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Rapport d'enquête aéronautique A94Q0182

Vol VFR dans des conditions défavorables
Héli-Harricana inc.
Eurocopter AS350B Écureuil (hélicoptère) C-FPHI
38 mi au nord-est de Kuujjuaq (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote de l'hélicoptère avait décollé d'un camp de pêche situé sur la rivière George (Québec) pour effectuer un vol à vue de nuit jusqu'à Kuujjuaq (Québec), localité située à 94 milles à l'ouest-sud-ouest. Il s'agissait d'une évacuation médicale (MEDEVAC) en réponse à une urgence médicale pour le transport d'une personne gravement blessée. L'appareil n'est pas arrivé à destination à l'heure prévue, et des recherches ont été entreprises. L'hélicoptère a été retrouvé cinq jours plus tard. Il avait percuté le sol en piqué prononcé, et les quatre occupants avaient été tués sur le coup.

Le Bureau a déterminé que, selon toute vraisemblance, le pilote a perdu le sens de l'orientation pendant qu'il poursuivait un vol MEDEVAC de nuit dans des conditions défavorables qu'il n'a pas pu reconnaître à temps à cause de la faible clarté. Les facteurs suivants ont contribué à l'accident : le pilote n'était pas qualifié pour le vol de nuit ni pour le vol aux instruments, et l'état de la blessée a vraisemblablement eu une influence sur le pilote qui, pour des raisons humanitaires, a décidé d'entreprendre le retour de nuit vers Kuujjuaq.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 24 septembre 1994, l'hélicoptère AS 350B d'Héli-Harricana, immatriculé C-FPHI, a quitté Kuujjuaq (Québec) à 18 h 1, heure avancée de l'Est (HAE) Note de bas de page 1, pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) Note de bas de page 2. En réponse à une urgence médicale, le pilote a amené un médecin et un infirmier de Kuujjuaq à un camp de pêche situé sur la rivière George, à 94 milles à l'est-nord-est de Kuujjuaq. La route de vol prévue amenait le pilote à survoler une région de toundra largement inhabitée. L'hélicoptère a atterri à destination, de jour, à 18 h 40.

Après l'examen de la blessée, l'appareil à bord duquel se trouvait le pilote, un médecin, un infirmier et la blessée a décollé vers 19 h à destination de Kuujjuaq en VFR. À 19 h 15, l'équipage d'un Boeing 727 de First Air (FAB 867) a relayé un message à la station d'information de vol (FSS) de Kuujjuaq selon lequel le pilote de l'hélicoptère prévoyait atterrir à Kuujjuaq à 19 h 55. À 19 h 36, le pilote du C-FPHI a informé la FSS de Kuujjuaq qu'il se trouvait à 42 milles de l'aéroport et qu'il retardait son heure d'arrivée à 20 h 5. Le spécialiste de la FSS a fourni au pilote les renseignements météorologiques pour Kuujjuaq, et le pilote en a accusé réception. Cette communication est la dernière que l'on a reçue du pilote.

L'appareil n'étant pas arrivé à destination à l'heure prévue, une recherche a été entreprise. L'hélicoptère a été retrouvé cinq jours plus tard; il avait percuté le sol en piqué prononcé et avait été détruit par l'impact. L'accident s'est produit à 38 milles au nord-est de Kuujjuaq, à deux milles au sud de la route prévue. Le pilote et les passagers ont péri dans l'accident.

L'accident s'est produit vers 19 h 39, pendant les heures d'obsécuritéé, par 53° 13′ de latitude Nord et 67° 22′ de longitude Ouest Note de bas de page 3. Il faisait nuit depuis 19 h 7.

1.1.1 Informations opérationnelles supplémentaires

Vers 16 h, le 24 septembre 1994, un médecin qui se trouvait à Kangiqsualujjuaq (George River) a été informé par radio qu'une femme avait été gravement blessée lors d'un accident de pêche survenu deux heures plus tôt.

Le médecin a jugé nécessaire de faire évacuer la blessée après avoir évalué, par personne interposée, la gravité des blessures. Il a communiqué avec l'agent des opérations de Johnny Mae Air Charters à Kuujjuaq afin de noliser un hydravion. Le pilote de l'appareil a refusé la mission parce qu'il n'était pas possible de terminer le vol avant la nuit. Vers 17 h 15, l'agent des opérations a rejoint le pilote du C-FPHI, l'hélicoptère en cause dans le présent accident, et le pilote a accepté d'accomplir le vol.

1.1.2 Planification du vol

Le pilote et l'agent des opérations de Johnny Mae Air ont formulé un plan d'évacuation comportant deux options. La première option consistait à transporter la blessée à Kuujjuaq dans la mesure où le vol pouvait être terminé avant la nuit. La deuxième option était d'évacuer la blessée à Kangiqsualujjuaq où un bimoteur, équipé et certifié pour le vol de nuit et le vol aux instruments, l'emmènerait à Kuujjuaq. Le pilote a décidé de se rendre au camp de pêche avant de décider quelle option il choisirait.

Le pilote s'est rendu à l'aéroport de Kuujjuaq vers 17 h 30 pour préparer l'appareil. Le siège avant gauche de l'appareil a été enlevé pour installer un brancard de l'hôpital, et l'équipement médical a été chargé à bord. L'hélicoptère a décollé en emportant suffisamment de carburant pour effectuer 3,4 heures de vol. Le pilote n'a pas demandé d'exposé météo et n'a pas déposé de plan de vol ni d'avis de vol auprès de la FSS.

Rendu au camp de pêche, le pilote n'a signalé aucune anomalie. Il a mentionné à un témoin qu'il se rendrait à Kangiqsualujjuaq si le vol ne pouvait pas se faire de jour. Peu de temps après, le pilote, qui venait de discuter brièvement avec le médecin, a annoncé qu'il partait vers Kuujjuaq.

La blessée était couchée sur le brancard auquel elle était retenue par trois sangles. Le brancard était sur le plancher de l'hélicoptère à gauche du pilote; la tête de la blessée était orientée vers l'arrière de l'appareil, et ses pieds vers l'avant. Le pilote occupait le siège avant droit; le médecin était assis sur le siège du centre en arrière, et l'infirmier occupait le siège arrière droit.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués 1 3 - 4
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes - - - -
Total 1 3 - 4

1.3 Dommages à l'aéronef

L'appareil a été détruit par l'impact.

1.4 Autres dommages

Les autres dommages se limitaient aux arbres et au sol des lieux de l'accident.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Renseignements généraux

Pilote
Âge 38 ans
Licence pilote professionnel
Date d'expiration du certificat de validation 1er déc 94
Nombre d'heures de vol 8 204,4
Nombre d'heures de vol sur type en cause 2 133,2
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours 101,1
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 80
Nombre d'heures de service avant l'événement 4,5
Nombre d'heures libres avant la prise de service 23

1.5.2 Licence et annotation du pilote

Le pilote avait obtenu une licence de pilote professionnel (hélicoptère) le 8 mars 1979. Il était autorisé à voler en VFR de jour seulement. Il avait subi avec succès une vérification de compétence pilote (PPC) le 1er juin 1994. Avant juillet 1987, les candidats à la licence de pilote professionnel (hélicoptère) n'avaient pas à effectuer 10 heures de vol aux instruments en double commande comme il est requis depuis. Les pilotes d'hélicoptères et d'aéronefs petits porteurs ne sont pas tenus de démontrer leurs aptitudes au vol aux instruments lors de la PPC.

1.5.3 Vol de nuit

En VFR de jour, les pilotes se fient à des références visuelles à l'extérieur du poste de pilotage. Des habiletés de pilotage particulières, différentes de celles requises pour le vol à vue, sont nécessaires lorsque ces références sont obscurcies. L'annotation de vol de nuit confère aux pilotes le privilège de voler en VFR de nuit. Pour obtenir cette annotation, les pilotes doivent avoir suivi un cours de cinq heures de nuit en double commande et avoir effectué cinq heures de vol de nuit en tant que commandant de bord. De plus, pour qu'ils soient préparés s'ils se retrouvent par inadvertance en conditions de vol aux instruments (IMC), les pilotes doivent recevoir une formation d'au moins 10 heures sur les manoeuvres élémentaires du vol IFR.

1.5.4 Expérience de vol du pilote

Le pilote possédait une vaste expérience sur plusieurs types d'hélicoptères. Il connaissait bien la région où l'accident s'est produit. Rien dans son dossier de vol n'indique qu'il avait l'habitude de voler dans des conditions de nébulosité inférieures à celles prescrites par la réglementation en vigueur.

Le carnet de vol du pilote, ainsi que son carnet de notes et ses dossiers personnels ont été utilisés pour évaluer son expérience. Les données disponibles indiquent qu'il n'avait jamais reçu d'entraînement pour le vol de nuit ni pour le vol IFR.

Le 11 septembre 1994, soit 13 jours avant l'accident, le pilote avait effectué un aller retour entre Kuujjuaq et Kangiqsualujjuaq. Il avait quitté Kuujjuaq à 17 h 47 et y était revenu à 19 h 50, six minutes après la fin du crépuscule.

1.5.5 Formation complémentaire du pilote

Le 13 décembre 1988, le pilote avait obtenu un certificat de Transports Canada attestant qu'il avait terminé un cours sur la prise de décisions du pilote (PDM). Le programme PDM a été élaboré par Transports Canada afin d'améliorer le jugement du pilote par la formation.

En février 1989, alors qu'il était au service des Hélicoptères Nordic ltée, il avait suivi un cours d'agent de sécurité aérienne de compagnie. L'objectif de ce cours était de former les pilotes de compagnie aux principes de gestion de la sécurité aérienne, en vue de permettre aux compagnies d'élaborer un programme interne de prévention des accidents.

1.5.6 Autres responsabilitéés du pilote

Le pilote avait été embauché par Héli-Harricana parce qu'il avait une grande expérience de vol sur hélicoptère en plus d'avoir travaillé pendant plusieurs années dans la zone côtière sub-arctique du Nord du Québec.

La compagnie avait dépêché deux hélicoptères à Kuujjuaq au début de l'été, afin de développer un marché dans la région. Les vols se faisaient exclusivement sur une base ad hoc. Kuujjuaq n'était pas une base d'Héli-Harricana, et les tâches de directeur de la base n'étaient pas définies, mais le pilote agissait comme directeur de la base. Il était responsable de la bonne marche des opérations de la compagnie dans la région.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Renseignements généraux

Constructeur Aerospatiale
Type AS 350B
Année de construction 1980
Numéro de série 1228
Certificat de navigabilité valide
Nombre total d'heures de vol cellule 4 297,9
Type de moteur (nombre) Turbomeca
Type d'hélice (nombre) non articulé, tripale, composite
Masse maximale autorisée au décollage 4 299 lb
Types de carburant recommandés Jet B
Type de carburant utilisé Jet B

L'hélicoptère monomoteur à rotor simple était muni de patins. L'hélicoptère était équipé d'un système de positionnement mondial (GPS); ce dispositif de navigation permet d'alléger la charge de travail des pilotes. Les données du GPS, y compris les caps, les vitesses, les heures, la vitesse sol, etc., pouvaient être affichées sur l'instrument. L'hélicoptère ne possédait ni pilote automatique, ni système d'augmentation de stabilité.

1.6.2 Certification de l'hélicoptère

L'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'hélicoptère possédait les instruments nécessaires pour le vol IFR. Toutefois, ce type d'hélicoptère n'était pas homologué pour le vol IFR. Selon l'Ordonnance sur la navigation aérienne, série VII, No6, aucun transporteur aérien ne peut exploiter un giravion monomoteur en vol IFR, ou de nuit lorsqu'il transporte des passagers.

1.7 Renseignements météorologiques

Le Bureau a effectué une étude de sécurité sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables Note de bas de page 4. Les données sur les accidents permettent d'établir un lien direct entre les exposés météo et les lieux de l'accident :

les accidents d'hélicoptère (...) se sont produits dans des régions à population faible et mettaient en cause des pilotes expérimentés qui, souvent, n'avaient pu bénéficier d'un exposé météo ou avaient choisi de s'en passer. Note de bas de page 5

Un exposé météo est indispensable avant d'entreprendre un vol, particulièrement de nuit lorsque la clarté ambiante ne permet pas au pilote de déceler la présence de conditions météorologiques défavorables avant de les rencontrer.

1.7.1 Renseignements météorologiques disponibles à l'aéroport de Kuujjuaq

Il y avait une FSS avec des spécialistes de l'information de vol à l'aéroport de Kuujjuaq. Entre autres, les services suivants étaient disponibles :

Contrairement à ses habitudes, le pilote n'a pas utilisé les installations météorologiques à sa disposition et n'a pas demandé d'exposé météo avant le vol. Rien dans la réglementation n'oblige explicitement les pilotes à obtenir un exposé météo dans le cas d'un vol VFR. Peu de temps après le décollage de Kuujjuaq, le spécialiste FSS lui a transmis les conditions atmosphériques prévalant à Kangiqsualujjuaq. De plus, lors de la dernière communication du pilote, le spécialiste FSS lui a fourni la météo de Kuujjuaq. Le pilote n'a pas demandé au spécialiste FSS de lui donner les prévisions régionales, et le spécialiste ne les lui a pas transmises.

1.7.2 Prévision régionale de 12 h 30

Selon la prévision régionale FACN3 CWUL émise par le centre météorologique du Québec à 12 h 30, des couches de nuages fragmentés de 4 000 pieds-mer jusqu'à 14 000 pieds-mer devaient couvrir la région. Des cumulus bourgeonnants et des altocumulus castellanus isolés jusqu'à 16 000 pieds-mer étaient prévus, donnant des averses réduisant la visibilité entre quatre et six milles avec des plafonds plus bas entre 1 500 et 2 500 pieds-mer.

Vers 19 h, soit à peu près au moment de l'accident, une couche de nuages fragmentés se situant entre 2 000 et 3 000 pieds-mer jusqu'à 18 000 pieds-mer devaient couvrir la région. De fréquents cumulus bourgeonnants imbriqués jusqu'à 18 000 pieds-mer étaient prévus, donnant des averses réduisant la visibilité entre deux et six milles et des plafonds plus bas, entre 800 et 1 000 pieds-mer.

1.7.3 Analyse des conditions météorologiques

Une analyse des conditions météorologiques a été effectuée par le Service de l'environnement atmosphérique d'Environnement Canada. Les informations disponibles le 24 septembre 1994 lors de l'accident indiquent que dans la région située entre Kuujjuaq et Kangiqsualujjuaq les conditions météorologiques probables étaient à la limite de l'acceptable pour le vol VFR. Les conditions étaient probablement les suivantes :

1.7.4 Conditions météorologiques observées

Au campement, on estimait le plafond nuageux à 1 500 pieds et la visibilité à deux milles dans le brouillard.

Avant de décoller du campement pour le retour à Kuujjuaq, le pilote a déclaré à un témoin que l'aller s'était déroulé dans des conditions de bruine et de brume semblables à celles qui existaient au camp. Plusieurs personnes qui se trouvaient au camp de pêche ont assisté au décollage. Ils ont observé l'appareil prendre son envol vers l'ouest avant de disparaître dans la nuit, dans le brouillard et la bruine. Environ cinq minutes plus tard, de fortes averses de pluie, en provenance de l'ouest, se sont abattues sur le camp.

Peu de temps après l'heure d'arrivée prévue de l'hélicoptère, un bimoteur Piper PA28 Aztec s'est rendu à 30 milles à l'est de Kuujjuaq, à la demande du spécialiste FSS, afin d'entrer en communication avec le C-FPHI. Le pilote de l'Aztec a signalé qu'il avait rencontré de fortes averses de pluie et que la nuit était très noire.

Selon les observations régulières, des conditions VFR prévalaient à Kuujjuaq pendant la durée du vol et jusqu'au moment de l'accident.

1.7.5 Conditions météorologiques et illusions sensorielles

Lorsqu'il est impossible de s'orienter et d'établir la position de l'avion par référence au sol ou à l'horizon, le pilote doit se fier entièrement à ses instruments. Le pilote qui se fie à des références autres que les références visuelles perd rapidement le sens de l'orientation.

Selon une étude publiée par le National Transportation Safety Board (NTSB) Note de bas de page 6, le facteur prédominant causant les accidents mortels lors de vols MEDEVAC est la poursuite par inadvertance du vol VFR dans des conditions météorologiques exigeant le vol aux instruments (IMC); la majorité de ces accidents se sont produits la nuit. La même étude mentionne que les pilotes inexpérimentés dans le vol aux instruments réussissent rarement à surmonter la désorientation spatiale.

1.8 Aides à la navigation

Il a été établi que le pilote avait l'habitude de naviguer uniquement à l'aide du GPS et qu'il n'y avait pas de carte aéronautique à bord de l'hélicoptère.

L'aéroport de Kuujjuaq était muni d'un équipement de mesure de distance (DME), d'un système d'atterrissage aux instruments (ILS), d'un radiophare omnidirectionnel VHF (VOR) et d'un radiophare non directionnel (NDB).

L'aéroport de Kangiqsualujjuaq était muni d'un NDB.

Les systèmes de navigation équipant l'appareil permettaient de capter les signaux émis par le VOR de l'aéroport de Kuujjuaq.

1.9 Télécommunications

Le pilote était en mesure de communiquer avec la FSS ou avec d'autres aéronefs à l'aide d'une radio à haute fréquence (HF) et d'une radio à très haute fréquence (VHF). Les transmissions HF, contrairement à celles VHF ne se limitent pas à la portée optique. Malheureusement la fréquence HF était sujette à de l'interférence atmosphérique lors du vol. Par conséquent, les transmissions HF étaient pratiquement inaudibles, et le pilote a dû demander sur VHF à l'équipage du vol FAB 867 de relayer son heure d'arrivée prévue à la FSS. Le pilote n'a pas déclaré d'urgence, ni indiqué qu'il avait des problèmes.

Les systèmes de communication air-sol VHF ont fonctionné normalement durant le vol. Les communications air-sol entre le pilote et le spécialiste FSS ont été enregistrées sur bandes magnétiques par les Services de la circulation aérienne (ATS).

Lors d'un vol en hélicoptère après l'accident, le BST a effectué une vérification de la portée radio VHF au-dessus du site de l'accident. Une communication bilatérale entre l'appareil et la FSS de Kuujjuaq a été établie à partir de 500 pieds-mer.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

1.10.1 Kuujjuaq

L'aéroport de Kuujjuaq est situé juste au sud de Kuujjuaq. Les deux pistes de l'aéroport étaient équipées d'un balisage lumineux utilisable. L'aéroport étant situé à proximité de la ville, il est facile à repérer de nuit.

1.10.2 Kangiqsualujjuaq

L'aéroport de Kangiqsualujjuaq est situé sur la côte en aval du camp de pêche, à environ 15 milles au nord. La piste était équipée d'un balisage lumineux utilisable.

1.11 Enregistreurs de bord

L'aéronef n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) ni d'un enregistreur phonique (CVR). La réglementation en vigueur n'imposait pas l'emport d'enregistreurs de bord pour ce type d'aéronef.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.12.1 Généralités

Le site de l'accident se trouve sur un cap magnétique de 111 degrés à 38 milles de Kuujjuaq. L'hélicoptère s'est écrasé incliné à droite dans une tourbière, à un angle de piqué d'environ 55 degrés. Les morceaux de l'épave gisaient de part et d'autre d'une ligne orientée au cap de 195 degrés magnétique, soit presque 90 degrés à gauche de la route de vol prévue. Les débris étaient répartis sur une superficie de 340 pieds sur 150 pieds.

Bien que tous les composants principaux de l'hélicoptère aient été retrouvés, certaines pièces n'ont pu être localisées. L'examen de l'épave et des systèmes n'a révélé aucune anomalie qui aurait pu gêner la maîtrise de l'appareil avant la collision avec le sol.

1.12.2 Instruments de vol

Un examen microscopique du cadran du variomètre a montré une empreinte linéaire distincte laissée par l'aiguille à la graduation maximale vers le bas, soit un taux de descente supérieure à 2 000 pieds par minute.

L'examen des échelles d'inclinaison longitudinales et latérales de l'indicateur d'assiette n'a fourni aucune indication sur l'assiette de l'hélicoptère au moment où il a touché le sol la première fois. On a déduit que l'indicateur d'assiette fonctionnait au moment de l'impact et, d'après cette constatation, qu'il était alimenté en courant continu de 28 volts.

Le GPS a été récupéré; malheureusement, le bloc de mémoire s'était détaché du bloc d'alimentation, et aucune information n'a pu en être tirée.

Les deux filaments des feux de position arrière gauche et droit étaient intacts. Ils avaient cependant subi un allongement important, ce qui indique qu'ils étaient allumés ou sous tension au moment de l'impact.

L'examen de la face du cadran de l'indicateur de vitesse et de l'indicateur de virage et de dérapage n'a fourni aucun renseignement fiable.

1.12.3 Commandes de vol

Le circuit de commandes a subi des dommages importants, et sa continuité n'a pu être confirmée. Toutefois, l'examen de tous les composants récupérés n'a révélé aucune rupture ni mauvais fonctionnement avant l'impact. Toutes les ruptures ont été attribuées à des surcharges.

1.12.4 Le moteur

Le moteur (Turbomeca-Ariel) a été examiné à l'usine de Turbomeca au Texas, en présence d'un enquêteur du NTSB des États-Unis. Le moteur tournait au moment de l'impact; cependant, l'examen n'a pas permis de déterminer la puissance qu'il produisait.

1.13 Renseignements médicaux

1.13.1 Le pilote

Rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités du pilote. Le dernier examen médical du pilote remontait à novembre 1993. Son certificat de validation de licence était valide et ne présentait aucune restriction.

Selon son dossier médical, le pilote consultait depuis novembre 1992, un pneumologue et un oto-rhino-laryngologiste. Il souffrait d'asthme et d'allergies qui nécessitaient l'emport d'adrénaline. Bien que le pilote devait déclarer ces maladies au médecin-examinateur de l'aviation civile, les rapports d'examen médical de l'aviation civile n'en font pas état.

L'article 6.5 de La loi sur l'aéronautique.exige qu'un pilote s'identifie comme titulaire d'une licence de pilote avant d'être examiné par un médecin. L'article 6.5 exige en outre que le médecin traitant informe le Ministre de tout résultat qui peut constituer un danger pour la sécurité aérienne. L'article 6.5 reconnaît qu'un pilote consent à ce que le médecin informe le Ministre de toute constatation dans son état relative à l'aviation.

1.13.2 La blessée

L'autopsie n'a pas permis de différencier les blessures que la blessée a subies lors de l'accident de pêche de celles occasionnées par l'accident d'hélicoptère. Toutefois, il a été établi qu'elle avait subi des lésions graves qui avaient requis deux intraveineuses avant le vol. La blessée était faible, mais calme lorsqu'on l'a placée dans l'hélicoptère.

1.14 Incendie

Ni l'examen des lieux de l'accident ni l'examen de l'épave et du moteur n'ont révélé qu'il y aurait eu un incendie en vol. Le réservoir de carburant a été éjecté lors de l'impact. Plusieurs petits incendies se sont déclarés après l'impact et se sont éteints d'eux-mêmes.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

On a jugé que l'accident n'offrait aucune chance de survie à cause de l'importance des forces de décélération à l'impact.

1.15.1 Recherches et sauvetage

La radiobalise de détresse montée dans le nez de l'hélicoptère a été détruite lors de l'impact.

L'aéronef a été porté manquant 25 minutes après l'heure d'arrivée prévue. Les Forces canadiennes étaient responsables du Service de recherches et de sauvetage. Cinq appareils des Forces canadiennes et de nombreux appareils civils ont participé aux recherches. L'hélicoptère a été retrouvé cinq jours après l'accident à environ cinq milles de la dernière position connue.

1.16 La compagnie Héli-Harricana inc.

1.16.1 Renseignements relatifs à l'organisation de la gestion

La compagnie Héli Forex inc, exerçant ses activités sous les noms de Héli Forex et Héli-Harricana, est un transporteur aérien qui offre un service d'affrètement d'hélicoptère au public. La compagnie assure l'exploitation à partir de sa base principale de Val d'Or qui comprend des bureaux, des installations d'entretien et du personnel de soutien.

Selon la structure hiérarchique de la compagnie, les pilotes relevaient du chef pilote, qui relevait du directeur des opérations. Le directeur des opérations était responsable de la sécurité des vols. Les responsabilitéés de directeur de la base n'étaient pas définies.

1.16.2 Procédures d'Héli-Harricana

Héli-Harricana était autorisé à exploiter ses appareils de jour dans des conditions VFR seulement.

La compagnie a rédigé un manuel d'exploitation pour aider le personnel d'exploitation à exécuter ses tâches. Les normes, les pratiques, les procédures et les spécifications reflétaient les politiques d'exploitation de la compagnie et étaient conformes aux lois et règlements de l'État. Tout le personnel d'exploitation devait connaître et appliquer les procédures décrites dans le manuel d'exploitation. Le manuel d'exploitation se trouvait dans l'appareil au moment de l'accident. La compagnie n'avait pas établi de procédures spécifiques aux vols MEDEVAC, et aucune n'était requise.

Le NTSB Note de bas de page 7 a analysé l'effet de la mission sur le jugement du pilote et a conclu que le pilote subit parfois des pressions importantes pour terminer le vol MEDEVAC et que l'encadrement fourni par l'exploitant a un rôle déterminant sur le plan de la sécurité :

The power of the mission itself to influence and perhaps override an EMS pilot's judgement is enhanced by the lack of a strong managerial structure to support the pilot in the working environment.

1.16.3 Responsabilités du pilote

L'article 3.2.4 intitulé PILOT-IN-COMMAND.dans le manuel d'exploitation de la compagnie précise qu'avant le décollage, le pilote doit se familiariser avec la route prévue et les prévisions météorologiques pour le vol.

Par ailleurs, l'article 3.2.4.1 intitulé PILOT-IN-COMMAND In-Flight.dans le manuel d'exploitation stipule que :

In the course of the flight the pilot-in-command shall ensure that:.

a) the aircraft is operated in accordance with the Rules of the Air. When, however, an emergency arises, endangering the safety of the aircraft or persons, that necessitates action in contravention of regulations or procedures the pilot shall take such actions as he judges to be appropriate in the interest of safety. He shall notify the appropriate local authority of the deviation without delay;

1.17 Cadre réglementaire et opérationnel des vols MEDEVAC

1.17.1 Transports Canada et les vols MEDEVAC

Transports Canada ne reconnaît pas le transport de malades ou de blessés comme un vol spécialisé et n'a pas rédigé de normes spécifiques aux vols MEDEVAC. La Loi sur l'aéronautique.ne prévoit aucune dérogation à l'égard des minimums météorologiques et du vol VFR de nuit pour les vols MEDEVAC.

1.17.2 Comparaison entre la gestion des vols MEDEVAC au Québec et en Ontario

Chaque province administre son programme de vols MEDEVAC selon des normes et procédures qui lui sont propres.

1.17.2.1 Vols MEDEVAC au Québec

Le Québec exploite des avions qui sont chargés du transport des blessés et des malades des régions isolées qui ont besoin de soins qui ne peuvent être obtenus que dans des centres hospitaliers spécialisés. Toutefois, comme dans la plupart des provinces, il n'existe aucune infrastructure pour gérer les vols MEDEVAC de première ligne. Le ministère de la Santé n'a ni politiques d'exploitation, ni normes pour ce type de vol. En général, le vol MEDEVAC de première ligne se fait sur une base ad hoc.selon la réglementation aérienne existante. Typiquement, la personne ou l'organisme qui décide d'évacuer d'urgence un malade ou un blessé communique directement avec l'exploitant de son choix. Il appartient alors au pilote de décider s'il veut entreprendre le vol.

Le pilote a la responsabilitéé d'assurer le transport en toute sécurité des passagers et selon la réglementation en vigueur. Cependant, dans les endroits isolés où les malades et les blessés graves ne peuvent être évacués que par la voie des airs, les pilotes peuvent vivre de graves dilemmes lorsqu'ils jugent que le vol ne peut s'effectuer qu'en enfreignant la réglementation.

1.17.2.2 Vols MEDEVAC en Ontario

L'Ontario s'est doté d'un système MEDEVAC de première ligne administré par le ministère de la Santé. En résumé, toutes les demandes pour les vols MEDEVAC sont évaluées et traitées par le Medical Air Transport Centre, un centre de régulation des vols situé à Toronto. Le personnel du centre recueille l'information concernant le malade ou le blessé et prend les dispositions nécessaires pour qu'un appareil convenable effectue le transport du malade ou du blessé.

Des avions et des hélicoptères spécialement équipés et réservés exclusivement au transport des malades et des blessés sont basés dans cinq villes de la province, et le service est disponible 24 heures sur 24. Ces aéronefs ont des contrats avec le ministère de la Santé. De plus, plusieurs autres aéronefs sont utilisés sur une base ad hoc. Les exploitants doivent se conformer, entre autres, à des normes d'exploitation et de sécurité supérieures à celles de la réglementation en vigueur et à celles utilisées dans le milieu de l'aviation. Vingt-trois exploitants sont approuvés pour le transport des malades et des blessés. Le ministère de la Santé s'assure ainsi que l'appareil est homologué pour le type de vol et que l'équipage de conduite est qualifié pour effectuer la mission.

2.0 Analyse

2.1 Généralités

L'enquête a permis d'établir que le pilote avait une bonne expérience de pilotage et qu'il était considéré comme un pilote professionnel et compétent par ses pairs. Il avait démontré un intérêt marqué pour la sécurité aérienne en suivant deux cours sur la gestion des risques et qui n'étaient pas exigés par Transports Canada. L'analyse porte en partie sur les circonstances qui ont fait que le vol a été entrepris et poursuivi dans des conditions qui compromettaient la sécurité.

2.2 L'appareil

L'appareil possédait les instruments nécessaires pour le vol aux instruments, mais son pilotage dans des conditions de vol aux instruments aurait été extrêmement difficile sans un système d'augmentation de stabilité.

L'examen de l'épave et un examen détaillé des différents composants n'ont révélé aucun indice montrant que l'hélicoptère aurait subi une défaillance structurale, des problèmes de commandes de vol, des problèmes électriques, une perte de puissance ou un incendie en vol.

2.3 Planification du vol

Étant donné qu'aucun avion n'était en mesure de se rendre au campement et d'effectuer le retour de nuit, on a supposé que la blessée ne pouvait être évacuée qu'en hélicoptère.

Le pilote n'a pas évalué correctement ni la durée totale du vol, ni l'heure de tombée de la nuit puisque, au moment où le répartiteur l'a contacté, il était déjà trop tard pour se rendre au campement et revenir à Kuujjuaq avant la tombée de la nuit. De plus, le pilote a entrepris le vol sans avoir pris connaissance des informations disponibles sur les conditions météorologiques observées et prévues le long de la route. La planification du vol par le pilote présentait des lacunes, possiblement en raison du peu de temps à sa disposition pour préparer l'hélicoptère en réponse à l'urgence, et pour terminer le vol.

Le pilote et le répartiteur avaient discuté de la possibilité d'évacuer la blessée du camp de pêche en effectuant un court vol vers Kangiqsualujjuaq, après quoi il aurait été possible de transporter la blessée de nuit par avion à Kuujjuaq. Toutefois, le pilote a accepté d'entreprendre le vol en sachant qu'il atterrirait de jour au campement, puis qu'il déciderait sur place s'il se rendait à Kangiqsualujjuaq.

2.4 Le vol

La raison pour laquelle, à la tombée de la nuit, le pilote a décollé du campement vers Kuujjuaq plutôt que vers Kangiqsualujjuaq n'a pu être déterminée. Peu après son arrivée au campement, le pilote a indiqué que la blessée serait évacuée vers Kangiqsualujjuaq comme prévu. Le pilote ne possédait pas les qualifications nécessaires pour le vol de nuit, et l'hélicoptère n'était pas homologué à cette fin, toutefois, après avoir discuté avec le médecin, le pilote a confirmé qu'il retournait à Kuujjuaq. Ce changement de destination suggère que l'état de la blessée était critique et nécessitait une évacuation immédiate vers Kuujjuaq. Il est probable que l'état de la blessée a eu une influence sur le pilote et qu'il a décidé d'entreprendre le vol de nuit vers Kuujjuaq pour des raisons humanitaires.

Des directives et des procédures spécifiques à la conduite des vols MEDEVAC auraient pu aider le pilote à mieux planifier le vol et à prendre des décisions réfléchies. En général, les hôpitaux et le personnel médical ne se soucient pas de la sécurité aérienne mais plutôt de l'état de leurs patients, surtout s'il faut prendre la décision d'évacuer une personne. Beaucoup d'entre eux ignorent les facteurs qui ont une incidence sur la sécurité des vols, comme la réglementation aérienne, la météo, le vol aux instruments ou le vol de nuit. L'hélicoptère est perçu uniquement comme un moyen de transport pour l'évacuation des malades et des blessés. De leur côté, bien que possédant peu de connaissances médicales, aucun pilote ne peut rester insensible à l'état d'un malade ou d'un blessé exigeant une évacuation immédiate, ce qui est particulièrement difficile pour un pilote qui doit décider s'il doit entreprendre un vol MEDEVAC ou refuser de le faire.

En l'absence de directives spécifiques aux vols MEDEVAC, le pilote a dû prendre seul la décision d'effectuer une mission dont l'urgence a peut-être faussé son jugement. Étant donné l'urgence apparente d'effectuer l'évacuation vers Kuujjuaq et la difficulté d'établir avec Kuujjuaq une communication HF pour obtenir plus de renseignements, le pilote a probablement jugé approprié d'effectuer le vol de nuit même si cela était contraire à la réglementation en vigueur.

2.5 Conditions météorologiques

Le pilote de l'hélicoptère a entrepris l'aller sans avoir pris connaissance des informations disponibles sur les conditions météorologiques observées et prévues le long de la route. Le pilote a déclaré que l'aller s'était déroulé dans des conditions de brouillard et de bruine similaires à celles qui prévalaient au campement lors de son arrivée. Le retour a été effectué au-dessus d'une région inhabitée, par une nuit noire, sous un ciel couvert et dans des conditions à la limite de l'acceptable. Le fait que l'heure d'arrivée prévue à Kuujjuaq a été retardée de 10 minutes indique que le pilote a réduit la vitesse de l'hélicoptère. La réduction de la vitesse est sans doute attribuable aux conditions défavorables rencontrées. En poursuivant sa route vers l'ouest, le pilote de l'hélicoptère s'est vraisemblablement retrouvé dans des conditions de visibilité réduite dans des averses de pluies similaires à celles observées par le pilote de l'Aztec peu de temps après l'accident d'hélicoptère. Le pilote de l'hélicoptère a poursuivi le vol de nuit dans des conditions météorologiques défavorables qu'il n'a pas pu reconnaître à temps à cause de la faible clarté.

2.6 L'impact avec le sol

Le pilote risquait fortement de perdre le sol de vue à cause des conditions environnementales qui prévalaient. Comme il n'était pas qualifié pour le vol IFR et qu'il n'avait pas d'expérience en vol IFR, le pilote ne pouvait piloter uniquement à l'aide des instruments de vol de l'hélicoptère; de plus, sans référence visuelle extérieure adéquate, le pilote risquait de perdre le sens de l'orientation. Compte tenu du profil de vol et de l'assiette de l'hélicoptère au moment de l'impact, de la vitesse horizontale et verticale élevée et du fait qu'aucun bris technique n'a été décelé, on peut conclure que le pilote a perdu les références visuelles nécessaires pour piloter l'hélicoptère et qu'il n'a pas vu le sol avant l'impact.

3.0 Faits établis

  1. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol en VFR de jour, conformément à la réglementation en vigueur.
  2. Le pilote ne possédait pas la qualification pour le vol de nuit.
  3. Le pilote n'avait ni la formation, ni l'expérience, ni la qualification de vol aux instruments.
  4. L'aéronef était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  5. Les systèmes de bord ont été examinés dans la mesure du possible, et tout indique qu'ils fonctionnaient normalement.
  6. L'hélicoptère n'était pas homologué pour le vol IFR.
  7. Le pilotage de l'hélicoptère dans des conditions de vol aux instruments aurait été extrêmement difficile en l'absence d'un système d'augmentation de stabilité.
  8. Le pilote n'a pas demandé d'exposé météo, ni avant ni pendant le vol.
  9. Le vol MEDEVAC s'est déroulé par une nuit noire sous un ciel couvert dans des conditions à la limite de l'acceptable.
  10. Le pilote a poursuivi le vol dans des conditions météorologiques défavorables qu'il n'a pas pu reconnaître à temps vraisemblablement à cause de la faible clarté.
  11. Le profil de vol et l'assiette de l'hélicoptère au moment de l'impact ainsi que la vitesse horizontale et verticale élevée suggèrent que le pilote a perdu le sens de l'orientation.
  12. L'interférence atmosphérique rendait les communications radio HF pratiquement inaudibles.
  13. L'état de la blessée était vraisemblablement grave et exigeait une évacuation immédiate.
  14. L'état de la blessée a vraisemblablement eu une influence sur le pilote, et il a décidé d'entreprendre le retour de nuit vers Kuujjuaq.

3.1 Causes

Selon toute vraisemblance, le pilote a perdu le sens de l'orientation pendant qu'il poursuivait un vol MEDEVAC de nuit dans des conditions défavorables qu'il n'a pas pu reconnaître à temps à cause de la faible clarté. Les facteurs suivants ont contribué à l'accident : le pilote n'était pas qualifié pour le vol de nuit ni pour le vol aux instruments, et l'état de la blessée a vraisemblablement eu une influence sur le pilote qui, pour des raisons humanitaires, a décidé d'entreprendre le retour de nuit vers Kuujjuaq.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Préoccupations liées à la sécurité

4.1.1 Défauts du système

Une proportion anormale des décès survenus chaque année lors d'accidents d'aéronefs ont eu lieu lors de vols VFR en conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Les mêmes causes et les mêmes facteurs reviennent souvent, comme dans le cas de Kuujjuaq. Selon le Bureau, ces accidents mettent en cause des pilotes qui ne possèdent pas les qualifications ou la compétence nécessaires pour faire face aux conditions qu'ils rencontrent; de plus, les minimums météorologiques applicables au vol VFR, l'entraînement des pilotes et les privilèges conférés par les licences présentent des lacunes. Dans certains cas, les méthodes actuelles utilisées en aviation, les limites de l'équipement de bord des aéronefs et celles des installations des services météorologiques aggravent les circonstances pouvant mener à un accident.

L'enquête sur cet accident - un accident qui aurait pu être évité - met encore en évidence plusieurs manquements à la sécurité qui ont déjà été relevés par le Bureau de la sécurité des transports (BST) et par son prédécesseur, le Bureau canadien de la sécurité aérienne (BCSA). Ces manquements sont en fait des défauts du système en matière de prise de décisions des pilotes, de contrôle des opérations des compagnies, d'engagement et de surveillance par les provinces d'entreprises fournissant les services MEDEVAC et d'efficacité globale des mesures de réglementation.

4.1.2 Étude de sécurité du BST portant sur les accidents lors de vols VFR en conditions IMC

En 1990, le BST a publié un rapport d'étude de sécurité portant sur 352 accidents d'aéronefs immatriculés au Canada survenus entre 1976 et 1985, accidents où la météo avait joué un rôle (rapport du BST no 90-SP002).

L'étude faisait ressortir que 12,7 % de l'ensemble des accidents survenus au Canada pendant la période en question étaient mortels, mais pas moins de 50,2 % des accidents mettant en cause des vols VFR en IMC étaient mortels aussi. Presque un cinquième de ces accidents mettaient en cause des pilotes totalisant plus de 3 000 heures de vol. Les vols d'affrètement comptaient pour moins de 19 % de tous les accidents mais représentaient pourtant presque 27 % des accidents lors de vols VFR en conditions IMC. L'accident survenu à Kuujjuaq (A94Q0182) est un autre accident mortel survenu pendant un vol d'affrètement lorsque le pilote, qui totalisait 8 000 heures, avait continué un vol VFR dans des conditions IMC.

Le rapport contenait 26 recommandations visant à réduire la fréquence et la gravité de ces accidents. Le BST juge que les mesures prises par Transports Canada dans le cas de 12 de ces recommandations sont insatisfaisantes, et que dans le cas de deux autres recommandations, elles ne sont satisfaisantes qu'en partie. Certaines de ces recommandations n'ont pas de rapport avec les anomalies notées dans la présente enquête; néanmoins, l'absence de progrès dans la correction de manquements latents est un indice de l'inertie de l'organisme de réglementation.

L'annexe A du présent rapport d'enquête examine quelques-unes des recommandations du rapport no 90-SP002 qui ont un rapport avec l'accident de Kuujjuaq.

4.1.3 Impact sans perte de contrôle (CFIT)

Même s'il y a eu perte de contrôle lors de l'accident de Kuujjuaq, les conditions de vol étaient propices à un accident CFIT (c'est-à-dire un impact sans perte de contrôle, de l'anglais controlled flight into terrain.. Le Bureau s'inquiète de la fréquence et de la gravité des accidents CFIT mettant en cause de petits exploitants commerciaux.

Au cours de la période comprise entre le 1er janvier 1984 et le 31 décembre 1994, 70 aéronefs exploités commercialement qui n'effectuaient pas des vols spéciaux à basse altitude ont subi des accidents CFIT. Un accident CFIT est un accident au cours duquel un aéronef percute par inadvertance le relief, l'eau ou un obstacle, sans que l'équipage ne se soit douté de la tragédie sur le point de se produire. Trente-cinq des 70 accidents CFIT ont fait 106 tués et 23 blessés graves. Les deux tiers des aéronefs accidentés n'étaient pilotés que par un seul pilote dans les régions à population clairsemée du Canada.

Souvent, le pilote avait tenté de voir le sol pour voler à vue, même si le vol s'était déroulé dans les nuages, de nuit, dans le voile blanc ou en toutes autres conditions qui ne permettaient pas le vol à vue. Plus de la moitié de ces accidents CFIT sont survenus en régime VFR; toutefois, les conditions météorologiques étaient presque toujours inférieures aux exigences réglementaires. Plus du tiers des accidents CFIT sont survenus la nuit, alors que seulement un dixième environ des accidents mettant en cause des aéronefs commerciaux au Canada se produisent la nuit.

En conséquence, le BST effectue actuellement une étude de sécurité sur les accidents CFIT. Cette étude réactivera sans doute les questions pendantes du rapport d'étude sur le vol VFR en IMC.

4.1.4 Accidents mettant en cause des vols MEDEVAC

L'accident de Kuujjuaq n'est pas, en soi, un accident CFIT, mais il s'est produit dans des circonstances très semblables à celles de nombreux accidents CFIT mettant en cause des vols MEDEVAC. Une proportion anormale d'accidents CFIT à l'étude mettent en cause des vols MEDEVAC, la plupart par nuit noire. Les accidents CFIT mettant en cause des vols MEDEVAC se sont souvent produits alors que l'équipage de conduite tentait d'effectuer le vol avec un sentiment d'urgence. Ce sentiment, qui incitait l'équipage à ne pas tenir compte des mesures de protection habituelles afin d'accélérer le vol, peut avoir été plus perçu que réel. La plupart des accidents CFIT et des accidents dus au fait que le pilote a poursuivi le vol MEDEVAC à vue dans des conditions IMC se produisent dans le cadre d'un système de régulation des vols géré par le pilote, sans l'appui en termes de planification et de contrôle que procure un répartiteur efficace.

Entre 1976 et 1994, il s'est produit 38 accidents mettant en cause des aéronefs qui assuraient un service d'ambulance aérienne ou qui effectuaient un vol MEDEVAC. Quinze des accidents sont survenus dans le Nord du Canada. Huit mettaient en cause des hélicoptères. Vingt et un des vols MEDEVAC s'étant conclus par un accident étaient effectués en régime VFR, et 18 sont survenus dans des conditions de nuit noire. Cela veut dire que, nonobstant les conditions de visibilité en vol signalées, l'absence de lumière ambiante provenant des agglomérations environnantes ou de la lune a causé des problèmes aux pilotes qui volaient en se fiant aux repères extérieurs. Douze des 38 accidents mettant en cause des vols MEDEVAC sont des accidents CFIT; 10 de ces 12 accidents ont eu lieu la nuit.

Depuis 1987, le BST a reçu 17 rapports confidentiels concernant des vols MEDEVAC dans le cadre de son Programme de comptes rendus confidentiels sur la sécurité aérienne. Certains de ces rapports indiquaient clairement le sentiment d'urgence perçu par les pilotes effectuant des vols MEDEVAC. Les équipages entreprennent fréquemment un vol mus par l'objectif humanitaire de sauver des vies, même s'ils savent que les conditions ne se prêtent pas au vol envisagé. Des témoignages recueillis dans les rapports confidentiels indiquent que l'absence de contrôle des opérations des entreprises fournissant les services MEDEVAC avait des répercussions. En effet, il est arrivé aux pilotes de courir des risques en raison d'un sens de mission pour répondre à l'urgence médicale. Comme l'indique l'étude du National Transportation Safety Board (NTSB) citée au début du présent rapport, une forte structure de gestion est nécessaire pour aider les pilotes à prendre des décisions dans le contexte d'opérations MEDEVAC.

4.1.5 Emplacement de la radiobalise de détresse (ELT)

Au fil des ans, le BST et le BCSA ont souvent cerné des problèmes relatifs aux radiobalises de détresse, notamment leur état de fonctionnement et leur résistance à l'écrasement. À la lumière des dossiers d'accidents, le Bureau s'inquiète du fait que les normes relatives à l'emplacement des radiobalises de détresse et de leurs antennes sur les hélicoptères n'offrent peut-être pas un niveau suffisant de résistance à l'écrasement qui permettrait de faciliter les opérations de sauvetage ainsi que l'enquête. Dans le cas de l'accident de Kuujjuaq, tous les occupants sont morts sur le coup; toutefois, il est peu probable qu'un survivant aurait pu rester en vie pendant cinq jours jusqu'à ce que le Service de recherches et sauvetage trouve l'épave, même si elle ne se trouvait qu'à 38 milles de Kuujjuaq.

4.1.6 État de santé du pilote

L'état de santé du pilote en cause, qui l'obligeait à avoir de l'adrénaline à sa disposition, n'est pas mentionné dans son dossier médical de l'aviation civile, bien que la réglementation exige que tout patient déclare qu'il est un pilote à son médecin traitant, et que tout pilote fasse part de ses problèmes de santé lors des examens médicaux réguliers requis par Transports Canada. Ses problèmes de santé étaient suffisamment graves pour qu'il ait de l'adrénaline à sa disposition, un médicament qui présente de puissants effets physiologiques et des effets secondaires potentiellement dangereux. Bien qu'on n'ait décelé aucun signe d'incapacité qui aurait pu perturber les capacités du pilote, les systèmes de sécurité réglementaires et ceux de la compagnie n'ont pas décelé les graves problèmes de santé du pilote, problèmes qui auraient pu compromettre la sécurité des passagers transportés.

En 1985, le BCSA a fait une enquête sur un accident mortel (BCSA 85-H0005) mettant en cause un pilote qui souffrait d'asthme chronique, qui se soignait lui-même et qui n'avait pas déclaré son état à un médecin examinateur de l'aviation civile, contrairement aux exigences de la réglementation. Ce pilote avait déjà eu un accident à la suite duquel Transports Canada n'avait pas fait un suivi adéquat du dossier pour évaluer si le pilote avait les compétences et les aptitudes physique et mentale pour être titulaire d'une licence. Le BCSA avait par la suite recommandé que :

Le ministère des Transports élargisse son programme de diffusion de l'information traitant des dangers que présente l'usage inapproprié des médicaments en vol.
Recommandation A87-12 du BST

Dans sa réponse, Transports Canada avait reconnu qu'il existe un risque grave d'abus quand il s'agit d'automédication. Il avait alors mis sur pied plusieurs programmes d'information. Cette information est diffusée au moyen d'ateliers et de bulletins. Toutefois, le problème du faible niveau de vigilance du corps médical (notamment chez les médecins autorisés par Transports Canada à effectuer les examens médicaux relatifs à la délivrance des licences) reste encore entier.

4.1.7 Utilisation du système de positionnement mondial (GPS)

La mise en service et l'utilisation du GPS ont radicalement modifié la navigation dans les endroits isolés du Canada. Le GPS est largement utilisé, ce qui n'a rien d'étonnant; toutefois, les normes relatives à la certification du GPS et la formation relative à la bonne utilisation de cet équipement sont en retard sur la technologie. Le Bureau a effectué de nombreuses enquêtes qui ont révélé que le GPS avait couramment été utilisé comme aide à la navigation sans que cette utilisation ne soit autorisée. Dans le cas de l'accident de Kuujjuaq,

le pilote ne disposait même pas d'une carte aéronautique. À la suite d'un accident mortel survenu à Sandy Lake (Ontario), le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports lance un programme national de sensibilisation sur les limites opérationnelles et l'utilisation en toute sécurité du GPS dans le cas des vols en régions éloignées.
Recommandation A95-08 du BST

Transports Canada essaie de satisfaire aux besoins de cette recommandation au moyen de son matériel de promotion. Toutefois, le Bureau s'inquiète des nombreux pilotes qui appliquent des méthodes de vol dangereuses et poursuivent des vols par mauvais temps à l'aide du GPS auquel ils accordent une confiance excessive, sans se poser de questions sur leur capacité, en l'absence de références visuelles extérieures, de naviguer, maîtriser l'aéronef et éviter les obstacles.

4.1.8 Efficacité de la réglementation

Cet accident révèle de nombreuses lacunes du système de sécurité dans des domaines aussi diversifiés que les questions de navigabilité, les questions médicales, la délivrance des licences de pilote, les minimums météorologiques, l'utilisation du GPS, le contrôle des vols, la gestion des risques et les vérifications réglementaires. Le Bureau note que, ces dernières années, Transports Canada s'est consacré longuement à des changements organisationnels majeurs, notamment une réduction importante de ses effectifs ainsi que la privatisation et la commercialisation de certains services. Il est entendu que Transports Canada, maintenant revitalisé, va porter ses efforts sur l'amélioration de la réglementation et de la sécurité. Le Bureau ne fait aucune recommandation relative à l'accident de Kuujjuaq, convaincu que les efforts de Transports Canada lui permettront de régler les problèmes systémiques mis en évidence par cet accident.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président John W. Stants et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

Annexes

Annexe A -Examen des recommandations présentées dans le rapport d'étude de sécurité du BST sur les accidents lors de vols

VFR en conditions IMC

Minimums météorologiques pour les vols VFR

Soixante-quatorze des accidents examinés dans le rapport no 90-SP002 du BST mettaient en cause des pilotes ayant perdu la maîtrise de leurs aéronefs en visibilité réduite; 80 % de ces accidents se sont produits dans l'espace aérien non contrôlé où la visibilité minimale exigée était de un mille pour les avions et d'un demi-mille pour les hélicoptères. Puisque ces normes de visibilité laissent très peu de place à l'erreur et qu'elles autorisent les pilotes à voler dans des conditions météorologiques où les références visuelles extérieures ne permettent pas de garder en tout temps la maîtrise de l'aéronef, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports fixe des visibilités minimales applicables au vol VFR qui permettent aux pilotes de garder la maîtrise de leur appareil à l'aide de références extérieures.
Recommandation A90-65 du BST

Bien que Transports Canada ait proposé de modifier le Règlement de l'aviation canadien.(RAC) pour exiger que la visibilité en vol soit de deux milles marins dans l'espace aérien non contrôlé pour les aéronefs évoluant à moins de 1 000 pieds verticalement du sol ou de l'eau, les normes que Transports Canada a proposées permettraient des limites inférieures à celles du RAC. Il convient de signaler que les minimums météorologiques de la réglementation américaine permettent de réduire les risques pour les passagers payants à bord d'aéronefs exploités commercialement, en étant plus restrictifs pour les vols VFR commerciaux que pour les vols privés ou récréatifs. Le pilote en cause dans l'accident de Kuujjuaq n'avait pas obtenu d'exposé météorologique; toutefois, des minimums VFR plus restrictifs pour les exploitants commerciaux auraient peut-être eu une influence sur l'ensemble des décisions qu'il a prises.

Vol à vue de nuit

Environ 10 % des accidents au Canada se produisent la nuit, ce qui correspond aux estimations du volume des vols de nuit. Toutefois, les accidents dus à la poursuite du vol VFR dans des conditions IMC de nuit comptent pour environ 30 % des accidents considérés dans l'étude. Il est plus difficile de voler par visibilité réduite la nuit, car l'obsécuritéé ne permet pas au pilote de se rendre compte assez tôt d'une dégradation de la météo pour éviter ces conditions. La proportion élevée d'accidents mortels qui se produisent la nuit par mauvais temps est notamment due à des vols qui ont été commencés dans des conditions météorologiques permises mais qui se sont dégradées par la suite. Le premier indice pour le pilote qui vole de nuit peut être l'entrée par inadvertance dans des conditions IMC, comme ce fut probablement le cas pour l'accident de Kuujjuaq. Dans le rapport d'étude de sécurité, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports augmente les minimums météorologiques applicables au vol VFR de nuit de façon à diminuer les risques que les pilotes se retrouvent, en cours de route, dans de mauvaises conditions météorologiques.
Recommandation A90-71 du BST

Des mesures satisfaisantes ont été prises en réponse à cette recommandation. En effet, la visibilité en vol minimale pour les vols VFR de nuit sera augmentée à trois milles marins dans le RAC. Cet accident soulève toutefois la question de savoir jusqu'à quel point la nouvelle norme sera respectée par le milieu de l'aviation.

Exposé météorologique de nuit

Lorsque la clarté ambiante ne permet pas au pilote de déceler la présence de conditions météorologiques dangereuses avant de les rencontrer, il est indispensable que le pilote obtienne un exposé météo avant d'entreprendre le vol. Dix-sept des accidents étudiés survenus dans des conditions autres que des conditions de jour mettent en cause des pilotes qui n'avaient pas utilisé les services de renseignements météorologiques. Aucun règlement n'oblige les pilotes à obtenir un exposé météorologique avant d'entreprendre un vol VFR; pourtant, les risques de pénétrer par inadvertance dans des conditions IMC la nuit pourraient être moins grands si les pilotes disposaient des renseignements leur permettant de décider s'ils doivent entreprendre le vol ou s'ils doivent le retarder. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports exige que les pilotes effectuant des vols commerciaux de transport de passagers obtiennent un exposé météorologique avant d'entreprendre un vol VFR de nuit à partir d'un endroit où il est possible d'obtenir un exposé météorologique.

(BST A90-73, émise en décembre 1990)

Le Bureau comprend qu'il existe maintenant des dispositions dans le RAC qui stipulent que les pilotes doivent obtenir un exposé météorologique pour tous les vols à partir d'un endroit où il y a des services de renseignements météorologiques. Toutefois, le pilote en cause dans l'accident de Kuujjuaq a choisi de ne pas obtenir d'exposé météorologique de la FSS de Kuujjuaq avant le départ.

Privilèges de la licence

Quatre-vingt pour cent des accidents dus à la poursuite du vol VFR dans des conditions IMC et 89 % des décès sont survenus pendant la phase en route. Près du quart des accidents qui se sont produits dans des conditions autres que des conditions de jour sont survenus après que les pilotes ont perdu la maîtrise de l'aéronef, comme dans l'accident de Kuujjuaq. Étant donné la proportion élevée d'accidents lors de vols VFR en conditions IMC la nuit, la plupart s'étant produits en route et plusieurs parce que le pilote s'est retrouvé par inadvertance dans des conditions IMC, seuls les pilotes dûment qualifiés et dont l'aéronef est homologué pour le vol IFR, devraient avoir la permission d'effectuer des vols voyages en VFR de nuit. Le Bureau avait recommandé que :

Le ministère des Transports ajoute une annotation à la licence qui limiterait le voyage VFR de nuit aux seuls aéronefs équipés de façon à pouvoir être pilotés à l'aide des seuls instruments de vol.
Recommandation A90-78 du BST

Par une lettre envoyée ultérieurement à Transports Canada, le BST a précisé qu'il fallait à la fois un pilote compétent et un équipement de bord adéquat pour pouvoir poursuivre le vol en cas de pénétration inopinée en conditions IMC. Le Bureau comprend qu'aucune mesure n'a été prise concernant cette recommandation. Le Bureau se pose des questions sur la sécurité des vols commerciaux effectués toute l'année par des pilotes qualifiés pour le vol VFR de jour dans le Nord du Canada où les heures d'obsécuritéé sont si longues. La licence du pilote en cause dans l'accident de Kuujjuaq n'était pas annotée pour le vol de nuit, mais il avait volé pendant plusieurs années dans la zone côtière sub-arctique du Nord du Québec.

Licence de pilote professionnel d'hélicoptère

Trente-trois des accidents lors de vols VFR en conditions IMC mettent en cause des hélicoptères. Un seul des pilotes d'hélicoptère possédait la qualification de vol aux instruments. Depuis juillet 1987, tout candidat à la licence de pilote professionnel d'hélicoptère doit totaliser 20 heures de vol aux instruments (conditions réelles et simulées). Auparavant, aucune formation pratique en matière de vol aux instruments n'était exigée; le pilote en question n'avait pas reçu l'entraînement nécessaire pour le vol aux instruments. Rien n'exige que le titulaire de la licence de pilote professionnel d'hélicoptère, pour renouveler sa licence, suive une formation d'appoint en vol aux instruments de base. Dans l'esprit d'améliorer les compétences des pilotes de façon à contrer la cause majeure des accidents mettant en cause des hélicoptères qui volent en VFR par mauvais temps, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports exige que les pilotes professionnels d'hélicoptère subissent, au cours de leur vérification annuelle de compétence pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manoeuvres de base du vol aux instruments.
Recommandation A90-81 du BST

Transports Canada a jugé que cette recommandation était irréalisable sur les plans financier et matériel. Le Bureau croit savoir que le RAC permettra dorénavant à des compagnies de voler dans une visibilité d'un demi-mille dans l'espace aérien non contrôlé si certaines conditions sont respectées; toutefois, les pilotes ne seront toujours pas obligés de posséder les qualifications de base pour le vol aux instruments. Par conséquent, les pilotes professionnels qui ont peu de connaissances du vol aux instruments ou qui n'en n'ont pas du tout, comme c'était le cas pour le pilote en cause dans l'accident de Kuujjuaq, pourront continuer de voler dans des régions où les conditions météorologiques et les conditions de clarté sont les plus susceptibles d'occasionner une entrée par inadvertance dans des conditions IMC.

Gestion des risques dans les vols commerciaux

Environ 35 % des accidents examinés mettent en cause des aéronefs effectuant des vols commerciaux. Dans la plupart des cas, de mauvaises décisions opérationnelles ont été prises. L'étude a permis de constater que si l'on ne fait pas une évaluation majeure des opérations aériennes à risque élevé se déroulant dans un environnement physique impitoyable, les facteurs ayant un effet négatif sur la prise de décisions continueront d'être négligés; en conséquence, la gestion des risques dans ce milieu difficile sera loin d'être optimale. Le Bureau n'a fait aucune recommandation à ce sujet, mais il craignait que si l'on n'examinait pas les méthodes d'exploitation de nombreux petits vols commerciaux, le taux élevé d'accidents mortels lors de vols VFR en conditions IMC mettant en cause des aéronefs commerciaux ne diminuerait pas. L'accident de Kuujjuaq confirme les inquiétudes du Bureau et le fait que des vols MEDEVAC sont effectués d'une façon improvisée sans que les exploitants ne soient soumis à aucune norme pour évoluer dans cet environnement physique hostile de l'Arctique.

Normes réglementaires pour les vols commerciaux

À la lumière des statistiques d'accidents de petits exploitants d'aéronefs, et parce qu'il juge que les exploitants de ce type ne s'imposent généralement pas une marge volontaire de sécurité, le Bureau croit que les règlements régissant ces vols devraient être modifiés afin de protéger les passagers payants. L'examen d'accidents lors de vols VFR en conditions IMC mettant en cause des aéronefs commerciaux a révélé que plusieurs usagers importants de services aériens d'affrètement au Canada stipulaient des critères de sécurité supplémentaires dans leurs contrats de services d'affrètement. Les clients importants de services d'affrètement canadiens demandaient une norme de sécurité plus élevée que celle des règlements en vigueur à ce moment-là, mais que le milieu de l'aviation pouvait respecter. Le Bureau a proposé que les représentants de Transports Canada évaluent les pratiques des clients importants des compagnies d'affrètement afin d'établir des moyens plus efficaces qui permettraient de réduire le nombre d'incidents et la gravité des accidents lors de vols VFR en conditions IMC. Le Bureau note avec inquiétude que certaines provinces semblent avoir une approche improvisée du contrôle opérationnel des vols MEDEVAC. On choisit habituellement le premier vol d'affrètement disponible pour effectuer l'évacuation médicale, souvent à la discrétion du médecin traitant. Aucune mesure spécifique n'est établie pour sélectionner les compagnies, pour définir les exigences relatives à l'équipement minimal et à la formation des pilotes, pour régir le contrôle opérationnel des vols MEDEVAC, etc.

Vérifications et certifications réglementaires de Transports Canada

Dans le cas des accidents visés par l'étude, le fait que les habiletés des pilotes en cause étaient insuffisantes a rarement été établi, ce qui laisse penser que la méthode actuelle d'évaluation des habiletés des pilotes ne s'attaque pas aux causes profondes de la plupart des accidents survenus à des aéronefs commerciaux et mettant en cause des vols VFR en IMC. L'étude a révélé que des moyens d'évaluer l'habileté des pilotes à prendre des décisions sont nécessaires, sinon des lacunes d'ordre professionnel ne seront pas décelées avant qu'un accident se produise. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports conçoive et mette en oeuvre des méthodes destinées à évaluer régulièrement les connaissances pratiques du processus décisionnel des pilotes professionnels employés par de petits exploitants aériens.
Recommandation A90-86 du BST

Transports Canada a répondu que le système actuel permet d'évaluer correctement l'habileté des pilotes à prendre des décisions. Malgré cela, à la suite d'un accident survenu en 1993, le Bureau a de nouveau recommandé que :

Le ministère des Transports établisse des procédures à l'intention des membres d'équipage oeuvrant dans l'aviation commerciale, pour évaluer régulièrement leur habileté à prendre des décisions et leurs compétences en matière de gestion des ressources du poste de pilotage.
Recommandation A95-12 du BST

Transports Canada a répondu que la formation CRM (gestion des ressources du poste de pilotage) et la formation PDM (prise de décisions des pilotes) ne seront exigées que pour les exploitants qui doivent respecter les règlements relatifs aux activités des lignes aériennes, c'est-à-dire uniquement les gros transporteurs aériens assujettis au RAC no 705. De nouveau, le Bureau estime que la réponse de Transports Canada ne tient pas suffisamment compte de la nécessité pour les pilotes d'améliorer leur habileté à prendre des décisions, sur une base périodique, dans le milieu où ils doivent exercer les privilèges que leur confère leur licence. Le pilote en cause avait obtenu la formation PDM de lui-même. Toutefois, rien n'indique que son habileté à prendre des décisions dans le cas d'un vol MEDEVAC avait fait l'objet d'un perfectionnement et d'une évaluation. Cela n'a rien d'étonnant, compte tenu de l'environnement où se déroulent ces opérations aériennes.

Annexe B - Liste des rapports pertinents

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe C - Sigles et abréviations

BCSA
Bureau canadien de la sécurité aérienne
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CFIT
impact sans perte de contrôle, de l'anglais controlled flight into terrain.br> CVR - enregistreur phonique
FDR
enregistreur de données de vol
GPS
système de positionnement mondial
h
heure(s)
HAE
heure avancée de l'Est
IFR
règles de vol aux instruments
IMC
conditions météorologiques de vol aux instruments
lb
livre(s)
MEDEVAC
évacuation médicale
NDB
radiophare non directionnel
NTSB
National Transportation Safety Board
PDM
prise de décisions du pilote
PPC
vérification compétence pilote
RAC
Règlement de l'aviation canadien.br> VFR - règles de vol à vue
VOR
radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence
°
degré(s)
minute(s)