aux manœuvres ou à l'entretien courant des aéronefs et comprend tout bâtiment, toute installation et tout équipement prévus à cet effet. » Le camp de base et le dépôt de carburant à partir desquels l'hélicoptère accidenté et trois autres hélicoptères évoluaient seraient, par définition, considérés comme un aérodrome. Les distributeurs de produits pétroliers à un aérodrome sont assujettis à la réglementation provinciale. Des normes fédérales existent pour les produits pétroliers pour que le produit puisse être identifié par la couleur du contenant, de la pompe ou de l'étiquette, mais ces normes ne peuvent être appliquées.

Le guide de pilotage à référence verticale de Transports Canada explique que les personnes n'ont que peu ou pas de perception de la profondeur au-delà de 15 pieds. Le pilote qui fait du travail avec une longue élingue doit s'assurer qu'il balaie bien des yeux la zone avoisinante et qu'il ne fixe aucun élément trop longtemps pour pouvoir estimer correctement la vitesse, l'altitude, la profondeur et la vitesse de rapprochement de l'hélicoptère. Les objets situés à la périphérie, la lumière ambiante et les ombres sont quelques-uns des éléments essentiels dont le cerveau a besoin pour évaluer correctement la position et le déplacement de l'hélicoptère.

Les opérations avec une longue élingue exigent que le pilote place l'hélicoptère à proximité d'objets fixes, et dans ce cas-ci, de préférence du côté gauche de l'hélicoptère où se trouve assis le pilote. Le pilote doit stopper le déplacement vers l'avant et maintenir constante la position de l'hélicoptère par rapport à ces objets pendant qu'il descend pour remplir le réservoir d'eau. Avant de passer au vol vers l'avant, il est important de monter suffisamment pour s'assurer que le réservoir d'eau est assez éloigné de la surface de l'eau. À une distance de 1000 pieds de la rive, le pilote ne pouvait pas estimer correctement la vitesse avant et la hauteur de l'hélicoptère au-dessus du plan d'eau. Si le réservoir d'eau avait traîné par inadvertance à la surface de l'eau, puis était entré dans l'eau, il aurait agi comme une ancre, limitant brusquement le déplacement vers l'avant de l'hélicoptère.

Analyse

Les étiquettes d'identification des produits pétroliers étaient conformes à la réglementation provinciale, mais comme les étiquettes se ressemblent, on risque de confondre les produits pétroliers. Le moteur de l'hélicoptère a été alimenté avec une petite quantité d'essence aviation, mais cela n'a eu aucun effet sur le fonctionnement du moteur.

Un examen poussé du moteur et du régulateur de carburant n'a révélé aucune anomalie ni défaut qui aurait contribué à une perte de puissance ou l'aurait causée. Les languettes de blocage du premier étage du compresseur axial ont été laissées dépliées lors de la dernière révision. Sauf le fait qu'il présentait un risque élevé de dommages mécaniques ou structuraux au moteur, le recul des aubes du compresseur n'a eu aucun effet sur le fonctionnement du moteur. La présence de pièces non autorisées sur l'hélicoptère C-GADA d'immatriculation civile n'a également pas eu d'effet sur le fonctionnement du moteur. La présence de languettes dépliées et de pièces non autorisées révèle un contrôle de la qualité déficient de la part des deux ateliers de maintenance impliqués. Comme les pièces militaires et les pièces commerciales peuvent porter les mêmes numéros, il est essentiel de renvoyer au code CAGE des pièces pour confirmer l'origine des pièces et attester qu'elles peuvent être utilisées sur un aéronef commercial. L'absence d'un code CAGE sur les étiquettes se rattachant aux pièces a donné lieu à la délivrance d'un certificat de navigabilité sans que la documentation soit complète et satisfaisante.

La présence de métal fondu dans toute la chambre de combustion et sur les aubes de turbine indique que le moteur fournissait de la puissance au moment de l'impact. Les pales du rotor principal ne présentaient pas les dommages habituellement associés à la conicité des pales, laquelle se produit lorsque le régime rotor diminue après une perte de puissance.

Aucun des composants dynamiques disponibles (arbre de transmission KAflex, boîte de transmission principale, roue libre ou boîtier d'engrenages à 42 degrés) ne présentait de condition préexistante qui aurait compromis leur fonctionnement normal. Les deux membres d'équipage ne se rappellent pas avoir vu des voyants s'allumer ni avoir entendu le klaxon de faible régime rotor. Ni les voyants d'avertissement moteur ni ceux de faible régime rotor n'étaient allumés au moment de l'impact. Toutes ces observations ont mené à la conclusion que les systèmes de l'hélicoptère fonctionnaient à l'intérieur des paramètres normaux au moment de l'impact.

Comme l'hélicoptère se trouvait à une distance de 1000 pieds de la rive, le pilote ne pouvait pas estimer correctement la vitesse avant et la hauteur de l'hélicoptère au dessus du plan d'eau. Il est probable que le réservoir d'eau a été immergé par inadvertance pendant que l'hélicoptère passait de la circulation près de la surface de l'eau au vol stationnaire. Cette situation peut avoir causé des vibrations ainsi que la traction signalée par le pilote et l'arrimeur. Le fait d'actionner le levier de pas collectif et de pousser sur le manche cyclique aurait amené l'hélicoptère à balancer comme un pendule vers la surface de l'eau. Le réservoir d'eau a été largué d'urgence après les sollicitations sur le levier de pas collectif et le manche cyclique. Toutefois, le temps, l'altitude disponible et les références visuelles étaient insuffisants pour empêcher la collision avec la surface de l'eau.

Lors du travail avec la longue élingue, le pilote commandant de bord ne portait pas le harnais de sécurité à sa disposition, ce qui a probablement contribué à la gravité de ses blessures.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'hélicoptère était trop loin de la rive pour assurer des références visuelles suffisantes pour le travail avec une longue élingue, et il est probable que le réservoir d'eau a été immergé par inadvertance pendant que l'hélicoptère passait de la circulation près de la surface de l'eau au vol stationnaire.
  2. Le réservoir d'eau agissant comme une ancre peut avoir eu pour effet de faire balancer l'hélicoptère vers le bas, et le temps, l'altitude disponible et les références visuelles étaient insuffisants pour empêcher la collision avec la surface de l'eau.
  3. Lors du travail à l'élingue, le pilote commandant de bord ne portait pas le harnais de sécurité à sa disposition, ce qui a probablement contribué à la gravité de ses blessures.

Faits établis quant aux risques

  1. La présence de pièces non autorisées sur l'hélicoptère et le fait que les languettes de blocage qui retenaient les aubes au disque du premier étage du compresseur axial étaient dépliées révèlent un contrôle de la qualité déficient de la part des deux ateliers de maintenance impliqués, mais cela n'a eu aucun effet sur le fonctionnement du moteur.
  2. Les étiquettes d'identification des produits pétroliers étaient conformes à la réglementation provinciale, mais comme les étiquettes se ressemblent, on risque de confondre les produits pétroliers.
  3. Les membres d'équipage ne portaient pas de gilet de sauvetage, comme le précise le manuel d'exploitation de la compagnie aérienne. Les deux membres d'équipage ont survécu à leurs blessures, mais le pilote commandant de bord ne savait pas nager et il aurait pu se noyer s'il n'avait pas été secouru par des pompiers qui se trouvaient non loin de là.

Autres faits établis

  1. De nombreuses pièces militaires et commerciales portent le même numéro. L'étiquette se rattachant à la pièce n'est donc pas suffisante pour attester que cette pièce peut servir à une utilisation commerciale. Il faut vérifier sa validité en renvoyant au code CAGE (Commercial and Government Entity). Il n'est pas obligatoire que l'étiquette indique le code CAGE.
  2. L'absence d'un code CAGE sur les étiquettes se rattachant aux pièces a donné lieu à la délivrance d'un certificat de navigabilité sans que la documentation soit complète et satisfaisante.

Mesures de sécurité prises

Le 5 juin 2006, le BST a fait parvenir au directeur général de l'Aviation civile la Lettre d'information sur la sécurité A060026-1 qui portait sur l'identification insuffisante des fûts de carburant. La lettre insistait sur l'importance de bien identifier les fûts de carburant. L'utilisation de fûts de carburant pour ravitailler les hélicoptères en régions éloignées est une pratique répandue au Canada.

Le 11 avril 2007, le BST a fait parvenir au directeur général de l'Aviation civile la Lettre d'information sur la sécurité aérienne A070004 qui portait sur la mauvaise indentification des pièces. La lettre insistait sur le fait que l'indication inscrite sur la plaque signalétique ou gravée sur la pièce ainsi que l'étiquette confirmant sa traçabilité n'étaient pas suffisantes pour attester que la pièce pouvait servir à une utilisation commerciale et qu'il fallait vérifier sa validité en renvoyant au code CAGE (Commercial and Government Entity) qui identifie le fabricant et l'acheteur. Ces codes sont disponibles sur le site Web du système de renvoi des numéros d'identification d'entreprises (Business Identification Number Cross-reference System ou BINCS).

Transports Canada a publié un article intitulé « Mauvaise identification de fûts de carburant » dans le numéro 4/2006 du bulletin Sécurité aérienne - Nouvelles (TP 185). Le bulletin Sécurité aérienne - Nouvelles est envoyé à plus de 90 000 lecteurs à travers le monde.

Air Asia Company Ltd. a pris des mesures de sécurité pour faire en sorte que le contrôle de la qualité au sein de son installation de maintenance soit bien effectué en séparant les pièces militaires des pièces commerciales et en les identifiant.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .