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Rapport d'enquête aéronautique A95W0234

Quasi-collision avec un aéronef immobilisé
entre le boeing 737-200 C-FCPN
des Lignes aériennes C anadien International
et le Piper PA 42 Cheyenne C-FWCC
de Carson Air Ltd.
à l'aéroport international de Calgary (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Piper Cheyenne se pose sur la piste 34 de l'aéroport international de Calgary (Alberta). Après avoir reçu l'instruction de sortir par la voie de circulation Uniform qui est verglacée, l'équipage du Cheyenne entame un virage pour sortir. En virant, le Cheyenne se met à déraper à côté de la voie de circulation Uniform et s'immobilise le train avant juste à l'extérieur du bord de piste. Un Boeing 737 ayant été autorisé à se poser atterrit à son tour. Les inverseurs de poussée sont déjà sortis quand le pilote du Boeing remarque que le Cheyenne est encore sur la piste en service. L'équipage du Boeing a déclaré que le Boeing est passé à une quinzaine de pieds derrière le Cheyenne, à une vitesse comprise entre 100 et 115 noeuds.

Renseignements de base

Le Cheyenne était parti de Kelowna (Colombie-Britannique) et le Boeing arrivait de Dorval (Québec). Les deux avions se dirigeaient vers Calgary et sont arrivés de nuit.

À l'aéroport international de Calgary, les conditions de piste faisaient état d'une surface dégagée et sèche dans les 50 pieds de par et d'autre de l'axe. Les côtés de la piste ainsi que certaines voies de circulation étaient verglacés, dont la voie de circulation Uniform. D'après la météo, le plafond et la visibilité ne posaient aucun problème (CAVOK).

Le Boeing se trouvait à quelque trois milles derrière le Cheyenne en approche finale de la piste 34. L'équipage du Cheyenne avait été avisé de prévoir, après l'atterrissage, une sortie par la gauche sur la piste 25. Une fois posé, le Cheyenne n'a pas pu sortir par la piste 25, et le contrôleur d'aéroport a dit au pilote de poursuivre et de sortir par la voie de circulation Uniform le plus vite possible puisqu'il y avait un Boeing à un mille en finale. L'équipage du Cheyenne a également été averti que la voie de circulation la plus proche (Alpha 3) était extrêmement glissante et faisait l'objet d'entretien par des véhicules de déneigement et d'épandage de produits chimiques. Le Boeing a été prévenu de s'attendre à recevoir son autorisation d'atterrissage en toute fin d'approche finale. Vers 21 heures, heure normale des Rocheuses (HNR)Note de bas de page 1, l'équipage du Cheyenne a annoncé à la tour qu'il était en train de déraper à l'entrée d'Uniform. Pendant le virage à gauche pour sortir de la piste 34, le Cheyenne a glissé avant de s'immobiliser à 200 pieds environ au nord de la voie de circulation Uniform. La roue avant de l'avion se trouvait juste à l'extérieur du bord de la piste en asphalte, dans quelque six pouces de neige. Le train principal se trouvait toujours sur la piste. Le commandant de bord a essayé de dégager le Cheyenne pris dans la neige en faisant appel à l'inversion de poussée, mais la manoeuvre a échoué.

En courte finale, l'équipage du Boeing a été avisé que le bimoteur (Cheyenne) allait libérer la piste par Uniform. Quelques secondes plus tard, au moment où le Boeing passait 250 pieds-sol environ en descente, l'équipage de conduite a reçu l'autorisation d'atterrissage et a été avisé de se préparer à libérer la piste par Charlie 4. À 150 pieds-sol environ, l'équipage du Boeing a vu les feux de navigation du Cheyenne se déplacer en direction de la voie de circulation Uniform, ce qui lui a fait croire que le Cheyenne aurait libéré la piste en service avant que le Boeing atterrisse. Toutefois, peu après l'atterrissage, l'équipage du Boeing a été surpris de voir le Cheyenne encore partiellement sur la piste en service. Compte tenu du peu d'options qui s'offraient à lui à cause des côtés de la piste recouverts de neige et de glace, l'équipage a pris des mesures d'évitement pour ne pas entrer en collision avec l'autre avion. Ce faisant, il a manoeuvré pour permettre à l'avion d'aller le plus à droite possible, ce qui a permis à l'avion de passer à une quinzaine de pieds derrière le Cheyenne. L'équipage du Cheyenne a alors fait savoir au contrôleur d'aéroport que l'avion était encore sur la piste, il a demandé un véhicule de remorquage, et il a coupé les moteurs. Le Boeing s'est rendu jusqu'à l'aire de stationnement sans autre incident et, par la suite, le Cheyenne a été dégagé de la neige avant d'être remorqué jusqu'à un hangar.

Le commandant de bord du Boeing a fait savoir par la suite que, après l'atterrissage, les feux de navigation du Cheyenne avaient été presque impossibles à distinguer parmi les feux de piste.

Voici le libellé de l'article 352.2 du Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS) de Transports Canada :

Espacez un aéronef à l'arrivée de l'aéronef le précédant et utilisant la même piste, en s'assurant que l'aéronef à l'arrivée ne franchit pas le seuil de piste avant qu'une des conditions suivantes existe :

  1. L'aéronef le précédant a atterri et a dégagé la piste.
  2. L'aéronef le précédant a atterri ou se trouve au-dessus de la piste d'atterrissage; et
    1. est à une distance du seuil suffisante pour permettre à l'aéronef à l'arrivée de terminer sa course à l'atterrissage sans porter atteinte à la sécurité; et
    2. l'aéronef à l'arrivée est averti de la position et des intentions de l'aéronef qui le précède.

En 352.2 B.1., la note 1 stipule que «Les contrôleurs sont avertis de prendre en considération les types d'aéronefs, leurs performances, la condition de la piste et les autres facteurs qui peuvent avoir des répercussions sur l'exploitation.»

Et en 352.2 B.1., la note 2 stipule que «La distance d'arrêt suffisante ... n'a pas besoin d'être égale à la distance d'arrêt prévue du deuxième aéronef, à condition que le deuxième aéronef soit un aéronef léger et que vous estimiez qu'il n'existe pas de danger de collision.»

On s'attend à ce qu'un contrôleur fasse preuve du meilleur jugement possible pour traiter des cas qui ne sont pas couverts spécifiquement dans le MANOPS.

Le nombre de personnes en poste à la tour respectait les normes de Transports Canada, et on a estimé que la charge de travail du contrôleur était moyenne et d'une complexité relative. Le surveillant de la tour exerçait les fonctions de contrôleur d'aéroport. Il était très expérimenté à ce poste et il suivait les procédures du MANOPS basées sur des facteurs de performances des aéronefs. Dans la tour, tout l'équipement était en état de fonctionnement et bien utilisé. Les arrivées se faisaient sur la piste 34 tandis que les pistes 34 et 28 étaient utilisées conjointement pour les départs, conformément aux procédures normales. Les aéronefs arrivaient et partaient normalement sur la base «d'un atterrissage et d'un décollage», les aéronefs à l'arrivée n'étant assujettis à aucune limitation en matière d'espacement.

Il y avait du verglas sur la voie de circulation Uniform, mais d'autres appareils avaient emprunté cette voie juste avant l'incident et n'avaient signalé aucun problème. Après l'atterrissage, le Cheyenne a ralenti pour atteindre la vitesse de roulage en arrivant à la voie de circulation Alpha 3; à ce moment-là, le Boeing se trouvait à deux milles environ en finale. Le contrôleur d'aéroport a vu le Cheyenne entamer son virage en direction de la voie de circulation Uniform, puis il s'est concentré sur le Boeing à l'atterrissage et sur d'autres appareils au départ. Le Boeing se posait quand le contrôleur a vu que le Cheyenne était resté pris dans la neige et se trouvait encore partiellement sur la piste. Il s'est toutefois rendu compte qu'il y avait assez de place pour que le Boeing puisse passer derrière le Cheyenne. Quand le Boeing est effectivement passé derrière le Cheyenne, le contrôleur de la tour s'est excusé de la procédure et a donné les instructions pour libérer la piste. L'équipage du Boeing a répondu sur un ton normal qu'il était passé à côté du Cheyenne.

Les équipages de conduite des deux avions possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Les avions étaient certifiés, équipés et entretenus conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

L'attente est un état dans lequel une personne s'attend à percevoir un certain nombre d'indices autour d'elle et a tendance instinctivement à rechercher plus intensément ces indices que d'autres. On parle d'attention canalisée lorsqu'une personne concentre toute son attention sur un seul et unique stimulus au détriment de tous les autres.

Analyse

L'équipage du Boeing et le contrôleur d'aéroport ont vu le Cheyenne virer pour sortir par la voie de circulation Uniform, ce qui leur a fait penser que l'atterrissage pouvait être exécuté en toute sécurité. Toutefois, au moment de l'imprévu, il ne restait pas grand choix offrant toute la sécurité voulue. Dans le présent cas, l'attente du contrôleur d'aéroport, fondée sur le schéma habituel des aéronefs libérant la piste en service sans aucun problème, a peut-être été si forte que le contrôleur a mal interprété les indices qu'il a perçus. De plus, il y a peut-être eu un phénomène d'attention canalisée quand le contrôleur s'est concentré entièrement sur le Boeing à l'atterrissage et sur les appareils au départ. Plutôt que d'accorder une priorité plus élevée ou plus immédiate au traitement des renseignements à sa disposition, le contrôleur s'est concentré sur les appareils à l'atterrissage et au décollage, ce qui lui laissait finalement peu de temps pour réagir aux indices demandant une attention immédiate. Bien qu'il soit impossible de prévoir des procédures détaillées pour toutes les situations, on s'attend à ce qu'un contrôleur fasse preuve du meilleur jugement possible pour traiter des cas qui ne figurent pas spécifiquement dans le MANOPS. Après l'atterrissage, l'équipage n'a pas pu libérer la piste en service aussi rapidement qu'il aurait aimé le faire à cause du verglas sur les voies de sortie. Les côtés verglacés de la piste ont également privé le Boeing de toute la manoeuvrabilité nécessaire pour lui permettre de passer le plus loin possible derrière le Cheyenne. Cette situation aurait pu être évitée si le contrôleur s'était assuré de prévoir l'espacement minimal obligatoire stipulé à l'article 352.2 du MANOPS; il faut toutefois reconnaître que le contrôleur pensait que la piste était libre pour l'avion à l'atterrissage. De plus, l'équipage du Cheyenne n'a pas transmis avec force et précision le message important comme quoi il n'avait pas libéré la piste en service. Le message transmis par l'équipage du Cheyenne, à savoir le dérapage à l'entrée d'Uniform, a été interprété à tort comme voulant dire que l'avion avait libéré la piste en service et se trouvait sur la voie de circulation Uniform. Il convient de signaler que si l'équipage du Cheyenne avait réussi à sortir de la neige en utilisant l'inversion de poussée, l'avion aurait fini par reculer en plein dans la trajectoire d'atterrissage du Boeing.

Faits établis

  1. Les deux équipages de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur, et les deux avions étaient certifiés, équipés et entretenus conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  2. Le nombre de personnes en poste à la tour respectait les normes de Transports Canada.
  3. Tout l'équipement nécessaire dans la tour était en état de fonctionnement et bien utilisé.
  4. Les côtés de la piste ainsi que les voies de sortie étaient verglacés, et il était difficile de détecter les aéronefs en raison de la luminosité ambiante.
  5. Compte tenu de l'état des surfaces de l'aéroport, l'espacement entre l'avion à l'arrivée et celui le précédant était insuffisant.
  6. L'équipage du Cheyenne n'a pas fait savoir de façon explicite (avec force et précision) qu'il n'avait pas libéré la piste en service.

Causes et facteurs contributifs

L'espacement prévu entre l'avion à l'arrivée et celui le précédant n'offrait aucune marge de manoeuvre pour les imprévus. Le fait que l'équipage du Cheyenne a transmis un message qui n'était pas clair pour signaler qu'il n'avait pas dégagé la piste en service est un facteur contributif.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.