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Rapport d'enquête aéronautique A01C0064

Atterrissage forcé—Basculement dynamique
Heli-Max Ltée
McDonnell Douglas 369E (HU50), C-FMHM
26 NM au nord de Baker Lake (Nunavut)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère transportait des échantillons de roche dure sur une distance d'environ 50 milles marins, du camp de Meadowbank (Nunavut) à Baker Lake. Un violent bruit s'est fait entendre pendant la phase de croisière en palier à 500 pieds au-dessus du sol, et la commande cyclique de l'hélicoptère s'est mise immédiatement à vibrer. Un deuxième bruit s'est fait entendre presque aussitôt, et les pédales anticouple ont commencé à vibrer. Toutes les indications du moteur étaient normales, mais le pilote a néanmoins décidé d'effectuer un atterrissage de précaution à un endroit se trouvant à 26 milles marins au nord de Baker Lake. Juste avant le poser de l'hélicoptère, le pilote a perdu toute référence visuelle dans des conditions de voile blanc et de la poudrerie. Le sabot de queue et le patin droit ont touché la surface recouverte de neige, et l'hélicoptère a basculé sur son côté droit. Le pilote a réduit la puissance au ralenti de vol pendant le basculement au cours duquel les pales du rotor principal, la tête du rotor principal et leurs composants de commande respectifs ont subi d'importants dommages. Une fois l'appareil immobilisé, le pilote, indemne, a tiré sur le sélecteur d'arrêt carburant, s'est extirpé de l'hélicoptère et s'est éloigné à une distance où il n'y avait pas de danger. L'accident est survenu à 20 h 35, heure avancée du Centre; le soleil se couchait ce jour-là vers 21 h 30.

Renseignements de base

Le pilote volait en qualité de pilote d'hélicoptère professionnel depuis 1993. Il était titulaire d'un certificat médical de catégorie 1 valide de Transports Canada sans restriction. Sa licence de pilote d'hélicoptère professionnel de Transports Canada comportait une annotation qui lui permettait de piloter des hélicoptères BH06, S-350, HU50 et HU52. Au moment de l'accident, le pilote totalisait 3327 heures de vol, dont 88 sur le HU50 (le type d'hélicoptère en cause dans cet accident) et 303,6 sur le NOTAR HU52N. Ayant volé moins de deux heures au cours des 24 heures précédentes, il était bien reposé au moment de l'accident.

Le matin de l'accident, le pilote a effectué ses inspections et certifications quotidiennes pour que l'hélicoptère soit prêt au cas où il devrait effectuer un vol d'évacuation médicale. Au souper, le pilote a été avisé que le camp préparait un chargement d'échantillons de roche dure. Lorsque ces échantillons ont été prêts, il y a eu amélioration passagère des conditions météorologiques au camp, et il restait suffisamment de temps pour effectuer le voyage aller et retour avant la tombée de la nuit.

Les données météorologiques de la station radio d'aérodrome communautaire (CARS) recueillies à 21 h, heure avancée du Centre (HAC)Footnote 1, pour l'aéroport de Baker Lake (Nunavut) faisaient état des conditions suivantes : vent du 100 degrés soufflant à 13 noeuds, visibilité de 10 milles terrestres dans de la faible neige et de la poudrerie basse, quelques nuages à 1100 pieds, couvert nuageux à 2500 pieds, température de moins 6 degrés Celsius, point de rosée de moins 7 degrés Celsius et calage altimétrique de 29,71 pouces de mercure.

Le pilote n'a pas communiqué avec la CARS pour s'enquérir des conditions météorologiques avant le vol. Le personnel du camp a appelé Baker Lake de la part du pilote et a estimé que les conditions météorologiques qui prévalaient dans la communauté s'amélioraient. Les conditions météorologiques que prévoyait le pilote au camp de Meadowbank étaient essentiellement les mêmes que celles enregistrées par la CARS. Le personnel du camp a avisé l'expéditeur de Baker Lake que le pilote avait vérifié les conditions météorologiques et qu'il effectuerait le vol. L'expéditeur s'est rendu à l'aéroport et il a attendu l'arrivée de l'hélicoptère à l'intérieur de la CARS.

Le pilote a estimé que l'itinéraire de vol n'était pas nécessaire, puisque le camp avait appelé l'expéditeur pour que ce dernier attende l'arrivée de l'hélicoptère à Baker Lake. Même si le manuel d'exploitation de la compagnie stipule qu'un itinéraire de vol écrit est requis, le pilote n'en a pas rempli. De plus, ce dernier n'a pas appelé la CARS pour l'aviser du vol. Pendant le vol et juste avant l'accident, le pilote s'est légèrement écarté de sa trajectoire rectiligne pour contourner un nuage et un grain localisé.

N'ayant pas été blessé dans cet accident, le pilote a estimé qu'il ne s'agissait peut-être pas d'une situation d'urgence et il n'était pas certain s'il devait utiliser la balise de repérage d'urgence (ELT). Il l'a activée pour une courte période, puis il l'a désactivée. Les procédures qui figurent dans le manuel d'exploitation de la compagnie et dans la Publication d'information aéronautique de Transports Canada mentionnent que l'ELT doit être activée et qu'elle doit le demeurer jusqu'à l'arrivée des secours. Le Centre de coordination des opérations de sauvetage (CCOS) de Trenton (Ontario) a reçu le signal de courte durée et a réussi à déterminer le lieu de l'écrasement.

L'expéditeur se trouvait à la CARS au moment où le CCOS a appelé pour signaler la présence d'un signal provenant d'une ELT située à 26 milles au nord de Baker Lake, et où l'opérateur de la CARS a été en mesure de confirmer qu'un hélicoptère volait dans cette région. L'expéditeur a appelé le camp et confirmé que l'hélicoptère n'était pas revenu, puis il a effectué les appels appropriés pour commencer à organiser les équipes de recherche. Un avion Hercules de recherche et sauvetage a été envoyé de Winnipeg (Manitoba).

Le détachement régional de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a été mis au courant de l'accident. Sous la direction de la GRC, des équipes de recherche au sol ont été envoyées du camp de Meadowbank et de Baker Lake. Lorsque le pilote victime de l'accident a vu les phares des véhicules de recherche, il a tenté d'attirer l'attention de leurs occupants au moyen des trois fusées éclairantes que comportait la trousse de survie. Aucune de ces fusées ne s'est allumée dans le ciel; elles sont plutôt tombées presque aussitôt au sol après être sorties de leur tube. Elles étaient à deux mois de leur date d'expiration. Le pilote a allumé les feux de l'hélicoptère, ce qui a attiré l'attention des secouristes. Il a été retrouvé environ quatre heures après l'accident. L'équipage du Hercules a été avisé que le pilote était hors de danger, puis l'appareil est retourné à Winnipeg.

Les fusées éclairantes de la trousse de survie avaient été fabriquées en janvier 1997 et leur date d'expiration était fixée à juillet 2001. Le fabricant de ces fusées n'était au courant d'aucun problème avec le lot de fabrication de janvier 1997. Il n'existe aucune exigence concernant la vérification du fonctionnement des fusées éclairantes à des températures extrêmes, mais il semble qu'elles aient été testées dans des conditions de froid extrême ainsi que de température et d'humidité élevées. Leur date d'expiration était proche et il est possible qu'elles se trouvaientà bord de l'hélicoptère depuis près de quatre ans. On a pensé que, peut-être, leur exposition prolongée aux vibrations produites par l'hélicoptère ait provoqué la compaction vers le bas de l'agent propulsif se trouvant à l'intérieur des fusées et en ait ainsi réduit l'efficacité. Les trois fusées de la trousse de survie ayant été utilisées, l'état de l'agent propulsif qu'elles contenaient n'a pu être évalué. Après l'accident, l'exploitant a congelé deux fusées du lot de fabrication de janvier 1997 et les a testées : aucune ne s'est allumée.

D'après les dossiers, l'hélicoptère était entretenu conformément au manuel de maintenance approuvé de la compagnie. Il lui restait 66 heures de vol avant la prochaine inspection de maintenance, et aucune anomalie n'avait été signalée avant l'accident. L'hélicoptère était équipé de pales de rotor principal fabriquées par Helicopter Technology Corporation. D'après les dossiers techniques, les pales avaient été inspectées conformément aux exigences figurant dans le bulletin de service obligatoire no 2100-2 de Helicopter Technology Corporation qui avait été publié le 6 novembre 2000. Quand il se trouvait assigné à une base éloignée, le pilote, dans le cadre de son contrat, effectuait des inspections quotidiennes de l'hélicoptère ainsi que des révisions quotidiennes conformément à une consigne de navigabilité qu'il certifiait dans le carnet de route. Le pilote possédait la formation pertinente et était autorisé à effectuer ces tâches.

L'inspection de l'épave sur les lieux de l'accident a révélé que la tête et les pales du rotor principal ainsi que les composants tournants et non tournants des commandes de vol de l'ensemble rotor principal avaient subi des dommages importants. Certains composants rompus du système de commande du rotor principal ont été éjectés de l'hélicoptère et n'ont pas été récupérés. Tous les composants qui étaient demeurés avec l'hélicoptère et ceux qui ont par la suite été récupérés ont été inspectés visuellement, et il a été établi qu'ils s'étaient rompus ou déformés à cause d'une surcharge. Les parties endommagées des cinq pales du rotor principal ont été retrouvées accompagnées de quatre des cinq amortisseurs de pale du rotor. D'après les caractéristiques de rupture des cinq pales du rotor principal, au moment du basculement dynamique et de l'impact avec le sol qui s'en est suivi, les pales étaient intactes, assujetties aux commandes et entraînées. Il a été jugé peu probable qu'un composant du système de commande du rotor principal se soit détaché en vol et ait heurté l'ensemble rotor de queue sans qu'il n'y ait perte de maîtrise.

L'inspection a permis d'établir que les composants d'entraînement du rotor de queue étaient demeurés intacts. Le rotor de queue tournait normalement lorsqu'on faisait tourner le mât du rotor principal et la transmission principale à la main. La poutre de queue était repliée vers le haut, et l'arbre d'entraînement du rotor de queue avait été rayé sur toute sa circonférence à cause de son frottement avec la surface interne de la poutre de queue. Rien n'indique qu'il y ait eu torsion de l'arbre d'entraînement du rotor de queue. Le dispositif de changement de pas du rotor de queue fonctionnait adéquatement dans la partie du rotor de queue mais, dans la région du poste de pilotage, près du toit de l'hélicoptère, la biellette et le guignol s'étaient rompus à cause d'une surcharge.

Les deux pales du rotor de queue étaient pliées d'environ cinq degrés à partir d'un point situé à l'intérieur des bandes d'usure des bords d'attaque. Les extrémités de chaque pale étaient écartées de la poutre de queue d'une même distance . En plus de cette déformation uniforme, l'extérieur de chaque pale comportait des marques de torsion produisant un angle de pale plus grand, l'une des pales étant davantage tordue que l'autre. Des dommages par corps étranger ont été décelés sur la chape d'entraînement du rotor de queue et sur les biellettes de commande de pas du rotor de queue. La biellette de commande de pas fixée à la pale de rotor de queue la moins tordue était davantage pliée que celle fixée à la pale de rotor de queue la plus tordue.

Pour vérifier si les pales du rotor de queue se sont rompues en vol, on a déposé la boîte de transmission du rotor de queue et le rotor de queue d'un seul bloc, et on les a envoyés au Laboratoire technique du BST aux fins d'inspection et d'analyse plus poussées. Il a été établi que le pliage vers l'extérieur des pales du rotor de queue avait très probablement été provoqué par leur contact avec le sol recouvert de neige. Les déformations des pales sont unidirectionnelles. Il a été établi que les pales auraient subi des déformations bidirectionnelles si elles s'étaient rompues en vol. Les déformations inégales des biellettes de commande de pas auraient pu provoquer des vibrations, mais elles n'auraient pas dû provoquer de déformation en vol des pales de la façon mentionnée.

Pendant le vol, l'hélicoptère n'a pas effectué de lacet à gauche, ce qu'il aurait dû faire s'il y avait eu perte de puissance moteur. L'inspection du moteur et du compartiment moteur n'a permis de déceler aucun dommage au moteur, aux supports moteur ni aux autres composants reliés au moteur. Lorsqu'elles ont été utilisées à partir du poste de pilotage, les commandes moteur ont continué de fonctionner de façon continue et normale. L'inspection du sélecteur et du robinet d'arrêt carburant a révélé que ces derniers fonctionnaient normalement. Le circuit carburant du moteur a été testé sous vide; aucune fuite d'air n'a été décelée. L'arbre d'entraînement du rotor principal a été déposé. Son inspection a révélé de façon évidente qu'il était tordu comme s'il avait été entraîné par le moteur au moment où le rotor principal a heurté le sol. L'embrayage à roue libre et la transmission principale fonctionnaient normalement, et les parties compresseur et turbine du moteur pouvaient être tournées librement à la main.

La veille de l'accident, l'hélicoptère a été avitaillé en carburant au camp à partir d'un fût scellé. Après l'accident, un échantillon de carburant de l'hélicoptère a été prélevé et envoyé au Laboratoire technique du BST. Le carburant analysé était du Jet-B de bonne qualité et il n'était pas contaminé.

L'exploitant avait préparé des manuels de maintenance, de sécurité et d'exploitation complets. Le manuel d'exploitation décrivait les procédures et responsabilités du pilote aux commandes lorsqu'il se trouve loin de la base, lesquelles incluent la vérification des conditions météorologiques qui prévalent avant un vol et le dépôt d'un plan ou d'un itinéraire de vol avant un vol. Pour satisfaire à ces exigences, un formulaire de la compagnie avait été ajouté au manuel d'exploitation. En cas d'accident, l'ELT devait être activée et le demeurer jusqu'à l'arrivée des secours.

Analyse

Deux événements distincts sont survenus en vol : l'un a provoqué des vibrations de la commande cyclique et l'autre, des vibrations des pédales anticouple. Les déformations qu'ont subi la poutre de queue et les pales du rotor de queue correspondaient au contact du sabot et du rotor de queue avec le sol recouvert de neige au moment de l'atterrissage. Les deux pales étaient repliées de façon uniforme du côté opposé au rotor de queue, laissant croire que les pales du rotor étaient entraînées à une vitesse élevée lorsqu'elles ont heurté la neige dure. De plus, les pales du rotor de queue portaient des marques de torsion non uniformes, lesquelles pourraient laisser croire que les pales se trouvaient à différents angles lorsqu'elles ont heurté la neige. Les déformations inégales des biellettes de commande de pas du rotor de queue ont provoqué différents angles des pales du rotor de queue, et il a été établi que la pale qui présentait le plus grand angle était la plus tordue. Il a été impossible de déterminer quel corps étranger avait heurté les biellettes de commande de pas du rotor de queue. En vol, des angles de pale inégaux provoquent des vibrations des pédales anticouple semblables à celles qu'a décrites le pilote.

À cause des importants dommages qu'ont subis les pales du rotor principal et les commandes de vol principales lors du basculement de l'hélicoptère, il a été impossible de déceler toute défaillance subtile en vol, tout desserrage ou tout détachement d'un composant de commande qui auraient pu faire vibrer les commandes. Il a été jugé peu probable qu'un composant du système de commande du rotor principal se soit détaché en vol et ait heurté l'ensemble rotor de queue sans qu'il n'y ait perte de maîtrise de l'hélicoptère. Le fait que le pilote a réussi à stopper la descente et le déplacement vers l'avant ainsi qu'à maîtriser le mouvement de lacet de l'hélicoptère pendant l'atterrissage montre que l'appareil était maîtrisable.

Le pilote n'a pas suivi les procédures mentionnées dans le manuel d'exploitation de la compagnie concernant le dépôt d'itinéraires de vol écrits et le fonctionnement de l'ELT.

Il a été impossible d'établir pourquoi les fusées éclairantes n'ont pas fonctionné correctement.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Pendant l'atterrissage, le pilote a perdu toute référence visuelle dans de la poudrerie et, après avoir touché le sol, l'hélicoptère a effectué un basculement dynamique.
  2. Des dommages par corps étranger ont été décelés sur le rotor de queue.
  3. À cause des importants dommages qu'ont subis les pales du rotor de queue, les composants du mât du rotor principal et le circPt de commande du rotor principal, il a été impossible de déterminer pour quelle raison les commandes avaient vibré avant l'impact.
  4. Les vibrations des commandes avant l'impact n'ont pas altéré la manoeuvrabilité globale de l'hélicoptère pendant l'atterrissage au moteur.

Faits établis quant aux risques

  1. Le pilote n'en a pas rempli un itinéraire de vol écrit alors que le manuel d'exploitation de la compagnie l'exige.
  2. Même si le manuel d'exploitation de la compagnie stipule que le pilote doit activer la balise de repérage d'urgence (ELT) et que cette dernière doit demeurer activée après l'accident, le pilote n'a pas suivi cette directive.
  3. Les fusées éclairantes de la trousse de survie n'ont pas fonctionné comme prévu et elles n'ont pas réussi à attirer l'attention.

Mesures de sécurité

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .